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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

André-Louis Sanguin, La géographie politique. (1977)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre d'André-Louis Sanguin, La géographie politique. Paris, Presses Universitaires de France, Collection Le Géographe, 1977, 183 pages. Une édition numérique réalisée par par Réjeanne Toussaint, bénévole, Chomedey, Ville Laval, Québec. [Le 8 avril 2013, Jour de Pâques, le Professeur André-Louis Sanguin accordait aux Classiques des sciences sociales son autorisation d'y diffuser toutes ses publications, en texte intégral et en accès libre à tous.]

[7]

LA GÉOGRAPHIE POLITIQUE


Introduction

La géographie politique est une enfant légitime de la géographie humaine. L'une et l'autre s'attardent sur le jeu des facteurs physiques et humains, sur l'interaction entre la terre et l'homme. L'une et l'autre cherchent à découvrir et à expliquer les diverses symbioses de la nature et de la société.

La géographie politique, branche spécifique parmi les sciences géographiques, est concernée plus particulièrement par les relations entre les facteurs géographiques et les entités politiques. Lorsque l'organisation humaine de l'espace et les influences historico-culturelles sont reliées aux constructions politiques, nous sommes au cœur de la géographie politique. Alors que la géographie physique travaille sur les régions dites naturelles, le champ d'étude de la géographie politique se concentre, en premier lieu, sur les États et les Nations. Le but de la géographie politique est de déterminer comment les organisations politiques sont ajustées aux conditions physiographiques et comment ces facteurs affectent les relations internationales. Étant donné que tous les paysages politiques ont une origine humaine, ils sont, en conséquence, sujets à de perpétuelles fluctuations. Les réalités politico-géographiques d'aujourd'hui peuvent facilement devenir les mythes de demain ; le contraire est également vrai. Lorsque l'on examine les relations changeantes entre le territoire et le peuple, soit dans un État, soit entre les États, le géographe est confronté à des structures surimposées parce que de source humaine. C'est pourquoi l'analyse et l'évaluation des problèmes de géographie politique ne font pas partie du domaine des sciences naturelles.

[8]

Dans la hiérarchie des espaces politiquement organisés, l'État occupe indiscutablement une position privilégiée et de grande signification pratique. Toutefois, contrairement à une certaine époque où la géographie politique mettait uniquement l'accent sur l'État, on ne doit pas perdre de vue, aujourd'hui, le niveau supranational et le niveau infra-national. Quel que soit l'espace politique envisagé, il est, dans tous les cas, clairement défini. Tout territoire politique a des frontières ; on peut mesurer facilement sa superficie, sa population et ses ressources. Toute surface politique est aussi le résultat d'une décision humaine ou d'une suite de décisions. La plupart des espaces politiquement organisés s'inscrivent dans une perspective pyramidale. Au bas de la pyramide, on retrouve des unités comme la circonscription électorale, le gouvernement municipal ou encore le parc national. Au milieu de la pyramide, se rencontrent des espaces politiques de niveau intermédiaire comme le département français, le land allemand, l’oblast soviétique ou le state étatsunien. Au sommet de la pyramide, se localise l'État national, et au-dessus de lui, l'organisation internationale, soit de type militaire comme l’otan, soit économique comme le Marché commun, soit encore culturel comme le Commonwealth ou, à la limite, mondialiste comme l’onu. À tous les niveaux, le citoyen est directement ou indirectement concerné dans sa vie quotidienne et dans son bien-être individuel.

La géographie politique n'est pas une discipline récente. Elle fut fondée par Ratzel en 1897 et elle a enthousiasmé, dans le passé, certains des géographes universitaires les plus renommés. Elle a contribué, d'une façon notable, à l'émergence d'une pensée réellement scientifique en géographie. Bien que les études qu'elle a suscitées soient extrêmement nombreuses [1], la géographie politique n'a jamais été un centre d'intérêt majeur parmi les géographes francophones [9] et ceux-ci, après 1945, l'ont carrément ignorée. La raison essentielle expliquant cette situation est due au fait que le concept de géographie politique a trop longtemps été confondu avec celui de geopolitik. Cela soulève des problèmes considérables aussi bien dans la dimension historique que théorique. Les conséquences et les traumatismes laissés par la geopolitik nazie ont découragé bon nombre de géographes. La geopolitik était une pseudo-science mettant la géographie au service de la politique et de la conquête territoriale ; elle disparut lamentablement dans l'holocauste hitlérien.

Malgré son nom, la géographie politique n'est pas une géographie politisée. Beaucoup de géographes ont ressenti, depuis 1945, le besoin de rétablir la réputation de cette discipline après les dommages subis par la forme aberrante de la geopolitik. Les géographes anglo-saxons, les premiers, ont substitué à cette mauvaise géopolitique une approche plus circonspecte des problèmes territoriaux de l'organisation politique. Ceci explique pourquoi, depuis une vingtaine d'années, la géographie politique connaît un renouveau, une évolution et une ampleur insoupçonnés [2]. Une approche plus théorique, des formulations d'hypothèses plus rigoureuses, des analyses plus comparatives, un corps conceptuel plus structuré donnent désormais à la géographie politique l'image d'une discipline académique respectée et enrichissante.

La géographie est ordinairement définie comme la science concernée par l'identification, l'analyse et l'interprétation des distributions et associations spatiales de phénomènes à la surface du globe. Comme telle, la différenciation du phénomène politique d'un lieu à l'autre est l'essence même de la géographie politique. L'espace politique est multidimensionnel. Il est horizontal lorsque l'on considère la forme, la taille, la position et les ressources d'une unité politique. [10] Il est vertical lorsque l'on considère le jeu des objectifs politiques, des lois, du découpage administratif, des buts culturels sur le plan horizontal. L'espace politique a aussi une troisième dimension, le temps, laquelle implique l'interaction des dimensions verticale et horizontale dans une période donnée. Ces trois dimensions ne sont pas absolues parce que la sélection des critères pour leur mesure et leur interprétation est subjective.

La géographie politique apparaît donc comme l'analyse des conséquences spatiales du processus politique. Cette définition est suffisamment large pour inclure la nature plurale de cette discipline et pour l'insérer dans le courant principal de la théorie et de la recherche contemporaines en sciences sociales. Les processus politiques se déroulent dans l'espace et ont, par conséquent, des cadres de distribution. Il en découle des champs d'activité que l'on peut nommer espaces politiques. Aujourd'hui, alors que la planification gouvernementale a largement remplacé l'approche du laisser-faire dans la tentative pour diriger le changement environnemental, l'organisation politique et l'administration publique doivent être acceptés comme les processus culturels les plus autorisés. La géographie politique, à cause de ses liens directs avec la nature des espaces politiques et le fonctionnement des organisations politiques, occupe dès lors un terrain très significatif. L'intérêt grandissant pour les études politico-géographiques reflète cette signification contemporaine et permet d'examiner les moyens par lesquels le processus politique influence le développement de la société humaine.

La faiblesse passée de la géographie politique ne résidait pas tant dans ses techniques d'analyse (même si elles étaient imparfaites) que dans un manque de compréhension de sa propre substance, c'est-à-dire une incapacité à déterminer ses principes essentiels. La géographie politique apparaît maintenant comme l'une des branches renaissantes les plus passionnantes de la science géographique parce qu'elle a raffiné ses méthodes et concepts, approfondi son érudition [11] et parce qu'elle peut apporter une contribution utile à la connaissance des dilemmes majeurs qui divisent le monde. Partie d'une approche descriptive statique exclusivement consacrée aux territoires d'État, elle s'intéresse beaucoup plus aujourd'hui aux implications spatiales des processus politiques à tous les niveaux d'organisation. De cette façon, l'on aboutit à une dimension dynamique où l'espace politique n'est plus considéré comme une structure rigide mais comme un kaléidoscope où évolue l'activité politique. L'espace politique, à tous les paliers de l'organisation sociétale, demeure l'une des préoccupations majeures de la géographie politique.

L'ouvrage de Gottmann, paru en 1952, fut l'une des recherches qui contribuèrent, en leur temps, à réformer et purifier la géographie politique tout en l'infléchissant vers une dimension plus scientifique [3]. Toutefois, aucune contribution notable en langue française n'a été publiée depuis cette époque. Le livre que nous proposons ici a plusieurs finalités. D'abord, il cherche à fournir au lecteur un sens du but, du champ d'étude et de la structure conceptuelle de la géographie politique contemporaine. Deuxièmement, il essaie de replacer la géographie politique dans le contexte de la géographie considérée comme un tout au sein du vaste domaine des sciences sociales. Troisièmement, un effort d'équilibre a été recherché pour traduire le plus concrètement possible les approches et les lignes d'investigation de la géographie politique moderne. Enfin, alors que la géographie politique demeure, en France, un thème délaissé, l'ouvrage propose une synthèse actualisée sur le sujet se fondant, d'une part, sur nos travaux personnels menés dans cette discipline tant en Amérique du Nord qu'en Europe et, d'autre part, sur l'abondante littérature anglo-saxonne consacrée à ce thème.

L'organisation du volume reflète ces différentes préoccupations. [12] La relation politique-espace est considérée comme un triptyque. Le premier volet expose les rapports entre la géographie et l'État, c'est-à-dire les problèmes de l'État vis-à-vis de sa morphologie interne. Le deuxième volet analyse les rapports entre la politique publique et la géographie, c'est-à-dire les liens entre l'État et ses propres effets spatiaux. Enfin, le troisième volet examine les rapports entre la géographie et les affaires internationales, c'est-à-dire la projection de l'État dans une perspective externe. En définitive, quels que puissent être les problèmes étudiés, la dimension spatiale demeure l'ingrédient vital de toute analyse en géographie politique.



[1] André-Louis Sanguin,  Géographie politique, Bibliographie internationale, Montréal, Les Presses de l'Université du Québec, 1976.

[2] André-Louis Sanguin, L'évolution et le renouveau de la géographie politique, Annales de Géographie, 1975, vol. 84, n° 463, p. 275-296.

[3] Jean Gottmann, La politique des États et leur géographie, Paris, Librairie Armand Colin, 1952, coll. « Sciences politiques ».



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 15 août 2014 8:13
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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