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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Denise Helly, “La gestion de la diversité religieuse au Canada et le cas de l’Islam.” Un article publié dans Revue marocaine d’études internationales, no 13, 2005, pp. 62-87.

[57]

Denise Helly *

Chercheure, INRS culture - société

La gestion de la diversité religieuse au Canada et le cas de l’Islam”. **

Un article publié dans Revue marocaine d’études internationales, no 13, 2005, pp. 62-87.


Introduction

1. Les formes de sécularisme
2. Bref historique canadien, 1774-1982
3. Les définitions de la discrimination au Canada
4. L'obligation juridique d'accommodement raisonnable
5. Le cas des musulmans
6. Québec, un cas particulier

Conclusion

Références


INTRODUCTION

Le régime canadien fait partie des régimes de relations entre État et religion qui accordent des privilèges à des Églises historiques comme en Allemagne et en Espagne. Ces privilèges majeurs de deux Églises chrétiennes tiennent aux liens historiques du Canada avec l'Angleterre (Church of England) et à l'influence de l'Église catholique romaine lors de la colonisation britannique. Cependant, à la différence des cas allemand et espagnol, l'importance accordée à la défense des libertés fondamentales depuis les années 1960 et surtout depuis 1982, fait du régime canadien un cas particulier.


1. Les formes de sécularisme

Historiquement, la religion fut le premier objet de réflexion sur l'inégalité en Occident en raison des conflits religieux ravageant l'Europe et les libertés de conscience et de culte furent inventées pour deux raisons : réduire l'influence prépondérante d'une [58] religion sur l'organisation sociale et le pouvoir politique et, selon l'un des penseurs fondateurs du sujet, parce que la persécution est irrationnelle et inefficace. Selon John Locke (Letters on Toleration), on ne peut imposer ou transformer une croyance par la force et l'État ou une Église majoritaire ne peuvent éradiquer une foi "fausse".

La première codification des relations entre État et religion est implantée au 17è siècle par des régimes monarchiques européens de droit divin, tirant leur légitimité d'une religion et d'une Église. Elle constitue une réponse aux conflits entre catholiques et protestants et elle comporte deux volets : la protection par l'État des libertés de conscience et de culte de la minorité religieuse, le maintien de relations privilégiées entre l'État et une Église majoritaire. Adoptée par la plupart des monarchies européennes, elle donnera lieu à divers modes d'interaction entre État et religion dont on retrouve actuellement l'héritage dans la plupart des pays.

Actuellement, on peut distinguer deux formes qui ont un principe commun : le respect des libertés de conscience et de culte. Ces formes ressortent de deux conceptions de la religion. La croyance et la pratique religieuses peuvent être envisagées comme des faits communautaires, des philosophies de vie en société impliquant leur protection par l'État. Sur cette base, trois formes de protection se sont construites historiquement. Des États déclarent une religion officielle, comme les États anglican d'Angleterre et luthérien du Danemark ; ils assurent l'enseignement de la religion à l'école publique et subventionnent les activités sociales des religions non officielles. Ils n'accordent aucun traitement particulier à l'islam. D'autres États, Pays Bas et Belgique, pays du système des piliers et où des partis représentent les églises chrétiennes (Chrétiens démocrates), contribuent directement, financièrement, au maintien des institutions de toutes les confessions présentes sur leur territoire. Néanmoins, les Pays Bas ont refusé la reconnaissance de l'islam comme pilier de la société néerlandaise alors que la Belgique a fait de l'islam le troisième pilier de la société belge. D'autres États enfin, Allemagne, Canada et Espagne, octroient des privilèges à une ou des églises chrétiennes.  Mais,  si l'État espagnol a reconnu l'islam comme [59] seconde religion de l'Espagne, l'État allemand considère la population musulmane comme un corps étranger à la société allemande et l'État canadien n'intervient nullement dans l'organisation institutionnelle des minorités religieuses.

Une autre conception fait de la religion une conviction et une conduite exclusivement personnelles, privées ; elle est incarnée par la seconde forme du sécularisme, la laïcité, un régime récent dans l'histoire (Constitution des États-Unis, 1787). La laïcité est liée à la fondation d'États développant une idéologie républicaine et reconnaissant l'athéisme (États-Unis 1776 ; Mexique, 1859 ; Turquie, 1924 ; France, 1905 et 1946). Elle constitue un trait fondateur de ces États et est inscrite dans leurs constitutions. En France et aux États-Unis, elle fut établie à partir de trois idées, toujours prégnantes : tout humain a la capacité et la liberté et, subséquemment, la responsabilité de décider de sa vie à partir de ses propres valeurs ; la diversité des valeurs rend tout consensus à leur propos impossible au sein d'une société ; aussi la liberté religieuse doit-elle être reconnue et protégée. Cette dernière idée impliquait de distinguer des sphères de la vie en société, une sphère où s'exprimeraient librement les différences religieuses (et culturelles), la sphère privée, et une sphère publique, politique, où s'établiraient les règles de respect de la liberté religieuse et des autres libertés fondamentales. Elle impliquait aussi une nouvelle dynamique socioculturelle : les choix personnels religieux et culturels avaient préséance sur la croyance et les coutumes prescrites par une majorité. Les idéologies laïques américaine et française ne cesseront d'affirmer cette primauté de l'individu sur les communautés religieuses et culturelles en vue de ne jamais voir une culture ou une religion majoritaire recouvrir la société civile et le pouvoir politique.

Le principe laïc invoque la neutralité religieuse de l'État et sa séparation stricte de la religion. L'État ne peut pas soutenir et financer des activités et institutions religieuses, les agents du service public sont neutres en matière religieuse mais l'État se doit de garantir l'expression religieuse individuelle et ses agents de respecter les croyances religieuses des usagers des services publics. Mais l'interprétation de la laïcité est fort différente en France et aux [60] États-Unis et l'État français contrevient parfois au principe laïc en contraste frappant avec le cas des États-Unis. Par exemple, l'État français a œuvré durant quinze ans pour voir se former une instance unitaire musulmane, créée en 2003.


2. Bref historique canadien, 1774-1982

Le régime canadien actuel se distingue par cinq traits :

- protection des libertés de culte et de conscience individuelles ;

- non mention de la séparation entre État et Église dans la Constitution de 1982 ;

- statut privilégié d'écoles chrétiennes ;

- contrairement aux autres États occidentaux, non précision des compétences législatives et du partage des pouvoirs fédéral et provinciaux en matière de religion, disposition historique qui a porté les tribunaux à juger toute loi concernant la religion comme relevant de la compétence du Parlement fédéral en matière de droit criminel (Cotler, 1982 : 239, 249, 254) [1] ;

- à la différence des régimes britannique et américain, non définition de la religion qui contraint les tribunaux à statuer si une loi en traite ou pas ;

- obligation d'accommodement raisonnable.

Une évolution a conduit à cet état de fait. L'Acte du Québec de 1774 et l'Acte de l'Union de 1840 (Canada Uni) reconnaissent la liberté de culte et, selon une loi du Bas Canada de 1832, les personnes de confession judaïque ont "tous les droits et privilèges des autres sujets de Sa Majesté dans la province" (Cotler, 1982). En 1848, un privilège est reconnu aux églises majoritaires ; la prise en charge des institutions d'éducation et de santé est laissée aux Églises catholique romaine et protestante. En 1851, la Loi sur la liberté des cultes, qui s'applique actuellement au Québec et à l'Ontario, réaffirme l'égalité des cultes. Puis, la Loi [61] constitutionnelle de 1867 qui crée l'État fédéral canadien, ne contient aucune disposition sur la liberté de religion et aucune définition de celle-ci. Elle est aussi muette sur les rapports entre État et Églises, sur toute référence à un dieu et sur la compétence et le partage des pouvoirs, fédéral et provinciaux, en matière de religion. Elle ne contient pas plus de clause d'interdiction d'établissement d'une religion et, au contraire, par une disposition de l'article 93 elle précise qu'aucune législation ne doit porter préjudice à un droit ou privilège accordé lors de l'Union à une classe particulière de personnes quant aux écoles confessionnelles. Ce faisant, elle maintient le privilège de l'administration scolaire par les Églises catholique et protestante au Québec et en Ontario et l'étend aux autres provinces.

Face aux offensives des Églises, notamment catholique, en vue de maintenir leur influence sur la société civile, d'autres mesures fédérales sont prises : loi sur le divorce (1864), droit à la sépulture (1870), interdiction d'influence indue par les corps religieux en vue d'orienter un vote (1874), jurisprudences sur le mariage civil entre 1901 et 1911 ; précision des droits des judaïques (exemption de l'enseignement chrétien et des offices religieux en 1888, égalité avec les protestants en 1903, droit de fonder des écoles affirmé par la Cour suprême et le Conseil privé de Londres, droit de travailler le dimanche et respect des fêtes religieuses comme jours fériés) (Milot, 2002 : 86-88 et 93). Puis de nouvelles minorités se constituent et une cause devient célèbre. En réplique au harcèlement subi par les membres de l'Armée du Salut et les Témoins de Jéhovah, en 1952 l'un des derniers invoquant les libertés d'expression et de religion dépose une plainte pour se voir refuser le droit de distribuer des brochures par le chef de police de Québec. En 1953, il gagne sa cause devant la Cour suprême qui juge que la Loi sur la liberté des cultes de 1851 a été violée (affaire Saumur c. Ville de Québec).

Après la Seconde guerre mondiale, la protection légale de la liberté de religion est proclamée à nouveau par les législatures du Canada (Déclaration canadienne des droits, article lc), et de provinces. Et le contrôle des écoles à Montréal et à Québec par les Églises catholique romaine et protestantes est perpétué lors du [62] passage des secteurs de l'éducation et de la santé sous juridiction de l'État québécois durant les années 1960. Les Églises catholique et protestantes se trouvent intégrées au ministère de l'Education et au Conseil supérieur de l'éducation mais gardent des privilèges notables. L'enseignement religieux demeure obligatoire et le Conseil supérieur de l'Education est composé de deux comités, l'un catholique, l'autre protestant, qui veillent à l'orientation des programmes d'enseignement religieux et à la qualification des maîtres en cette matière et le Ministère compte pour chacune des deux confessions un sous-ministre associé et une direction administrative chargée de l'élaboration des programmes d'enseignement religieux (Milot, 2002 : 137-139). Mais, autre volet, depuis les années 1960, une loi propre au Québec et à aucune autre province canadienne prévoit le financement public d'écoles créées par des minorités religieuses et les articles 77, 78 et 80 de la Loi sur l'enseignement privé précise les six conditions d'éligibilité à ce financement et à l'obtention d'un permis d'exercice du ministre de l'Education [2].

En 1982, la Charte canadienne des droits et libertés (Charte canadienne) renouvelle la garantie de libertés de conscience et de religion par l'article 2 mais sa proclamation commence par les mots "Dans l'année du Seigneur.." et son préambule réfère à Dieu (« Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit »). La Cour suprême n'invoquera néanmoins jamais cette suprématie de Dieu dans ses jugements.

La Charte entérine aussi les privilèges des Églises catholique et protestante en matière scolaire par l'article 29. Aussi lorsqu'en 1997, les commissions scolaires confessionnelles des villes de Montréal et de Québec reconnues par la Constitution de 1867 sont [63] déconfessionnalisées pour devenir linguistiques, une dérogation à la Charte canadienne est appliquée pour préserver les privilèges des deux Églises. Selon cette dérogation renouvelée tous les cinq ans, la Loi sur l'instruction publique du Québec continue de prévoir l'enseignement des seules religions catholique et protestante dans les établissements scolaires publics et, aux niveaux primaire et du premier cycle du secondaire, le choix entre un cours d'enseignement moral ou d'enseignement catholique ou protestant. Pour rectifier cette situation discriminatoire, la Loi 118 de juin 2000 prévoit l'offre aux élèves du second cycle du secondaire, d'un service commun d'animation spirituelle et d'engagement communautaire et, à partir de septembre 2005, d'un programme obligatoire d'éthique et de culture religieuse. L'islam comme éthique et culture religieuse est inclus dans ce programme.


3. Les définitions de la discrimination
au Canada

La Charte canadienne des droits et des libertés et de similaires chartes provinciales [3] interdisent la discrimination fondée sur la race, la couleur, l'origine ethnique ou nationale, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, un handicap mental ou physique, que ce soit en matière de libertés et droits fondamentaux comme de droits politiques, judiciaires, économiques et sociaux. La Charte canadienne protège aussi le droit à l'égalité sous quatre formes : égalité devant la loi, égalité lors de l'application de la loi, égalité de protection par la loi et égal bénéfice de la loi. La notion d'égal bénéfice de la loi est centrale car elle vise à contrer une conception formelle de l'égalité et à asseoir un principe juridique canadien : un traitement identique de tous par la loi peut provoquer une inégalité et le respect d'une véritable égalité exige souvent que des distinctions soient faites. De ce fait, le droit canadien parle de [64] discrimination indirecte, une notion qui a son poids quand il s'agit de traiter de demandes d'accommodement de pratiques par des minorités culturelles ou religieuses.

Dans un jugement en 1989 (Andrews c. Law Society of British Columbia [1989] R.C.S. 143), la Cour suprême du Canada définit la discrimination comme « une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société ». La discrimination est définie comme un déni d'égalité subi par un individu ou un groupe en raison d'un critère illicite de distinction. Et l'on distingue la discrimination directe et la discrimination indirecte.

On parle de discrimination directe lorsqu'un ou plusieurs des critères illicites selon la loi sont explicitement invoqués pour dénier un droit ou une liberté. On parle de discrimination indirecte lorsqu'une mesure produit un effet inégalitaire pour un groupe de personnes identifiables selon un critère illicite (phénotype, origine culturelle, âge, genre, religion, handicap), sans que l'auteur de la mesure ait explicitement visé cet effet (Bosset, 1989, 1994 ; Ledoyen, 1992). L'exemple souvent cité est l'exigence d'un poids ou d'une taille pour l'obtention d'un poste de policier ou de pompier, laquelle de fait exclut les membres de certaines minorités immigrées. La Cour suprême donna une valeur juridique à la discrimination indirecte, la jugeant en 1985 une « discrimination par effet préjudiciable » (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson Sears Ltd [1985] 2 R.C.S. 536).

La notion de discrimination systémique est aussi invoquée quand des inégalités entre des groupes de personnes ne sont pas imputables à un facteur repérable mais relèvent d'un ensemble de facteurs, présents ou passés. Ainsi en est-il de la sous représentation dans certaines occupations de personnes issues des minorités immigrées par rapport aux personnes issues des groupes dits majoritaires, les Canadiens d'ascendance britannique ou [65] française. La sous représentation des membres des minorités racialisées, dites « minorités visibles », dans les fonctions publiques fut admise comme relevant d'une discrimination systématique passée et présente, car elle ne relève pas de caractéristiques admises comme sources de différenciation économique (niveau de scolarité, expérience de travail, durée de séjour pour les immigrés, connaissance des langues officielles). Des législations visent à réduire cette forme de discrimination, dont au fédéral la Loi sur l'équité en emploi (1986), et au Québec les Programmes d'accès à l'égalité en emploi (1985) et la Loi 143 sur l'accès à l'égalité en emploi dans des organismes publics (2000).

Par ailleurs, les sociologues parlent de discrimination voilée (Kunz, Milan et Schetagne, 2001), coutumière (Ledoyen, 1992) ou volontariste (McAndrew et Potvin, 1996) pour désigner des pratiques privées qui, à partir d'un critère illicite selon la loi, portent à exclure des personnes de sphères de la vie sociale quotidienne. Ces pratiques présentent la caractéristique d'être difficiles à prouver, peu documentées et non chiffrées et de rarement donner lieu à des plaintes. Leurs effets sont néanmoins observables, comme la faible présence de membres de certains groupes ethnoculturels dans des zones d'habitat, dans des associations et clubs et dans les réseaux sociaux d'autres groupes (collègues, voisins, amis ; intermariages).


4. L'obligation juridique
d'accommodement raisonnable

Le droit canadien définit des gênes à l'expression de la liberté culturelle et religieuse comme une discrimination indirecte et sur cette base a créé une seconde notion juridique qui intervient lors de toute demande d'accommodement par une minorité culturelle ou religieuse. Les cas de conflits de normes culturelles au sein d'une société sont fréquents. Ils peuvent concerner la diète de malades hospitalisés, de personnes incarcérées ou d'enfants placés en famille d'accueil, l'ouverture de salles de prières sur les lieux de travail et dans les écoles, les modes de punition des enfants qui mettent en jeu les lois de protection de la jeunesse et l'autorité parentale, le retrait des filles de l'école avant l'âge légal pour cause [66] de mariage, ce qui contrevient à l'égalité des droits des femmes, le port d'un costume différent pour les filles lors des cours d'éducation physique ou encore le mode d'inhumation.

Dans un jugement jalon en 1985 (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson Sears Ltd [1985J2 R.C.S. 536), la Cour suprême a créé l'obligation d'accommodement raisonnable en cas de discrimination indirecte. La cause opposait une employée adventiste du Septième jour demandant de conserver son emploi à temps plein tout en ne travaillant pas le jour du sabbat, et Simpsons Sears Ltd. qui refusait la demande. La Cour suprême estima qu'un accommodement devait réduire la discrimination subie par l'employée en raison de sa confession et précisa que la solution devait être raisonnable, c'est-à-dire qu'aucune contrainte excessive ne pouvait être imposée à l'employeur (coût financier exagéré, inconvénients importants, réduction de normes de sécurité, atteinte aux droits d'autres employés et aux conventions collectives). La Cour estima que l'horaire de travail pouvait être aménagé. L'esprit de ce jugement s'applique à d'autres aspects du travail, ainsi qu'à d'autres domaines tel l'offre de services et de biens privés ou publics.

La notion d'accommodement raisonnable s'impose au Canada en vertu d'une loi fédérale invoquant la promotion d'une société pluraliste équitable (Loi sur le multiculturalisme canadien, 1988) et de l'article 27 de la Charte canadienne qui stipule que son interprétation doit tenir compte du patrimoine multiculturel canadien. Mais un spécialiste britannique des politiques de pluralisme culturel juge que cette Loi comporte une « distorsion séculaire » vu sa non mention du pluralisme religieux [4].

À la différence des autres pays occidentaux, l'accommodement raisonnable constitue une obligation juridique au Canada et implique trois principes. L'un primordial : aucun accommodement culturel ne peut porter atteinte aux droits et libertés d'une personne et aux lois fondamentales. Le respect des différences culturelles ne peut jamais contrevenir à la logique fondatrice du [67] système juridique et politique canadien, le respect des droits individuels et la non-ingérence de l'État dans la sphère religieuse. D'ailleurs, aucun droit culturel collectif qui permettrait de créer des enclaves fermées, tel le droit à des tribunaux séparés, n'est accordé aux minorités ethnoculturelles. Le second principe veut que les solutions trouvées doivent maintenir un équilibre entre les droits des plaignants et que ceux-ci contribuent à les mettre à jour et à les appliquer. Le but de la nation d'accommodement raisonnable est d'éviter la multiplication de litiges juridiques et de viser la réduction d'inégalités culturelles par la négociation.

Au Canada les demandes d'accommodement culturel ou religieux sont donc difficiles à ignorer d'autant plus que les droits des minorités religieuses sont fortement protégés par les Chartes des droits canadienne et provinciales. De nombreux accommodements raisonnables ont été adoptés durant les années 1980 et 1990 notamment en faveur de minorités religieuses car, comme l'écrivit la Cour suprême dans le jugement de 1985 : « Un inconvénient minime est le prix à payer pour la liberté de religion dans une société multiculturelle ».

Voici quelques exemples d'accommodement à Montréal, une région de concentration des immigrés et de leurs descendants au Québec : à l'Hôpital pour enfants, mise en place d'une porte d'entrée actionnée manuellement pour permettre aux juifs hassidiques de visiter les malades le jour du sabbat ; dans des écoles publiques, création d'une journée pédagogique mobile pour que les enfants de religions orthodoxe, copte et catholique puissent célébrer le jour de Pâques à leur date respective ; évitement d'interruption des services publics dans le quartier chinois durant le Nouvel An chinois (Conseil des relations interculturelles et de l'immigration, 1993) ; droit, obtenu à la suite d'une plainte, par un groupe hassidim afin de placer des fils d'erouv dans un quartier de la ville (Cour supérieure du Québec, juin 2001). Toutefois le port du kirpan à l'école publique a suscité une âpre polémique en 2002 et, selon un jugement de la Cour d'appel du Québec, ce signe ne peut être porté, même enveloppé d'un tissu le rendant inoffensif.


5. Le cas des musulmans

[68]

Les recours juridiques contre la discrimination culturelle et religieuse sont nombreux et élaborés au Canada, mais ils demeurent le plus souvent inutilisés par les victimes, notamment par les musulmans encore peu accoutumés à l'utilisation du droit canadien et la discrimination demeure active et prend différentes formes.

Les difficultés d'insertion sociale et symbolique des musulmans canadiens dont le nombre est devenu significatif à partir des années 1980 et approche les 600.000 en 2001 (Hellya, sous presse), s'apparentent à celles qu'ils connaissent dans d'autres sociétés occidentales : discrimination à l'embauche selon le nom et le faciès, refus de respect de la différence religieuse sur le lieu du travail, stéréotypes négatifs et hostilité d'une fraction de la population, et depuis la fin des années 1990 et notamment septembre 2001, refus d'ouverture de lieux de culte par des riverains (Montréal, Toronto), crimes haineux, adoption d'une loi anti-terrorisme qui les cible particulièrement et permet l'expulsion des accusés vers le pays d'origine et couverture négative par certains médias (Hellyb, sous presse). Deux associations musulmanes pancanadiennes oeuvrant à la lutte contre la discrimination (CAIR Canada, Congrès Islamique Canadien) surveillent particulièrement la couverture de l'islam par les médias.

Deux enquêtes montrent que les musulmans étaient victimes d'une perception défavorable avant septembre 2001. Selon la première pancanadienne (Angus-Reid, 1991), la presque totalité des répondants dirent se sentir plus à l'aise avec des natifs qu'avec des immigrés et encore moins à l'aise avec les groupes indo­pakistanais, sikh, noir antillais, arabe et musulman. Selon la seconde québécoise (Joly et Dorval, 1993), les groupes ethniques les plus dévalorisés étaient les groupes pakistanais et jamaïcain en raison de leur anglophonie mais peut-être aussi, dans le premier cas, de la religion. Selon d'autres enquêtes annuelles pancanadiennes les personnes rattachées à la religion musulmane étaient toujours celles avec lesquelles des Canadiens « ne se sentent pas à l'aise ». Par ailleurs une enquête réalisée par la Ligue des droits et libertés du Québec (Lubuto Mutoo, 2001) avant septembre 2001 montre la force des préjugés :  des questionnaires sur la [69] discrimination en emploi des « minorités visibles » furent envoyés à 197 employeurs dans la ville de Québec, 19 seulement répondirent [5] dont un tiers (35%) dit refuser d'employer un « Arabe » ou un Maghrébin.

À la suite des attentats terroristes aux États-Unis en septembre 2001, la discrimination à l'égard des musulmans a crû au Canada et elle a pris diverses formes. Des actes d'hostilité à leur égard se sont multipliés. Des gestes hostiles à l'égard d'une personne ou d'un groupe en raison d'un attribut les définissant personnellement, soit des insultes publiques, des incitations publiques à la haine, une attaque physique ou de biens, sont des atteintes aux droits à la dignité, la sécurité, l'intégrité et la jouissance paisible de biens et sont dénommés crimes haineux. Depuis 1971 ils constituent des délits criminels au Canada [6]. Cette forme de discrimination était peu documentée avant la guerre du Golfe de 1991 quand les manifestations d'islamophobie commencèrent à être notées par des organisations islamiques et de protection des droits. Depuis septembre 2001 elles sont plus systématiquement enregistrées et attestent d'une multitude de crimes haineux dont les conséquences ont été parfois sérieuses selon les organisations communautaires. Celles-ci ont reçu nombre d'appels d'urgence par des personnes anxieuses de savoir comment assurer leur sécurité personnelle et craignant de montrer des signes perçus comme liés à la confession musulmane (vêtement, barbe, couvre-chef), de fréquenter les lieux de culte et les écoles musulmans, de s'absenter du travail lors de fêtes religieuses, d'être marginalisé socialement ou d'être soumis à une surveillance de la police fédérale ou du Service canadien du renseignement de sécurité.

Dans l'ensemble du Canada, le Congrès islamique canadien (CIC) signala 1600% d'augmentation des crimes haineux à l'égard de personnes ou lieux musulmans de septembre 2001 à septembre 2002 (Media Communiqué, 10 mars 2003). Les crimes haineux [70] diminuèrent en 2002 et après, comme dans les pays de l'Europe occidentale (Diène, 2003 : 3). Mais différence canadienne les crimes haineux à l'égard de personnes ont surtout pris la forme d'insultes et de menaces alors que les agressions physiques furent peu fréquentes. Deux agressions ont été violentes, l'une contre une famille d'immigrés pakistanais battue dans un parc de Montréal au printemps 2002, l'autre contre un adolescent sévèrement blessé à Ottawa en septembre 2001. Dans les deux cas des jeunes d'origine européenne furent impliqués. Les attaques de lieux de culte musulmans, inexistantes auparavant, furent aussi nombreuses au lendemain des attentats. CAIR-CAN (2002) en cita 12 entre le 11 septembre et le 15 novembre 2001 dans l'ensemble du Canada (Hussain, 2002 : 14) et, selon les témoignages de 181 femmes de confession musulmane résidant dans diverses régions canadiennes, au moins une attaque eut lieu contre un lieu de culte dans chaque ville canadienne entre septembre 2001 et juin 2002 (Hussain, 2002 : 15) ; 16 étaient des attentats à la bombe. Une présence policière ne fut assurée que durant quelques jours ou semaines après les attentats devant les écoles musulmanes et les lieux de culte musulmans les plus importants du pays lors des prières du vendredi.

Selon le rapport spécial des Nations Unies (Diène, 2003 : 2, 4) l'hostilité à l'égard des personnes arabes et en général de confession musulmane prit des formes différentes selon le pays : attaques de personnes en Grande-Bretagne et en Allemagne, là particulièrement contre des femmes portant le hidjab ; multiplication de conflits sur différents sujets entre les « musulmans » et le reste de la population au Danemark ; attaques de lieux de culte aux Pays-Bas (90 du 11 septembre au 2 octobre 2001 selon l'Association of Anti-discrimination centres) ; attaques à la bombe de mosquées en Australie et saccage d'une église libanaise maronite ; multiplication d'actes de malveillance en France (169 déclarés en 2002 dont un tiers dans le Nord et en Île-de-France, Zappi, 2003) ; et nombreux cas de harcèlement verbal et d'attaques de personnes aux États-Unis.

Quant à la perception des musulmans, elle se révèle particulièrement négative au sein d'une fraction de la population [71] canadienne depuis 2001. Lors d'un sondage à l'automne 2001 (IPSOS-Reid), 82% des Canadiens craignaient que les Arabes et les musulmans deviennent la cible de préjugés mais, selon un sondage d'IPSOS-Reid en août 2002, 45% des Québécois, 37% des Albertains, 33% des Ontariens et 22% des habitants de la Colombie-Britannique étaient d'accord avec l'énoncé : « Les attentats du 11 septembre 2001 m'ont rendu plus méfiant à l'égard des personnes d'origine arabe ou des musulmans venus du Moyen-Orient » et, de fait, en septembre 2002, d'après un sondage Léger Marketing, 33% des répondants canadiens dirent avoir entendu des commentaires racistes à l'égard des musulmans et Arabes. L'amalgame entre islam et violence semblait plus fort au Québec. En juillet 2002 selon un sondage CROP sur la croyance religieuse auprès de personnes de 16 à 35 ans, 76% des répondants québécois et 55% des autres répondants canadiens affirmèrent que les religions sont sources de conflits entre les peuples, et 17% des premiers et 13% des seconds que l'islam favorise des relations conflictuelles (Le Devoir, 22 juillet 2002).

Cependant en novembre 2002, un sondage Maclean's magazine, Global TV et The Citizen indiqua que 44% des Canadiens voulaient une réduction de l'émigration des pays islamiques, comparativement à 49% un an auparavant. Le pourcentage le plus élevé fut atteint au Québec : 48% versus 45% en Ontario, 42% en Saskatchewan et au Manitoba, 43% dans les provinces maritimes, 39% en Colombie-Britannique et 35% en Alberta [7]. Enfin à la mi-mars 2003, soit la semaine du début de la guerre anglo-américaine contre l'Irak, 70% de 2002 Canadiens interrogés estimaient que l'intolérance à l'égard des immigrants et des minorités ethniques était un problème sérieux au Canada et 68% qu'existait un sentiment anti-arabe dans le pays. Comparativement 55% [72] pensaient que les personnes dites noires subissaient une discrimination et 54% que l'antisémitisme était présent. Mais, 30% dirent que les personnes d'origine arabe projetaient une image négative, comparativement à 38% dans le cas des personnes d'origine autochtone, 13% dans celui des personnes dites noires et 11% dans celui des personnes d'origine juive (Jayoush, 2003). Dans ce cas le pourcentage des Québécois avançant que les personnes d'origine arabe projetaient une image négative était semblable : 29%. Le stéréotype négatif « musulman » apparaît ancré au sein d'une fraction de l'opinion publique.

En termes de discrimination sur le marché du travail, selon une enquête (Tadlaoui, 2002) auprès d'intervenants en employabilité d'ONG québécois trois catégories de personnes ont des difficultés particulières à trouver un emploi : « les personnes noires, d'origine arabe et "visiblement" musulmanes » (ibid. : 20). La discrimination est directe, prenant la forme de refus de prise en considération de curriculum vitae de personnes d'origine arabe ou de confession musulmane sous prétexte qu'elles ne participent pas à la vie de l'entreprise et que leurs habitudes sont trop éloignées de celles dites québécoises. De plus, des ONG québécois oeuvrant à l'insertion des minorités ethniques sur le marché du travail provincial ont reçu des appels d'employeurs leur demandant de ne pas référer « d'Arabes » et, significativement, le Directeur de l'état civil du Québec mentionna une augmentation « phénoménale » de « demandes de musulmans » de changer leur nom après septembre 2001 (Bouchard et al., 2002 : 10). Enfin, des postulants à un emploi ont été écartés à cause de leur accent en français, de « mauvaises attitudes » durant l'entrevue, d'un C.V. « mal fait » ou d'une perception négative de leur groupe culturel ou racial par la clientèle dans le cas de services commerciaux. Les mêmes formes de discrimination directe sont attestées par des émigrés de pays musulmans résidant dans d'autres villes québécoises (Bel Hassen, 2002 : 12) et canadiennes (City of Ottawa, 2002).

Deux autres sujets centraux des critiques des musulmans canadiens à propos de la discrimination qu'ils subissent au Canada sont la couverture médiatique que connaît l'islam dans des journaux nationaux et l'adoption d'une loi anti-terroriste.

[73]

Depuis 1998, le CIC publie une étude annuelle, Anti-Islam in the Media, qui évalue la couverture de faits liés à l'islam par huit journaux canadiens (Globe and Mail, La Presse, National Post, Ottawa Citizen, The Gazette, Toronto Star, Toronto Sun, Winnipeg Free Press). Chaque étude recense les articles contenant des présentations ou termes biaises ou offensants à l'égard de musulmans et attribue un poids à ces termes selon deux critères : 1) leur apparition dans des titres, sur la première page et leur répétition dans le même article ; 2) le taux de circulation du journal (Congrès islamique canadien, 2002 : 10). Le 23 mars 2003 le Congrès islamique canadien s'est vu attribuer un prix d'excellence par un organisme public, la Fondation canadienne des relations raciales, pour sa dernière étude, Anti-Islam in the Media 2002.

En 1999 le National Post fut jugé le journal le moins biaisé et le Globe and Mail le journal le plus biaisé [8]. Mais depuis 2000 le National Post demeure le quotidien le plus hostile à l'islam et aux musulmans alors que le Globe and Mail semble au fil des années avoir éliminé les termes biaises pour se retrouver en 2002 parmi les publications les moins condamnées par le CIC, avec le Winnipeg Free Press. Toutefois on constata un regain de stéréotypes anti­musulmans du 12 septembre au 28 novembre 2001 : les informations « négatives ou biaisées sur l'islam » se révélèrent 10 fois plus présentes que les mois précédents dans le Toronto Star, 18 fois plus dans le Globe and Mail et 22 fois plus dans le National Post (Congrès islamique canadien, 2001). Une conclusion similaire a été tirée de l'étude du Vancouver Sun (Enns, 2002).

La position de National Post s'explique par son appartenance à une chaîne de médias (CanWest Global) dont les propriétaires jouent d'autoritarisme éditorial et affichent leurs positions anti­musulmanes et en faveur du gouvernement Sharon en Israël. De fait, les journaux de cette chaîne, Ottawa Citizen, The Gazette et National Post, détiennent depuis 2000 les trois premiers rangs des journaux les plus défavorables aux musulmans et traitent plus de [74] la montée de l'antisémitisme que de la discrimination subie par les musulmans (Congrès islamique canadien, 2002 : 13).

Une loi anti-terrorisme (C-36) a été adoptée le 7 décembre 2001 [9] par le Parlement du Canada. Elle impliqua la modification de 22 lois canadiennes (Jézéquel, 2002) dont le code criminel, la protection des renseignements personnels, l'accès à l'information et la loi de la preuve dont la Couronne n'eut plus à transmettre tous les éléments. Elle créa de nouvelles infractions criminelles : facilitation [sic] de. et incitation à des actes terroristes [10], affiliation à des organisations soupçonnées de contribuer à de pareils actes, transaction avec une entité terroriste entraînant la saisie de propriétés et de biens soupçonnés de servir à des activités terroristes [11], annulation du statut d'organisation charitable à tout groupe finançant ou soupçonné de financer des activités terroristes En matière de protection des libertés, cette loi accorde plus de pouvoirs à la police qui acquiert le droit d'opérer des perquisitions secrètes, d'étendre la période des écoutes électroniques, auparavant de six mois, d'écouter les communications d'une personne avec l'étranger sur simple décision du ministre de la Défense et sans contrôle judiciaire et, enfin, de créer un fichier des voyages aériens de tout Canadien, conservé pendant six ans. La police a aussi désormais les droits de détention préventive de 72 heures sans motif, d'enquête sans mandat et d'interrogatoire obligatoire devant un juge sous peine d'un an de prison. De ces mesures deux sont révisables après cinq ans, celles sur la preuve et la détention préventive. Les autres sont permanentes. Cette loi [75] demeure très critiquée par le Barreau canadien et les organisations de défense des droits.

Elle menace en effet les libertés individuelles de tout Canadien par ses procédures portant atteinte aux droits d'un accusé au silence et à la connaissance de l'accusation portée contre lui et elle vise directement les personnes de confession musulmane. Elle a deux conséquences pour celles-ci : leur ciblage par la police, notamment aux frontières (Hurst, 2002 ; Makin, 2003), la tentative de collecte d'informations par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et la police fédérale (GRC) auprès de personnes impliquées dans la vie de la communauté musulmane ou au statut d'immigration précaire (étudiants étrangers, demandeurs d'asile.). Pareilles actions créent ou renforcent la suspicion dans l'opinion publique d'une présence significative de militants islamistes violents au sein de la population musulmane du Canada.


6. Québec, un cas particulier

Avant septembre 2001, des incidents à propos de la pratique musulmane se sont produits surtout au Québec et dans le champ scolaire. Ils montrèrent la présence d'une hostilité à l'égard de la culture musulmane de la part de parents d'élèves, d'enseignants ou de directeurs d'établissement. En 1988 un comité de parents d'une école montréalaise (Henri-Beaulieu) refusa un cours d'arabe langue seconde, alors qu'existait un programme du ministère de l'Education du Québec à cet effet. La direction de l'école créa le cours12, mais les arguments des opposants révélèrent l'importance d'un stéréotype arabe qui commençait à devenir un stéréotype musulman : « L'enseignement de l'arabe n'est que la première étape d'une stratégie plus large, ensuite ce sera le Coran » ; « Les garçons sont déjà assez machos comme ça, que va-t-on enseigner dans ce cours ? » ; « Les Arabes n'ont qu'à rester chez eux, il faut défendre notre qualité de vie, nos valeurs face à eux ». De plus, le fait que les parents arabophones faisant la demande fussent surtout des chrétiens et des mères scolarisées, ne fut pas reconnu [76] par les parents francophones ou présenté comme une stratégie afin de cacher des intentions réelles (« Ils mettent de l'avant les chrétiens et ces femmes-là, mais il ne faut pas s'y tromper ») (McAndrew, 2002 : 137). Similaire situation se reproduisit en mars 1991 quand dans une autre école montréalaise, des parents de confession musulmane demandèrent un enseignement de la morale musulmane comme le permettent la législation provinciale et la Charte québécoise des droits de la personne. Aucune solution ne fut apportée face à l'opposition des parents d'autres confessions (Proulx, 1994). Enfin en 1994-95, douze élèves portant le foulard firent les manchettes des journaux. Après six mois de controverses la Commission des droits de la personne du Québec émit un avis en 1995 : pareil usage devait être permis sous peine de porter atteinte aux droits des jeunes filles. Des mouvements nationalistes (Lenk, 2000), féministes et laïque (Ciceri, 1999), protestèrent sans effet et la dispute publique cessa.

Néanmoins avant les années 1980, une négociation avait été menée à bien entre la Ville de Montréal et deux organisations (mosquée ai-Islam, sunnite ; Fondation internationale Azzahra, chiite) pour l'ouverture d'un carré musulman dans deux cimetières et le droit de célébrer et d'enregistrer les mariages a été accordé à la mosquée ai-Islam. Puis durant les années 1990 des accommodements furent adoptés : à l'Hôpital pour enfants, aménagement d'un lieu de prière pour les employés de religion minoritaire et, devant le refus des fidèles musulmans de partager ce lieu avec des fidèles de religions non monothéistes (hindouisme, bouddhisme), ouverture d'un local spécial à leur intention ; dans les écoles publiques, droit pour les jeunes filles musulmanes de porter un costume plus pudique lors des cours d'éducation physique ; dans d'autres écoles allocation d'une période de deux heures pour permettre aux élèves musulmans de faire la prière du vendredi ; dans certaines unités du Canadien National, une grande entreprise canadienne, aménagement de l'horaire de travail pour créer trois périodes libres par jour pour les prières des employés musulmans ; dans les piscines municipales, plage horaire de trois heures réservée aux jeunes musulmans et partagée entre garçons et filles ; [77] lieux   de   prières   pour   les   étudiants   musulmans   dans   deux universités montréalaises anglophones.

La situation depuis septembre 2001 ne se particularise pas par un nombre plus élevé de demandes, de refus ou d'acceptations d'accommodements en faveur de personnes musulmanes mais par quelques refus hostiles appuyés d'arguments politiques comme l'invocation du principe de la "laïcité" [12] (demande d'une salle de prières par les étudiants musulmans de l'Ecole de technologie supérieure, Montréal, 2003) et la résurgence de la polémique autour du port du foulard à la rentrée scolaire de 2003.


CONCLUSION

En dépit de la protection de la liberté de religion et de culte, la discrimination subie par les musulmans au Canada est active actuellement ; elle se traduit principalement par des difficultés d'accès au marché du travail, un ciblage ethnique policier en raison de mesures anti-terroristes et des stéréotypes négatifs par 30 à 45% de la population selon les sondages. Des dynamiques expliquent la force de ces stéréotypes et trois sont spécifiques au Canada.

La première dynamique est active dans d'autres pays. Elle relève des images négatives divulguées en Occident à propos de l'islam et observables au Canada dans des médias, des conflits locaux sur des accommodements culturels et des sondages d'opinion publique, soit l'assimilation entre islam et terrorisme, la vision de l'islam comme religion intolérante, voire violente, et source de conflits et les idées d'une impossible implantation de la démocratie dans les pays musulmans et d'une oppression des femmes dans la loi islamique (Helly, 2002).

La seconde dynamique est particulière. Elle tient à l'histoire de la population de confession musulmane, fort différente de celle des populations musulmanes européennes et des autres importantes minorités d'origine immigrée au Canada. La majorité des musulmans est établie depuis les années 1990, ce qui explique leur absence sur la scène politique et au sein du personnel des médias et leur très faible capacité de pression politique, des faits qui [78] facilitent le développement d'un stéréotype des musulmans canadiens comme fermés sur eux-mêmes, indifférents à la société canadienne et tournés vers la vie de leurs pays d'origine. La population musulmane est fortement fragmentée selon des référents ethnique, national, religieux, un fait qui ne facilite pas sa structuration communautaire et sa mobilisation politique. Le soutien du gouvernement fédéral aux associations ethniques a faibli, sinon disparu, durant les années 1990. Ces trois handicaps gênent la population musulmane dans sa mise à profit des dispositions canadiennes favorables aux minorités culturelles et religieuses (obligation juridique d'accommodement raisonnable, invocation permanente par les autorités politiques de l'unicité et des bienfaits de la politique du Multiculturalisme et recours aux tribunaux pour cause de discrimination).

Une troisième dynamique, particulière, caractérise la société québécoise où se concentre plus d'un quart des musulmans canadiens. Là, les débats et conflits publiques sur l'islam sont plus présents en raison de plusieurs faits. Un mouvement « laïque » militant adhère à l'interprétation française anti-religieuse de la laïcité et considère la religiosité comme un trait culturel archaïque. Un courant ethnonationaliste voit dans l'islam et toute différence minoritaire marquée des menaces à une identité nationale québécoise ancrée dans une religion chrétienne. Des mouvements féministes hostiles à l'islam sont influents. L'opinion publique provinciale reconnaît généralement le droit des Palestiniens à un État et trois populations concernées par le débat sur l'islam sont fort présentes, celle d'origine arabe, dont maghrébine, et celles d'origine pakistanaise ou juive [13]. Les tensions entre les activistes de ces groupes, notamment en milieu étudiant, sont élevées et ont donné lieu à des incidents violents dans les locaux de l'Université [79] Concordia [14] à propos du conflit israélo-palestinien. Aussi, le débat sur la situation au Moyen-Orient et sur l'« islam » en général est-il plus présent sur la scène publique québécoise qu'ailleurs au Canada. Au Canada anglais les débats sur l'immigration concernent plutôt les niveaux d'entrées annuelles, les droits des immigrants et les flux en provenance de l'Asie, de la Chine particulièrement et les polémiques sur l'islam opposent des journalistes, des propriétaires de médias et des membres de la communauté juive. Ces derniers ont par exemple, reproché à CBC, chaîne de télévision publique, de désigner des membres du Hamas comme des militants extrémistes et non comme des terroristes ou encore d'ignorer la recrudescence de l'antisémitisme au Canada et ailleurs en Occident (Schlesinger, 2002 ; The Gazette, 2003 ; Block, 2002 ; Spector, 2003). La majorité de la communauté juive considère la lutte palestinienne comme une menace mortelle pour Israël et elle assimile islam et terrorisme.

Enfin une quatrième dynamique déterminante et particulière tient à la proximité géographique des États-Unis, premier allié politique, militaire et économique [15]. D'une part, nombre de médias canadiens, notamment anglophones, s'alimentent pour leur couverture des événements au Moyen-Orient et de la lutte anti­terroriste auprès de médias américains (Maybee, 1980 ; Karim, 2000 : 14). D'autre part depuis septembre 2001, les États-Unis exercent des pressions pour que les politiques canadiennes de contrôle des frontières, d'immigration, d'asile politique et de sécurité, ainsi que les positions internationales du gouvernement canadien, s'alignent sur les leurs. Les États-Unis insistent particulièrement sur la surveillance de la population musulmane canadienne et accusent le Canada de laxisme en la matière. Aussi, le gouvernement fédéral [80] a-t-il tendance à être silencieux sur tout dossier relatif à cette population et peu attentif à la discrimination à son égard [16].

Sur ce point, le Premier ministre du Canada s'est rendu dans une mosquée d'Ottawa après les attentats en septembre 2001 pour « réaffirmer que l'islam n'a rien à voir avec le massacre préparé et mis à exécution aux États-Unis par les terroristes » et, le 15 novembre 2001, il a déclaré au Parlement qu'il fallait consacrer des efforts pour lutter contre la discrimination tout autant, sinon plus, que contre le terrorisme. Depuis lors, à l'égal de tout autre membre du gouvernement et responsable de la politique du multiculturalisme, il est demeuré fort inactif, sinon pour soulever une controverse à l'automne 2002 lorsqu'il déclara que les fréquentes humiliations des pays arabes par les pays occidentaux pouvaient avoir conduit aux attentats aux États-Unis en septembre 2001.

Face à cette inaction les 296 répondants à un sondage de CAIR-CAN durant l'été 2002 critiquèrent le Premier ministre pour « son manque d'actions claires contre la vague de haine envers les musulmans » et près des trois quarts qualifièrent de défaillants ses liens avec la communauté musulmane (communiqué CAIR-CAN, 5 septembre 2002). Des exemples de cette indifférence des autorités publiques furent donnés par le président de la Fédération canado-arabe lors du colloque Policing in A Multicultural Society à Ottawa en 2003 :

Why did the Justice department, after agreeing to work with us on 11 spécific concerns, then walk away ? Why did the solicitor-general, after expressing empathy with our plight, then refuse to help us monitor abuses of the Anti-Terrorism Act by law enforcement agencies ? Why did the minister of foreign affairs lift the travel advisory to the U.S. when Arab and Muslim Canadians travelling there continue to face humiliation and are subjected to treatment normally reserved for charged criminals ? Why did the Ontario public safety minister condone the racial profiling taking place at the U.S. border against his own citizens ? Why is it that the mayor of Canada's largest city, whose logo (sic) is « Diversity is Our [81] Strength," never spoke out against the victimization of Arabs and Muslims post-Sept. 11 ? (Khouri, 2003).

Et le président de la Fédération, R. Khouri, de conclure :

By and large, Arab and Muslim Canadians were left on their own, having to explain themselves and prove their loyalty ; defend their religion and demonstrate its goodness ; and at times hide their ethnicity and deny their heritage in a bid to escape scrutiny.

RÉFÉRENCES

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* À paraître en version espagnole dans Enrique Raya (2004). Islam y Laicidad, Granada, Editorial Maristan.

** INRS, Urbanisation, Culture et Société, Montréal, Canada.

[1] La distance entre les législatures, les gouvernements et la sphère religieuse, manifestement maintenue par volonté politique dans la Constitution de 1982, s'est montrée en 1997, lors de la déconfessionnalisation des écoles au Québec qui ne suscita aucun débat aux Communes, ni déclaration polémique du gouvernement fédéral.

[2] L'école candidate doit démontrer que son organisation pédagogique et les critères de sélection de son personnel enseignant et de direction sont de qualité, qu'elle répond à un besoin important du milieu, qu'elle a l'appui et la participation du milieu, que l'obtention d'un financement n'aura pas d'effets négatifs sur d'autres écoles publiques et privées de son milieu, qu'elle apporte une contribution spécifique, en termes d'enrichissement, de complémentarité ou de diversité, que les parents d'élèves participeront activement à la vie de l'école et que ses objectifs sont conformes aux politiques du ministre ou du gouvernement.

[3] La Charte canadienne régit les relations entre particuliers et gouvernements mais non entre particuliers. Le droit civil demeure de compétence provinciale selon la Loi constitutionnelle de 1867 et les rapports privés sont régis par les chartes provinciales. La Loi canadienne sur les droits de la personne (Canadian Human Rights Act) s'applique aux relations entre particuliers dans les champs de compétence fédérale (entreprises d'État, sociétés de la Couronne) et elle traite de la discrimination.

[4] Tariq Modood lors d'une journée organisée par le Réseau Canadien de Recherches sur les Politiques Publiques sur la citoyenneté et la diversité en 2000 (directrice Jane Jenson).

[5] Ce qui exige une interprétation prudente des résultats.

[6] Il existe trois catégories de crime haineux, définis dans la section du Code criminel sur la propagande haineuse : l'encouragement au génocide (art. 318), l'incitation publique à la haine (art. 319, par. 1) et la fomentation volontaire de la haine autrement que dans une conversation privée (art. 319, par. 2).

[7] En août 2002, selon un sondage de l'Association des études canadiennes (Association for Canadian Studies), 43% des répondants estimaient que le Canada acceptait trop d'immigrés des pays arabes, 40% des pays asiatiques, 24% d'Afrique, 21% d'Amérique latine et 16% d'Europe. Quand les répondants craignaient une future attaque terroriste en Amérique du Nord, les pourcentages augmentaient : 49% voulaient une réduction de l'immigration arabe et 47% de l'immigration asiatique.

[8] Sans tenir compte du taux de circulation, La Presse était le journal le plus biaisé en 1999. En 1998, les quotidiens les plus biaises étaient le Toronto Star, puis le Globe and Mail.

[9] En certains points cette loi est similaire au Patriot Act voté en octobre 2001 aux États-Unis et au Crime and Security Act voté en Grande-Bretagne en décembre 2001.

[10] Une activité terroriste est définie par la loi C-36 comme un acte commis « au nom d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique » et qui « compromet gravement la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population ».

[11] Cette clause a suscité des craintes de voir des propriétés de personnes de culture islamique saisies sans preuve et les donations aux lieux de culte et autres organisations diminuer de peur de voir les fonds détournés à des fins interdites par la loi.

[12] Un argument sans fondement car l'État canadien n'est pas un État laïc et, de plus, il accorde des privilèges aux écoles catholique et protestante.

[13] Selon un sondage de Compas Inc., 26% des Québécois et 10% des autres Canadiens estimaient que les juifs avaient trop de pouvoir au Canada et 15% des Canadiens (dont 26% des Francophones et 39% de ceux détenant un niveau de scolarité secondaire ou inférieur) que « la persécution subie par les juifs avant et pendant la Seconde guerre mondiale était en partie ou surtout de leur faute », The Gazette, 25 septembre 2002.

[14] Des 30.000 étudiants de cette université, 10% sont de confession musulmane.

[15] 84% des exportations canadiennes gagnent les États-Unis et les groupes de pression des manufacturiers et des industriels liés à ce marché ont leur importance dans les débats sur l'islam au Canada.

[16] Une enquête pancanadienne sur Religion et Discrimination est envisagée depuis début 2003 par Patrimoine Canada, ministère dont relève la politique du multiculturalisme.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 27 janvier 2013 10:09
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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