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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Diane-Gabrielle Tremblay, “La formation professionnelle et les femmes : rien de nouveau si ce n’est quelques nouveaux ghettos.” In revue Interventions économiques pour une alternative sociale, pp. 132-162. Montréal : Les Éditions Albert Saint-Martin, 1984, 296 pp. Numéro intitulé : EMPLOI : L’ÉCLATEMENT ?”. [Madame Diane-Gabrielle Tremblay, économiste, et professeure à l'École des sciences de l'administration de la TÉLUQ (UQÀM) nous a autorisé, le 25 septembre 2021, la diffusions en libre accès à tous des numéros 1 à 27 inclusivement le 25 septembre 2021 dans Les Classiques des sciences sociales.]

[153]

Nos 12-13.
EMPLOI : L’ÉCLATEMENT ?
DOSSIER
Deuxième partie : Marché du travail : l’éclatement ?

“La formation professionnelle et les femmes :

RIEN DE NOUVEAU
SI CE N’EST QUELQUES
NOUVEAUX GHETTOS
.”

Diane TREMBLAY

Dans un premier article sur les programmes de formation du gouvernement canadien [1], nous avons tenté de montrer que ces programmes s’étaient généralement soldés par un échec sur le plan des possibilités d’emploi et des gains futurs des participants, et que le dit « Nouveau » programme national de formation ne semblait pas tellement plus prometteur que ses prédécesseurs. Nous concluions que le discours officiel entourant ce « nouveau » programme semble vouloir masquer le problème de la pénurie d’emplois en le recouvrant du voile d’un discours sur les pénuries de compétences qui, bien que valable pour quelques secteurs d’activité, ne nous apparaît pas constituer le problème fondamental des « marchés » de l’emploi à l’heure actuelle ; de plus, les projections sur lesquelles se fonde l’État dans son principal axe d’intervention en matière d’emploi (soit la formation) peuvent certes être mises en doute, comme nous l’avons indiqué dans ce même article.

Dans un deuxième temps, nous voulons maintenant nous pencher plus spécifiquement sur la situation réservée aux femmes dans le domaine de la formation professionnelle, domaine extrêmement important si l’on veut tenter de « désexiser » l’emploi en cette période de changements technologiques.

Nous voulons d’abord montrer que les femmes sont désavantagées à [154] l’intérieur des programmes fédéraux de main-d’oeuvre, et que ceux qui leur sont plus spécifiquement destinés (ex. : Action positive) ne semblent pas entraîner une amélioration marquée de l’emploi et des gains salariaux des femmes. Il nous apparaît que le programme d’action positive n’a toujours pas l’ampleur et la vigueur qu'il faudrait pour qu'il soit efficace, que le nouveau programme national de formation ne fait pas une meilleure place aux femmes que les programmes antérieurs du gouvernement fédéral [2] et que le problème fondamental, outre ceux de la prévision et de l’absence de stratégie industrielle claire, qui touchent autant les hommes que les femmes, c’est qu’on ne reconnaît toujours pas les problèmes spécifiques à l’emploi des femmes, à savoir la discrimination systémique et la ségrégation dont elles sont victimes sur les marchés de l’emploi.

Par ailleurs, pour ce qui est de la formation dans des secteurs non traditionnels pour les femmes, un domaine d’intervention qui nous apparaissait très prometteur il n’y a pas longtemps, il est à craindre qu’il ne conduise qu'à transférer les femmes d'un ghetto traditionnellement féminin à un autre ghetto, traditionnellement masculin, mais se féminisant de plus en plus et reflétant de plus en plus les caractéristiques des emplois féminins de type secondaire (bas salaires, peu ou pas de possibilités d’avancement et peu de sécurité d’emploi).

La formation et les femmes :
1976 à 1982


En ce qui concerne les femmes, le bilan de la formation professionnelle est encore moins positif que du côté des hommes. En 1981, Leah Cohen [3] notait que « la concentration et la ségrégation professionnelle continuent de dicter les secteurs de formation des femmes en raison, dans une large mesure, de la mentalité des conseillers des Centres d’emploi du Canada, qui ont tendance à confiner les femmes dans des professions traditionnelles ». Elle notait que les femmes responsables de la liaison à la Condition féminine dans ces centres ne rencontrent pas directement les clientes ; elles agissent uniquement à titre de personne ressource pour les conseillers (qu’elles ne réussissent pas à convaincre, semble-t-il !).

Les données du Bulletin statistique annuel du programme de formation de la main-d’oeuvre pour les années de 1976-1977 à 1981-1982 [4] nous indiquent que la situation des femmes ne s’est pas modifiée au fil des ans, si ce n’est de façon très marginale.

En 1978-1979, 85% des stagiaires de sexe féminin inscrites à la formation professionnelle obtenaient une formation dans un secteur traditionnellement féminin ; cela recouvrait 8 catégories professionnelles des secteurs des services et du travail de bureau, 50% des femmes suivant une formation de sténo-dactylo ou de commise, alors que seulement 14% d’entre elles avaient indiqué que c’était là leur profession habituelle. De 1970 à 1981, les femmes n’ont toujours représenté que 3% des stagiaires en apprentissage et les trois quarts (74%) de ces femmes recevaient une formation axée sur les services personnels (surtout la cuisine et la coiffure), soit des secteurs [155] traditionnels [5].

On note aussi que les femmes ont toujours été sous-représentées dans les secteurs de formation directement liés à l’emploi, mais surreprésentées dans la formation indirecte et préparatoire à l’emploi : formation linguistique (47,9% de femmes en 1981-1982), orientation professionnelle (85,2% de femmes, mais peu au Québec), formation préparatoire à l’emploi (54,2%), cours préparatoires à la formation professionnelle (49,7%), contre 38,6% en formation professionnelle proprement dite et 3,4% en apprentissage [6].

À quelque niveau que ce soit, mais particulièrement au secondaire et dans la formation professionnelle pour adultes, les femmes ne se retrouvent que très peu dans les secteurs dits « d’avenir » et les secteurs non traditionnels. Ainsi, dans les filières professionnelles du secondaire, 59% des filles sont en secrétariat et commerce, 20% en esthétique, 5% dans le vêtement et 5% dans la santé. Au Cégep, c’est déjà mieux : 19% en informatique et 35% en administration, contre 33% en secrétariat, secteur que l’on menace d'ailleurs de « renvoyer » au niveau secondaire, d’où déqualification... Et si l’on ajoute à ce tableau, le fait qu'une fille sur trois n’étudie plus à 17 ans... la situation n’est pas très rose !

Source : données diffusées par le Conseil du statut de la femme (CSF) du Québec.


Il est intéressant de noter par ailleurs que les cours de formation professionnelle liés directement à l’emploi ont bénéficié de l’essentiel des budgets fédéraux en 1981-1982 ; 36,7% de l’ensemble des stagiaires à plein temps était inscrits en formation professionnelle et 37,1% en apprentissage. Les secteurs de formation les plus « féminisés » comptaient nettement moins de stagiaires : 6,6% de l’ensemble des stagiaires était en formation linguistique, 13,0% en cours préparatoires à la formation professionnelle, 4,2% en formation préparatoire à l’emploi, 0,6% en adaptation au travail (PAT) et 1,8% en orientation professionnelle.

La ségrégation est nette et ne s’est pas améliorée au fil des ans. On pourrait penser qu’il en serait autrement en 1984 ou 1985 puisque le gouvernement se propose, dans le cadre du « nouveau » programme de formation, d’éliminer graduellement les secteurs moins directement liés à l’emploi, mais cela n’assure toutefois pas que les femmes feront des progrès dans les autres secteurs où elles sont sous-représentées. En effet, d’après l'expérience de plusieurs groupes militant dans le domaine de l’emploi des femmes (par ex. : SORIF, L’Enjeu, Travail non traditionnel, etc.), il semble qu'un grand nombre de femmes aient besoin de tels services préparatoires à la formation et à l’emploi. D’après ces groupes, si le gouvernement décidait d’investir davantage dans ces programmes d’orientation et d’aide [156] gérés par et pour des femmes, tout en assurant par la suite un meilleur accès des femmes à la formation et à l’emploi, la situation pourrait s’améliorer, mais ces préoccupations ne semblent pas être prioritaires dans les milieux officiels.

Au fil des ans, on a observé une légère baisse du pourcentage de femmes dans la formation en établissement (32,9% en 1976-1977 et 29,1% en 1981-1982) et un pourcentage relativement constant dans la formation en industrie (27,4% en 1976-1977 et 27,1% en 1981-1982).

Beaucoup de stagiaires du Québec étudient à temps partiel, mais d’après le Conseil consultatif canadien de la situation de la femme (CCCSF), il semble que l’offre de cours à temps partiel ne satisfasse pas la demande. Les femmes ne représentent par ailleurs que 28,5% de l’ensemble des stagiaires à plein temps (1981-1982), en baisse de 12,3% par rapport à 1980-1981. La réduction des allocations de formation professionnelle (de 45 $ à 25 $ pour les femmes mariées ; de 85 $ à 70 $ pour les femmes seules de 1978 à 1983) et des sommes accordées pour personnes à charge, réalisée dans le cadre des compression budgétaires du gouvernement fédéral, n’est certes pas étrangère à la situation [7]. De plus, en raison de la réglementation de l’Aide sociale, il est aussi plus difficile pour les femmes assistées sociales de suivre des cours à plein temps.

En 1981-1982, le nombre de femmes inscrites à une formation non traditionnelle avait augmenté de 24,6% pour n’atteindre cependant que 2 192 dans l’ensemble du Canada.

Au Québec, dans 48 cours de métier dispensés en 1981-1982, les femmes n’occupaient que 3% des places [8]. Toujours pour 1981-1982, la Direction de la stratégie des femmes pour la région du Québec affirmait avoir atteint 75 à 80% de son objectif de 525 places réservées aux femmes dans les cours de formation non traditionnelle. Il s’agit là de trois places sur quinze réservées dans une soixantaine de cours dans des secteurs où les femmes sont minoritaires et qui sont considérés comme étant « en demande » sur le marché de l’emploi. Pour notre part, nous doutons quelque peu de la méthode servant à établir cette « demande », compte tenu des résultats obtenus sur le plan de l’emploi des femmes ayant suivi de tels cours [9].

Par ailleurs, il semble qu’en 1982-1983, seulement 65% des places réservées aient effectivement été occupées par des femmes, sans oublier le taux d’abandon parfois assez élevé. En 1981-1982, 14,1% des stagiaires, soit 967 personnes au Québec, auraient abandonné en raison de « responsabilités familiales » ; malheureusement les pourcentages d’abandon ne sont pas ventilés selon le sexe !

Il convient de noter qu’il n’est certes pas facile pour toutes les femmes d’avoir accès à la formation, comme le montrent bien les caractéristiques des stagiaires. La grande majorité des stagiaires n’ont aucune personne à charge (62,5% de l’ensemble des femmes et 81,0% de celles dans des secteurs non traditionnels) ; 47,9% sont célibataires ; 42,8% sont jeunes et seulement 32,4% ont moins de 11 années de scolarité (1981-1982).

Seulement 13% (1981-1982) des femmes étudiant en établissement [157] recevaient une formation dans un secteur non traditionnel et seulement 11% des femmes inscrites à la formation industrielle étaient formées dans une occupation non traditionnelle. Notons qu’en industrie, elles n’étaient que 6% avant l’introduction du Programme de formation des femmes dans les occupations non traditionnelles (PFFONT), qui subventionne à 75% les employeurs qui forment des femmes dans des secteurs où il y a moins de 10% de femmes. Le programme a été lancé sur une base expérimentale pour une période de 3 ans (1980-1981 à 1982-1983 incl.) et fera l’objet d’une évaluation « officielle ».

D’après une étude réalisée par la CEIC (Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada) en 1979, les femmes ayant une formation non traditionnelle avaient un taux de placement identique à celui des hommes, soit 68% ; cependant comme la CEIC ne fait pas de suivi après trois mois, on ne peut déterminer si autant de femmes que d’hommes se maintiennent en emploi à plus long terme. Une étude réalisée par Emploi et Immigration en 1977 montrait que le pourcentage de personnes se retrouvant « à la maison » après un programme de formation professionnelle passait, au Québec, de 3,9% avant la formation à 5,4% après 3 mois suivant la formation, à 7,8% après 15 mois et à 8,8% après 27 mois [10].

Par ailleurs, une étude réalisée en 1975 montrait que trois mois après avoir terminé une formation non traditionnelle, les femmes gagnaient en moyenne 67 $ de moins que les hommes ayant des caractéristiques analogues et occupant des emplois semblables [11].

En l’absence de suivi auprès des stagiaires, il est difficile de savoir si les femmes obtiennent autant de promotions que les hommes ou si elles ne sont pas plutôt confinées aux bas échelons et aux mauvaises conditions de travail.



Que nous apporte le « nouveau »
programme de formation ?


Pour les femmes, le « nouveau » programme lancé l’an dernier n'annonce à peu près rien de nouveau, si ce n’est pire. En effet, l’espace privilégié pour les femmes est surtout le volet d’« action positive », soit un volet résiduel où l’on retrouve les femmes et autres clientèles dites « spéciales » (personnes handicapées, assistées sociales, ex-détenus, autochtones). À cet égard, nous nous demandons surtout pourquoi les femmes et autres clientèles dites « spéciales » ne sont pas plutôt considérées comme des clientèles cibles dans les deux premiers volets du programme qui semblent beaucoup plus prometteurs d’emplois et de rémunération décente ; le premier volet a pour but de former des travailleurs dans des métiers en pénurie de main-d’oeuvre spécialisée (10 000 personnes par années d’ici 1985) et le deuxième favorise le recyclage en [158] fournissant une subvention correspondant à 50% du salaire des personnes en question. On ne dispose pas encore de données sur les conséquences de ce « nouveau » programme sur la participation des femmes à la formation et sur leurs possibilités d’emploi ultérieures, mais rien ne nous incite à être très optimiste.

Vers de nouveaux ghettos ?

D’après Leah Cohen [12], la formation professionnelle est trop concentrée dans un petit nombre d’emplois de faible spécialisation en voie d’extinction ou rejetés par les hommes. Elle affirme que la définition même du travail non traditionnel est trop restreinte puisqu’elle n’englobe que quelque 200 catégories d’emplois, dont bon nombre ne s’exercent que dans des petites entreprises non syndiquées, où les possibilités d’emploi et de promotion sont très limitées, mais les possibilités de mises à pied et de licenciement plus élevées. En 1978, 75% des subventions salariales ont d’ailleurs été versées à des petites entreprises comptant au maximum 20 employés non syndiqués. À cet égard, le Conseil consultatif canadien de la situation de la femme (CCCSF) recommandait d’accroître le nombre de professions admissibles afin d’englober plus de professions représentées dans de plus grandes entreprises, donc des emplois plus rémunérateurs et possédant davantage les caractéristiques du marché primaire.

Cohen fait aussi état d’une récente étude américaine portant sur 400 emplois non traditionnels pour les femmes ; l’étude a permis de constater qu’on accepte plus facilement les femmes dans les secteurs en déclin dont les hommes ne veulent plus, par exemple dans la boulangerie, la cordonnerie, la finition de meubles. Par contre, dans les métiers caractérisés par une forte croissance de la participation masculine, on n’observait pas une aussi forte progression de l'emploi des femmes. Il semble que les hommes continuent de prédominer dans les postes professionnels spécialisés et bien rémunérés, comportant des fonctions de surveillance et, plus important encore dans l'explication des écarts, ils dominent aussi dans les échelles de promotion. L’étude américaine conclut que la déségrégation professionnelle n’assure pas, à elle seule, l’élimination des écarts de rémunération et que les entreprises contournent l’objectif du « salaire égal pour un travail équivalent » par des subterfuges sur les plans des titres et des classifications de postes [13].

L’expérience du Canada est sans doute comparable à celle des États-Unis, sinon pire du fait que les mesures d’action positive ont un peu plus de vigueur aux États-Unis, mais il n’existe pas, à notre connaissance, d'étude portant sur l’évolution récente de la ségrégation professionnelle dans l’ensemble du marché du travail canadien ou québécois.

Ce que fait toutefois ressortir l’analyse de Cohen, c’est qu’en subventionnant les petites entreprises pour qu’elles acceptent des femmes stagiaires et en réservant 3 places sur 15 aux femmes dans la formation en établissement, le gouvernement ne favorise nullement l’accès des femmes aux emplois les plus rémunérateurs traditionnellement occupés par [159] les hommes. En fait, Cohen conclut qu’il ne peut en découler qu’un deuxième ghetto analogue à celui des métiers traditionnellement féminins. À elle seule, l'amélioration des compétences et de la formation des femmes ne change pas la situation des femmes en emploi. Elle conduit tout simplement, au mieux, à un déplacement de ghettos et de problèmes, et au pire, au chômage.



Les programmes les plus « novateurs », comme la formation dans les emplois non traditionnels, ne semblent donc devoir impulser qu’un déplacement des ghettos d’emplois pour les femmes, d’autant plus que rien n’est fait pour éliminer le processus de ségrégation à l’égard des femmes, pour enrayer les barrières à leur entrée dans les secteurs d’emploi de pointe les plus intéressants et rémunérateurs (par ex. dans les deux premiers volets du nouveau programme de formation), ni pour modifier le fonctionnement des « marchés internes du travail » (portes d’entrée et de sortie dans les métiers et emplois, échelles de promotion et autres pratiques administratives) qui les confine aux emplois subalternes et peu payants.



En guise de conclusion

Le Conseil consultatif canadien de la situation de la femme (CCCSF) a aussi fait une évaluation de la formation offerte aux femmes. Même si l’étude fut terminée en juin 1980, notre lecture du Bulletin statistique annuel de janvier 1983 (portant sur 1981-1982) et de l’étude de Cohen semble confirmer le maintien des tendances dont nous ferons état en citant le CCCSF :

Outre le fait que la représentation numérique des femmes est insuffisante, on notera que la structure et le contenu des programmes de [160] formation sont le plus souvent fondés sur les besoins des hommes et ne conviennent donc pas aux femmes. Prenons, à titre d'exemple, le programme de formation préparatoire à l’emploi (qui montre des techniques de base destinées à améliorer le comportement en milieu de travail). Il est presque exclusivement axé sur des difficultés qui sont considérées propres aux hommes, un comportement trop agressif, par exemple, au lieu de se pencher sur les difficultés davantage attribuées aux femmes, comme le manque d’assurance et confiance en soi. L’efficacité des programmes de formation se trouve aussi réduite par l’absence totale, pendant toute la durée de la formation, de directives et de sessions d’orientation professionnelle qui aideraient les femmes à se réadapter au milieu scolaire et s’attacheraient à résoudre les problèmes liés à la famille et aux cours. Cette situation, jointe à bien d’autres raisons que l’on a de croire que les programmes de formation ne tiennent aucun compte des besoins des femmes [...J, comme la rareté des cours de formation à temps partiel, la non-éligibilité des stagiaires à temps partiel aux allocations de formation, et les changements intervenus dans la structure des prestations de formation qui désavantagent les femmes, montre à l’évidence qu’il est impérieux de repenser sérieusement les programmes de formation [14].

Après avoir souligné le manque de formation en industrie et le mauvais équilibre entre les cours offerts et les emplois vacants, surtout dans le cas de la formation en établissement où l’on compte plus de femmes qu’en industrie, le CCCSF conclut que la formation pourrait permettre de corriger la concentration et la ségrégation des femmes, mais que

Ces programmes n’ont cependant pas fait de l’utilisation de ce potentiel l’un de leurs objectifs et [...] dans l’ensemble, ils sont loin d'avoir agi en ce sens.

Le CCCSF espérait que la « modernisation » du programme de formation entreprise en 1980 viendrait corriger certaines lacunes évidentes de la formation à l’intention des femmes, mais ça ne semble pas être le cas, comme nous avons pu le constater en analysant le dit « nouveau » programme national de formation. En effet, l’analyse de ce nouveau programme suscite plutôt l’inquiétude. Nous craignons que les femmes ne reçoivent une formation pour des emplois qui deviendront désuets ou pour lesquels il y aura surplus de main-d’oeuvre lorsque les conséquences des changements technologiques se feront pleinement sentir, ou encore qu’elles se retrouvent dans de nouveaux ghettos d’emplois possédant toujours les caractéristiques du marché secondaire, soit les bas salaires, les mauvaises conditions de travail, etc.


[161]

NOTES




[1] Interventions économiques, n° 11, novembre 1983, p. 145-162.

[2] Nous avons déjà abordé cet aspect dans le premier article axé sur le nouveau programme de formation. Voir Interventions économiques, op. cit.

[3] Leah Cohen, A Review of Women's Participation in the Nontraditional Occupations, étude technique n° 8 réalisée pour le groupe Dodge Axworthy, juillet 1981, 27 p.

[4] Emploi et Immigration Canada, Bulletin statistique annuel du programme de formation de la main-d'oeuvre du Canada, 1981-1982, 3 janvier 1983, aussi pour les années 1976-1977 à 1980-1981.

[5] Conseil consultatif canadien de la situation de la femme (CCCSF), Patricia Dale, Des femmes et des emplois, juin 1980, p. 62.

[6] Emploi et Immigration Canada, Bulletins statistiques annuels, 1976-1977 à 1981-1982.

[7] Voir « Les femmes et les cours de métiers », lettre au Devoir, signée par Solanges Vincent et Carole Wallace pour Action travail des femmes, 17 juillet 1983.

[8] Ibid.

[9] Le groupe Action travail des femmes suit ce dossier de très près.

[10] Emploi et Immigration Canada, Évaluation ministérielle du programme de formation de la main-d'oeuvre du Canada, rapport technique, avril 1977, p. 96-97.

[11] Dave Hagerman, Women in Nontraditional Jobs : Review of Manpower Policies and Programs, mars 1979, p. 29, cité in Leah Cohen, op. cit., p. 11.

[12] Leah Cohen, op. cit., p. 12.

[13] Béatrice G. Reubens et Edwin P. Reubens, « Women workers, non traditional occupations and full employment », American Women Workers in a Full Employment Economy, Papers submitted to the Subcommittee on Economic Growth and Stabilization of the Joint Economie Committee Congress of the U.S., Washington, 1977, p. 113-122, cité in Cohen, op. cit.

[14] CCCSF, Patricia Dale, op. cit., p. 59.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 12 décembre 2022 15:19
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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