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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Laënnec HURBON, Culture et dictature en Haïti. L'imaginaire sous contrôle. (1979)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Laënnec HURBON, Culture et dictature en Haïti. L'imaginaire sous contrôle. Paris: Les Éditions Karthala, 1979, 203 pp. Une édition numérique réalisée par Rency Inson MICHEL, bénévole, étudiant en sociologie à l'Université d'État d'Haïti. [Autorisation accordée par l'auteur le 19 mai 2009 de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[13]

Culture et dictature en Haïti.
L’imaginaire sous contrôle.

Introduction

« Nous vivons une époque innommable. Pour étayer nos souvenirs, nous devrions parler à nous-mêmes à chaque carrefour... »
(FRANKÉTIENNE, Les affres d'un défi,
Port-au-Prince, 1979, p. 22.)

J'étais d'abord parti d'une double observation : celle de l'acharnement des Églises en Haïti dans une lutte ininterrompue pour la destruction du vaudou — héritage africain, décrété symbole de primitivité et de honte ; d'autre part, celle d'une sorte de défi du vaudou à tous les procédés inquisiteurs, dans sa persistance et sa réadaptation continuelle.

Notre interrogation s'est d'abord portée sur le sens caché des rapports entre vaudou et christianisme, et nous avons pu repérer à travers ce problème, apparemment religieux, une autre logique à l'œuvre : celle de l'impérialisme-culturel-occidental et des rapports de classes à l'intérieur du pays.

Il s'agissait encore, pour nous, avec Dieu dans le Vaudou haïtien [1], d'un premier palier de recherche, où il nous fallait sortir de cette situation somnambulique, de cet exil de nous-même à l'intérieur de notre propre pays : situation dans laquelle nous avait mis l'idéologie dominante en Haïti, en particulier l'idéologie religieuse. Mais, dans un même mouvement, s'imposait à nous la nécessité d'approfondir la signification du refoulement de la culture populaire. Refoulement qui produit un barrage à toute prise de parole des couches populaires, et exprime la peur d'une invasion des « barbares » sur la scène du pouvoir.

En intitulant le présent travail Culture et dictature en Haïti (l'imaginaire sous contrôle) notre dessein est de comprendre [14] ce bâillonnement des classes populaires elles-mêmes. Il nous a semblé que plus on les présentait comme archaïques, primitives ou sauvages, plus on cherchait à leur dénier tout droit à la parole. Autrement dit, nous serions en présence d'un processus par lequel on les fait rentrer dans le cadre de la nature, comme force de travail disponible. L'ordre même de la civilisation devait ainsi se bâtir sur elles comme objet : objet d'étude, objet d'éducation, et — pourquoi pas ? — objet de révolution. Mais le concept d'idéologie s'est, à notre avis, trouvé pris dans les filets de cette fausse évidence que les classes populaires ne font plus que reproduire le langage dominant. Comme si le processus de violence culturelle dans les pays non occidentaux — processus certes sans précédent dans l'histoire —, inauguré depuis trois siècles, avait atteint un caractère d'irréversibilité. Problématique du pouvoir d'exercice de la parole et du pouvoir tout court, voilà ce qu'évoque pour nous le rapport entre culture et dictature en Haïti.

Il nous faut souligner la difficulté de cette entreprise : c'est-à-dire ce piège tendu à tous ceux qui, après avoir été déculturés, sont sommés de se prononcer sur le langage populaire. Nous voulons parler de la petite bourgeoisie intellectuelle qui ne peut pas éviter — à moins de faire l'autruche — une confrontation avec le vaudou, le créole, la musique, la littérature orale, la peinture, bref l'ensemble des pratiques culturelles des masses haïtiennes dans lesquelles le vaudou et la langue créole constituent l'axe central.

La problématique de la culture en Haïti garde encore pour nous une complexité particulière. Les théories de « l'acculturation » présupposant la simple coexistence en Haïti de deux cultures hétérogènes ont abouti à redoubler l'idéologie de la couche sociale dominante. D'un autre côté, le lien dialectique entre religion, idéologie et rapports sociaux, que, sous l'influence des concepts marxistes, on essaie un peu partout de remettre en œuvre, est encore dominé par une vision ethnocentriste-occidentale qui achoppe face au fait brutal de la persistance des codes culturels « autres » dans les pays du tiers monde.

Si ces codes culturels ne survivent pas comme de simples « sous-ensembles » hétérogènes (à la culture occidentale), analysables en eux-mêmes, quel est leur mode actuel [15] de fonctionnement par rapport à la culture occidentale dominante dans ces pays ? Peut-on se contenter d'appliquer l'analyse des appareils idéologiques des pays « capitalistes » du « centre » aux pays de la « périphérie » ? Ces appareils opèrent-ils seulement de manière répétitive, jusqu'à faire des langages populaires la pure reproduction de l'idéologie de la bourgeoisie ? Peut-on également dire que les codes culturels populaires s'en vont vers une disparition inévitable sous l'influence de l'école, des mass média, de la technologie et de ce qu'on appelle « la modernité » ? Ou encore le développement nécessaire des pays du tiers monde passe-t-il par l'abandon des traditions culturelles non occidentales, comprises comme obstacle au sens du « progrès », même si elles représentent des « survivances » dignes de respect ? Quelles sont les attitudes des différentes classes et couches sociales par rapport à ces traditions ?

Face à ces questions, tantôt l'on assiste à une apologie faussement naïve des traditions culturelles des pays du tiers monde, tout en laissant intact le fonctionnement des appareils idéologiques occidentaux (école, mass média, Églises, tribunaux, etc.), alors que ceux-ci travaillent à miner lès traditions culturelles ; tantôt l'on assiste à une contestation violente de ces traditions, tenues pour sources d'un retard dans le développement et qualifiées de pouvoir archaïque. Dans les deux cas, le rapport entre formes populaires de langage et idéologie n'est pas posé.

Pour nous, la problématique de la culture populaire haïtienne gardait aussi un caractère exemplaire et elle nous obligeait — face à l'impasse politique que connaissent tous les groupes d'Haïtiens émigrés qui voudraient le renversement de la dictature duvaliériste — à nous mettre à l'analyse des rapports internes et externes des formes du langage populaire à l'idéologie et au pouvoir.

Un double obstacle se présente à nous pour entreprendre la recherche présente : à la fois l'hypothèque qui pèse en Haïti sur toute question relative à la « culture » à cause de son accaparement par le discours duvaliériste ; et les théories confuses sur la « survivance » du vaudou comme signe de bas niveau de développement des forces productives, et comme expression d'un système féodal.

[16]

1) Indigénisme et négritude

Dans le premier cas, il s'agit essentiellement de la littérature dite de l'indigénisme et de la négritude qui s'est donnée pour tâche depuis 1928 la réhabilitation de la culture populaire en Haïti. Ce thème de la culture semble renvoyer finalement — nous nous en expliquerons plus loin — au désir d'hégémonie d'une fraction de la petite bourgeoisie intellectuelle noire qui, sur la base même d'une appropriation littéraire de la culture populaire, cherche à renforcer sa distance vis-à-vis des classes populaires.

En réaction contre la longue domination occidentale, cette fraction de la petite bourgeoisie situe la culture populaire du côté de « la pureté », de « l'authenticité », et la constitue en « survivance » à sauver coûte que coûte. Pour cela, elle la fait accéder à l'état d'objet favori d'étude, de thème littéraire, maintenant que sa disparition est assurée. La culture populaire haïtienne subit ainsi une métamorphose : elle est décrétée belle : belle de « la beauté de la mort ». « En quêtant une littérature ou une culture populaire, la curiosité scientifique ne sait plus qu'elle répète ses origines et qu'elle cherche ainsi à ne pas connaître le peuple » [2].

Etudier les coordonnées de « la culture populaire » haïtienne ne semble même pas consister à faire bouger un cadavre : il serait encore trop dangereux. Il s'agit de se dépêcher de produire une statue : la statue du Nègre marron érigée en plein cœur de Port-au-Prince, face au Palais national, par le régime qui aura le plus discouru sur la culture populaire haïtienne, est le symbole de la réduction du peuple à l'état d'objet. C'est curieusement au moment où il est maintenu le plus éloigné de la scène du pouvoir qu'il y est ramené, tel un fantasme toujours déjà à repousser. La statue du Nègre marron, dans le contexte de la terreur duvaliériste, c'est l'exorcisation même du langage populaire. Le marronnage, en effet, c'était la retraite des esclaves vers des espaces inaccessibles aux maîtres, et par la reprise des pratiques culturelles africaines, le moment de la reconstitution d'un langage propre — le vaudou/le créole — pour la réaffirmation d'un pouvoir sur son propre destin, dans le refus de tout apprivoisement, de tout assujettissement.

[17]

Au moment où nous écrivons, le thème de « la culture populaire » continue à alimenter le duvaliérisme. Un ouvrage récemment paru en Haïti, Enquête sur le développement [3], par J.-J. Honorât, et qui a été accueilli comme un événement, s'est proposé dans la ligne même du duvaliérisme de produire une critique scientifique du système économique en vigueur en Haïti, système basé sur le gaspillage, la rapine, l'exploitation. Sortant désormais des perspectives abstraites sur le développement, Honorât entreprend une analyse des causes du sous-développement accéléré des « masses » paysannes, et en même temps prétend dénoncer le parasitisme des « élites », leur « bovarisme » et leur mépris des « masses », mépris enraciné dans la méconnaissance de la culture populaire haïtienne.

Le projet de l'auteur s'intègre dans la perspective actuelle d'un vernissage technocratique de la dictature duvaliériste : moderniser la production et la bureaucratie, donner aux élites « capables » de sacrifice et soucieuses de rentabilité la direction des affaires, autrement dit utiliser au maximum la force de travail en chômage (la masse des agriculteurs appauvris) dans des secteurs d'industrialisation accélérée. Cette proposition s'inscrit nettement aussi dans la logique de l'idéologie développementiste qui court-circuite le phénomène de la domination politique comme celui des rapports sociaux. Point n'est besoin de souligner qu'une telle théorie du sous-développement est déjà à l'œuvre en Haïti, puisque les vingt ans du duvaliérisme nous donnent à voir le pillage plus systématisé que jamais des ressources du pays : la concession des gisements entiers de cuivre à certaines compagnies françaises et américaines ; le pillage des ressources humaines (trafic de main-d'œuvre) : des dizaines de milliers de paysans sont vendus comme coupeurs de canne en République dominicaine et soumis à un véritable système esclavagiste ; l'organisation de l'exode des intellectuels ; les [18] salaires de famine pour les ouvriers dans les petites industries d'assemblage ; l'émigration forcée aux États-Unis, au Canada, dans les îles environnantes.

Au moment où un corps de répression spécial — les léopards —, préparé contre l'ennemi intérieur, est créé sous le régime de Duvalier fils, l'auteur d'Enquête sur le développement n'hésite pas à écrire :

« C'est parce qu'il (Duvalier) a su coller à la réalité haïtienne et parce qu'en même temps il a compris la nécessité d'appuyer son activité sur une connaissance incessante des menus remous des cadres de base, que le parti au pouvoir depuis 1957 a pu, le premier dans l'histoire nationale, acquérir son incontestable vitalité politique lui permettant de se passer de la clé de voûte personnelle qui a toujours été le fondement de nos régimes politiques » (p. 238).

Mais ce qui mérite encore plus d'attention ici, c'est le nouvel aménagement de l'idéologie duvaliériste, dans la critique qui est faite de l'occidentalisation des élites haïtiennes, du « bovarisme » qui les fait chercher ailleurs que dans la culture populaire les bases d'une idéologie du développement.

Nous relèverons deux aspects du problème culturel haïtien mis en relief par J.-J. Honorât et qui témoignent d'un véritable malentendu sur les antagonismes des classes sociales en Haïti. Pour Honorât, il existerait une homogénéité de la nation haïtienne sous l'angle de la culture, en dépit du refus des « élites » de se reconnaître de la même souche culturelle que les « masses » : une même « mentalité » haïtienne, une même « personnalité de base » serait partagée par tous les Haïtiens :

« Il est donc faux de croire, écrit Honorât, et de prétendre qu'il existe chez nous deux mondes distincts, superposés et n'ayant rien de commun. Nous avons eu tous tant que nous sommes, habitants cultivés des villes et paysans des campagnes attardées, le fond mental irrécusable de l'antique civilisation africaine mélangée en plus ou moins forte dose à cet indéniable apport de la civilisation occidentale que déposa dans l'âme de nos ancêtres le colon français et que nous charrient encore sans cesse nos contacts intellectuels et commerciaux avec le monde. L'Haïtien est un, comme est un l'Américain ou le Français » (p. 154).

[19]

Idéaliser à ce point la culture haïtienne, en l'imaginant transcendante aux différentes classes qui s'affrontent, c'est reprendre telle quelle la perspective même de l'impérialisme culturel qui se porte bien partout où les luttes de classes sont dissimulées. Pour Honorât, tout se passe comme si le simple fait de se reconnaître de la même culture mettrait Noirs et Mulâtres, citadins et ruraux, bourgeois et prolétaires, ensemble dans la même voie du travail pot » le développement. Nationalisme culturel ou idéologie de l'unité (factice) de la Nation pour mieux maintenir un contrôle des classes dominées ? Plus loin, Honorât écrit cependant :

« Le vaudou est la seule idéologie populaire de lutte contre les idéologies d'occultation, de contrainte et d'inhibition empruntées par les élites dirigeantes aux arsenaux de la civilisation occidentale » (p. 317).

Cette affirmation qui procède de la vision d'un vaudou monolithique, donc abstrait, contraste singulièrement avec l'apologie de la technique, du progrès, de l'industrialisation, de la productivité. S'agit-il d'utiliser le vaudou comme un glacis de protection contre les critiques marxistes du duvaliérisme et de l'impérialisme ? Le malentendu devient plus grave quand Honorât laisse entendre que dans le vaudou on ne trouve ni contrainte, ni inhibition, ni occultation.

Honorât prétend donc voir dans le vaudou une sorte de fond permanent de l'âme haïtienne et par là s'autorise à ne pas examiner la manière dont les couches sociales dominantes essaient d'investir le vaudou pour imposer leurs propres modèles, normes et représentations. En présentant le vaudou comme langage articulé, il s'agissait pour nous d'indiquer justement qu'en tant que langage le vaudou est traversé par les contradictions de la société et qu'il est un lieu d'expression de ces contradictions pour les masses. C'est cet aspect du vaudou que nous nous proposons d'approfondir dans le présent ouvrage.

2) Des théories confuses
sur « la survivance » du vaudou


Le deuxième obstacle est celui des théories sur l'articulation [20] des modes de production, telles qu'elles se présentent dans la littérature marxiste haïtienne. Un mode de production dominant en Haïti — le mode de production féodal — rendrait compte du sous-développement excessif d'Haïti et du « fascisme créole » des Duvalier. Sur cette base, la liaison entre les formes de culture populaire et l'économie féodale (pré-capitaliste) devient une évidence. Le duvaliérisme s'appuierait avant tout sur le vaudou en tant qu'il est l'expression d'un système économique féodal. Une vision linéaire et évolutionniste de l'histoire — de l'archaïque au progrès scientifique et technique — est ici à l'œuvre. Et cette vision trouve sa légitimation dans une tradition marxiste selon laquelle un haut niveau de développement des forces productives est nécessaire pour l'avènement d'une situation révolutionnaire. L'obsession du développement amènera les agents de coopération et des missions chrétiennes à combattre tout d'abord le système « arbitraire » des esprits-vaudou tenus responsables de la misère des masses.

Maintenant qu'on a lancé partout en Haïti le mot d'ordre « développement », on peut prévoir l'impasse à laquelle aboutissent tous les opposants du régime dictatorial qui parlent d'un vaudou obstacle au développement. Pour nous, il ne s'agit là rien moins que de la reprise de l'idéologie coloniale qui peut prendre une double orientation selon les besoins de la cause : ou l'apologie exotique d'un vaudou abstrait, ou le rejet des responsabilités du sous-développement sur les formes de la culture populaire.

Le débat sur la culture connaît justement dans l'émigration haïtienne, comme en Haïti même, un regain de vitalité face à la question du développement du pays qui brusquement intéresse le régime et les investisseurs étrangers en quête de main-d'œuvre docile et de pillage tranquille. En 1973-1974, le débat tournait par exemple souvent autour de la langue créole et de l'orthographe à utiliser (phonologique, qui montrerait le créole autonome par rapport au français ; étymologique, qui le rapprocherait du français). L'enjeu des prises de position sur le créole est apparu capital : que faire désormais avec un pourcentage de 95 % de la population qui ne parle que cette langue, alors que le français est la langue officielle de l'administration et de l'enseignement ? Comment prétendre alphabétiser dans une [21] langue étrangère ? Comment surtout prétendre la sauvegarde de la culture nationale quand on maintient le français comme langue officielle ?

Face à cette contradiction aiguë, le pouvoir, les classes dominantes et les intellectuels idéologues du régime n'hésitent pas à proposer, sous l'instigation de l'impérialisme français (Institut culturel français en Haïti, coopération, missions pédagogiques), une utilisation du créole comme moyen de passage au français. L'orthographe étymologique du créole servirait ainsi de « pont » pour l'enseignement du français qui garderait intacte sa position dominante. Cette « aberration » [4] a été proposée à partir d'un terrain idéologique précis : celui d'une soi-disant incapacité inhérente à la langue créole de mettre le peuple sur les rails du développement.

Bien entendu, la coopération culturelle française a compris rapidement qu'il lui fallait changer de tactique : elle se charge elle-même de contrôler une alphabétisation en créole et d'intervenir directement dans les rouages de l'éducation nationale.

Mais, maintenant, comment pourrai-je, du lieu qui m'est assigné, ne pas reproduire par un discours théorique sur la « culture haïtienne » la division prévue par l'idéologie dominante entre intellectuels et masses ? Cet ouvrage ne prétend pas raturer cette question et je ne tente ici des analyses que sur la pointe des pieds.

Ce que nous pouvons déjà rappeler, c'est le danger de toute production théorique sur la « culture populaire », là où cette production, dans le domaine de l'ethnologie, de la sociologie, de la linguistique ou de l'histoire, exclut de son [22] objet le problème du pouvoir et reste aveugle sur la signification, l'effet de cette production théorique elle-même [5].

Mais les difficultés d'élaboration d'une sociologie de la culture en rapport avec le pouvoir et le contrôle idéologique des classes populaires, commencent à peine à être aplanies. Plusieurs types d'analyses [6] ont tenté ici et là d'apporter un éclairage nouveau ou, en tout cas, un outillage conceptuel. Leur efficacité reste pour nous limitée, à cause de l'attention qu'ils gardent fixée, la plupart du temps, sur les seuls mécanismes de l'idéologie dominante et de la reproduction de la domination, l'autre face des systèmes sociaux et culturels restant constamment dans l'ombre.

Les efforts entrepris aujourd'hui pour sortir des analyses formalistes sur le langage et ouvrir de nouvelles approches sur les rapports entre langue (discours) et histoire [7] entraînent au moins un réexamen critique des notions elles-mêmes d'idéologie et de « langage ». Ce n'est pas ici le lieu pour dresser un bilan sur l'état de ces questions. Toutefois, on soulignera les difficultés ou les confusions auxquelles pourrait prêter l'emploi de ces notions d'idéologie et de langage dans le présent travail.

Langage/culture

Il nous arrive souvent, tout au long de cet ouvrage, de parler tantôt de « culture populaire », tantôt de « langage populaire ». Déjà dans Anthropologie structurale [8] de Cl. Lévi-Strauss, le flou entre ces deux notions est patent. La définition de la culture comme ensemble ethnographique présentant par rapport à d'autres des écarts significatifs est la même que celle que Lévi-Strauss donne au système linguistique, tout en prenant le soin de voir dans le langage la condition et la fondation de la culture. Ce flou persiste encore dans les recherches menées actuellement, à cause de [23] la domination qu'exerce la linguistique sur l'ensemble des sciences humaines. L'emploi abusif de la notion de « langage » à la place de celle de « langue » est devenu courant. Certains auteurs, Ducrot et Todorov par exemple, préfèrent annoncer qu'ils choisissent le sens restreint et banal de « langue naturelle » [9] pour le mot « langage », afin d'éviter la confusion ou l'indétermination qu'amènerait l'adoption du sens large du mot langage comme « système de signes ».

En fait, depuis la théorie saussurienne du signe, nous arrivons à une extension, chaque jour plus grande, du sens de la notion de langage. La sémiologie que développent R. Barthes, J. Kristeva, prétend justement comprendre comme des systèmes de signes toutes les représentations collectives, les mythes, les religions, les arts, la littérature, etc., et finalement toutes les formes sociales. Bien entendu, les recherches sémiologiques comportent la critique d'une vision idéaliste et fétichiste de la culture et de l'idéologie comprises comme ensemble d'idées, de contenus, de signifiés qu'il suffirait d'inverser pour créer le changement social, en laissant telles quelles les institutions et les appareils idéologiques. De même, le langage cesse d'apparaître dans une fonction de représentation/reflet du monde, mais dans ses capacités de transformation du monde [10].

En revanche, ces recherches ne disposent guère de fondation théorique solide et n'échappent pas au présupposé métaphysique de la théorie du signe qu'elles voudraient déconstruire. « La combinatoire formelle » de la théorie sémiotique, écrit justement Meschonnic, fait un rêve qui s'accomplit d'autant plus aisément qu'il traduit toutes les pratiques sociales du langage, tous les langages dans son langage et se réalise ainsi dans son universalité » [11]. Prendre le texte comme le modèle de toutes les pratiques sociales, comme le fait par exemple J. Kristeva [12], c'est [24] régresser vers l'idéalisme et brouiller tous les niveaux de la réalité sociale, en leur accordant à tous la même valeur.

En maintenant ici l'emploi du mot langage au sens large (à la fois la langue, la littérature orale, les mots, le système symbolique comme les pratiques et croyances religieuses), nous nous attacherons essentiellement aux rapports existant entre langage et structures sociales [13]. Ces rapports correspondent pour nous à des niveaux de réalité distincts dont il faut trouver l'articulation dans une formation sociale donnée. « Langage populaire » renvoie bien aussi à « culture populaire » : il permet de la saisir dans ses conditions et ses fondations, comme déjà Lévi-Strauss le suggérait ; il implique en même temps la critique du culturalisme qui sous-tend les théories de la négritude.

Idéologie/contrôle idéologique

D'après M. Pécheux, Louis Althusser dans Idéologie et appareils idéologiques d'État a véritablement posé les fondements d'une théorie non subjectiviste du sujet, comme théorie des conditions idéologiques de la reproduction/transformation des rapports de production : le rapport entre inconscient (au sens freudien) et idéologie (au sens marxiste) commence ainsi à s'éclairer par la thèse fondamentale selon laquelle « l'idéologie interpelle les individus en sujets » [14].

Sans revenir ici dans les débats actuels autour de la notion d'idéologie suscités par le renouveau des recherches sur le langage, nous aimerions seulement situer les concepts que nous mettons à contribution dans le présent travail. Pour nous, en dépit des critiques qu'on peut formuler vis-à-vis [25] des analyses théoriques d'Althusser, certains de ses concepts comme « appareils d'État » gardent encore une grande valeur opératoire, et il est inutile de s'y attarder. Que l'idéologie ne constitue pas un « ensemble d'idées », ni une pure expression de l'infrastructure économique, mais présente une « matérialité spécifique » sous forme d'appareils d'État et de « formations discursives » situées historiquement..., le concept d'appareils idéologiques d'État permet d'en rendre compte.

Mais on ne voit guère — comme le voudrait M. Pécheux — en quoi Althusser parvient à fonder ainsi une « théorie non subjectiviste du sujet », on ne voit pas non plus en quoi la rupture avec le structuralisme et le théoricisme qu'on reproche à l'école d'Althusser se réalise ici. Il semble plutôt que l'obsession d'une théorie générale des idéologies parvient à mettre au second plan la problématique de la lutte de classes et à restaurer un primat de la théorie ou de la science comme une sorte de transcendantal qui hante actuellement les recherches en sciences sociales.

La critique de la métaphysique impliquée dans l'emploi de la notion d'idéologie connaît des fortunes diverses. Ainsi, par exemple, J. Baudrillard (Le miroir de la production, Pour une critique de l'économie politique du signe, Utopie Cinq, Mai 1972 : production, idéologie, dialectique) engage une mise en question radicale des thèses en cours sur l'idéologie basée sur une anthropologie et une métaphysique occidentales. Pour lui, le concept d'idéologie implique trop souvent « les concepts de l'opposition métaphysique traditionnelle sujet/esprit, conscience/matière, intelligible/sensible, apparence/essence... Culture/nature, signifiant/signifié, commandant, chez les marxistes orthodoxes, l'opposition infrastructure-superstructure, comme si les superstructures n'étaient que les représentants de l'infrastructure, et cela conduit à conférer une importance excessive aux forces productives » [15].

Appliquée aux « sociétés primitives », cette conception de l'idéologie, dit-il, fait de la nature un objet que l'homme cherche toujours et partout à s'approprier par le travail, et finalement cette conception empêche de comprendre ce qui [26] se passe dans une société non capitaliste. Celle-ci connaît plutôt, pour Baudrillard, un système d'échange symbolique et est dominée avant tout par la relation de don/contre-don, par le sacrifice, la fête, la dépense. La société non capitaliste n'est pas réglée par le code du travail et de la productivité. L'universalisation de l'économique, c'est ce qui, explique Baudrillard, domine encore les recherches menées dans le cadre du matérialisme marxiste, cadre dans lequel l'ethnocentrisme occidental doit être rigoureusement traqué.

La position de Baudrillard reste, à certains égards, exemplaire, car à son tour il aboutit à l'impasse : non seulement il retourne au brouillage des différents niveaux de la réalité économique, culturelle, politique (« L'idéologie est tout entière dans la logique de la marchandise, comme dans la logique du signe »), mais il relance le fantasme, bien « occidental » aussi, des sociétés primitives ou précapitalistes, pures, authentiques, car basées essentiellement sur l'échange symbolique. Où trouver aujourd'hui de telles sociétés, depuis l'expansion du mode de production capitaliste ? On ne le sait. En tout cas, les analyses concrètes du processus de domination dans les formations sociales dites « périphériques » ne peuvent se contenter de répéter sans vigilance critique l'outillage conceptuel marxiste élaboré en Occident. La déconstruction de l'ethnocentrisme occidental qui s'insinue dans certaines théories marxistes est indispensable.

Nous emploierons ici souvent l'expression « contrôle idéologique » pour désigner à la fois le procès de la domination dans ses conditions sociales d'exercice idéologique et les réactions ou les résistances mises en œuvre dans les classes populaires, face à ce contrôle.

Pour nous, on ne peut pas se contenter de démonter les mécanismes de l'idéologie dominante, de mettre à nu les mille et une subtilités du pouvoir établi pour se reproduire [16]. Il importe de soulever dans un même mouvement d'analyse l'autre face de la réalité sociale : les forces cachées, enfouies, non encore éteintes, capables d'être réarticulées dans des pratiques plus efficaces de lutte. Mais la [27] cécité et la méconnaissance sont maintenues vis-à-vis de ces forces, là où l'on croit qu'à partir de n'importe quelle position sociale et politique — à partir d'une tâche de manipulation ou d'une position de pouvoir — on peut arriver à les cerner. C'est peut-être le point d'aveuglement, non seulement pour le système entier qui cherche leur éreintement, mais aussi pour la petite bourgeoisie intellectuelle soucieuse seulement de la « juste théorie ».

Nous tâcherons, dans le présent travail, de montrer le colossal effort déployé par les métropoles occidentales et les classes dominantes locales pour réduire au silence les classes populaires, mais surtout de souligner que le langage populaire n'est pas totalement aux abois : il s'agirait seulement de luttes en suspens, de création continuelle, de stratégies cachées jusque dans les langages imposés, de tâches de détournement des symboles mêmes de la violence culturelle. Sur cette base, il deviendra possible de sortir de la croyance (entretenue par le pouvoir lui-même) en l'irréversibilité du processus de la domination.

L'ouverture de cette recherche par l'étude du « processus de formation/refoulement de la culture populaire en Haïti » voudrait rappeler comment cette histoire (esclavage/marronnage) est encore fondamentale pour comprendre le statut et le sens actuel des pratiques culturelles (vaudou, langue créole, organisation familiale, musique, peinture, etc.). Cette « culture populaire », née et développée sous le signe de la répression, demeure introuvable hors de son rapport au pouvoir et au contrôle idéologique. Les travaux déjà produits là-dessus n'ont guère jusqu'ici intégré le procès de la violence culturelle en Haïti dans la stratégie globale du mode de production capitaliste qui, depuis toujours et dès le départ, construit le discours anthropologique de légitimation de cette violence (idéologie des Lumières, idéologie missionnaire, idéologie scolaire). Le chapitre sur « Appareils d'État et codes culturels » vise, en mettant à contribution les concepts de société civile/société politique, à montrer d'un point de vue synchronique comment cette violence culturelle se trouve en exercice dans les pratiques de la vie quotidienne, et qu'à s'enfermer sur la société politique on risque d'être aveugle à la genèse de la dictature duvaliériste en Haïti. Il apparaîtra qu'une compréhension [28] véritable de la situation actuelle en Haïti ne peut faire l'économie :

  • d'une critique des théories sur la genèse de l'État haïtien ;
  • d'une critique des théories sur l'articulation des modes de production en Haïti ;
  • d'une analyse du fonctionnement des appareils religieux dominants, catholiques et protestants, puis du système scolaire.

La dictature des Duvalier représente pour nous, on le verra aussi, un phénomène « incontournable », puisqu'elle se base sur un emploi idéologique du thème de la culture populaire. Il nous a fallu nous atteler à une analyse des productions du langage duvaliériste et de ses sources, car, jusqu'ici, on s'est trop contenté de slogans, sans prendre la peine de considérer le poids de ce langage qui n'a pas pu émerger un beau matin sur le sol d'Haïti et qui plonge ses racines dans la scène politique et littéraire du XIXe siècle haïtien, comme dans les thèmes de l'impérialisme culturel occidental.

Ce chapitre intitulé « L'idéologie duvaliériste ou les métamorphoses de la culture populaire en Haïti » n'est pourtant pas une étude historique : il s'agit d'un débat actuel et surtout fondamental dans la quête d'une rupture avec le langage de la violence culturelle en Haïti. Si, cependant, nous avons pris le vaudou comme lieu de la culture populaire en Haïti, ce n'est pas parce que le vaudou constituerait à lui seul le champ culturel haïtien, c'est d'abord parce qu'il est historiquement symbolique de tout ce champ culturel qui s'étend à la musique, à la famille, à l'éducation, à la peinture, à la chanson, aux loisirs, à la littérature orale et aux arts et techniques en général. Là-dessus, nous reconnaissons volontiers les limites de ce travail. Mais c'est encore une tâche qui dépasse un seul chercheur.

Nous avons choisi de rechercher les rapports actuels entre « Vaudou, sorcellerie et pouvoir », pour le repérage des stratégies culturelles des classes dominées vis-à-vis du contrôle idéologique auxquelles elles sont soumises. Là, on peut se rendre compte, à notre avis, des ambiguïtés et des contradictions de la culture populaire et sortir de toute visée manipulatrice et réductrice.

[29]

L'étude de la figure du Roi dans la littérature orale haïtienne se veut un essai d'analyse sémantique à partir du corpus de contes bien connus de Bouki et Malice en Haïti. Nous avons mis à contribution, non seulement le corpus présenté par Suzanne Comhaire-Sylvain, mais aussi un choix de contes que nous avons nous-même enregistrés en 1976-1977 auprès des travailleurs haïtiens en Guadeloupe. Bien loin de nous livrer à des exercices gratuits, notre analyse aboutira aux questions suivantes :

  • La figure du Roi dans les contes évoque-t-elle la violence dans la vie quotidienne et le pouvoir politique en vigueur ?

  • En se faisant appeler « père spirituel », « papadoc », Duvalier a-t-il essayé de reprendre à son profit un fond archaïque résistant du vaudou pour proposer une identification imaginaire à son pouvoir qu'il prétend puiser aux sources des ancêtres et des esprits ?

  • Ou bien, plutôt, ne trouvons-nous pas dans les contes la puissance de l'imaginaire et du rêve pour parodier et tourner en dérision les différentes contradictions de la vie quotidienne ?

Que la question culturelle se donne davantage comme un symptôme, à la fois d'une problématique du pouvoir et d'une quête de survie, cela ressort de manière plus nette encore aujourd'hui dans les sectes religieuses qui prospèrent dans toute la Caraïbe ; mais nous ne pouvons pas malheureusement les étudier dans ce travail. En Haïti, plus de 200 sectes religieuses se développent actuellement de manière étonnante.

Devant la permanence et la réactualisation des pratiques culturelles populaires traditionnelles qui viennent se loger dans les failles, les contradictions et les impasses du système capitaliste, ne faut-il pas s'interroger davantage aujourd'hui sur les stratégies des classes dominées ? Sur le caractère rebelle des codes culturels « autres » que celui de la marchandise ?

Comment les petites bourgeoisies déjà déracinées et plus sensibles aux idéologies du progrès et de la productivité peuvent-elles sortir d'un rapport d'extériorité à ces codes ? Quelles difficultés et quelles tâches représente pour nous la problématique de l'héritage culturel populaire ?

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[1] « Bibliothèque scientifique », Ed. Payot, 1972.

[2] M. de Certeau, la culture au pluriel, coll. 10/18, 1974, p. 56.

[3] Imprimerie Centrale de Port-au-Prince, 1974. Voir aussi : Haïti, quel développement ?, Coll. Paroles, Montréal, 1975, par Ch. Manigat, Cl. Moïse, E. Olivier, ouvrage qui est une critique marxiste de l'ouvrage de J. Honorât, mais qui confère encore le beau rôle à la petite bourgeoisie intellectuelle militante, comme force capable de réveiller les masses et destinée à les guider : « À y regarder de loin ou de près, la petite bourgeoisie opprimée se trouve en situation sociale et en position de jouer un rôle décisif dans le décollage de la situation haïtienne vers une transformation radicale du pays. Elle est en condition de réfléchir sur la situation du pays et de s'inspirer des meilleures idées progressistes venues d'ailleurs... » (p. 151).

[4] L'idée de l'utilisation du créole comme moyen de passage au français en Haïti a été exprimée par Bernard Dorin, alors ambassadeur de France en Haïti, dans un article intitulé « La fausse querelle du créole et du français », dans Conjonction, revue franco-haïtienne, n° 1220, juillet 1973, p. 12 :

« Le créole est et doit rester la langue du pays, de la famille, des amis, de la détente, de l'expression populaire, mais il doit permettre aussi le passage aisé à la langue de là vie sociale, des affaires, de l'accès aux autres cultures, des voyages, des relations internationales, qui est le français. Il convient d'aménager des passages logiques et faciles entre l'un et l'autre, et c'est à cette tâche primordiale que la mission pédagogique s'est attelée dans le cadre de l'Institut français ».

Nous renvoyons ici aux critiques faites par Yves Dejean, d'un point de vue linguistique, à cette proposition d'une orthographe créole propre à faciliter l'accès au français. Cf. sa brochure : Orthographe créole et passage au français, Brooklyn, New York, 1974.

[5] Problème posé avec rigueur en particulier par P. Bourdieu, M. de Certeau (voir bibliographie) ; plus récemment, l'ouvrage collectif Les cultures populaires, sous la direction de G. Poujol et R. Labourie. Ed. Privât, 1979.

[6] Par ex., Marc Augé, Théorie des pouvoirs et idéologies, Ed, Hermann, 1975 ; Pouvoirs de vie, pouvoirs de mort, Flammarion, 1977.

[7] J.-P. Faye, « Langage totalitaire et analyse de classe », dans Eléments pour une analyse du fascisme, par MACCIOCCHI. coll. 10/18, t. 1, p. 285.

[8] Claude Lévi Strauss. Anthropologie structurale, Plon, 1957, pp 78-79 et pp. 325-326.

[9] O. Ducrot et T. TODOROV, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Seuil, 1972, p. 7.

[10] J.-C. Chevalier, « Langage et histoire », dans Langue française. Linguistique et histoire, Larousse, sept. 1972, p. 28.

[11] Cf. Henri Meschonnic, Le signe et le poème, Gallimard, 1975, p. 230.

[12] Voir, par ex., son ouvrage, Recherches pour une sémanalyse, Seuil, coll. « Tel quel », 1969, p. 51 : « Un marxisme radical verrait plutôt dans les pratiques sémiotiques, y compris dans la peinture, une activité du même rang que les autres pratiques sociales » (c'est nous qui soulignons). Outre les critiques de H. Meschonnic à J. Kristeva, voir aussi la critique de Maldidier, Normand, Robin, dans « Discours et idéologie, quelques bases pour une recherche », dans Langue française, n° 15 ; et Langage et histoire, p. 136, Larousse 1972.

[13] En remettant cette articulation sur le compte d'une « sociolinguistique », on se rend compte qu'il reste bien du chemin à parcourir. Voir les remarques critiques de A. Cicourel dans son article sur « Sémantique générative et structure de l'interaction sociale » dans Communications, n° 20, 1973. p. 212.

Pourtant, les travaux produits dans le cadre de l'ethnolinguistique donnaient déjà des orientations fécondes sur les rapports entre langage et société : par exemple, G. Calame Griaule, Ethnologie et langage ou la parole chez les Dogon, Gallimard, 1965 ; de même Langage et cultures africaines. Essais d'ethnolinguistique, Maspero, 1977 ; Rey-Ullmann, Les bilinguismes littéraires, signification sociale de la littérature orale chez les Tiokossi, p. 34, thèse ronéotée, 1976.

[14] Cf. M. PÉCHEUX, Les vérités de la Palice, Maspero, 1975, p. 122.

[15] Utopie Cinq, p. 59.

[16] Une mise au point théorique, claire et suggestive : l'article de Eliseo Veron : « Sémiosis de l'idéologique et du pouvoir » dans Communications, 28, 1978, pp. 7-20.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 14 mars 2018 11:36
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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