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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

L’adolescent et la société. (étude comparative). (1972)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Denis SZABO, Denis GAGNÉ et Alice PARIZEAU, L’adolescent et la société. (étude comparative). Bruxelles: Charles Dessart, Éditeur, 1972, 332 pp. Collection: “Psychologie et sciences humaines.” Une édition numérique réalisée avec le concours de Pierre Patenaude, bénévole, professeur de français à la retraite et écrivain, Chambord, Lac—St-Jean, Québec. [Autorisation formelle accordée, le 25 mai 2005, par M. Szabo de diffuser tous ses travaux. Autorisation transmise par l'assistante de M. Szabo à l'Université de Montréal.]

[5]

L’adolescent et la société.
(étude comparative).


Préface

Ce livre est le fruit d'une collaboration entre une juriste spécialiste du traitement des jeunes délinquants et deux sociologues, intéressés aux causes et aux caractéristiques de l'inadaptation juvénile contemporaine[1] Il s'agit là plutôt d'une convergence d'intérêts et non d'un projet unique, réalisé de concert. En effet, une véritable dichotomie s'observe encore aujourd'hui entre, d'une part, des études d'inspiration sociologique qui s'efforcent d'analyser les causes socioculturelles de l'inadaptation juvénile et, d'autre part, des études de délinquance juvénile réalisées dans les contextes juridiques et institutionnels spécifiques.

Quelle est la cause de ces divergences ? Elle est principalement dans le point de départ des observations. En effet, le sociologue examine le contexte mésologique de l'homme et analyse les conséquences du milieu sur la conduite sociale, comme le psychologue centre ses observations sur la conduite individuelle telle qu'elle résulte du fonctionnement de l'organisme humain. Le juriste base ses réflexions sur l'examen d'une institution qui existe en fonction de l'application d'une règle de droit. C'est ainsi que pour le sociologue, le terme [6] « déviant » indique une catégorie sociale spécifique que l'on peut identifier grâce à l’observation des groupes sociaux. Aucun jugement de valeur n'y est implicite. Il s'agit d'une catégorie sociale ayant des caractéristiques particulières que l'on peut observer, et dont les traits peuvent être quantifiés et faire l'objet de manipulations statistiques. Des questions se posent évidemment quant aux critères « déviance ». Ils sont relatifs aux valeurs que l'on prend comme point de référence. Certaines de ces valeurs se reflètent dans la loi, d'autres sont en dehors de ce cadre de référence.

Fort différent est le point de départ de celui qui analyse la délinquance. Le terme est, en effet, de connotation juridique : la loi délimite l'âge de la responsabilité pénale et tout un système socio-administratif est venu se greffer sur une législation spéciale concernant les jeunes « délinquants ». Quel que soit le terme qu'on utilise : « délinquant », « contrevenant », etc., ceux que la loi concerne, prend sous sa « protection », sont marqués par un stigmate social certain.

Inadaptation, déviance et délinquance sont donc des notions qui se recouvrent partiellement, mais qui sont définies par rapport à des critères différents. En effet, les valeurs souvent diffuses, traversant des frontières de la stratification sociale et ethnique, inspirant l'émergence de sous-cultures nouvelles et variées, doivent être prises en considération lorsqu'on établit des traits qui permettront de classifier certains comme « déviants » ou « inadaptés ». C'est le « devenir » et la transformation de la société qui secrètent, avec plus d'abondance lors de l'accélération des changements, des individus et des groupes « déviants ». La connotation négative des termes tend à diminuer à mesure que les valeurs de la culture officielle, dominante, tendent à se discréditer. Et dans certains milieux, on sera près d'affirmer, à l'instar des « déviants » politiques des XVIIIe et XIXe siècles, que les hors-la-loi d'hier représenteront la légitimité de demain.

Tout autre est la portée de la notion de « délinquance ». Une condamnation infamante, presque irrévocable, y est attachée : celui qui en est marqué est mis dans une catégorie à part, bien délimitée par rapport au reste de la société. De tout un ensemble de mesures [7] appliquées par des organismes créés à cet effet, résulte une ségrégation sociale.

Or, la perplexité des observateurs de la vie sociale, celle du spécialiste comme celle de l'honnête homme, est grande devant ces faits et il n'est guère facile d'en dégager la portée générale. Les tenants d'un certain positivisme sociologique se rallieraient volontiers au relativisme philosophique, si facilement compatible avec le relativisme méthodologique qui est de mise dans les sciences humaines. Toutes les valeurs se valent et celles qui sont « déviantes » ne sont peut-être que, momentanément, minoritaires ; peu à peu leurs adhérents augmentant en nombre, elles seront tolérées, voire acceptées. Ceux qui reconnaissent une certaine hiérarchie des valeurs sinon immuable du moins dotée d'une grande stabilité, considèrent que la « déviance » n'est qu'une variante adoucie de conduites « délinquantes » dont le danger, tant pour la collectivité que pour celui qui a commis l'acte répréhensible, demeure constant.

Ce serait sans doute trop prétendre que de penser que le présent ouvrage apporte des éclaircissements décisifs sur les problèmes qu'on vient d'évoquer. On a tenté néanmoins de jeter quelque lumière en répartissant le contenu en trois parties. Dans une première partie, nous examinerons, à la lumière des considérations macrosociologiques et en se situant dans la perspective d'une sociologie de la morale, les théories de l'inadaptation et nous tenterons de proposer une explication inspirée par la dialectique de l'ordre et du changement. Dans une deuxième partie, Denis Gagné décrit les diverses recherches sociologiques contemporaines consacrées à la déviance et les met en regard de la notion traditionnelle de la délinquance. Finalement, dans une troisième partie, Alice Parizeau confronte ces notions sociologiques à la réalité institutionnelle et juridique : elle examine les systèmes que plusieurs pays contemporains se sont donnés pour « traiter » les délinquants. De cette confrontation résultent des enseignements intéressants non seulement pour des juristes et des administrateurs des services sociaux, mais également pour des chercheurs en sciences humaines.

En conclusion, il convient d'insister sur la nécessité d'une convergence [8] entre toutes les démarches intellectuelles touchant le problème d’inadaptation juvénile. Beaucoup de recherches sociologiques ignorent les réalités juridiques et institutionnelles, les considérant tacitement, parfois même expressément, comme des structures que l’évolution sociale a vidées de son contenu. Ceux qui administrent ces organismes sont souvent convaincus du caractère ésotérique et purement hypothétique des recherches sociologiques. Or, une interpénétration entre ces deux mondes est des plus souhaitables comme elle est aussi des plus profitables. La variété et le caractère parfois éphémère des conduites « déviantes » doivent atténuer considérablement la portée de la notion de « délinquance » qui s’applique à certains. Une recherche pertinente doit préciser la signification des comportements que toute société organisée a cependant le devoir de tenir sous contrôle et surveillance. Un des meilleurs exemples en est l’usage des drogues dans certaines sous-cultures juvéniles.

Une science sociale appliquée comme la criminologie constitue un champ idoine de rencontre entre chercheurs préoccupés des problèmes semblables, mais venant d’horizons disciplinaires différents. Nous souhaitons que le lecteur puisse surmonter la difficulté qui provient de cette démarche inusitée : espérons qu’il sera récompensé de ses peines.

Denis SZABO
Montréal, décembre 1971



[1] Denis Gagné, professeur adjoint au Département de Criminologie de l’Université de Montréal, est subitement décédé en octobre 1970. Voir biographie succincte dans Acta Criminologica, janvier 1972.



Retour au texte de l'auteur: Denis Szabo, criminologue, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le vendredi 31 janvier 2020 8:32
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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