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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Philippe Combessie, “La prison dans son environnement: symptômes de l’ambivalence des relations entre les démocraties et l’enfermement carcéral”. Un article publié dans la revue Les Cahiers de la sécurité. No 12, avril-juin 2010, pp. 21-31. Numéro intitulé: “La prison dans son environnement: symptômes de l’ambivalence des relations entre les démocraties et l’enfermement carcéral”. [Autorisation accordée par l'auteur le 7 septembre 2006.]


Philippe Combessie

La prison dans son environnement:
symptômes de l’ambivalence
des relations entre les démocraties
et l’enfermement carcéral
”.

Un article publié dans la revue Les Cahiers de la sécurité. No 12, avril-juin 2010, pp. 21-31. Numéro intitulé : “La prison dans son environnement: symptômes de l’ambivalence des relations entre les démocraties et l’enfermement carcéral”.

1. De l’intérêt d’analyser les marges
2. Des grands débats théoriques à leurs concrétisations

2.1. Un projet à double filiation : humanisme et christianisme
2.2. En pleine ville ou dans les champs ? Ateliers collectifs ou isolement total ?
2.3. Des usages divers… et des contraintes budgétaires
2.4. Évolution du positionnement de la prison dans l’arsenal pénal
3. Constructions et changements d’affectation de bâtiments pénitentiaires

3.1. De rares manifestations ostentatoires vite abandonnées
3.2. Des établissements sans nom
3.3. Des bâtiments qu’on réaffecte, des quartiers qu’on réhabilite
4. Analyses de l’aspect extérieur des bâtiments pénitentiaires
5. Les nouvelles procédures d’édification
6. « Il faut défendre la société »
7. Le nœud gordien de la justice pénale

7.1. Une stigmatisation indélébile
7.2. Les limites de l’invisibilité
7.3. La visibilité garante de la démocratie
Bibliographie


Où doit-on implanter les prisons : en centre-ville ou en pleine campagne ? Quelle architecture : ostentatoire ou strictement fonctionnelle ? Quelle taille pour une prison idéale ? Que révèle l’expression « mal nécessaire » ? La question de la visibilité des sanctions est au cœur de cette analyse qui met au jour les paradoxes de l’enfermement carcéral, dont la stigmatisation affecte certains citoyens de façon telle qu’elle limite considérablement leur réintégration sociale à leur sortie.


1. De l’intérêt d’analyser les marges

Les tensions sociales sont tellement fortes à l’intérieur des enceintes pénitentiaires qu’il peut paraître anecdotique ou dérisoire de s’intéresser aux relations entre les prisons et leur environnement. Les travaux qui analysent le quotidien de l’interface entre les bâtiments d’enfermement carcéral et l’écosystème social environnant révèlent pourtant à quel point ces relations sont symptomatiques de l’ambivalence qu’entretiennent les démocraties avec leurs prisons, souvent qualifiées de « mal nécessaire », expression si courante qu’on ne la perçoit plus comme un oxymore. Qu’elles soient centrifuges ou centripètes, ces relations portent les signes d’une institution en crise depuis sa création [Faugeron, Le Boulaire, 1992]. L’analyse des dynamiques centrifuges révèle l’existence d’un « périmètre sensible » dont les manifestations redoublent la clôture matérielle de façon d’autant plus efficace qu’elles demeurent souvent méconnues [Combessie, 1998 & 2002] ; les autres montrent la porosité des murs pour ce qui est des soutiens que peuvent recevoir de l’extérieur certains groupes sociaux impliqués dans des rapports de force en milieu carcéral, qui varient selon les caractéristiques socio-démographiques de l’environnement ([Combessie, 1996] et [Renouard, 1999]).

En complément de ces travaux, cet article, dans une perspective socio-historique articulée sur une étude de photographies d’enceintes pénitentiaires en France, propose une analyse de l’évolution des choix de lieux d’implantation ainsi que des pratiques et procédures d’édification.


2. Des grands débats théoriques
à leurs concrétisations


2.1 Un projet à double filiation :
humanisme et christianisme


Au XVIIIe siècle, les projets d’enfermement pénitentiaire furent le fruit d’une double filiation. Baignés par l’esprit des Lumières — héritier de l’école de pensée « humaniste » qui confère à l’Homme une place centrale dans la société — ils étaient également imprégnés d’une perspective chrétienne de rédemption par le rachat des péchés.

Ces deux dynamiques, l’une naissante, l’autre ancienne, ont contribué, il y a deux siècles et demi, à l’invention d’un traitement qui permettent aux personnes considérées comme délinquantes ou criminelles de trouver, à leur sortie, une place digne dans la société. Il s’agissait, nous dit Françoise Digneffe, d’un « moment privilégié où existait un véritable souci pour le condamné » [Debuyst et al., 2008, tome I, p. 184].

2.2 En pleine ville ou dans les champs ?
Ateliers collectifs ou isolement total ?

Pour favoriser cette réintégration du condamné dans la société, certains humanistes imaginèrent alors des prisons en pleine ville, au cœur de la cité ; ainsi le panoptique, forme d’utopie carcérale, développé par Jeremy Bentham [1787], devait-il être régulièrement visité par des citoyens de passage qui formeraient, disait-il « un grand comité public du tribunal mondial » [1]. Si le panoptique de Bentham peut être considéré comme une utopie, les prisons constituent des « hétérotopies » nous dit Foucault (1967), des « sortes d'utopies effectivement réalisées ». Les bâtiments pénitentiaires constituent, précise-t-il, des hétérotopies « de déviation » où l’on enferme « les individus dont le comportement est déviant par rapport à la moyenne ou à la norme exigée ».

À l’inverse, dans une perspective d’expiation, voire de punition, souvent développée par les mouvements fondamentalistes chrétiens, on a aussi envisagé des lieux de réclusion isolés, en pleine campagne, à distance des fureurs de la ville, un peu comme l’étaient certains monastères, établissements religieux dont la division architecturale en cellules a servi de modèle à nombre de bâtiments pénitentiaires [2]. C’est ainsi que les autorités Quakers de Pennsylvanie développèrent un régime d’enfermement qu’on a appelé philadelphien, basé sur l'isolement total et continu des reclus, modèle qui s’opposait à celui des établissements de New-York (notamment la prison dite d’Auburn [3], puis celle de Sing-Sing) où les détenus, isolés pendant la nuit, étaient le jour regroupés dans de grands ateliers [Beaumont & Tocqueville, 1845].

Entre ces deux modèles, l’isolement absolu d’un côté, le travail collectif en ateliers de l’autre, une controverse internationale se développa autour des moyens les mieux adaptés pour permettre la réhabilitation des condamnés. De part et d'autre, les arguments étaient armés par des considérations à la fois philosophiques et théologiques, mais un point les réunissait : toutes les prisons doivent permettre aux détenus de préparer une bonne intégration sociale à leur sortie.

2.3 Des usages divers…
et des contraintes budgétaires

Dès son entrée en service, la prison se vit attribuer des objectifs variés, souvent liés aux intérêts politiques du moment. L’hétérogénéité des missions qui lui furent confiées tient à la grande souplesse de sa mise en œuvre — on transforme en quelques semaines n’importe quel bâtiment en prison — et surtout à la méconnaissance de ses effets : elle est régulièrement dénoncée comme une « école du crime », mais les études rigoureuses sont rares, la diffusion des résultats est limitée, comme si le corps social estimait qu’une politique pénale était d’autant plus efficace que ses effets demeuraient méconnus.

En France, à l’époque napoléonienne, les prisons — souvent des bâtiments ecclésiastiques ou aristocratiques réquisitionnés lors de la Révolution — servirent d’appui aux autorités militaires : on y enferma les insoumis de la « Grande Armée », il s’agissait de maintenir la troupe sous pression.

Quels que soient les motifs d’incarcération, l’éventualité d’un encellulement individuel se heurta longtemps à des considérations budgétaires. Dans une circulaire du 17 août 1853, Victor de Persigny, ministre de l’Intérieur, recommandait aux départements de cesser la construction des prisons cellulaires. Il fallait faire à moindre coût.


2.4 Évolution du positionnement de la prison dans l’arsenal pénal

2.4.1 XIXe siècle :
traces tenaces des cachots d’ancien régime

Malgré les efforts de ceux qu’on appelait alors des philanthropes et de quelques spécialistes engagés dans des projets de réforme comme Charles Lucas [4], les trois premiers quarts du XIXe siècle peuvent être considérés comme une période sombre de l’histoire pénitentiaire française pour ce qui concerne les conditions de vie et de travail, tant des détenus que du personnel pénitentiaire. L’historien Jacques-Guy Petit [1991] parle de peines obscures.

2.4.2 La IIIe République réformiste

Dès son avènement, la IIIe République est marquée par un vaste chantier de rationalisation de l’administration et de l’exécution des mesures et sanctions pénales. Le sénateur René Béranger est porteur de plusieurs projets de loi, dont celui qui organise, le 27 mai 1885, d’un côté la « relégation des récidivistes » [5], de l’autre la « libération conditionnelle » [6]. Il est aussi le promoteur de la loi du 26 mars 1891 qui institue la possibilité de prononcer une sanction « avec sursis ».

L’enfermement carcéral se trouva alors au milieu d’un continuum de sanctions, comme encadré par des modalités de traitements plus douces et moins visibles d’un côté, et par d’autres châtiments plus sévères et plus manifestes de l’autre. Rappelons qu’à l’époque, c’est en place publique et après des roulements de tambour que les têtes guillotinées roulaient dans la sciure — en France, jusqu’au 17 juin 1939 avec l’exécution du condamné Eugène Weidmann qui avait fait l’objet d’un traitement médiatique important (de nombreux articles, photos et même un film), ces supplices étaient publics.

De 1870 à 1940, le nombre de détenus diminue [7] et des dizaines de prisons disparaissent. Les deux plus célèbres sont la maison centrale de Thouars, établie en 1872 dans le château des ducs de la Trémoille, qui avait accueilli des détenus provenant des zones de combat en 1915 et qui cessa d’être une prison dès 1925, ainsi que la maison centrale pour femmes de Montpellier, désaffectée en 1934 (les 129 détenues qui y restaient furent transférées à Rennes). La fermeture de petits établissements s’accompagna de la construction de bâtiments de plus grande dimension, comme la prison des Baumettes, à Marseille, qui  accueillit ses premiers détenus en 1938. On comptait encore 368 maisons d’arrêt [8] en 1914, et plus que 176 en 1939 [9].

2.4.3 L’occupation nazie et l’épuration

Pendant l’occupation nazie, certains établissements ont servi à enfermer ceux que les pouvoirs de l’époque dénommaient des « terroristes ». Leur présence a contribué à ennoblir les bâtiments qui les avaient hébergés, au sein desquels certains avaient alors organisé des réseaux, des sabotages ou autres actions de résistance. À la Libération, différents groupes locaux se sont institués en comités d’épuration, et les établissements pénitentiaires, en particulier les maisons d’arrêt qui restaient sous responsabilité des départements, ont alors enfermé des personnes condamnées pour collaboration avec l’occupant. Une ordonnance du 30 décembre 1944 organise le transfert à l’Etat de la propriété des bâtiments pénitentiaires, mais il faudra attendre le début de l’année 1947 pour que tout soit effectif.

2.4.4 La fin des déportations et la guerre d’Algérie

La Seconde Guerre mondiale a correspondu aussi à la disparition de la déportation à Cayenne — décidée en 1938, définitive en 1953. Dans ce nouvel arsenal de sanctions, la prison devint donc relativement plus sévère.

Ce phénomène passa alors pratiquement inaperçu, il fut masqué par deux éléments conjoncturels : la mise en place d’une vaste réforme pénitentiaire et l’apparition de nouveaux troubles politiques. La réforme pénitentiaire fut notamment développée par d’anciens résistants qui avaient connu les geôles nazies, promus ministres ou hauts fonctionnaires du nouveau régime. C’était le cas de Paul Amor, principal artisan de cette réforme qui porte son nom, et qui officialisait et généralisait la mise en place d’un régime dit « progressif », dénommé également « régime irlandais », il était déjà prévu par le décret-loi du 17 juin 1938 mais n’avait pas eu le temps d’entrer en application. Il est étendu à l’ensemble des condamnés de France en 1954. Le second élément conjoncturel à prendre en compte est constitué par les guerres d’indépendance en Indochine et en Algérie. Cette dernière, notamment, entraîna un surcroît d’activité carcéral ; on créa un statut spécial pour les détenus « de catégorie A » incarcérés pour des faits en relation avec la guerre d’Algérie – circulaire du 4 août 1959, dite « circulaire Michelet » ; Edmond Michelet était alors Garde des Sceaux ; comme le directeur de l’administration pénitentiaire de l’époque, Pierre Orvain, il avait été déporté dans le camp de Dachau.

Si le bagne de Cayenne avait fermé, restait encore la relégation en Algérie, qui ne disparaîtra qu’avec l’indépendance de ce pays, en 1962.

2.4.5 L’abolition de la peine de mort

En 1981, la peine de mort, qui depuis quelques années n’était plus que d’un usage exceptionnel [10], est officiellement abolie. Depuis plus d’un quart de siècle, la prison occupe une place prééminente, au tout premier plan dans l’arsenal des dispositifs de coercition. Dernier vestige des châtiments corporels, elle est désormais la sanction la plus sévère, elle devient aussi la sanction par excellence. De façon qui peut sembler singulière, depuis ce même quart de siècle, la prison est aussi devenue de moins en moins visible.


3. Constructions et changements d’affectation
de bâtiments pénitentiaires

3.1 De rares manifestations ostentatoires vite abandonnées

Même lorsque la prison était relativement douce au regard d’autres modes de traitement des condamnés, elle avait souvent mauvaise figure, mauvaise presse. Jusqu’au milieu du XXe siècle, on note toutefois certaines tentatives qu’on pourrait dénommer de fierté pénitentiaire, dont témoignent les expériences d’architecture ostensible que nous verrons illustrées dans le chapitre suivant : façade de la prison Saint-Michel à Toulouse, statues du mur d’enceinte du centre pénitentiaire de Marseille, implanté dans le quartier périphérique des « Baumettes » en remplacement de trois prisons en centre-ville. On reconnaît à la prison quelque utilité : il faut bien que les comportements considérés comme les plus ignobles soient sanctionnés — la sculpture stigmatisant le péché de gourmandise qui illustre cet article témoigne de la variabilité des considérations humaines à cet égard. On la juge indispensable : il faut bien tenir à l’écart les individus dangereux pour leurs semblables. Parallèlement, on l’accuse de fonctionner comme une école du crime, d’endurcir les condamnés plutôt que de les préparer à occuper une place digne dans la société, ou à l’inverse, de les transformer en loques humaines. D’aucuns, nous l’avons dit, parlent d’un « mal nécessaire » [11]. D’autres considèrent que sa mission de réinsertion ne peut être qu’un leurre, propre à faire accepter, dans une démocratie, la mise à l’écart de certains citoyens [Faugeron, Le Boulaire, 1992]. Elle est toujours trop dure pour ceux qui se soucient du sort réservé aux condamnés, elle n’est jamais assez sévère pour les proches des victimes d’un assassin. Les conséquences des erreurs judiciaires contribuent à ternir son image, et les problèmes posés par la détention avant jugement paraissent insolubles. Alors, bien souvent, on préfère l’occulter, l’ignorer.

3.2 Des établissements sans nom

Une école peut s'appeler Jean de La Fontaine ou Victor Hugo, un hôpital Ambroise Paré ou Xavier Bichat, un stade Jean Bouin ou Roland Garros... une prison, trop lourde sans doute de problèmes humains et sociaux, semble ne pas pouvoir porter d'autre nom que celui du lieu où elle se trouve [12]. Or son poids social est tel que la seule désignation de la commune ou du quartier où est elle implantée tend alors à évoquer aussitôt la prison : le nom du lieu est stigmatisé. Pour atténuer les effets de cette stigmatisation des lieux par un établissement carcéral, des stratégies de deux types ont été développées. Les premières se déploient aux niveaux national et local en reléguant les bâtiments pénitentiaires dans les lieux de moindre visibilité, lieux déjà socialement dévalués. Les secondes au niveau seulement local s'efforcent de limiter de fait leur visibilité par un travail d’occultation matérielle et symbolique.

3.3 Des bâtiments qu’on réaffecte,
des quartiers qu’on réhabilite

Le développement des villes et l'embourgeoisement des centres urbains conduisent les autorités à effectuer des arbitrages au sujet de l'occupation des sols. Les établissements pénitentiaires sont alors écartés des secteurs les plus nobles du territoire, notamment des centres villes qui s’embourgeoisent [13]. Les anciennes prisons y sont en général détruites. Il y a certes des exceptions notables mais dans les cas seulement où les bâtiments pénitentiaires qui n'avaient pas été construits à cet effet sont conservés et reçoivent une nouvelle affectation, plus digne de la qualité de l'environnement. Nous avons évoqué précédemment en note le cas de l’ancienne prison San Michele, à Rome ; elle abrite aujourd’hui le Ministère de la Culture italien. En France, les locaux de l'ancienne commanderie Saint-Jean à Strasbourg avaient été transformés en prison Sainte-Marguerite dès 1740. En activité jusqu’en 1989, cette maison d’arrêt fut désaffectée pour laisser place à la prestigieuse École Nationale d'Administration, bâtiment plus digne pour cette ville où siège le Parlement européen. Il en est de même pour les prisons du centre ville de Lyon et de Nancy, qui ont été remplacées, en 2009, par un établissement édifié en périphérie urbaine — à Nancy, le bâtiment démoli laisse place à la construction d’un « éco-quartier ». C'est vers des zones excentrées, moins nobles, plus pauvres, que les autorités responsables de l’aménagement du territoire déplacent les prisons.

Les réformes pénitentiaires qui ont suivi la Libération rappellent celles de l’avènement de la IIIe République, mais aucune politique publique d’ampleur nationale n’a été développée en ce qui concerne la construction de bâtiments nouveaux et c’est d’autant plus étonnant que contrairement à la première moitié du XXe  siècle, on assiste alors à une augmentation assez régulière du nombre de détenus [14]. Jusque dans les années 1980, les décisions d’édification de nouveaux bâtiments pénitentiaires étaient ponctuelles et se faisaient dans des directions distinctes, voire opposées.


4. Analyses de l’aspect extérieur
des bâtiments pénitentiaires

Jusqu’au dernier quart du XXe siècle, la visibilité matérielle et symbolique des prisons était marquée par trois caractéristiques : leur dimension, leur emplacement et leur apparence extérieure.

En premier lieu, la dimension de l’établissement était donc parfois impressionnante. En 1867, la maison d’arrêt de la Santé, à Paris, était la plus grande de France. Trente ans plus tard, ce fut le cas du centre pénitentiaire de Fresnes — édifié en banlieue pour fermer les nombreuses petites prisons de quartier parisiennes avant l’Exposition Universelle de 1900. En France, le point limite de cette politique de gigantisme carcéral est atteint avec l’établissement de Fleury-Mérogis, conçu par l’architecte Guillaume Gillet et prévu pour recevoir, dès son ouverture, 3110 détenus [15]. Mis en service en 1967, c’est le plus grand centre pénitentiaire d’Europe ; en voici trois photos.

Photos 1, 2 et 3, établissement de Fleury-Mérogis
[clichés Ministère de la Justice (France)]


En deuxième lieu, on remarque l’habitude prise, jusqu’au milieu du XXe siècle, de construire des maisons d’arrêt à proximité immédiate des palais de justice, en pleine ville, ce qui renforce leur visibilité. Certaines sont encore en service actuellement. Là, les files d’attente les jours de visite et parfois les « parloirs sauvages » font partie intégrante de la vie du quartier, qui se trouve marqué par la présence de l’établissement [16], malgré, bien souvent, une faible indication sur des panneaux signalétiques. On voit, ci-dessous, la maison d’arrêt de Beauvais, en centre-ville, entourée de petites maisons faites des mêmes briques que les bâtiments de détention.

Photo 4, maison d’arrêt de Beauvais
[cliché Philippe Combessie]

En troisième lieu, on remarque que quelques bâtiments pénitentiaires de cette période arboraient un marquage symbolique ostensible ; certains conservaient une allure de Bastille, comme les prisons royales d’Ancien Régime. C’est le cas, encore aujourd’hui, de la maison d’arrêt implantée en 1824 dans l’ancien château des ducs d’Alençon.

Photo 5, maison d’arrêt d’Alençon
[cliché Ministère de la Justice (France)]


Dans le quartier Saint-Michel, à Toulouse, on a spécialement édifié un établissement avec ce même aspect château fort à la fin du XIXe siècle ; conçu en 1861 comme hôpital militaire et transformé en maison d’arrêt en 1872 ce bâtiment était encore utilisé, jusqu’en octobre 2009, comme centre de semi-liberté (la photo ci-dessous date de 1930).

Photo 6. Maison d’arrêt de Toulouse
[cliché Robert Manuel – Ministère de la Justice (France)]


Un autre marquage symbolique frappant est constitué par les statues du sculpteur marseillais Antoine Sartorio qui ornent depuis 1938 le mur d’enceinte du centre pénitentiaire construit dans le quartier des Baumettes à Marseille. Elles rappellent aux passants les affres dans lesquels ils doivent succomber s’ils se laissent aller à l’un des péchés considérés comme capitaux par la doxa chrétienne : de la colère à la gourmandise (photos ci-dessous), en passant par la paresse, l’orgueil, l’envie, la luxure et l’avarice.

Photos 7 et 8  - établissement des Baumettes (Marseille)
[clichés Philippe Combessie]


À partir des années 1980, les prisons deviennent de moins en moins visibles ; à la fois de taille plus réduite et d’aspect plus neutre. Les techniques de surveillance modernes permettent de réduire le nombre de miradors ; les dispositifs de détection « infrarouge » et « haute fréquence » sont faiblement perceptibles à l’oeil, comme les filins anti-hélicoptères. Les 21 pavillons du centre de détention de Mauzac, conçu par l’architecte Christian Demonchy, et implanté en 1984 en Dordogne, n’ont rien de commun avec les immenses bâtiments de Fleury-Mérogis, comme on le voit sur la photo ci-dessous.

Photo 9 - centre de détention de Mauzac
[cliché Ecav-aviation, droits d’usage scientifique
sans but lucratif cédés à Philippe Combessie]


À partir de 1986, un tournant est constitué par l’organisation d’une coopération entre l’Etat et différents partenaires privés, tant pour la conception que pour la gestion des établissements. Trois phases se succèdent, communément identifiées par un chiffre correspondant au nombre de places construites. On distingue chronologiquement le « programme 13 000 » lancé en 1987, le « programme 4 000 » lancé en 1998, et le « programme 13 200 » lancé en 2002 — les premiers établissements de ce dernier programme ont été livrés en 2007.

En France, ces programmes marquent une nouvelle ère de l’édification des établissements pénitentiaires. Ils ont en commun d’entériner la rupture avec le gigantisme, l’implantation en centre-ville des maisons d’arrêt et le marquage extérieur symbolique. Ce marquage demeure, voire se renforce, pour les nouveaux palais de justice, mais disparaît des lieux d’exécution de peines au profit, en ce qui les concerne, d’une logique plus strictement fonctionnelle. Les établissements pénitentiaires récents se fondent, autant que faire se peut,  dans le décor environnant — rural, péri-urbain ou urbain, suivant le cas — plutôt que de s’y imposer.

Photo 10 - Palais de Justice de Créteil, dont l’architecte Daniel Badani voulait qu’il « symbolise par sa forme le livre de la loi et la balance de la justice » (livré en 1978).
[cliché Ministère de la Justice (France)]

Photo 11 - Mur d’enceinte de la maison d’arrêt de Valenciennes sur lequel des motifs géométriques ont été peints en 1990 pour faciliter son intégration dans le décor urbain. [cliché Philippe Combessie]


À la fois architecte et sociologue, Anne Héricher écrit que « le traitement architectural du mur d’enceinte intéresse quelques architectes et plasticiens mais ne retient pas l’essentiel de la réflexion » (Héricher, 2009, p, 84). Elle conclut son analyse par une mise en garde : « la dissimulation du mur d’enceinte n’est pas forcément à retenir, puisqu’elle facilite [¼] sa banalisation, essence même de son oubli » (ibid., p. 87).

Pour le choix des lieux d’implantation, l’évolution est moins nette. Il y a plus d’un demi-siècle qu’on ne construit plus de maisons d’arrêt à proximité immédiate des palais de justice en centre ville. On avait assisté, jusque dans les années 1980, à une pratique de constructions de bâtiments très éloignés des zones urbaines. Le centre pénitentiaire de Joux-la-Ville en est sans doute l’un des exemples les plus flagrants (Combessie, 2002).

Depuis 1990, cette politique d’éloignement des prisons a cessé, on peut dire qu’on note même une légère tendance au rapprochement entre la prison et la ville, ou, du moins, une atténuation de la logique de mise à l’écart des bâtiments pénitentiaires. Alors que le « programme 13 000 » (1987) était caractérisé par le grand isolement de certains établissements [17], le « programme 4 000 » (1998) est marqué par une implantation de prisons en grande périphérie urbaine. La proximité entre prison et ville est renforcée dans le « programme 13 200 » (2002) et accentuée par l’extension urbaine générale et la création de zones qu’on pourrait dire « rurbaines ».


5. Les nouvelles procédures d’édification

Pour ce qui est de l’édification des nouveaux établissements pénitentiaires, comprendre ce rapprochement entre la prison et son environnement ne peut se faire sans prendre en compte quatre paramètres, chacun identifiant des acteurs distincts :

1. le maintien du rôle prééminent de l’Etat, doublement présent à travers le poids des autorités préfectorales et celui des fonctionnaires appelés à la direction des services centraux de l’administration pénitentiaire ;

2. la professionnalisation des équipes de construction, facilitée par le fait qu’elles sont de plus en plus rattachées à de grands groupes du bâtiment et des travaux publics (BTP) ; les entreprises partenaires du « programme 13 000 » étaient de moindre envergure financière que celles qui ont été retenues lors du « programme 4 000 » et surtout lors du récent « programme 13 200 », certaines des premières ont d’ailleurs été depuis absorbées au sein de groupes industriels aux assises plus solides [18] ;

3. les comportements des élus locaux et des populations, souvent rassurés par la présence de ces grandes entreprises du BTP qui peuvent, à l’occasion, associer à leurs projets de construction des opérations d’urbanisme dont bénéficie l’ensemble du secteur affecté par l’arrivée d’un bâtiment pénitentiaire ;

4. la prise en compte des attentes du personnel affecté dans ces nouveaux établissements, ainsi que, de façon indirecte, de celles des détenus et de leurs proches (une ancienne directrice de l’administration pénitentiaire a personnellement conduit une commission dite « architecture – prison » qui intégrait expressément ces questions).

Alors que le « programme 13 000 » (1987) s’était développé selon une procédure en deux temps : programme de conception-construction, suivi d’un programme de gestion déléguée (ou d’une gestion publique dans un établissement par secteur), les modalités de coopération ont été renforcées à travers l’organisation d’un programme unique. Le « programme 13 200 » (2002) s’est développé à partir d’un dispositif englobant dit « PPP » (partenariat public-privé), comme en on trouve de plus en plus dans différents domaines autrefois sous responsabilité exclusive de l’Etat, qui encourage les synergies et organise les collaborations entre ces quatre groupes d’acteurs.

Tout irait-il donc pour le mieux ?


6. « Il faut défendre la société »

Michel Foucault [1975] nous a mis en garde contre une lecture linéaire progressiste de l’histoire des sanctions pénales ; contrairement au sens commun et à ce que les autorités politiques annoncent souvent, on constate que les sociétés humaines ne vont pas forcément vers des sanctions de plus en plus douces, de plus en plus humaines, de plus en plus socialisantes ; l’évolution ne se développe ni de façon régulière — elle connaît des sauts — ni de façon univoque : à des périodes d’adoucissement peuvent succéder des périodes de sévérité accrue, sans d’ailleurs que cela soit systématique. Il n’y a pas plus d’effet balancier prévisible que de tendance irréversible dans un sens ou dans l’autre.

Mais quelles qu’en soient les évolutions, les démocraties, comme toutes les sociétés, doivent se protéger ; et le même Michel Foucault, en 1976, un an après la parution de Surveiller et punir, avait intitulé son cours au Collège de France « Il faut défendre la société ». Il y montrait alors à quel point il est illusoire d’imaginer une situation pacifiée alors qu’on observe au contraire l’omniprésence de la guerre au sein même de la société — non seulement l’omniprésence, mais même son caractère fondamental. Contre les thèses de Claude Lévi-Strauss et André Leroi-Gourhan, pour qui la guerre peut être considérée comme un échec de l’échange, et, par extension, de la civilisation, Michel Foucault développe des analyses cohérentes avec celles de l’anthropologue Pierre Clastres (1974). Ce dernier considère la récurrence des guerres entre les tribus amazoniennes comme un moyen d’éviter la fusion des groupes humains en un collectif trop important qui impliquerait ensuite la création d’un Etat et donc une délégation de pouvoir plus coercitive que la vie en tribu. Les analyses de Foucault concernent l’ensemble des groupes sociaux, même ceux qui se sont constitués sous une forme nationale ou étatique ; il montre comment la guerre est un « état perpétuel » sans lequel une communauté ou une société humaine ne pourraient ni se construire ni maintenir sa cohésion. Toute société, même la plus démocratique, même la plus pacifiée en apparence, connaît en son sein nombre de conflits sociaux et formes d’assujettissements qui amène Foucault à parler de « situation de guerre » ne serait-ce que « sur le théâtre des représentations échangées » [Foucault, 1997, p. 80].

Les bâtiments pénitentiaires des Etats démocratiques sont sans doute les lieux où cette situation de guerre qui traverse toutes les sociétés, y compris celles qui sont apparemment les plus calmes, est la plus flagrante, la plus visible. Dans un texte où elle s’appuie notamment sur les travaux de Clausewitz (1832), Antoinette Chauvenet [1998, p. 91] écrit que la prison « est d’abord la transcription matérielle et légale [...] de la “guerre” contre les ennemis de l’ordre public de l’intérieur ».


7. Le nœud gordien de la justice pénale

Cela nous amène au cœur même de l’objet des différents textes réunis ici : la question de la place et donc de la visibilité de la prison dans une société démocratique. En la matière, nous l’avons vu, nous passons, depuis quelques décennies, d’une visibilité manifeste à une visibilité qu’on pourrait dire plus discrète. Mais, de même qu’il est impossible, comme l’a démontré Emile Durkheim, d’imaginer une société sans crime, il est impossible d’imaginer une sanction invisible. Durkheim explique que le crime « est normal parce qu'il est lié aux conditions fondamentales de toute vie sociale ; il en est ainsi parce qu'il ne peut y avoir de société où les individus ne divergent plus ou moins du type collectif et que, parmi ces divergences, il y en a non moins nécessairement qui présentent un caractère criminel » [Durkheim, 1895, p. 519]. Quelle que soit l’évolution des mœurs, la société définit toujours certains comportements comme criminels ; le sociologue précise : « Si la conscience morale devenait assez forte pour que tous les crimes jusque-là réprimés disparussent complètement, on la verrait taxer plus sévèrement des actes qu'elle jugeait antérieurement avec plus d'indulgence ; par conséquent, la criminalité, disparue sous une forme, réapparaîtrait sous une autre. D'où il suit qu'il y a contradiction à concevoir une société sans crimes » [Ibid., p. 521].

Ainsi, une décision pénale se doit d’être rendue publiquement, et la sanction d’être administrée avec une certaine visibilité. La seule sanction invisible est celle qu’un citoyen s’adresse en silence dans son for intérieur, c’est le cilice qu’un chrétien intransigeant porte sous ses vêtements pour se rappeler à lui-même les turpitudes qui traversent son âme.

7.1 Une stigmatisation indélébile

Paradoxalement, cette question de la visibilité des sanctions cristallise l’une des principales difficultés de l’administration de la justice pénale [19] ; elle devient même inextricable dans le cas de l’enfermement carcéral. Elle est à l’origine de l’un des achoppements majeurs de l’enfermement pénitentiaire : la stigmatisation produite sur le justiciable envoyé en prison lie en effet presque irrévocablement l’infraction qu’on lui reproche avec l’ensemble de sa personnalité, comme si les différentes facettes de son identité sociale étaient annihilées par le comportement qui, un jour, l’a conduit à franchir une limite que la société ne tolérait pas. Indélébile dès que l’enfermement dure plus de quelques semaines, cette stigmatisation entrave considérablement les possibilités de réintégration sociale après la fin de peine. Cette stigmatisation affecte, comme par contagion, l’ensemble du processus d’administration des sanctions pénales et entraîne une grande défiance vis-à-vis des institutions et des agents concernés. Les sociétés les plus démocratiques manifestent de façon régulière leur manque de confiance à l’égard du système pénitentiaire, renforçant le caractère insoluble de ce problème de la visibilité de la sanction qui associe « détenu » à « infraction » [Combessie, 2008]. Le prégnance du stigmate « comportement haïssable » attaché à chaque justiciable incarcéré occulte toutes les autres propriétés des êtres humains qu’une décision de justice prive un jour de liberté. Leurs qualités de voisin [20], de collègue, de père, de sportif, d’artiste etc., en un mot, leurs qualités humaines disparaissent, et ne reste plus que l’image détestable, voire abominable, du comportement qu’on leur reproche. Comment envisager pouvoir réintégrer ensuite la société dans de telles conditions ?

7.2 Les limites de l’invisibilité

Un groupe de citoyens qui se réunirait et déciderait de sanctionner tel ou tel justiciable reconnu coupable d’un comportement considéré par l’ensemble du groupe comme répréhensible, mais qui ne rendrait pas sa décision publique, qui n’aurait pas la possibilité de la faire connaître, ne pourrait en aucun cas être considéré comme une autorité judiciaire. Voilà, me semble-t-il, une limite au mouvement actuel qui tend à promouvoir des sanctions pénales qu’on présente parfois comme « invisibles ».

Par ailleurs, la visibilité des sanctions est une des garanties offertes aux citoyens que le processus de répression sera accompagné d’un effort d’équité voire d’humanité. La visibilité du processus pénal, y compris des sanctions, n’est-elle pas l’un des garde-fous qui peut permettre d’éviter que l’appareil étatique ne se mette au service des dérives les plus redoutables que les sociétés humaines aient produites tels que les crimes de masse ?

Paul Fauconnet [1920] a montré comment les sociétés, même les plus démocratiques, fonctionnent parfois, sur le plan pénal, dans une logique sacrificielle [21], ce qui ne peut que renforcer la stigmatisation des bâtiments pénitentiaires. Mais la visibilité de la sanction, outre qu’elle est nécessaire à une éventuelle dynamique de dissuasion, même s’il s’agit d’une sanction sacrificielle, peut être un rempart contre les risques d’excès du pouvoir.

Il est impossible d’analyser la fonction sociale de l’enfermement carcéral sans prendre en compte le caractère foncièrement ambivalent des relations entre les sociétés démocratiques et leurs prisons. Cette ambivalence tient, avant tout, à la multiplicité des rôles qu’on a tenté de lui faire tenir, sans qu’aucun soit bien défini, et sans en donner les moyens à ceux qui en sont chargés.

L’enfermement n’est pas une panacée, il est sans doute adapté à un plus petit nombre de situations que ce qu’on a envisagé. Aussi convient-il de mieux en clarifier les missions, et, surtout, de travailler à l’articulation entre les différentes mesures pénales coercitives, aussi bien pour la période qui précède le jugement que pour l’administration de la sanction : enfermement, semi-liberté, placement sous surveillance électronique, dépôt d’une caution, suspension du permis de conduire, du permis de chasse, jours amende, interdiction de fréquenter tel ou tel lieu, etc. Les démocraties de demain auraient intérêt à permettre la plus grande souplesse dans les modalités d’exécution des mesures et sanctions pénales, pour les adapter de façon adéquate aux caractéristiques propres à la situation de chaque justiciable, qui n’est pas réductible au seul comportement sanctionné.

7.3 La visibilité garante de la démocratie

En matière pénitentiaire comme en matière pénale, on passe assurément du plus visible au moins visible, mais cela ne pourra se faire de façon satisfaisante pour les différents groupes d’acteurs concernés, et, en surplomb, pour l’ensemble des citoyens au nom desquels la justice est rendue et administrée, que si l’on passe, en même temps, vers plus de transparence. Une justice transparente n’est pas une justice invisible, c’est une justice au service des citoyens, qui assume sa part d’ombre, qui reconnaît qu’elle peut commettre des erreurs, qu’elle est et restera toujours perfectible, et que la visibilité des sanctions qu’elle administre est aussi l’un des instruments qu’elle offre aux citoyens pour lutter contre toutes les dérives qui pourraient porter atteinte à la démocratie.


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[1] The doors of all public establishments ought to be thrown wide open to the body of the curious at large - the great open committee of the tribunal of the world.” (letter VI, p. 12).

[2] Le premier lieu d’enfermement pénitentiaire divisé en cellules fut la maison de correction pour jeunes édifiée en 1703 dans le complexe hospitalier San Michele à Rome (Italie), œuvre de l’architecte Carlo Fontana. L’établissement a servi comme prison pour mineurs jusqu’en 1972.

[3] On a parlé alors d’un régime « auburnien » qui s’opposait au régime « philadelphien » (aussi dénommé « pennsylvanien »).

[4] Il était l’un des initiateurs de l’envoi des détenus mineurs dans des colonies agricoles ; la nature et le travail de la terre rédemptrices remplaçaient le silence des cellules.

[5] Il s’agissait d’une déportation sans retour, vers un des bagnes que la France avait établis dans ses territoires Outre-mer.

[6] Possibilité offerte à certains détenus de quitter la prison avant la fin de leur peine, si leur comportement est jugé prometteur — les heureux bénéficiaires sont toujours sous la menace d’y retourner immédiatement s’ils commettent un faux pas à l’extérieur.

[7] La Première Guerre mondiale, avec 1,3 millions de morts (côté français) dans la tranche d’âge qui fournissait le plus de détenus, a sans doute accentué le phénomène, mais il s’agissait aussi d’une tendance à plus long terme. On comptait 40 000 détenus en 1887 et il n’y en avait plus que 15 000 à la veille de la Seconde Guerre mondiale.

[8] En France, on distingue globalement les « maisons d’arrêt » où sont enfermés les prévenus avant leur jugement et où ils restent parfois quelques mois après, et les « établissements pour peine » où ne sont envoyés que les détenus condamnés de façon définitive à des sanctions relativement longues.

[9] Ce mouvement s’est poursuivi : on ne compte plus que 111 maisons d’arrêt en France en 2010. Ce mouvement tendanciel ne concerne pas uniquement les maisons d’arrêt. Tous établissements pénitentiaires confondus, Olivier Milhaud [2008, p. 158] a calculé qu’on comptait, en France, une prison pour 75 000 habitants et 1875 et seulement une pour 320 000 habitants en 2005.

[10] La dernière exécution capitale française, celle de Hamida Djandoubi, avait eu lieu le 10 septembre 1977.

[11] « Que la prison soit mauvaise, sûrement, mais c'est un mal nécessaire » déclarait le député (et ancien magistrat) Georges Fenech à Anne Vidalie, journaliste pour l’hebdomadaire L’Express (publié le 09/02/2006).

[12] À l’exception notable de l’ancienne prison « Charles III » située en plein centre-ville de Nancy jusqu’en juin 2009, qui portait le nom du Duc de Lorraine né et mort dans cette ville.

[13] Ce processus, dit de « gentrification », est assez général en Europe.

[14] Bien que ce soit hors de notre propos, nous remarquerons que cette augmentation du nombre de détenus depuis plus d’une cinquantaine d’années est davantage liée à une augmentation des durées d’enfermement qu’à une hausse des flux d’incarcération.

[15] Il s’agit d’une maison d’arrêt, qui, comme les autres établissements de même type, connaît régulièrement une suroccupation importante par rapport à l’effectif initialement prévu.

[16] Au grand dam de certains riverains qui pressent les édiles et les urbanistes de proposer des opérations permettant de remplacer l’établissement par des constructions plus « valorisantes » pour l’image du quartier et de la ville.

[17] Le cas le plus symptomatique étant constitué par le centre de détention de Joux-la-Ville (voir photo ci-dessus), implanté sur le territoire d’une commune rurale isolée qui ne comptait, avant son arrivée, que 473 habitants.

[18] L’entreprise de BTP Dumez fusionne en 1990 avec Lyonnaise des Eaux et l’ensemble fait partie à partir de 2008 du groupe Suez Environnement ; en 2000, le groupe nouvellement nommé Vinci fusionne avec GTM Entrepose, et, en 2007, Sogea Construction et GTM Construction sont regroupés au sein d’une nouvelle entité : Vinci Construction France.

[19] Cf. le stimulant texte « La peine et le regard » [Casadamont, Poncela, 2004, p. 57-65].

[20] J’ai retenu le masculin de ces dénominations parce que 96% des détenus français sont des hommes — cela renforce les difficultés des rares femmes envoyées en prison.

[21] « La destruction d’un symbole remplacera la destruction du crime qui, en lui-même, ne peut pas être détruit. Ce sont les êtres jugés aptes à servir de substituts d’un crime et à supporter comme tels la peine de ce crime qui deviennent responsables. La peine se dirige vers le crime. C’est seulement parce qu’elle ne peut l’atteindre en lui-même qu’elle rebondit sur un substitut du crime » [Fauconnet, 1920, p. 234]. Fauconnet poursuit : « La peine est utile, il faut pour la peine un patient ; le jugement de responsabilité fournit ce patient, sorte de bouc émissaire sacrifié à l’égoïsme collectif. La justice, cette entité sublime, n’a rien à voir là : il n’y a ni innocent ni coupable au sens profond que la conscience donne à ces mots, mais seulement des individus qu’il est expédient de punir » [ibid., p. 300].


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 5 octobre 2011 9:20
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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