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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Charles Halary, “La naissance de la robotique.” Un article publié dans la revue Interventions économiques pour une alternative sociale, no 7, printemps-été 1981, pp. 149-174. Numéro intitulé : Environnement. Énergie, robots, logement. Montréal: 1981, 248 pp. [Madame Diane-Gabrielle Tremblay, économiste, et professeure à l'École des sciences de l'administration de la TÉLUQ (UQÀM) nous a autorisé, le 25 septembre 2021, la diffusions en libre accès à tous des numéros 1 à 27 inclusivement le 25 septembre 2021 dans Les Classiques des sciences sociales.]

[149]

Interventions économiques
pour une alternative sociale
No 7
DOSSIER : ENVIRONNEMENT

La naissance de la Robotique.”

Charles HALARY

Dans la foisonnante expansion de la micro-électronique il est maintenant nécessaire de distinguer certaines branches particulières. Il y a tout d’abord les activités productives automatisées et celles qui visent à la destruction du genre humain. C’est ce qui distingue le secteur civil du domaine militaire. Dans les innombrables activités productives il est coutumier de distinguer entre le secteur industriel et celui des services. Cette division a engendré deux termes spécifiques : la bureautique [1] pour désigner l’application de la micro-électronique aux services et la robotique [2] pour décrire l’animation d’instruments mécaniques par la même micro-électronique.

C’est la robotique que nous allons particulièrement étudier afin de mesurer les possibilités réelles de voir se développer d’ici la fin du siècle des entreprises manufacturières où le travail humain direct aura disparu.

[150]

Le cadre du débat

De multiples émissions de radio, de T.V., d’articles de journaux ont popularisé depuis quelques années la technologie micro-électronique. Sur ce sujet des livres sont diffusés à des millions d’exemplaires en plusieurs langues [3]. La vulgarisation est toujours tentative délicate et le doute le plus profond doit accueillir les réflexions lyriques et enthousiastes qui accompagnent les commentaires sur les “puces savantes”, la télématique et autres expressions concentrées de la “société informative”. Plus souvent qu’autre- ment les efforts des manufacturiers de type cathodique pour construire des écrans plats sont accompagnés des platitudes intéressées des spécialistes de l’audio-visuel qui se présentent sous la forme d’appel à la révolution (la troisième et industrielle seulement). Malgré cela il n’est pas dans notre intention de négliger l’importance des progrès technologiques en déclarant que rien n’a changé sous le soleil depuis Socrate... ou Marx. Pourtant on ne rappellera jamais assez que les chaînes les plus automatisées de Ford ont produit le cercueil roulant à moteur qu’est la Pinto et que le vidéophone dont on escomptait la généralisation au début des années 60 n’a pas enthousiasmé les abonnés du téléphone qui se voyaient déjà dévisagés lors d’appels par trop inopportuns. Ainsi ceux qui voient le bureau électronique pour demain matin feraient bien de considérer les multiples problèmes légaux, techniques et culturels qui en empêchent l’extension [4]. À l’heure actuelle, les merveilleuses machines de traitement de textes dévorent plus de papier que jamais.

Les pays qui sont à l’avant-garde de cette révolution micro-Électronique comptaient en 1979, 17 millions de chômeurs déclarés. Or si la semaine de travail de 40 heures reste la règle, tout permet de prévoir une augmentation du taux de chômage. Dans les récents développements technologiques il ne faut donc voir qu’une péripétie : la crise interne de la société américaine va se poursuivre, le Tiers-Monde, malgré certains pays en expansion, continue globalement de s’appauvrir malgré les dires d’Alvin Toffler [151] et de Jean-Jacques Servan-Schreiber. Le capitalisme n’est pas entré dans un “âge du silicium” comme l’affirme A. Sivanandan [5]. Pour sa part l’Union Soviétique qui maîtrise parfaitement la technologie spatiale doit certainement posséder une industrie développée du robot [6]. Par conséquent la micro-électronique ne démontre pas la supériorité du capitalisme sur le socialisme d’État.

Cybotech, Robot de soudure

Le travail ne libère pas, il aliène. Seuls les nazis (Le travail rend libre), les corporatistes cléricaux (Travail, Famille, Patrie) et les staliniens (Rééducation par le travail) affirment le contraire avec conviction. L’étymologie du mot français travail ne permet aucune confusion en le faisant remonter à une torture [7].

Pour s’émanciper du travail, l’humanité a créé des machines aux automatismes de plus en plus complexes. Cependant la voie de l’exploitation de la force de travail d’autrui a été et reste encore le moyen pour les classes dominantes d’éviter d’assumer les tâches nécessaires au bien être collectif. Depuis les Grecs, si l’on se fie aux textes, l’espoir que les machines suppriment toute peine pour l’humanité était cependant présent.

[152]

[153]

Le vieux mythe du robot, objet non humain doté d’intelligence est aujourd’hui en train de prendre une consistance plus grande. En effet une nouvelle industrie est en train de naître, celle de la fabrication des robots. Implantés massivement sur les lignes d’assemblage des usines automobiles les nouveaux robots permettent de supprimer certains postes aux tâches monotones, répétitives voire dangereuses. Bien sûr la théorie classique de la compensation y trouvera un motif de réjouissances en arguant des nouveaux emplois qualifiés apparaissant dans l’industrie de la robotique tandis que la critique marxiste verra plutôt dans l’augmentation du nombre des chômeurs l’effet essentiel de cette technologie encore dans les limbes. Précisons tout d’abord la nature du produit.

Les robots : du mythe à la réalité

La science fiction en poursuivant la tradition littéraire fantastique a déjà abondamment décrit le “robot”. Dès 1920 le tchèque Carel Capek dans Rossum Universal’s Robots (R.U.R.) popularise le terme en Occident. Pour les slaves en effet “robot” signifie déjà travail et en Pologne le titre de l’organe du Comité de Défense des Travailleurs (KOR), “Robotnik” nous le rappelle encore aujourd’hui.

Le mythe du robot est presqu’aussi vieux que l’humanité : elle-même. Dans l’Antiquité, faute de ressources technologiques l’esclave déchu de son humanité jouait le rôle du robot, instrument parlant dans la terminologie latine [8]. Cependant, les mécaniques d’apparence humaine inventées par la suite ne jouaient aucun rôle dans la production.

Ainsi au Moyen Age européen des horlogers passaient leurs loisirs à créer des automates mécaniques pour divertir les nobles et leur suite. Des prodiges de mécanique se concentraient dans des oiseaux, des soldats de métal et des carillons de cathédrales. Jusqu’à la fin du 19e siècle ces réalisations étaient difficilement surpassées et seule la

[154]

L’imagerie populaire associe le terme robot au travail manuel exécuté de manière autonome par un objet d’apparence humaine. Le robot se caractérise alors par une performance physique nettement supérieure à celle du corps humain. Cependant à l’heure actuelle l’habileté et la polyvalence de la main, résultat des mécanismes les plus perfectionnés de l’humanité ne sont que faiblement reproduites par les robots aux pinces d’acier. Contrairement aux théories classiquement propagées par le groupe social des intellectuels sur la supériorité intrinsèque de leur travail sur celui des “manuels”, l’histoire de la robotique montre le symbole de la concentration supérieure de l’esprit représenté par le jeu d’échecs en passe d’être totalement maîtrisé par l’ordinateur alors que la main experte est encore sans rivale. On doit aussi noter que la fabrication en série des micro-ordinateurs est loin d’être automatisée. En effet, l’assemblage des composants nécessité une vue aiguisée et des gestes précis. Les 5 ou 6 articulations des robots industriels ne pourront pas rivaliser avant longtemps avec la souplesse des mains humaines. Celles-ci renferment en effet 50 des 206 os du squelette humain. Le mécanisme vivant que constitue l’être humain est d’une telle complexité que l’imagination ne peut encore véritablement le saisir.

Robots Unimation travaillant en équipe


[155]

maîtrise des phénomène électromagnétiques a commencé à laisser entrevoir la possibilité de dominer des mouvements plus précis encore et imperceptibles au sens commun. Après avoir reproduit les mécanismes musculaires élémentaires, leur contrôle par des influx électriques était rapidement réalisé. Le développement des systèmes automatiques s’est ainsi poursuivi jusqu’à la 2e Guerre Mondiale pour donner naissance à la cybernétique ou reproduction artificielle de l’intelligence humaine. En 1946 cette nouvelle discipline réalisait un premier ordinateur dont les capacités imitaient celles du cerveau humain dans le domaine du calcul. L’alliance de l’ordinateur et de la mécanique permettait dans les années 50 la création de la machine-outil à commande numérique capable de réaliser rapidement des tâches complexes à la suite d’une programmation soigneusement pré-établie. Au cours des années 60 et 70 se sont développées des technologies micro-électroniques d’origine militaire qui ont rendu possible la distribution de l’intelligence à de multiples outils de production. Contrairement aux lourds automatismes industriels l’utilisation de micro-processeurs dans l’animation de mécanismes permet une grande polyvalence et une souplesse d’exécution dans l’atelier de production. Ce progrès est à l’origine de la génération actuelle de robots.

Les robots industriels actuels reproduisent grossièrement le travail manuel élémentaire. En ce sens les robots ne sont plus des outils, prolongement de la main, mais des substituts pour la main. La majeure partie des robots industriels en service se présente sous la forme de bras mécaniques polyvalents fixés sur un support stable. Les quelques robots mobiles sont encore au stade expérimental. Le problème principal des robots est la perception de l’information extérieure, son interprétation, la conception d’un projet et sa réalisation dans un temps limité [9].

Que le mécanisme artificiel prolonge la main n’est pas un phénomène nouveau. L’autorégulation est le produit de générations à la recherche du mouvement perpétuel [10]. Le robot n’est cependant pas identique à l’automate que l’on fabriquait déjà au 16e siècle [11]. Il n’est plus lié à des phénomènes de régulation simple, répétitif et monotones, [156] il s’oriente de plus en plus vers des tâches amples, évolutives et multiformes liées à la production industrielle ou aux objectifs destructifs de la guerre.

L’industrie de fabrication des robots s’oriente ainsi selon deux axes de développement :

1. Élargir la marge d’initiative laissée aux mécanismes par une programmation plus élaborée qui inclut des structures d’apprentissage par l’expérience.

2. Doter les mécanismes de moyens de contrôle nouveaux (électronique, optique, calorique, gravimétrique...) leur permettant d’obtenir les informations nécessaires au bon fonctionnement du système de production (sens artificiel du toucher et de la vue).



[157]

L’utilisation des robots : où en sommes nous ?

Les robots ont été développés pour au moins quatre raisons :

1. L’exploration d’espaces inaccessibles aux êtres humains comme l’espace interplanétaire et le fond des mers.

2. L’accomplissement de tâches dangereuses pour l’être humain dans le domaine industriel : manipulation de matériel radioactif, de produits chimiques, ou bien travail de soudure et de peinture sur une chaîne de montage.

3. Le perfectionnement d’armements destinés à frapper l’adversaire avec une précision presque parfaite.

4. La nécessité de rentabiliser certaines productions de grande série de petits objets comme les moteurs électriques.

Une caractéristique commune marque tous les robots : la programmation. Ce sont des mécanismes déterminés dont les réactions sont prévues dans une gamme de tâches présélectionnées qui constitue la marge de manœuvre de la décision autonome du robot. Ainsi même dans les programmes complexes des jeux d’échecs électroniques il n’est pas prévu de lancer le jeu à la face du partenaire humain en cas de défaite. Le logicien responsable de la programmation incorpore un comportement rationnel et prévisible à la machine en fonction de ce qui est jugé tel par l’expérience humaine collective. La machine ne doit pas surprendre, sinon elle est dangereuse ou inutile et rejetée immédiatement. La notion de fiabilité est ainsi indissolublement liée à celle de mécanismes robotisés. Ce qui fait le succès du robot, c’est sa fiabilité qui doit faire face à la faiblesse et à l’impulsivité de l’être humain. Cette fiabilité est cependant relative et trouve sa limite dans les propriétés particulières des ondes électromagnétiques, les mêmes qui animent notre cerveau et les microprocesseurs. L’appréciation du temps, dont l’étude est très embryonnaire, joue un rôle essentiel [158] dans le développement des machines en robots. En effet afin d’obtenir un résultat efficace en temps humain la micro-électronique doit tenter d’imiter le cerveau en compressant dans des périodes de plus en plus réduites des milliards d’opérations logiques binaires. Dans ce contexte coordonner une multitude d’unités logiques n’est pas une tâche facile pour bâtir un programme. Cette contrainte atteint ses limites dans le robot spatial.

Le robot spatial

La théorie de la relativité d’Albert Einstein attribue à chaque point d’observation un écoulement du temps particulier. Un tel problème n’entre véritablement dans nos préoccupations immédiates qu’au moment où un robot photographe gravitant au large de la planète Saturne envoie ses images deux heures avant que les techniciens de la Terre les reçoivent sur leur écran de télévision. Par conséquent il n’est pas question de lui transmettre des ordres à application immédiate. La sonde spatiale par principe doit se comporter de manière autonome car pour chaque distance de 300,000 km, deux (2) secondes sont nécessaires pour télécommander un satellite et recevoir la confirmation de l’exécution d’un ordre. La mise en valeur de l’espace situé entre la Terre et la Lune ne pourra être le fait que d’une nouvelle génération de robots soigneusement construits en Amérique du Nord depuis plusieurs années dans le cadre du programme de la Navette Spatiale. À partir de 1983 différentes expériences de fabrication de biens manufacturés de très haute précision s’effectueront dans l’espace [12]. Le matériel électronique dont la fiabilité a été testée dans le vide spatial a permis le développement de la technologie nécessaire à la généralisation des robots. On doit constater que les objectifs militaires ont été déterminants dans la conquête spatiale.

*
*     *

[159]

Robot missile de croisière américain

Le robot tueur

Charles Barnhaby, directeur du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) indique les conséquences pour la survie du genre humain des dernières découvertes en matière d’armements en soulignant le rôle décisif des bombes dirigées par des robots animés par la microélectronique [13].

La miniaturisation des armes atomiques rendue possible par les microprocesseurs accentue dangereusement les possibilités d’embrasement généralisé. Il y aurait ainsi l’équivalent d’un million de bombes de la taille de celle qui a pulvérisé Hiroshima dans les arsenaux de la planète. La micro-électronique permet ainsi aux missiles stratégiques intercontinentaux d’atteindre leur cible dans un rayon de 100 mètres. Le programme MX de PUS Army coûtera $50 milliards. Celui de l’US Navy, $120 milliards pour la construction des sous-marins TRIDENT dont chaque exemplaire sera capable de détruire l’ensemble des grandes villes de l’URSS. De plus les nouveaux missiles-robots CRUISE peuvent délivrer leur charge mortelle à domicile en volant au ras des arbres avec un petit ordinateur capable de “voir” le paysage pour se repérer et déjouer les manœuvres adverses. “Small is beautiful”... Ces nouvelles armes ont pour commune caractéristique des systèmes de guidage robotisés qui rendent l’ogive nucléaire indépendante de son lieu de lancement.

Si l’utilisation des robots reste surtout liée à des activités spatiales et militaires on la voit se propager maintenant dans le domaine de la production industrielle.

[160]

Le robot peintre et soudeur

L’utilisation de robots ne pourra éliminer tous les travaux dangereux pour des raisons parfois techniques mais surtout économiques. Dès maintenant des robots peuvent assumer des tâches de soudure, de découpage, de peinture, de chargement et de déchargement de pièces lourdes. Avec les travaux de mine et de construction ce sont les tâches manuelles qui entraînent le plus d’accidents et de décès. Il en est de même avec la manipulation du matériel radioactif dans les centrales nucléaires.

Cependant depuis quelques années c’est dans l’industrie automobile que les robots soudeurs et peintres [14] se répandent le plus rapidement. En voici quelques exemples :

1. Les usines de Rivalta de FIAT produisent la STRADA en employant des robots soudeurs COMAU. Ainsi 25 ouvriers peuvent produire de 800 à 1200 carrosseries par jour [15].


La Régie Renault possède des robots pour souder à son usine de Flins les carrosseries des R. 18 mais ne dispose d’aucune industrie propre de microprocesseurs [16] située en France.

2. La British Leyland à Longbridge supprime avec des robots 70% des postes de soudure [17].

3. La Nissan (Datsun) à Zama près de Tokyo opère 96% des 3000 points de soudure des carrosseries d’auto par des robots [18] et Toyota a commandé 720 robots à la Firme Kawasaki [19].

4. L’enquête DELPHI effectuée aux États-Unis prévoit qu'“... en 1985, 25% de la main-d’oeuvre dans les assemblages d’automobiles sont remplacées par des automates programmables... en 1988, on assistera à l’entrée en service de système d’alimentation programmables pouvant convenir à des pièces variées... en 1995, 50% de l’assemblage Final des automobiles s’effectueront au moyen d’automates programmables” [20].

5. En septembre 1980 le Département du Commerce a annoncé la création d’un centre de développement du robot de soudure [21]. Les grands manufacturiers General Motors et Chrysler ont respectivement introduit des  [161] robots PUMA d’Unimation et des Milacron T.3 [22] sur leur ligne d’assemblage pour la soudure des carrosseries. Les Travailleurs Unis de l’Automobile (T.U.A.) considèrent cette robotisation avec une juste méfiance. Ils ne s’opposent pas à l’introduction des robots mais revendiquent une semaine de travail plus courte, une retraite avancée et une garantie que la nouvelle technologie ne sera pas utilisée pour accélérer les cadences et mieux contrôler les travailleurs [23]. G.M. prévoit acheter 1800 robots d’ici 1984 et Chrysler utilise également des ROBOGATE de COMAU (FIAT) et des Unimate d’Unimation.

L’industrie automobile est à l’heure actuelle le lieu principal de généralisation des robots de soudure et de peinture tandis que l’industrie de construction électrotechnique voit plutôt se propager l’utilisation de robots d’assemblage.

*
*     *

Les robots et la restructuration
de l’industrie automobile américaine


Empêtrée dans les difficultés financières que l’on connaît, l’industrie automobile américaine semble à son tour avoir résolument opté pour la robotisation de ses opérations de production. D’ici 1983, GM devrait investir pour 200 millions de dollars dans la reconversion de 14 lignes de montage. C’est à environ 800 robots qu’incomberont les opérations de soudure des futurs nouveaux modèles, soit une élimination de 40 à 50 opérations manuelles. Déjà, 150 robots soudeurs sont en opération chez GM, et d’ici 1990, la compagnie compte investir la somme fabuleuse d’un milliard de dollars dans l’acquisition de 13 000 robots destinés aux opérations de soudure, peinture, assemblage, chargement et déchargement des lignes, etc. Selon le Syndicat des travailleurs unis de l’automobile, c’est 50% des emplois sur les lignes de montage qui se trouvent directement menacés dans la décennie actuelle...


[162]

Le robot assembleur

La société Olivetti utilise des robots PRAGMA pour l’assemblage de composants et la General Electric prévoit remplacer 37,000 travailleurs des lignes d’assemblage par des robots assembleurs [24]. L’assemblage du moteur électrique est le premier à être entièrement effectué par un robot. Il est relativement simple car il s’effectue par empilage [25]. L’assemblage, travail manuel élémentaire, est encore une opération très complexe à reproduire pour un robot. Le couple vision/manipulation nécessite des programmes très élaborés qui ne sont pas encore au point. Si le robot soudeur ou peintre est aveugle, celui qui assemble doit pour être efficace posséder le sens du toucher et celui de la vue.

Les robots actuels dérivent des deux types suivants :

1- Le robot manœuvre : il est programmé pour une tâche simple : prendre — transporter — déposer. Très répandu dans les industries japonaises il ne se développe que lentement, là où la main-d’oeuvre humaine peu qualifiée est abondante [26]. Coût : US $ 3,000 à 15,000 en 1980.

2- Le robot complexe : il est programmé pour des opérations délicates et guidé par un puissant ordinateur. Sa finesse mécanique lui permet d’accomplir de multiples et diverses opérations auparavant confiées à des machines-outils à commandes numériques d’usage moins souple. Coût : US $40,000 à 150,000 en 1980.


Les expérimentations

Tous les robots industriels sont fixes. Les robots mobiles sont munis de roues ou de chenillettes et sont encore au stade expérimental. L’un d’entre eux est développé à Toulouse au Laboratoire d’Automatique et d’Analyse des Systèmes (LAAS), son nom est HILARE. Il se déplace au moyen de lasers, d’ultrasons et d’une caméra vidéo aidée d’un télémètre. L’explorateur martien ROVER en construction au Jet Propulsion Laboratory de Pasadena sera le premier robot mobile complexe construit par les scientifiques pour circuler dans un environnement inconnu.

[163]

Robot mobile JASON

Il est de plus en plus certain que la longue chaîne hiérarchique ingénieur — outilleur sera bientôt effectuée totalement par des moyens électroniques et mécaniques. Les micro-ordinateurs (PET Commodore, Radio Shack TRS-80, Apple...) peuvent d’ores et déjà être programmés avec un langage simple (ARMBASIC) pour contrôler un “robot de table” (MINI MOOVER 5) [27]. De manière plus sérieuse l’US Navy et l’US Air Force encouragent la construction d’usines complètement automatisées. Les robots Milacron T.3 sont déjà présents dans l’industrie aéronautique (pour le F. 16 de General Dynamics construit à Fort Worth) mais d’ici 1985 il est prévu de bâtir une usine complètement automatisée. En plus petit la firme Magnussons i Genarp AB (16 ouvriers), située dans le sud de la Suède, utilise des robots fonctionnant seuls en fin de semaine sous la supervision du propriétaire qui, de sa résidence, contrôle par écran vidéo la fabrication de pièces de barils inoxydables, pour les laiteries.

Enfin la société IBM et les militaires américains effectuent d’énormes efforts de recherche pour que les robots répondent à la voix humaine. Particulièrement utile dans le rapport pilote/avion lors du combat aérien, de telles recherches faciliteraient l’utilisation de robots industriels en supprimant le clavier alphanumérique de commande.

[164]

Combien y a-t-il de robots dans le monde ?

Comme la définition du robot n’est généralement pas indiquée
les estimations varient beaucoup.



[165]

L’industrie de fabrication des robots

Les fabricants de robots dans le monde

Aujourd’hui le marché du robot est encore très restreint : en 1979 on en vendait seulement pour $60 millions aux États-Unis. Cependant c’est une industrie en pleine expansion. En 1990 les prévisions oscillent entre $700 millions et $2 milliards [28]. Parmi les producteurs de robots on retrouve les pays suivants :

1. Tout d’abord le Japon avec près de 140 sociétés productrices de diverses formes de robots. La principale est Kawasaki. Mais en janvier 1981 s’ouvrait une usine robotisée de pièces de robots, la firme Fujitsu Fanuc qui compte produire 100 robots par mois.

2. Aux États-Unis quatre grandes sociétés se partagent la majeure partie du marché. Tout d’abord le premier manufacturier mondial, Unimation Inc. of Danbury du groupe CONDEC fondée par Joseph Engelberger. Cette société fabrique le PUMA conçu par Victor Scheinman, elle contrôle la moitié du marché américain. Viennent ensuite Prab Conveyors Inc. of Kalamazoo, Michigan ; Auto-Place Inc. of Troy, Michigan et la division des robots de Milacron à Cincinnati. Renault Technique et Industrie et Ransburg Corp. se sont par ailleurs associés pour fabriquer en 1981-82 des robots destinés à American Motors.

3. La Grande Bretagne n’avait en 1980 que deux constructeurs de robots : Newtool et Hall Automation. En Suède, il y a ASEA qui est la 3e société mondiale,. En Norvège, la firme Trallfa. En France les constructeurs sont Renault-ACMA, Languepin et Sciaky. Il y a également les robots de la Société AOPI Kremlin L’Allemagne de l’Ouest produit également des robots industriels avec entre autres les sociétés Reis et Kuka. En Italie, Comau de Fiat et Pragma de Digital Electronic Equipment de Turin sont présents sur le marché du robot soudeur, peintre et assembleur.

[166]

La bataille des robots se joue essentiellement entre les États-Unis et le Japon. Ce dernier dispose d’un atout important : une main-d’oeuvre très qualifiée en mécanique et en électronique alors que les américains handicapés par une pléthore d’administrateurs et de gestionnaires conservent cependant un avantage dans le domaine de la recherche scientifique d’avant-garde et la maîtrise des logiciels [29]. Le rôle du système d’enseignement professionnel sera déterminant et le Japon dispose en la matière d’une avance évidente et pourrait fort bien conquérir le marché américain du robot industriel [30].

Mécanique de précision ou intelligence artificielle

Le développement de l’industrie du robot est confronté au dilemme suivant. Une programmation simple doit s’accompagner d’une mécanique parfaite. Inversement une mécanique approximative peut être corrigée par une programmation complexe. La miniaturisation des circuits électroniques permet de résoudre ce problème en “distribuant l’intelligence” tout au long du processus de production. Ainsi un robot assembleur serait précédé d’un robot fournisseur et suivi d’un robot stockeur [31]. Alors la précision mécanique ne sera nécessaire que pour produire les moyens de production et l’intelligence artificielle permettra de suppléer à son approximation relative dans la production de masse pour la consommation.

L’expansion rapide de l’industrie des microprocesseurs va donc entraîner la résolution de cette contradiction. Le microprocesseur permet la répartition physique des capacités de contrôle, d’analyse et de mesure dans les instruments de production eux-mêmes. En effet la présence d’un robot dans un processus de production ne peut que réagir en amont et en aval. Par conséquent le problème de la fabrique automatisée doit être rapidement résolu pour améliorer la rentabilité des robots actuels. La fabrication et même la conception des microprocesseurs est aujourd’hui partiellement réalisée par des ordinateurs [32]. De plus d’ici dix ans de nouvelles formes de microprocesseurs vont apparaître et permettront d’accroître la puissance des microordinateurs [33].

[167]

En 1990 la majeure partie des grandes entreprises de biens manufacturés seront dotées de robots. Tout d’abord dans les chaînes d’assemblages, les opérations de stockage et de déplacement. Ensuite pour l’agriculture, la maintenance, l’entretien et les mines. D’ici la fin du siècle des usines de cet ordre seront répandues.

Dans une usine robotisée,
le travail humain sera limité
à la surveillance et à la maintenance

Les deux problèmes techniques majeurs qui devront être résolus seront :

1. La coordination toucher/visuel des robots à bras mécanique [34].

2. La réalisation de logiciels capables de programmer le travail d’une unité de production [35].


[168]


UsUsine automobile robotisée

Où va le travail humain ?

La division internationale du travail va sérieusement se compliquer avec la micro-électronique et différents facteurs contradictoires vont s’entremêler. Les usines robotisées seront certainement concentrées au Japon, en Amérique du Nord et en Europe. Tant que les problèmes de coordination toucher/visuel ne seront pas résolus la main-d’oeuvre du Tiers-Monde, comme celle d’Asie du Sud Est aujourd’hui, sera employée pour l’assemblage et surtout les opérations de câblage. Dans l’industrie textile les automatismes favoriseront les pays du “centre” et la conception des patrons par ordinateur, la coupe au laser et l’assemblage par soudure des textiles artificiels compenseront largement les bas salaires du Tiers-Monde dans la confection des vêtements.

Des bouleversements sociaux vont affecter certaines sociétés de manière inégale. Il s’agit donc d’adopter une analyse nuancée qui ne tombe pas dans la vogue technologiste de la Troisième Vague ni dans un marxisme où la recherche du moteur de l’histoire se bornerait à effectuer l’histoire des moteurs. D’autres voient à chaque [169] changement technologique une inévitable “déqualification” pour les travailleurs qui sont présentés comme victimes passives du capital. Cette perspective ne semble pas partagée par les organisations ouvrières qui cherchent maintenant à négocier les changements technologiques non plus seulement dans les rythmes mais dans leur nature.

Il est également utile de ne pas effectuer de manière directe une adéquation entre “grosse technologie” avec centralisation et “petite technologie” avec décentralisation. Une telle classification que l’on retrouve dans les travaux de Murray Bookchin, André Gorz/Michel Bosquet et le père du slogan “Small is beautiful” E.F. Schumacher ne rend pas compte des transformations sociales effectives [36].

Il est pourtant souvent expliqué que les grandes concentrations ouvrières d’Europe occidentale ont freiné la centralisation étatique en instaurant des contre-pouvoirs massifs. Inversement les sociétés paysannes parcellaires ont traditionnellement soutenu des régimes autoritaires. De fait les technologies n’ont pas d’effet en elles-mêmes. Tout dépend de la structure sociale qui les incorpore. Les microprocesseurs peuvent donc avoir des effets radicalement différents aux États-Unis et en Asie du Sud-Est [37].

En conclusion il est possible d’avancer que les robots ne vont pas bouleverser les structures de production d’ici la fin du siècle pour les raisons suivantes :

1. L’effort de recherche est de plus en plus dirigé vers le secteur des robots de destruction ou d’exploration spatiale. Aux États-Unis le rapport entre l’industrie du robot industriel et le budget de la défense était de 1 à 3000 en 1979.

2. Le travail manuel est une activité très complexe qui est encore hors d’atteinte des tentatives prévisibles de reproduction artificielle en laboratoire. Par conséquent le travail manuel salarié depuis l’utilisation de machines à écrire jusqu’à la construction d’une maison sera effectué par des êtres humains.

3. Le développement des robots comme objectif social est contradictoire avec la reproduction du capitalisme fondé sur l’exploitation de la force de travail humaine.

Charles Halary

[170]

[171]

[172]

[173]

Note :

Une étude sur la diffusion des robots reste à faire pour le Québec. Il est cependant possible d’affirmer qu’en 1980 seuls quelques exemplaires de ces machines étaient utilisés dans l’industrie automobile et aéronautique.

Le catalogue le plus récent des robots industriels est le Robotics Industry Directory 1981 publié par la revue californienne Robotics Age.

[174]



[1] Le terme bureaucratique a été inventé par Louis Naugès. Sa définition est particulièrement vague. Voir Claude Barjonet, “Le bureau du futur n’est pas pour demain”, L’Expansion, 19 sept/2 oct., p. 166-170.

[2] Le terme robotique provient de l’écrivain et vulgarisateur scientifique Isaac Asimov qui a conçu de nombreux romans de science-fiction sur sa description.

[3] Alvin Toffler avec La Troisième Vague, Denoël, 1980 et Jean-Jacques Servan-Schreiber avec le Défi mondial, 1980, ont exploité avec un succès commercial certain et un talent inégal la curiosité générale dans le domaine des microprocesseurs. Le premier cherche à donner une suite cohérente au Choc du Futur en montrant comment va s’effectuer un retour sur des petites communautés de vie fondées entre autres sur la “maison électronique”. Le second veut démontrer qu’au Défi américain des années 60 succède le Défi mondial des années 80. Celui-ci sera relevé par l’introduction de la micro-électronique au développement du Tiers-Monde.

[4] Peu d’auteurs critiquent la platitude bombée ou véritable des écrans de télévision. On croirait que tout à coup les médiocrates retournent à l’émerveillement de l’après-guerre devant la petite boîte à images. Or la réalité est plus banale. Pour des dizaines d’années encore l’image de T.V. sera mauvaise car grossièrement définie (405 lignes pour l’Amérique du nord et 625 pour l’Europe). Ceci est parfaitement visible sur les écrans géants installés dans certaines brasseries. De plus cette image sera pour la même période sans relief, ni perspective. Les hologrammes sont encore, et pour longtemps, des curiosités de laboratoire. Enfin la civilisation de l’image a négligé le son qui est de qualité médiocre dans toutes les retransmissions télévisées. Quant aux problèmes légaux, soulignons simplement que le document de papier paraphé, est la base de toutes les juridictions humaines.

[5] Une exagération manifeste anime certains détracteurs de la micro-électronique comme A. Sivanandan, “L’impérialisme à l’âge du silicium”, Politique d’aujourd’hui, nouvelle série, no. 3/4 mars-avril 1980, p. 47-58. Une vision tiers-mondiste abstraite attribue cette technologie à une volonté consciente du capital d’accentuer sa mainmise sur des sociétés déjà dépendantes. L’Asie du Sud-Est qui matérialise cette tendance ne peut être schématisée ainsi. La formation d’une nouvelle classe ouvrière en Corée du Sud, à Hong Kong, Taïwan et Singapour ainsi que de centres capitalistes relativement autonomes ont des effets très contradictoires sur les diverses puissances impérialistes traditionnelles du Japon, d’Amérique et d’Europe.

[6] “Robotic in the Soviet Union”, Robotics Age, vol. 1, no 1, Summer 1979 ; I. Artobolevski et A. Kobrinski, Les Robots, Éditions Mir, Moscou, 1980.

[7] Travail dans son sens étymologique signifie douleur et par extension ou analogie l’effort effectué. Ce terme vient du bas latin tripalium qui désigne un instrument de torture du 1 le siècle (Dictionnaire encyclopédique Quillet).

[8] Pour l’étude du travail de l’instrumentum vocalis (esclave en latin), voir Perry Anderson, Les passages de l’antiquité au féodalisme, Maspero, 1977, p. 19-31.

[9] Patricia Pineau, “Quand les robots deviennent intelligents”, La Recherche, no. 113, juillet-août 1980, p. 839-841. L’auteur explique ainsi que l’Intelligence artificielle est la discipline que les informaticiens tentent aujourd’hui de développer.

[10] Les recherches des mécaniciens de Moyen Âge en aboutissant à l’horloge ont ouvert le champ de la technique moderne. Lewis Mumford, Technique et civilisation, Seuil, 1950, p. 23 et suivantes. L’horloge est pourtant le produit de la recherche du mouvement perpétuel. Cet enthousiasme pour la mécanique devait certainement animer également les grecs qui ont construit la célèbre machine d’Antikythera, Derek de Solia Price, Gears from Greeks, Science History Publications, 1975.

[11] Le terme automate a été employé par Rabelais en 1532, il provient du grec automatos, “qui se meut”. Les termes automatique et automatisme proviennent de la fin du 18e siècle. Automatisation accède au Larousse en 1877. Automation provient de l’anglais et a été inventé en 1956 par Del Harder, un cadre de Ford. Les automates les plus perfectionnés ont été réalisés par le français Vaucanson et les suisses Jacquet-Droz au 18e siècle. Il s’agissait en particulier d’un joueur de flûte traversière, d’un canard nageur, d’un enfant écrivain et d’une joueuse de piano. On retrouve certains de ces mécanismes inégalés au Musée d’Art et d’Histoire de Neufchâtel.

[12] Le débat sur les manufactures et colonies de l’espace utilisant des robots est bien résumé par T.A. Heppenheimer, Colonies in Space. Warner Books, New York, 1977.

[13] Charles Frank Barnaby, “Quelles armes pour demain”, La Recherche, novembre 1980, no. 116, p. 1304-1311.

[14] La soudure et la peinture par compression constituent des travaux pénibles dont les ouvriers essaient de sortir le plus vite possible. Il y a ainsi 850 000 soudeurs aux États-Unis formés en quelques mois. Des robots élimineraient la majeure partie de ces travaux.

[15] “Car Firms Drive Toward New Robot Technology”, New Scientist, June 12, 1980.

[16] Philippe Dumez, “Machine-outil : de l’automatisme au robot”. Industrie et Techniques, no. 423, avril 1980, p. 20 ; A. Roche et J.P. Devimeux, “Manipulateurs et robots industriels”, CETIM Informations, 2e partie, no. 66, juin 1980, p. 6 à 10 et Jacques Fontaine, “La course folle au microprocesseur”, L’Expansion, 19 sept./2 oct. 1980, p. 148-153

[17] “The Longbridge Robot Will March Over the Transport Union”, The Economist, April 19, et “Robots Change the Rules”, The Economist, 19-25 June, 1980, p. 93-94.

[18] “Ce que savent faire les robots industriels”, L’Usine nouvelle, no. 24, 12 juin 1980, p. 96-102. Au Japon ce dernier texte signale que l’utilisation des robots est le résultat des luttes pour la santé et sécurité et de la législation en découlant. Les normes de sécurité pour la chaleur, le métal en fusion, les émanations gazeuses et les mouvements mécaniques ont facilité l’irruption des robots. Ainsi une loi oblige l’alimentation automatique des presses.

[19] Joseph Engelberger, Robotics Age, janv.-février 1981, p. 19.

[20] Pierre Salmon, “Les robots progressent dans l’assemblage”, Industries et Techniques, no. 413, 10 décembre 1979, 91.

[21] US News and World Report, sept. 22. 1980, “Rebuilding America, It Will Cost Trillions”.

[22] Time, sept. 8, 1980, “Detroit Uphill Battle”, et déc. 8 1980, “The Robots Revolution”.

[23] Harley Shaken, “The Brave New World of Work in Auto”, In this Magazine, September 19-25, 1979 et Marianne Debouzy, “Les syndicats américains face à l’innovation technologique”, Politique d’aujourd’hui, no. 1-2, janvier-février 1980, p. 43-52.

[24] “How Robots are Already Cutting Costs for G.E.”, Business Week, June 9, 1980.

[25] James L. Nevins et Daniel E. Whitney, “Le montage de pièces mécaniques par automates programmables”. Pour la Science, Paris, avril 1978, p. 25-41.

[26] Le robot Seiko 700 est standard pour fabriquer des pièces mécaniques qui nécessitent d’être transportées à un rythme régulier d’un fournisseur à une machine-outil. La production manufacturière de pièces détachées s’effectue généralement selon deux principes : enlèvement de matière ou bien moulage. Les robots fonctionnent encore le plus souvent selon le premier de ces principes. Le développement des outils de coupe au laser accentuera cette tendance. Pierre Naville pensait pour sa part en 1963 que le moulage l’emporterait. Il avait raison mais dans le cadre des matières plastiques et de la tôlerie.

[27] John W. Hill, “Introducing Mini Moover 5”, Robotics Age, vol. 2, no. 2, été 1980, p. 18-27. Le marché des petits ordinateurs (entre $5 000 et $40 000) est ainsi en pleine expansion aux États-Unis (138 000 produits en 1979 et 382 000 prévus en 1984) et repose sur une main-d’œuvre peu ou pas syndiquée. Cependant ce marché est encore économiquement secondaire ; $658 millions en 1979. Cf. Colin Norman, Microelectronics at Work : Productivity and Jobs in the World Economy, World Watch Paper, no. 39, octobre 1980, p. 22-23.

[28] Gene Bylinsky, “The Smart Young Robots on the Production Line”, Fortune, 17 décembre 1979.

[29] Des aberrations peuvent cependant se remarquer dans le développement des robots aux États-Unis. Ainsi la firme de jouets Milton Bradley qui commercialise un tank programmable à $40 dépense $600 000 en recherche par an soit autant que le département de robotique de la NASA. Robotics Age, vol. 2, no. 1, Spring 1980, p. 39.

[30] Les sociétés qui ont entravé l’automatisation de la production en ayant recours à une main-d’oeuvre immigrée à bon marché sont en retard dans la course aux robots parce que le renouvellement technologique y a été sacrifié à des exigences de profit à court terme. La France se compare ainsi désavantageusement au Japon car sa main-d’œuvre active est composée de millions d’immigrants peu qualifiés alors que la robotisation au Japon a exigé l’élévation générale des qualifications techniques. Ainsi le célèbre rapport Nora-Minc publié en 1978 ne contient que quelques pages en annexe sur la robotique. On doit aussi noter que de 1974 à 1978 l’indice de production de biens d’équipements d’automatisation du processus industriel a baissé de 172.7 à 155.8 (base 100 en 1970). Voir Guy Tussan, Les industries électriques et électroniques. Notes et études documentaires, 27 mars 1980, p, 86.

[31] Stephen Kahne, Irving Lefkovitz et Charles Rose, “Automatic Control by Distributed Intelligence”, Scientific American, June 1979. Ainsi comme avançait déjà Pierre Naville dans Vers l’automatisme social, (Gallimard) en 1963 la production manufacturière se rapprochait des industries de flux (pétrole, chimie) où l’automatisation est déjà très avancée avec un personnel exerçant surtout des tâches de surveillance et d’entretien. Il existe déjà des robots d’entreposage dans l’industrie pétrochimique. Ainsi l’entrepôt Shell de Montréal est entièrement automatisé. Onze employés peuvent contrôler 50 000 tonnes de marchandises/an grâce à un chariot-robot de la firme suisse Digitron. François Berger, La Presse, 15 août 1980.

[32] André G. Bonnet, “Les microprocesseurs et leurs futures applications”, dans Informations sur les sciences sociales, SAGE, Londres et Berverly Hills, 1972 (1980), p. 420.

[33] Outre les mémoires à bulles magnétiques qui commencent à se répandre, IBM met au point des mémoires à “effet Josephson” avec des composants supraconducteurs plongés dans l’hélium liquide (-269°). Jean Louis Lardy, “La microélectronique à très grande intégration”, La Recherche, no. 116, novembre 1980, p. 1246-1257. D’autres recherches voient dans les mémoires à transfert de charges ou dans le remplacement du silicium par l’arsenide de gallium un m oyen d’améliorer les microprocesseurs, The Economist, 19-25 juin 1980, p. 94-95.

[34] C’est encore la reproduction du travail manuel qui constitue l’obstacle technique majeur à la généralisation des robots. J.W. Saveriano, “Industrial Robots : Today and Tomorrow”, Robotics Age, vol. 2, no. 2, été 1980, p. 6. Un pas dans le sens de la reproduction du toucher a été effectué par le constructeur canadien du bras mécanique de la Navette spatiale où l’opérateur humain est capable de “sentir” l’effort fourni, Discover, octobre 1980. De plus le LAAS de Toulouse a produit une “peau artificielle” chimique pour un bras mécanique. Sciences et Avenir, novembre 1979, no. 303, p. 49-50.

[35] La formulation de nouveaux logiciels va constituer l’effort principal du ministère de l’Industrie au Japon d’ici 1983. ($1 milliard d’investissement). Le logiciel pose cependant un problème culturel important qui se révélera le jour où la communication verbale sera couramment employée avec les ordinateurs, Yves Leclerc, “Un obstacle majeur : le logiciel”, La Presse, 10 février 1981. À l’heure actuelle les américains et les français dominent cette discipline. Voir aussi “Missing Computer Software”, Business Week, 1er septembre 1980.

[36] Michael Goldhaber, “Politics and Technology : Microprocessors and the Prospect of a New Industrial Revolution”, Socialist Review, no. 52, vol. 10, no 4, juillet-août 1980, p. 9-32, passe sous silence l’origine militaire des microprocesseurs et leur attribue à tort une dynamique sociale décentralisatrice, donc démocratique. Or à la fin du 19e siècle le petit moteur électrique s’était déjà développé en pleine période de concentration du capital.

[37] Déterminer les modifications dans l’emploi est assez malaisé. Une étude faite en Grande Bretagne dans une région industrialisée autour de Manchester montre que les pertes d’emplois de 1980 à 1990 à cause de la micro-électronique toucheront le textile (-8.4%), la construction électrique (-7.5%), le papier et l’imprimerie (-6.2%). Rod Coombs et Ken Green, “Slow March of the Microship”, New Scientist, 7 août 1980, p. 448. La CAO (Conception assistée par ordinateur) va permettre la liaison directe de l’ingénieur et du robot, donc supprime l’ouvrier outilleur. Les capacités de simulation d’un ordinateur permettent d’éviter les études sur maquette. À la Régie Renault d’ici 10 ans le personnel sera réduit de 12%, Le Monde, 14 février 1981, p. 33.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 30 mai 2023 19:26
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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