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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Denis Monière et Jean Herman Guay, La bataille du Québec.
Deuxième épisode: les élections québécoises de 1994
. (1995)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Denis Monière et Jean Herman Guay, La bataille du Québec. Deuxième épisode: les élections québécoises de 1994. Montréal: Les Éditions Fides, 1995, 268 pp. Une édition numérique réalisée par Pierre Patenaude, bénévole, professeur de français à la retraite et écrivain, Chambord, Lac—St-Jean. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 27 septembre 2008 de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales]

[7]

La bataille du Québec.

Deuxième épisode: les élections québécoises de 1994

Introduction

Par Denis Monière

Depuis 1992, les élections se sont succédées au Québec. Il y eut d'abord la campagne référendaire de 1992 qui se solda par un NON sans équivoque à l'entente de Charlottetown. Il y eut ensuite, en 1993, la campagne électorale fédérale qui confirma la montée du Bloc québécois : l'envoi à Ottawa de 54 députés marquant un tournant historique dans la vie politique québécoise. Ce choix collectif signifiait une perte significative de légitimité des partis fédéralistes et rééquilibrait les rapports de forces entre les souverainistes et les fédéralistes pour les prochaines batailles électorales.

Après plusieurs mois de tergiversations, les libéraux arrivés au terme de leur mandat remirent le sort du Québec entre les mains de la volonté populaire. Les protagonistes étaient conscients de la portée historique de cette élection qui mettait en jeu non seulement deux façons de gouverner, deux conceptions du rôle de l'État mais aussi deux visions divergentes du pays et du statut du peuple québécois. Cette élection fut aussi particulière parce que pour la première fois depuis 32 ans, les chefs de partis ont consenti à s'affronter dans un débat télévisé. De plus, jamais auparavant un parti en campagne électorale n'avait mené un battage [8] publicitaire aussi intense en diffusant autant de messages différents à la télévision que l'a fait le Parti libéral. Et contrairement aux élections précédentes, les libéraux ont fait un usage massif de la publicité négative. Le déploiement de cet arsenal donnait un avant-goût de ce que serait la campagne référendaire. Une bataille sans merci était ainsi amorcée sur l'avenir politique du Québec.

Cette campagne s'est aussi distinguée des autres par sa durée exceptionnellement longue, 51 jours, alors que la précédente avait duré 47 jours, par le nombre record de 682 candidats et aussi par le nombre d'électeurs recensés, soit 4 893 465 personnes. Le coût de cette campagne électorale a été estimé à 53 millions $ par Pierre-F. Côté, directeur général des élections. Elle a mobilisé d'une façon ou de l'autre environ 150 000 personnes.

Cet affrontement se préparait depuis 30 ans, mais jamais auparavant le choix n'avait été aussi clair. Les partis avaient présenté toutes sortes de formules pour canaliser les nouvelles aspirations des Québécois. Statut particulier, États associés, Égalité ou indépendance, souveraineté-association, fédéralisme coopératif, fédéralisme renouvelé, fédéralisme rentable et souveraineté culturelle, société distincte, mais aucune de ces formules n'avait réussi à se concrétiser dans un changement constitutionnel. Les échecs successifs du référendum de 1980, de l'Accord du lac Meech, du référendum de Charlottetown ne laissaient plus d'espace politique à la stratégie du compromis et de la tergiversation. Il faudrait bien trancher un jour entre l'appartenance au Canada et l'indépendance du Québec, entre le statut de minorité ethnique et le statut de nation, entre le statut de province et le statut de pays.

Depuis le retour de Jacques Parizeau à la politique active en 1988, le Parti québécois avait opté clairement [9] pour la souveraineté. Pour sa part, le Parti libéral après plusieurs volte-face constitutionnelles se rangeait résolument du côté des promoteurs du fédéralisme canadien.

Au-delà du choix des futurs dirigeants et des orientations des politiques gouvernementales, cette élection offrait aux Québécois le choix de leur avenir national. Les électeurs étaient appelés à faire non seulement le bilan des actions du gouvernement sortant mais aussi à faire le bilan de 30 ans de débats constitutionnels.

Ce choix supposait un changement majeur dans le comportement électoral des Québécois qui refusaient traditionnellement de mettre tous leurs œufs dans le même panier politique et qui préféraient jouer sur deux tableaux en donnant leur appui à des partis aux options politiques contraires sur la scène fédérale et provinciale. Dans le passé, les Québécois soutenaient des partis fédéralistes aux élections fédérales et des partis plus ou moins nationalistes aux élections provinciales. Certains commentateurs et journalistes aimaient bien entretenir l'image d'un Québécois rusé qui, à l'instar du paysan normand, ne se résout jamais à dire ni oui ni non. S'agissait-il d'un vote stratégique ? Lysiane Gagnon décrivait ainsi cette attitude politique : « Il jouera un palier contre l'autre et votera de façon à gagner sur tous les tableaux - rouge à Ottawa, bleu à Québec ou vive-versa. Trudeau à Ottawa, Lévesque à Québec. Mulroney à Ottawa, Bourassa à Québec. Bouchard à Ottawa ! jamais trop de bonnes choses à la fois, jamais tous les œufs dans le même panier [1]. » Or cette logique avait été ébréchée aux élections fédérales de 1993 où pour la première fois les Québécois avaient donné presque une majorité absolue à un parti qui n’avait aucune chance de former le gouvernement à Ottawa [10] et qui préconisait la souveraineté du Québec. Ils auraient dû normalement, pour se conformer à la pratique du vote stratégique, ne pas donner leur appui à deux partis souverainistes qui les mettaient en opposition avec le reste du Canada. Or les Québécois ont manifesté une certaine cohérence dans leur choix politique en votant pour le Bloc après avoir dit NON à Charlottetown et en donnant une faible majorité de votes au Parti québécois aux élections québécoises. Compte tenu du déroulement de la campagne électorale, ce choix signifie qu'une majorité de francophones a résisté aux prédictions catastrophiques du discours libéral et a choisi de faire confiance au Parti québécois pour gérer l'avenir. Pour la troisième fois consécutive, ils ont refusé leur confiance aux partisans du fédéralisme.

Mais le test ultime de cohérence est encore à venir car si les Québécois ont fait un pas de plus dans cette direction le 12 septembre en donnant le pouvoir au Parti québécois et en se donnant une autre occasion de se prononcer sur leur avenir politique, ils n'ont toujours pas manifesté d'intention claire quant à la direction qu'ils entendaient prendre. S'ils ont repoussé l'idée de moratoire constitutionnel préconisé par le Parti libéral, ils n'ont pas non plus donné un appui ferme et sans équivoque au parti de la souveraineté.

Pour comprendre le choix du Québec aux élections du 12 septembre, nous nous proposons d'analyser la dynamique de la campagne et d'évaluer les différents facteurs qui ont pesé sur la décision des Québécois. On sait que, dans les démocraties modernes, les électorats sont versatiles et que le choix électoral est déterminé par le débat sur les enjeux et les positions offertes par les partis [2]. L'élection [11] québécoise n'a pas échappé à cette tendance lourde qui produit des déplacements significatifs de l'opinion au cours d'une campagne électorale puisqu'il y a eu tassement du vote en faveur du Parti québécois dans les derniers jours de la campagne et montée des soutiens accordés à l'Action démocratique. Nous tenterons d'éclairer ce phénomène en examinant les stratégies déployées par les partis, les programmes offerts, les arguments utilisés pour convaincre les électeurs, les campagnes publicitaires, la couverture médiatique et finalement les variables explicatives du vote.

Les données recueillies dans ce livre seront sans doute utiles pour comprendre le déroulement de la prochaine campagne référendaire car il est fort probable qu'à un an de distance, on retrouvera au débat référendaire de nombreux ingrédients utilisés durant la campagne électorale.



[1] Voir La Presse, 30 juillet 1994, B-3.

[2] Voir I. CREWE, Electoral Volatility in Western Democracies, Londres, G. Helm, 1985.


Retour au texte de l'auteur: Denis Monière, politologue, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le mercredi 14 novembre 2012 18:49
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cegep de Chicoutimi.
 



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