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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis Gill, “Les premières années du SPUQ (1969-1974).” In ouvrage sous la direction du Syndicat des professeurs de l’UQÀM, SYNDICALISME ET POUVOIR À L’UNIVERSITÉ, pp. 18-63. Montréal: La Librairie progressiste, 1976, 128 pp. [Texte diffusé dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de l'auteur accordée le 11 janvier 2005.]

“LES PREMIÈRES ANNÉES
DU SPUQ.”

Texte rédigé comme contribution
au dossier historique du SPUQ

Par Louis GILL

(octobre 1975)


1969-70 L'APUQ [19]

1970-71 Naissance et construction du SPUQ [20]

1971-72 La première convention collective [28]

1972-73 Réouverture de la négociation, non-renouvellement de contrats et grève des étudiants [37]

1973-74 La deuxième convention collective — la remontée du SPUQ [50]

[18]


[19]

1969-70: L’APUQ

L'UQAM ouvre ses portes à l'automne 1969. Trois groupes de professeurs s'y trouvent réunis. Un premier groupe provient du Collège Sainte-Marie. Un deuxième, des écoles d'État (écoles normales, école des Beaux-Arts). Un troisième groupe est constitué de professeurs venant d'autres collèges ou universités et de nouveaux professeurs. Sur le plan syndical, ils n'ont pas tous la même expérience. Certains d'entre eux, comme les professeurs venant des écoles d'État (et regroupés principalement à l'intérieur des départements des Arts et des Sciences de l'éducation) ont déjà vécu l'expérience syndicale militante du SPEQ. [1] D'autres ont été regroupés au sein d'associations professionnelles, accréditées ou non, mais non affiliées à une centrale syndicale. L'association des professeurs du Collège Sainte-Marie en est un exemple. D'autres enfin n'ont aucune expérience. Dès l'ouverture de l'université, se pose le problème du regroupement syndical des professeurs.

"Au milieu des innombrables difficultés et confusions qui marquent la création de l'université, les professeurs de l'UQAM font tout de suite face au problème de leur inorganisation en tant qu'employés-salariés en face d'une administration dont l'autoritarisme et les objectifs véritables sont voilés derrière les appels répétés à "l'université nouvelle" et à la "participation"[2]

Les professeurs de l'UQAM s'organisent. Ils forment d'abord l'APUQ (Association des professeurs de l'Université du Québec). L'APUQ est une association ; elle est accréditée mais elle n'est pas affiliée à une centrale. Un bon nombre de ses dirigeants sont d'anciens membres de l'Association des professeurs du Collège Sainte-Marie. Plusieurs d'entre eux passeront plus tard du côté des patrons. [3] Le mandat [20] principal de l'APUQ est la négociation d'une première convention collective, tâche dans laquelle elle échouera et qui entraînera sa disparition.

L'APUQ n'étant qu'une association professionnelle, des professeurs posent dès le début la question de la création d'un véritable syndicat affilié à une centrale syndicale. Cette question prend d'autant plus d'importance que l'APUQ manifeste son impuissance à résoudre certains problèmes de taille comme les non-renouvellements de contrat massifs en Philosophie et en Langues modernes.

[20]

1970-71: NAISSANCE ET CONSTRUCTION
DU SPUQ.

L'échec de l’APUQ

À l'automne 1970, l'APUQ convoque pour la rentrée une assemblée d'information au cours de laquelle elle devait présenter un projet de convention collective préparé essentiellement par l'Administration de l'UQAM et accepté par le C.A. de l'APUQ. Aucune décision ne devait théoriquement être prise lors de cette assemblée, les professeurs devant ultérieurement, selon les plans du C.A. de l'APUQ, voter dans des boîtes de scrutin placées dans les divers pavillons. Les professeurs réunis à l'assemblée exigent qu'on puisse discuter démocratiquement du projet, l'amender, l'accepter ou le rejeter en assemblée générale. N'offrant aucune garantie quant à la permanence, la sécurité d'emploi, les tâches, la classification, les traitements, le fonctionnement démocratique en assemblée départementale, etc., le projet est rejeté en bloc. Plusieurs membres du C.A. de l'APUQ démissionnent. L'APUQ s'écroule, ne pouvant survivre à cette défaite. Les professeurs vont rechercher une autre forme de regroupement

"Sur l'échec de l'APUQ, la relance du travail d'organisation des professeurs n'est pas facile. Scepticisme des uns, indifférence ou hostilité des autres devant le projet mis de l'avant par quelques-uns de construire un syndicat, le SPUQ, affilié à la CSN.

Il faut balayer les divisions, reconstruire l'unité des professeurs à partir de leurs problèmes et de leurs intérêts communs. Il faut construire une organisation qui soit l'instrument propre des professeurs et qui traduise sans compromis leurs aspirations". [4]

Des militants favorables à la construction du SPUQ s'emploient à [21] gagner l'adhésion des professeurs au nouveau syndicat. Un premier exécutif est élu lors d'une assemblée générale de fondation le 19 octobre 1970. Mario Dumais (Histoire) en est le président et Michel Van Schendel (Études Littéraires) le vice-président. Jean-Marc Piotte (Sciences Politiques) et Georges Niosi (Sociologie) sont respectivement secrétaire et trésorier. 221 professeurs sur environ 400 sont alors membres du SPUQ qui demande son accréditation au Ministère du Travail. Le SPUQ se met immédiatement à la tâche et lance l'opération de préparation de la convention collective. Il invite chaque département à discuter des changements à apporter au projet de l'APUQ et à déléguer un représentant à un comité d'élaboration du nouveau projet. Ce comité, bénéficiant de l'aide de deux conseillers techniques de la Fédération Nationale des Enseignants Québécois (FNEQ-CSN), Paul Doyon et Paul Thibault, tient de nombreuses réunions au cours de l'automne. Un projet final est envoyé aux membres en décembre. Il est discuté et adopté en assemblée générale en janvier et soumis à l'administration de l'UQAM en février. Un comité de négociation est constitué en assemblée générale et chargé de négocier la première convention collective du SPUQ. Il est formé de Mario Dumais (Histoire), Jean-Marc Piotte (Sciences Politiques), Louis Gill (Economie), Paul Lavallée (Physique) et Arthur Gladu (Arts). Plusieurs mois plus tard, s'ajouteront au comité Claude Janvier (Mathématiques) et Godefroy Cardinal (Sciences de l'Éducation). Le comité est assisté du conseilleur technique Paul Thibault de la FNEQ, dont les services ininterrompus sur une période de 9 mois ont fourni au SPUQ un apport inestimable, tant sur strict plan de la négociation que sur celui de la construction de notre syndicat et la formation de nos militants.

L'accréditation du SPUQ

Le 23 janvier 1971, le SPUQ reçoit son accréditation. Il devient le premier syndicat de professeurs d'université accrédité et affilié à une centrale ouvrière au Canada. L'accréditation est définie de façon à inclure les directeurs de département et de module ainsi que les vice-doyens, qui sont par le fait même exclus de la structure d'autorité. L'université en appelle immédiatement de cette décision du commissaire-enquêteur. Elle est déterminée à faire de ces catégories de professeurs, des représentants de l'administration, des relais patronaux, malgré les "bonnes intentions", les déclarations de principes à cet égard contenus dans un document qui n'a pas force de loi, le Document 1, [5] mais qui tient lieu de règlement provisoire en attendant l'adoption des règlements permanents au niveau du siège social et des constituantes, et [22] qui définit un cadre général pour l'organisation des études de 1er cycle. Dans une sentence rendue le 1er septembre 1971, le juge Beaudry du Tribunal du Travail maintiendra la décision du commissaire-enquêteur confirmant la position syndicale en ce qui concerne les fonctions de ces professeurs comme représentants de la base et non de l'administration. Pour les administrateurs de l'UQAM et de l'UQ, c'est une défaite qu'ils n'accepteront jamais. Pour tenter de regagner le terrain perdu, ils reviendront par la suite sans cesse à la charge, tant à l'occasion de la négociation des conventions collectives (en 1971 et en 1973) que par l'adoption de règlements généraux (règlement 19 de l'UQ adopté en 1971 et réforme Després de 1974-75). Si, jusqu'ici, un fonctionnement démocratique a été maintenu au niveau des département et familles, c'est grâce à la détermination des professeurs qui, regroupés dans leur syndicat, ont réussi à l'imposer envers et contre l'administration.

La Constitution du SPUQ

Ce fonctionnement démocratique que les professeurs syndiqués ont voulu implanter dans leur travail quotidien, est aussi la caractéristique dominante de leur fonctionnement syndical. La constitution qu'ils adoptent avec sa structure à trois niveaux, Exécutif, Conseil syndical, Assemblée générale, et la révocabilité en tout temps de tous les responsables du syndicat à quelque niveau que ce soit, en est l'expression concrète. L'Assemblée générale est souveraine, elle se réunit statutairement deux fois par année, mais elle peut être convoquée en assemblée spéciale à tout moment. Elle est la seule habilitée à prendre certaines décisions comme l'acceptation ou le rejet d'une convention collective, le déclenchement d'une grève, la fixation de la cotisation syndicale, etc... Entre les assemblées générales, c'est le Conseil syndical qui prend toutes les décisions. Le Conseil syndical n'est pas un Exécutif élargi, c'est le regroupement de tous les délégués syndicaux élus par les départements à raison d'un délégué par tranche de 10 professeurs, ainsi que des membres de l'Exécutif du syndicat. Il reflète ainsi les structures du milieu de travail et permet à tous les syndiqués d'avoir une prise directe sur le syndicat.

"Le délégué syndical transmet au Conseil syndical les décisions ou propositions de son département et défend les positions de son département auprès du Conseil.

Le délégué syndical transmet à son département les politiques et décisions du Conseil syndical.

Dans la constitution, le Conseil syndical doit se réunir au moins 4 fois par année. Il se réunit en fait 1 ou 2 fois par mois.

Le Conseil syndical élit les professeurs responsables des divers comités du syndicat.

Le Conseil syndical fixe les mandats des responsables au [23] sein des comités.

Les responsables des divers comités font rapport mensuellement au Conseil syndical.

Chaque responsable a une tâche précise. L'accomplissement des tâches est contrôlé par le Conseil syndical. Chaque responsable est mandaté par le syndicat et non par lui-même.[6]

Si le rôle du délégué syndical est de défendre au Conseil les positions de son département, le Conseil, n'est toutefois pas conçu comme un organisme où chaque délégué arrive avec son mandat contraignant dont il ne pourrait déroger sous aucun prétexte. Le Conseil syndical ne saurait être la simple somme arithmétique des délégués syndicaux des divers départements. C'est dans la discussion que les divers points de vue se confrontent, que des éléments nouveaux peuvent ressortir et que des décisions éclairées se prennent à la majorité des voix, dans le plus complet exercice de la démocratie. Le délégué syndical muni d'un mandat dont certaines conséquences lui auraient échappé (à lui et à son assemblée départementale) et qui aurait été amené à voter dans un sens modifié, voire même complètement différent de ce que lui demandait son mandat, aurait ensuite la tâche d'expliquer à son assemblée le sens de ce vote. Tout au long de la courte histoire du SPUQ, c'est le Conseil syndical qui a été le coeur du fonctionnement du SPUQ, qui a été saisi de tous les types de problèmes, qu'ils soient de nature syndicale, académique, politique ou sociale.

Au troisième niveau de la structure du SPUQ se trouve l'Exécutif du Syndicat. En soi, l'Exécutif n'a aucun pouvoir décisionnel. Son pouvoir en est un d'exécution des décisions de l'assemblée générale et du Conseil syndical, et d'orientation des politiques syndicales ; ces politiques ne deviendront celles du syndicat qu'après avoir été soumises à l'instance décisionnelle appropriée et adoptées par elle. Son rôle est aussi un rôle de chien de garde des droits des professeurs et de vérification (presque quotidienne) du respect de la convention collective par l'administration.

"Dans la constitution, l'Exécutif doit se réunir au moins une fois par mois. En fait, il se réunit une fois par semaine.

C'est un Comité d'organisation dont la tâche centrale réside dans le maintien et le contrôle de l'indépendance des salariés en face des administrateurs-patrons.

L'Exécutif a pour tâche d'assurer que tous les responsables du syndicat soient véritablement des représentants du syndicat et non pas des "mandatés individuels". En même temps, il a pour tâche d'assurer que les représentants du syndicat à tous les niveaux, et le syndicat comme tel, ne soient pas intégrés par la [24] "structure-participation" de décision patronale.

L'Exécutif prépare aussi et amorce le travail de discussion et d'étude sur les positions adoptées au niveau de la Centrale et du Conseil central, ainsi que les implications syndicales et politiques du travail syndical". [7]

Ce fonctionnement syndical deviendra un modèle dont s'inspireront de nombreux syndicats. En particulier, au cours de l'année 1972-73, plusieurs membres du SPUQ seront invités par le CCSNM [8] et le Centre de Formation populaire à participer à des sessions de formation syndicale pour y parler du fonctionnement de notre Conseil syndical à des syndiqués de tous les secteurs. Un texte préparé à cet effet par le SPUQ sera par la suite largement diffusé tout comme le texte de notre constitution, à la demande de nombreux syndicats.

La première épreuve de force :
la grève du SEUQAM (avril 1971)


La seule existence d'une bonne constitution ne suffit pas, bien entendu, à assurer une vie syndicale véritable et, il faut bien l'avouer, sur ce plan un travail énorme restait à faire. C'est à l'occasion des premières épreuves de force que ce pas allait pouvoir être franchi.

À l'ouverture des négociations en février '71, le SPUQ obtient de l'UQAM la mise sur pied d'un comité de révision pour les professeurs dont le contrat n'est pas renouvelé. Par contre, en réponse au projet syndical de convention collective, l'UQAM propose, le plus sérieusement du monde, rien d'autre que le projet qu'elle avait négocié avec l'APUQ et que les professeurs avaient déjà massivement rejeté quelques mois plus tôt. L'Exécutif s'emploie à organiser des assemblées de pavillon qui rejette toutes cette proposition et, à cette occasion, une première mobilisation s'organise. Entre temps, les employés de soutien de l'UQAM, regroupés dans leur syndicat (SEUQAM), cellule 1294 du Syndicat canadien de la Fonction Publique (SCFP) de la FTQ, négocient leur première convention collective. Après deux années de négociations qui n'aboutissent toujours pas, ils décident de déclencher la grève pour appuyer leurs revendications, le mercredi 31 mars. Quelques jours avant le déclenchement de cette grève, le 26 mars, le recteur Dorais, pour la première fois dans l'histoire de l'UQAM (ce ne sera pas la dernière) fait intervenir la police pour déloger des étudiants qui occupaient les bureaux du registraire au pavillon Sainte-Marie, en guise d'appui aux revendications des employés de soutien. Les étudiants allaient par la suite et tout au long de la grève fournir aux employés de soutien un appui massif sur les lignes de piquetage.

[25]

C'est à peine né et encore largement inorganisé que le SPUQ s'engage dans ce conflit. Il n'est pas du tout évident au départ qu'il sera possible de mobiliser l'ensemble du corps professoral dans un appui concret au SEUQAM. Ce conflit sera la première occasion de construire la solidarité syndicale à l'intérieur de l'UQAM et exigera de la part de l'Exécutif une tactique réfléchie, mesurée et adaptée au niveau de développement du SPUQ. Dès le premier matin de la grève, les professeurs sont convoqués à une assemblée générale du SPUQ dans une salle du CCSNM, rue Beaudry. Après une période d'information à laquelle participe un membre du SEUQAM, le SPUQ adopte une résolution de soutien inconditionnel aux revendications et moyens d'action du SEUQAM et décide de se réunir de nouveau en assemblée générale le lendemain, deuxième journée de grève. De plus, les professeurs sont invités à ne pas franchir les lignes de piquetage. A l'occasion de ces deux assemblées, les professeurs (membres ou non du SPUQ) sont confrontés avec une évidence : les problèmes actuels du SEUQAM (refus catégorique de l'administration d'accorder la sécurité d'emploi et d'ajuster l'échelle salariale à celle de l'Université Laval, etc..) sont manifestement les problèmes que rencontrera le SPUQ d'ici peu. L'épluchement par Mario Dumais de la contre proposition patronale à notre projet de convention, remise par Lise Langlois, secrétaire générale de l'UQAM, la veille, c'est-à-dire avec un retard d'un mois, rallie l'ensemble de l'assemblée (114 vois pour, une abstention) à la proposition en deux points de l'Exécutif :

  • rejet catégorique de la contre-proposition patronale ;
  • mandat à l'Exécutif de demander la conciliation au moment opportun.

Au cours de ces deux assemblées, de même qu'au contact des grévistes sur les lignes de piquetage, les professeurs de l'UQAM font leur apprentissage du syndicalisme ; ils apprennent qu'une négociation n'est pas un dialogue rationnel entre personnes intelligentes, mais un rapport de force, comme le conseiller technique Paul Thibault ne se lasse pas de nous le répéter.

L'assemblée du jeudi 19 avril décide aussi de la participation du SPUQ à une assemblée tripartite (étudiants-employés-professeurs) prévue pour le lendemain et dont le but est de faire une analyse sérieuse des relations de travail qui existent à l'UQAM. Cette initiative de front commun contre l'administration deviendra une constante dans l'histoire du SPUQ, on la retrouvera à chaque conflit : la grève du SPUQ en octobre '71, la grève des étudiants en février-mars '73, la lutte contre la réforme Després en '74-75. Malheureusement, l'assemblée tripartite du vendredi 20 avril n'aura pas lieu comme telle, en raison de la décision prise par le SEUQAM de ne pas y participer pour ne pas nuire aux négociations.

[26]


[27]

Au cours de ces trois premiers jours de la grève du SEUQAM qui durera une semaine, on sent que le SPUQ a vraiment reçu son coup d'envoi ; il est maintenant lancé sur des bases plus solides qui lui seront essentielles d'ici peu. En même temps, ce raffermissement du SPUQ aide le SEUQAM dans ses négociations. Loin d'avoir réussi à écraser le SEUQAM, l'administration trouve maintenant deux syndicats dressés devant elle.

La lutte contre le règlement 19

Quelques jours après la grève du SEUQAM, le SPUQ élit un nouvel exécutif constitué de Jean-Marc Piotte, président (Sciences Politiques), Louis Gill, vice-président (Economie), Claude Corbo, secrétaire (Sciences Politiques), Amy Gateff, trésorière (Etudes littéraires) ainsi que 5 directeurs de pavillon. La première bataille que le SPUQ engage après la grève du SEUQAM est la bataille contre le règlement 19 adopter par l'Assemblée des Gouverneurs de l'Université du Québec. Au moment où le SPUQ est en train de négocier une convention collective de travail avec l'UQAM, l'UQ adopte le règlement 19 qui fixe unilatéralement bon nombre de conditions de travail relatives à l'embauche, l'évaluation, le fonctionnement en assemblée départementale, le rôle du directeur de département, les renvois, les catégories salariales, etc... Or, non seulement il est inadmissible que l'UQ fixe unilatéralement des conditions de travail au moment même où celles-ci sont l'objet de négociations entre les deux parties, mais en plus, l'adoption de ce règlement a des conséquences politiques non négligeables. En effet, au moment où il est adopté, le Tribunal du Travail n'a pas encore rendu sa décision face à l'appel logé par l'UQAM quant à l'inclusion des directeurs de départements et des vice-doyens dans l'unité d'accréditation. L'adoption d'un tel règlement ne peut être interprétée que comme une tentative des administrateurs de l'UQ d'orienter le jugement du juge Beaudry dans le sens des demandes patronales, but qui ne sera heureusement pas atteint comme le démontrera la sentence rendue en septembre.

Le SPUQ déclare la guerre au Règlement 19. Le 14 mai, le Conseil syndical appuyé par des résolutions adoptées dans une quinzaine de départements (les 3/4) demande le retrait du règlement 19. Le SPUQ fait valoir son point à l'Assemblée des Gouverneurs qui promet la mise sur pied d'une commission d'enquête sur la question, mais ne retire pas son règlement. Seule une grève permettra d'ailleurs de défoncer ce règlement. L'Assemblée des Gouverneurs sera fidèle à sa promesse. Elle enverra une commission-bidon enquêter sur tous les campus, mais ne changera pas un iota de son règlement jusqu'à ce que le colonel Després le remplace par ses Politiques générales et opérationnelles en 1974-75, mieux adaptées aux besoins du grand patronat.

[28]

Au cours de l'été, les négociations se poursuivent. Le 14 juin, face à l'impasse qui se dessine, la demande de conciliation est soumise au ministère du travail. L'échéance d'une grève est par le fait même fixée à la fin de septembre. L'Exécutif et le comité de négociation préparent la rentrée de septembre. Un journal, le premier numéro de SPUQ-Information est rédigé. Il explique la nature de nos revendications et leur lien avec la défense de la qualité de l'enseignement contre l'administration qui la menace ; la défense de la qualité de l'enseignement deviendra le mot d'ordre de cette première négociation. On met également sur pied un comité d'appui à la négociation dont le responsable est Martin Béliveau.

[28]

1971-72:

LA PREMIÈRE CONVENTION COLLECTIVE
La mobilisation de la rentrée

Le 1er septembre, le juge Beaudry du Tribunal du Travail rend sa sentence ; il confirme la décision du commissaire-enquêteur : les directeurs de département et de module et les vice-doyens sont dans l'unité d'accréditation ; ils ne s'inscrivent pas dans la structure d'autorité ; ils sont des représentants de la base. C'est un coup en plein front que reçoit l'UQAM : c'est une victoire de taille pour le SPUQ.

Dès la rentrée, [9] l'Exécutif et le comité de négociation entreprennent une tournée des pavillons et y font des rapports complets de négociation. Une assemblée générale est convoquée pour le 21 septembre. L'administration, le 10 septembre, interrompt les négociations afin de "préparer une offre sérieuse" qu'elle remettra au syndicat le 17 septembre. Réunis en assemblée générale, le 21 septembre, les professeurs syndiqués entérinent les clauses paraphées, rejettent l'offre patronale à 95% au scrutin secret et décident dans les mêmes proportions d'envoyer l'avis de grève.

"Les rythmes s'accélèrent. Des assemblées ont lieu dans les divers pavillons de l'UQAM, au cours desquelles les professeurs expliquent et discutent de la convention collective.

Des assemblées tripartites ont lieu où les professeurs [29] expliquent et discutent avec les employés et les étudiants.

C'est durant cette période que commencent à se resserrer vraiment les liens entre l'exécutif et le comité de négociations du SPUQ, et l'ensemble des professeurs syndiqués. Il faut que les professeurs, depuis leurs départements respectifs aient une prise directe sur leur syndicat. Le Conseil syndical, qui regroupe les délégués élus de chaque département, va jouer son rôle. Le Conseil syndical est en "stand by".

Début octobre, il se réunit presque quotidiennement. Il prend ses renseignements sur les négociations. Il élabore et décide. Il renseigne les professeurs et rend compte de ses décisions." [10]

Le Conseil syndical discute de la négociation, mais aussi de stratégie et d'organisation. De nombreux professeurs doutent de l'efficacité en milieu universitaire de l'arme traditionnelle qu'est la grève ; certains préféreraient envisager d'autres formules comme l'arbitrage obligatoire. Dans la discussion, il s'avère qu'aucun autre moyen que la grève ne peut être efficace, que l'arbitrage obligatoire, en plus de constituer un abandon du contrôle des syndiqués sur leur négociation, comporte des risques énormes comme le suggère l'expérience peu encourageante des relations de travail en cette matière.

En même temps, le Comité d'appui à la négociation se construit. Il est directement placé sous la responsabilité de l'Exécutif. Il regroupe les responsables des comités suivants : comité d'information, Roch Denis (Sciences Politiques), comité de liaison, Luc Chabot (Sciences Politiques), comité des Communications, Michel Freitag (Sociologie). Quatre autres comités sont également formés dans l'éventualité du déclenchement d'une grève : ils sont sous la responsabilité d'un syndiqué ; il s'agit des comités de Fonds de grève et enregistrement avec Madeleine Gagnon (Etudes littéraires), de piquetage avec Robert Comeau (Histoire), de secours directs et de loisirs.

Au début d'octobre, l'UQAM se livre à une pratique courante chez les patrons qui n'aiment pas avoir à faire face à un syndicat. Elle passe dessus la tête du comité de négociation et envoie son offre salariale directement aux professeurs. Cette manœuvre anti-syndicale va se retourner contre elle. Le 8 octobre, l'assemblée générale donne mandat au Conseil syndical de prendre tous les moyens jugés utiles y compris le déclenchement de la grève au moment jugé opportun pour hâter la conclusion d'une entente. Le vote est pris au scrutin secret : 88% des votants sont en faveur.

Le 12 octobre à 5 heures du matin, l'UQAM dépose une offre finale et globale. L'après-midi, le Conseil syndical rejette cette offre à [30] l'unanimité moins une voix. Il a le mandat de déclencher la grève mais il décide quand même de convoquer l'assemblée générale pour le lendemain 13 octobre, par souci de démocratie, et lui soumettre les offres patronales. Le lendemain, l'assemblée générale rejette les offres à 90% des voix et confirme à 84% des voix la décision du Conseil syndical de déclencher la grève. Lorsqu'éclate la grève, les deux grandes universités de Montréal (UdeM et UQAM) sont paralysées. Les employés de soutien de l'UdeM sont aussi en grève et professeurs et étudiants ne franchissent pas les lignes de piquetage.

La grève

Les professeurs débrayent. Pour la première fois en Amérique du Nord, des professeurs d'université ont recours à l'arme classique des salariés. Dès le premier jour l'université est complètement paralysée, les employés et les étudiants respectent les lignes de piquetage. Les professeurs ne restent pas chez eux ; dans une proportion de 80%, ils assurent le piquetage ou travaillent dans les différents comités. Le local de grève (University Settlement, rue Saint-Urbain) est le lieu de rendez-vous des grévistes après le piquetage. Un secrétariat bouillonnant d'activité, sous la direction de Madeleine Saint-Pierre (Linguistique) est le centre nerveux du local de grève. C'est là que se dessinent les pancartes et les caricatures avec Maurice Poteet (Études Littéraires), que se tiennent les réunions des comités, que se préparent les sandwichs (Michel Freitag de Sociologie et Jean Courbon d'Études Littéraires), que s'organise le piquetage sous la direction de Robert Comeau (Histoire), que se préparent l'historique du conflit (Gilles Bourque) et un dossier noir sur la mal-administration de l'UQAM, que s'organise un teach-in (Narcisso Pizarro, Nicole Frenette, Céline Saint-Pierre de Sociologie). C'est de là que partent les communiqués de presse, c'est là que s'élaborent des articles à envoyer aux journaux, que se préparent les interviews à accorder aux journalistes de la presse parlée et écrite. Des communiqués sont distribués quotidiennement sur les lignes de piquetage qui se durcissent ou se relâchent relativement, selon l'évolution des négociations. Les professeurs du pavillon Lafontaine acquièrent au cours de cette grève la réputation d'infranchissables (la "ligne dure"). Des délégués du SPUQ se déplacent aussi à travers la province pour expliquer le conflit. On visite entre autres, l'assemblée générale des syndiqués de l'UQTR qui décide finalement de surseoir à l'adoption d'une convention collective avant que n'intervienne un règlement à Montréal. Des représentants des syndicats des constituantes de Chicoutimi (Charles-André Lamontagne, le vice-président) et Rimouski (Yvon Bouchard, le président) viennent visiter le SPUQ et nous apporter des témoignages de solidarité.

Pour le comité de négociation, qui est en contact permanent avec le

[31]

[32]

comité de grève, c'est la troisième négociation qui s'entame. Pendant les 8 premiers mois, le comité patronal était dirigé par Lise Langlois, secrétaire général. Après le vote d'avis de grève, le 21 septembre, René Hurtubise, vice-recteur à l'enseignement et à la recherche, avait pris la chose en main. C'était maintenant au tour de Léo Dorais, recteur, de négocier au nom de l'université, après avoir laissé pourrir les négociations pendant tout ce temps. Il avait fallu déclencher la grève pour qu'il commence à prendre la chose au sérieux. Le problème n'était pas réglé pour autant. Il faudra en tout trois semaines de grève pour lui arracher une convention.

Le 29 octobre '71, [11] deux semaines et demie après avoir déclenché la grève, le SPUQ obtient un règlement que l'assemblée générale adopte. Reste alors à négocier l'entente de retour au travail. Les administrateurs de l'UQAM, le recteur Dorais en tête, refusent de verser aux employés de soutien leur salaire pour la période de notre grève, au cours de laquelle ils n'ont pas franchi nos lignes de piquetage. Le SPUQ refuse de reprendre le travail tant que les employés n'auront pas obtenu l'entière satisfaction de leur demandes, c'est-à-dire 100% de leur salaire pour la durée de la grève. Après une journée supplémentaire de grève, le lundi 1er novembre, l'administration plie finalement. Le retour au travail s'effectue le 2.

Le 2 novembre, les profs rentrent au travail. Ils ont gagné une convention collective qui, de l'avis des experts en relations de travail, est l'une des meilleures de toutes celles qui existent en Amérique du Nord. Ils ont arraché à l'Administration une large autonomie des assemblées départementales, le contrôle sur l'évaluation annuelle, des pouvoirs étendus de recommandations à la Commission des Études où ils sont assurés de 6 postes-contre 4 à l'Administration. Ils ont acquis une sécurité d'emploi totale, avec réaffectation ou réorientation en cas de fusion ou abolition de postes, aucun congédiement pour raisons administratives n'étant permis. Ils ont acquis le droit à la permanence au bout de quatre (4) ans, droit dont le pouvoir de recommandation des assemblées départementales rend l'exercice très efficace. Les professeurs ont également gagné un droit de grief complet, étendu même à la classification. Enfin, leur bataille contre la politique de discrimination et de privilèges catégoriels a forcé l'Administration à renoncer au vieux système de "féodalisation" des professeurs (répartition en catégories titrées et hiérarchisées, avec tâches différentes). Les professeurs sont dorénavant répartis en quatre catégories de salaires, en fonction de la diplomation acquise et de l'expérience, sur la base [33] d'une même définition des tâches. Cette première convention collective va :

1. orienter toutes les autres conventions collectives dans le secteur universitaire ;

2. plus encore, rendre irréversible le mouvement de syndicalisation des professeurs de l'enseignement supérieur. " [12]

À ces gains, il faut ajouter, sur le plan des tâches, l'établissement d'une charge maximum de deux cours de trois crédits par session (4 cours par année).

La défense de la convention

Immédiatement après la signature de la convention, le SPUQ engage la bataille pour la faire respecter par l'administration. Si le contrat est bel et bien signé par les deux parties (en dépit du fait que le recteur Dorais ait refusé de le signer personnellement et ait demandé au vice-recteur Hurtubise de le faire à sa place), l'administration reviendra continuellement à la charge pour donner "son" interprétation, toujours la plus restrictive possible, des différents articles de la convention et tenter de ne pas appliquer les règles auxquelles elle s'était engagée par contrat. La vigilance des syndiqués et de l'Exécutif du syndicat allait cependant contrer cette pratique administrative. Au refus de l'administration de respecter la convention, les syndiqués répondent par une avalanche de griefs. Deux mois après la signature, pas moins de 150 griefs, individuels et collectifs, auront été déposés.

Pour assurer un fonctionnement syndical conforme aux principes de la constitution, tant en ce qui concerne l'application de la convention et la vie interne de l'université que pour les liens que doit entretenir le syndicat avec le monde syndical en général, le Conseil syndical met sur pied, en novembre, un réseau de comités (comité de griefs, d'étude sur l'évaluation, de recours sur la classification, d'assurances, du stationnement, etc.), chacun sous la responsabilité d'au moins un syndiqué, et élit ses représentants à la FNEQ et au Conseil Central de Montréal (CCSNM). Chacun de ces responsables fait régulièrement rapport au Conseil syndical (une fois par mois ou par deux mois) et reçoit des mandats du Conseil. Un point statutaire de l'ordre du jour des réunions du Conseil syndical est prévu à cet effet.

En décembre, les représentants des professeurs au Conseil d'Administration et à la Commission des Études sont élus dans une assemblée générale (non syndicale) convoquée conjointement par l'administration et le syndicat, comme le prévoit la convention. Si la [34] grève d'octobre a été, dans l'ensemble, une victoire pour le SPUQ, un certain nombre d'objectifs n'ont évidemment pas été pleinement réalisés. Il en est ainsi de la revendication de la reconnaissance du syndicat comme le seul organisme habilité à représenter les professeurs sur toute question, et non pas seulement pour fin de négociation et de défense de la convention collective. Cette lacune trouvait son expression la plus immédiate dans la délégation de nos représentants à la CE. et au C.A. et, ce qui n'avait pas été gagné au niveau de la convention, il s'agissait de le faire reconnaître en pratique. Voici de quelle manière l'Exécutif, dans le Bulletin d'information de novembre 1971, proposait aux professeurs de réaliser cet objectif :

"Il y aura prochainement des élections pour élire 6 salariés à la Commission des Études et 3 salariés au Conseil d'administration de l'UQAM.

Afin que les salariés élus soient vraiment nos représentants, le Conseil Syndical invite tous les syndiqués à appuyer à l'assemblée générale les candidats qui s'engageront à accepter de souscrire au mandat suivant : "Je m'engage à informer mensuellement le Conseil Syndical des politiques que j'aurai défendues dans l'organisme où j'ai été élu et à demander au Conseil Syndical son avis et à défendre ses positions dans ledit organisme".

De cette façon, nos représentants au CE. et au C.A. seront, comme tous nos autres représentants, responsables devant le Conseil Syndical". [13]

Tous les élus à l'assemblée générale d'élection du 6 décembre avaient préalablement accepté le mandat syndical. La reconnaissance syndicale était gagnée dans les faits.

L'implication
dans le mouvement syndical


L'expérience de la négociation et de la grève, tout comme l'expérience de la défense vigilante de la convention après sa signature, auront fait faire aux syndiqués du SPUQ leurs premiers pas dans la route déjà tracée par des millions de salariés. La participation, comme syndicat, et non plus seulement comme individus, à la célèbre manifestation d'appui aux grévistes de la Presse le soir du 29 octobre, aura aussi contribué à nous faire avancer dans ce cheminement. Dès lors, le SPUQ fait vraiment partie du mouvement syndical. Il y est impliqué à part entière. Il a ses délégués au CCSNM et à la FNEQ. Il participe aux activités des trois centrales de l'hypothèse d'une grève générale d'une heure, pour appuyer les travailleurs de la Presse. Il s'engage, comme les autres syndiqués de la CSN, dans l'étude du document Ne comptons que  [35] sur nos propres moyens en prévision du congrès de juin 1972. À cette fin, un comité de 4 animateurs, sous la coordination de Mario Dumais, a le mandat de constituer 4 groupes de 10 membres du Conseil Syndical pour étudier le document, et ensuite viser à rejoindre l'ensemble du corps professoral en vue de l'adoption, en assemblée générale, d'une position claire face à ce document.

Cette implication dans le mouvement se traduira aussi sous la forme d'appuis concrets à des groupes de travailleurs en grève, d'abord aux travailleurs de la petite entreprise de Rémi Carrier, dans l'est de la ville, puis surtout aux 200,000 syndiqués du Front Commun des secteurs public et para-public. Dans ce dernier cas, l'appui prendra, entre autres, la forme d'un débrayage illégal de 24 heures, le 11 mai 1972, à l'occasion de la grève générale provoquée par l'adoption de la loi 19 et l'emprisonnement des dirigeants syndicaux des trois centrales, Marcel Pépin, Louis Laberge et Yvon Charbonneau. En juin '72, dans l'effervescence du moment, caractérisé parla scission à la CSN (qui devait conduire à la formation de la CSD) et les suites de la grève générale, le SPUQ participera à son premier congrès de la CSN. Louis Gill, Mario Dumais et Roch Denis y représenteront le SPUQ.

Mais le SPUQ est toujours, à ce moment, le seul syndicat de professeurs affilié à une centrale. Le danger du corporatisme est toujours présent et il s'incarne principalement dans la FAPUQ (Fédération des Associations de Professeurs des Universités du Québec). Le SPUQ a un rôle important à jouer sur ce plan et il commence à la faire publiquement par le biais d'un article intitulé "Syndicalisme ou corporatisme chez les universitaires ?", publié le 6 mai 1972 dans Le Devoir. Il y fait une critique virulente de la mentalité corporatiste qui subsiste encore chez de nombreux professeurs d'université et souligne qu'en raison des conditions concrètes de travail dans lesquelles ils se trouvent et qui ne cessent de se détériorer, ils ne pourront manquer, tôt ou tard, de suivre le SPUQ dans la voie de la syndicalisation.

"Les professeurs de l'UQAM, par l'intermédiaire du SPUQ, ont choisi leur camp. Notre union avec les autres travailleurs par l'intermédiaire de la CSN fait que nous sommes actuellement isolés au niveau universitaire. Mais cet isolement ne saurait se prolonger durablement. De plus en plus les professeurs d'université - surtout parmi les jeunes - rejettent la vieille mentalité corporatiste et s'orientent peu à peu vers la formule syndicale et la solidarité avec les autres travailleurs, par l'intermédiaire d'une affiliation à une centrale syndicale". [14]

[36]

La réouverture de
la négociation sur l'article 25


La convention collective n'avait pas entièrement réglé la question de la classification et des salaires. Elle prévoyait la réouverture des négociations sur cette question pour l'année 1972-73. L'exécutif s'emploie donc à préparer les éléments d'une politique salariale dont l'élément principal est la conquête du principe un an un an, c'est-à-dire la reconnaissance d'une année pleine et entière pour chaque année d'expérience dans l'enseignement, quelque soit le niveau où cette expérience ait été acquise. La politique salariale proposée par l'Exécutif vise aussi à réduire l'écart entre les hauts salaires et les bas salaires. Elle est soumise à l'AG qui l'accepte en avril '72 et élit un comité de négociation formé de Louis Gill (Économie), Roch Denis (Sciences Politiques), Jean-Paul Bernard (Histoire), Pierre Grenier (Études Littéraires), Arthur Gladu (Arts) et Maurice Soulières (Sciences de l'Education). Après quelques séances de négociation, c'est de nouveau l'impasse. La conciliation est inévitable. Mais cette fois, chose plutôt rare en relations de travail c'est la partie patronale de l'UQAM qui demande la conciliation, le 28 juin 1972, fixant ainsi l'échéance d'un conflit éventuel à la fin d'août, c'est-à-dire avant la rentrée des étudiants. Les négociations reprennent en présence du conciliateur au mois d'août.

Les chargés de cours

En mars '72, l'Assemblée générale élit un nouvel exécutif. En plus des 5 directeurs de pavillon, cet exécutif est formé de Louis Gill, président, (Économie), Roch Denis, Vice-Président (Sciences Politiques), Madeleine Gagnon, secrétaire (Études Littéraires) et Real Morissette, trésorier (Sociologie). L'un des mandats du nouvel Exécutif est d'aider les chargés de cours à mener une campagne de syndicalisation. La situation des chargés de cours à l'UQAM est très grave. 45% des cours sont donnés en appoint par un personnel ad hoc qui n'a aucune sécurité et qui reçoit un traitement de crève-faim [15]. De plus, en ce qui concerne la qualité de l'enseignement, cette situation est inadmissible. Les discussions s'engagent sur les modalités de syndicalisation et de rattachement éventuel des chargés de cours au SPUQ. Jean-Marc Piotte est chargé par le Conseil Syndical d'analyser ces modalités et de produire un rapport. En même temps, une première campagne de signature de cartes est entreprise pendant la session d'été. Cette campagne s'avère un échec.

Après de plus amples discussions, au niveau de l'Exécutif et du Conseil Syndical, sur la base de documents décrivant la situation des [37] cours donnés en appoint, il ressortira que le véritable objectif à poursuivre est non pas la syndicalisation immédiate des chargés de cours, mais la réduction du pourcentage de ces cours donnés en appoint, ce qui deviendra l'un des objectifs de la prochaine négociation.

"Comment se pose, par rapport à cet objectif, le problème de la syndicalisation des chargés de cours ? Faut-il rendre la fonction syndicale d'abord pour ensuite travailler à toutes fin pratiques à la faire disparaître ?

Ou bien, faut-il d'abord faire diminuer l'importance numérique de cette main-d'oeuvre sous-payée pour syndiquer ensuite ceux qui restent ? L'exécutif favorise la deuxième formule, considérant que la consolidation du syndicat est une étape préliminaire à son expansion." [16]

C'est cette position qui sera retenue. Cependant, la bataille en vue de faire diminuer le pourcentage des cours donnés en appoint est une bataille gigantesque qui heurte de front la politique gouvernementale de restriction des budgets de l'enseignement. Le SPUQ ne la remportera pas lors de la négociation de '73. Il ne la remporterait pas non plus dans des négociations ultérieures s'il devait continuer seul à affronter les politiques gouvernementales.

[37]

1972-73

Réouverture de la négociation,
non-renouvellement de contrats
et grève des étudiants

Autant l'année 1971-72 avait connu des conditions propices à la construction de notre force syndicale, autant 1972-73 allait être une année de difficultés, marquée par un enchaînement de situations contenant des germes de division : d'abord la réouverture de la négociation sur l'article 25 qui en l'absence d'un rapport de force favorable au SPUQ, traînera jusqu'en mars '73 ; puis les 55 non-renouvellements de contrat qui nous frappent en décembre '72 ; enfin la grève des étudiants qui durera 5 semaines pendant la session d'hiver et dont le SPUQ sortira profondément divisé. Tout cela se déroule dans le contexte de la période d'affaissement syndical qui marque les lendemains de la mobilisation générale du printemps '72 suite à la Loi 19 et à l'emprisonnement de militants syndicaux et des présidents des trois centrales.

[38]

La bataille sur l'article 25

La bataille de l'article 25 s'engage dans un contexte où la partie patronale sent qu'elle tient le gros bout du bâton. Elle a pris les devants en juin et a demandé elle-même la conciliation. À l'ensemble des demandes syndicales, elle oppose dès le début un refus catégorique. Elle sait que les professeurs ont débrayé l'année précédente alors que l'enjeu était l'ensemble de la convention. Elle se repose en toute quiétude sur sa conviction que les professeurs ne poseront pas le même geste dans une négociation qui ne porte que sur un seul article. De plus, les professeurs doivent négocier de nouveau l'année suivante. Mettant tous ces éléments dans la balance, elle sent que le rapport de force, cette année, est en sa faveur et elle le manifeste avec arrogance. À l'augmentation globale de 13.6% réclamée par le SPUQ, elle répond par une offre de 6%. De ces 13.6% d'augmentation de la masse salariale, 3% vont au simple "vieillissement" de l'échelle, alors que 6.6% représentent le coût du réajustement des années d'expérience en vertu du principe 1 an 1 an, ce qui ne laisse qu'un maigre 4% d'augmentation de l'échelle, alors que le Front Commun vient d'obtenir 5% pour l'année en cours. Mais ce choix, c'est celui des syndiqués, adopté en assemblée générale, et qui privilégie l'élimination des discriminations à une augmentation élevée de l'échelle. Face à cette demande fondamentale de notre politique salariale, l'UQAM répond catégoriquement non ! Elle prétexte d'abord que la réouverture doit porter sur l'article 25 seulement et que selon elle, une reclassification des professeurs suite à un changement des pondérations aurait des incidences sur l'article 24 qui spécifie les délais à l'intérieur desquels la classification doit être annoncée par l'UQAM, de même que les dispositions de contestation de cette classification par les professeurs, par voie de grief. Cet argument simplistement légaliste est d'autant plus faux qu'à l'UQAR (Rimouski), où des dispositions de réouverture de la négociation sort aussi prévues pour la même date, le texte de la convention collective réunit dans un même article les deux questions : traitement et classification. Cependant, la raison ne vient pas à bout d'un refus patronal. Seule la force y parvient et il est difficile de mobiliser les professeurs sur cette question.

En même temps, les négociateurs de l'UQAM justifient également leur refus d'accéder aux demandes syndicales en se réclamant de la "politique de l'université" qu'ils ont, selon eux, le mandat de défendre en négociation. Cette politique, en plus de nier le principe 1 an 1 an, visait à accroître l'écart entre les hauts salaires et les bas salaires, à ne pas reconnaître l'expérience des salariés plus âgés ne détenant pas de diplôme de 3e cycle, etc.. Or cette "politique de l'université", c'est en fait la politique du recteur Dorais et du secrétaire-général Lise Langlois qui n'ont pas jugé bon de demander l'avis du Conseil d'Administration de l'UQAM. Ce n'est qu'en octobre '72, 5 mois après le début des [39] négociations que l'Exécutif de l'UQAM définissait un tel mandat.

En décembre '72, l'administration modifie légèrement son offre. Quelques jours avant les fêtes (comme par hasard) elle offre une augmentation supplémentaire de 0.5% qu'elle nous présente comme un cadeau alors que ce réajustement est accordé à tous les salariés de la fonction publique et para-publique grâce à la bataille menée par le Front Commun et dont nous nous trouvons ainsi à bénéficier. En janvier, en dépit de l'impasse dans laquelle les négociations se trouvent, les syndiqués du SPUQ, invités à se prononcer en assemblée générale, renoncent à la grève comme moyen de pression.

"Malgré l'impasse des négociations, l'exécutif et le conseil syndical n'ont pas recommandé la grève, jugeant plus opportun de concentrer les forces, à quelques mois de la reprise de la négociation, sur l'ensemble de la convention. En prévision d'une bataille qui s'annonce très dure, compte tenu du bill 89 qui menace notre droit de grève et des efforts que l'université déploiera afin de nous retirer bon nombre des avantages que nous avons gagnés lors de la signature de notre première convention collective, cette orientation vise à canaliser les énergies de tous les membres dans une réflexion sérieuse sur les objectifs de notre prochaine convention et sur les moyens à mettre en action afin de les réaliser". [17]

Ce n'est qu'à la fin de mars '73, après la grève des étudiants, et suite aux coupures de salaire dont les professeurs seront victimes pour avoir appuyé la grève des étudiants, que les négociations reprendront sur l'article 25. Il sera finalement réglé dix mois après le début des négociations, dans le cadre d'un "package-deal" impliquant la suppression de l'essentiel des mesures de représailles de l'administration contre les professeurs. Sur le plan de la convention, si rien ne sera gagné quant au principe 1 an 1 an, le SPUQ obtiendra, par lettre d'entente, la garantie de voir cet élément renégocié à la prochaine négociation. De plus le SPUQ obtiendra des augmentations en pourcentages plus élevés sur les bas salaires que sur les hauts salaires, faisant ainsi une brèche importante dans la voie de la réduction des écarts entre hauts salaires et bas salaires.

Il y a des leçons à tirer de cette bataille qui, après avoir traîné en longueur pendant 10 mois, ne se règle finalement qu'avec des gains mineurs par rapport aux objectifs initiaux. Jamais plus il ne faudra accepter de clauses de réouvertures sur un seul article à moins d'être sûrs que la négociation de cet article puisse être appuyée massivement et que les syndiqués n'hésiteront pas à recourir aux moyens de pression nécessaires pour appuyer leurs revendications. Ce n'était pas le cas de

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[41]

l'article 25 sur les traitements et la pondération des années d'expérience. La clause de réouverture avait été acceptée dans le cadre du règlement général de la première convention, dans un contexte de grève et de mobilisation générale qui nous avait amenés à surestimer les possibilités d'une nouvelle mobilisation un an plus tard, sur un seul article alors que nous allions devoir renégocier l'ensemble de la convention l'année suivante.

Les 55 non-renouvellements
de contrat


Le 21 novembre 1972, le Conseil d'Administration de l'UQAM, sur recommandation du doyen de la Gestion académique, Mauro Malservisi, décide de ne pas renouveler le contrat de 55 professeurs, c'est-à-dire le quart du corps professoral. 35 de ces non-renouvellements découlent d'une interprétation restrictive d'une résolution du conseil d'administration, adoptée le 9 février 1971, la résolution 71-A-171. Cette résolution stipule que tout professeur ne détenant pas de diplôme de 2e cycle a jusqu'au 31 mai 1973 pour l'obtenir, faute de quoi ses services ne pourront être retenus que par contrats annuels, sur recommandation expresse des départements concernés et comme mesure d'exception adoptée dans chaque cas individuel par l'Exécutif de l'UQAM [18]. La Gestion académique et le C.A., négligeant les recommandations des assemblées départementales, décident de donner à cette résolution l'interprétation la plus restrictive possible et de ne pas renouveler le contrat d'aucun professeur se trouvant dans cette situation. Parmi eux, trois sont à quelques années de la retraite ; il leur sera difficile de se replacer ailleurs, mais cela n'impressionne pas les administrateurs de l'UQAM. En 1969, à l'ouverture de l'UQAM, ils étaient jugés compétents ; maintenant, trois ans plus tard, ils ne le seraient plus. D'autres n'ont pas terminé le travail qui devait les mener au diplôme de 2e cycle parce qu'ils se sont entièrement consacrés à la mise sur pied de l'UQAM depuis '69 et ont été ainsi forcés de mettre leurs études en veilleuse. L'UQAM leur prouve sa reconnaissance en les mettant à la porte. D'autres enfin, n'ont pas de diplôme de 2e cycle mais ils ont une scolarité de doctorat terminée. Cela n'est pas équivalent aux yeux de l'UQAM, du moins pour certains professeurs : en effet, après avoir déjà reconnu cette équivalence dans le passé, elle a désormais une opinion différente sur la question.

Tout cela s'explique, en définitive, en premier lieu par le désir manifeste de l'administration de faire un nettoyage dans le corps professoral, et en second lieu, par le mépris de l'administration pour la convention collective que le SPUQ lui a arrachée et qu'elle tente, depuis le début, par tous les moyens, de ne pas respecter. Selon cette convention, [42] l'évaluation des professeurs est faite par l'assemblée départementale qui communique ses recommandations à la Gestion académique. 109 professeurs font l'objet de décisions diverses (permanence, renouvellement ou non-renouvellement de contrat) de la part du C.A. Or, si on compare les recommandations des départements aux décisions du C.A., ces décisions ne sont conformes aux vœux des départements que dans 45 cas sur 109. L'administration de l'UQAM a tout simplement décidé de faire fi de l'évaluation départementale et de procéder à la sienne propre. Déjà, afin de se donner des moyens d'effectuer cette évaluation, le doyen Malservisi, dans un mémo adressé aux directeurs de département, le 6 novembre, déclarait :

"Je désire vous rappeler qu'à chaque fois qu'une recommandation spécifique est faite, il faut appuyer cette recommandation d'un dossier portant sur l'activité du professeur concerné et incluant le dossier d'évaluation." [19]

Le Conseil syndical, saisi de la question, avait par la suite adopté la résolution suivante :

"Le conseil syndical demande aux directeurs de départements de n'envoyer aucun dossier d'évaluation à l'administration et rappelle que les exigences formulées par le doyen de la Gestion académique sont contraires à la convention collective. Cette demande ne s'applique pas pour les professeurs qui n'ont pas terminé leur maîtrise et pour lesquels le département peut préciser les raisons qui justifient la recommandation d'un renouvellement de contrat pour un an." [20]

L'absence du dossier devient le prétexte invoqué par la Gestion pour justifier un non-renouvellement, alors qu'en d'autres cas, malgré l'absence de ce dossier, elle décide d'accorder la permanence. On nage dans l'arbitraire le plus total.

Face à cette boucherie et à ce refus manifeste de respecter la convention, les syndiqués se réunissent en AG le 6 décembre. Divers moyens d'action sont envisagés, allant jusqu'au déclenchement immédiat de la grève ; mais l'assemblée rejette finalement l'option d'une confrontation directe avec l'administration, préférant utiliser d'abord tous les recours que permet la convention. La très grande majorité des cas seront finalement réglés à l'avantage des syndiqués, soit par voie de négociation avec l'administration, soit par voie d'arbitrage.

La grève des étudiants

En novembre '72, les étudiants de l'UQAM engagent la bataille [43] contre les mesures administratives exigeant le paiement des frais de scolarité comme condition préalable à l'inscription. Le SPUQ, par la voix de l'Exécutif et du Conseil syndical du 9 novembre, appuie cette lutte des étudiants et condamne les mesures répressives utilisées par l'administration. [21] À la rentrée, en janvier '73, les choses se corsent, puis les étudiants débrayent et dressent des lignes de piquetage à partir du 26 janvier. Ils ont deux revendications principales :

1. qu'aucun d'entre eux ne soit expulsé ou empêché de s'inscrire à l'université à cause de dettes précédemment accumulées ;

2. que l'université retire l'échéance du 15 février qu'elle a seule fixée et qu'elle accepte de négocier avec les étudiants, sur une base collective et non individuelle, les modalités en vertu desquelles ils paieront leurs frais de scolarité. [22]

Cette grève des étudiants, conflit dont nous n'avions pas l'initiative, mais dans lequel nous étions directement impliqués, durera 5 semaines. Elle est sans doute la plus dure épreuve de force que le SPUQ a eu à traverser dans sa courte histoire.

"Contrairement à notre grève d'octobre 1971, conflit dont nous avions l'initiative et qui a été l'occasion de construire une grande solidarité à l'intérieur de nos rangs, la grève des étudiants a provoqué à l'intérieur du SPUQ une vague de division et de tiraillements qui ont menacé l'existence même du SPUQ. Tout au long de ce conflit, bon nombre de professeurs se trouvaient partagés entre leur volonté de manifester leur solidarité syndicale avec les étudiants qui tentaient de négocier avec l'administration, rencontrant les mêmes difficultés que nous avions nous-mêmes rencontrées dans nos propres négociations, et la menace d'annulation de la session que l'administration faisait planer depuis le début de la grève et dont elle s'efforçait de faire porter la responsabilité aux professeurs, ce qu'elle fit enfin officiellement par voie de résolution du CA le 28 février.

Dans une situation de ce genre, c'est-à-dire dans un conflit qui ne nous appartient pas mais dans lequel nous sommes plongés, il est inévitable que les groupes se polarisent. Un syndicat n'est pas un parti ; on y retrouve forcément toutes les tendances. Il est donc compréhensible que dans une bataille qui n'est pas là nôtre, ces divergences éclatent au grand jour. Des divisions et morcellements qui en découlent, certains en concluent alors à la dissolution inévitable du syndicat, certains même le souhaitent, [44] l'administration de l'UQAM en tête.

Tout au long de ce conflit l'Exécutif du SPUQ s'est trouvé coincé entre l'aile droite et l'aile gauche du syndicat, subissant tant les critiques de ceux qui se rangeaient du côté de l'administration que de ceux qui auraient souhaité un engagement plus radical, même au risque de faire éclater le syndicat. Face à ces positions inconciliables, l'Exécutif s'est continuellement efforcé de défendre des positions qui, tout en assurant l'appui du syndicat aux étudiants en négociation, permettraient de réaliser une certaine unité nécessaire à la survie du SPUQ. Le conflit que vient de traverser l'UQAM n'est pas le dernier qu'elle connaîtra et, pour l'Exécutif, l'unité du SPUQ apparaissait essentielle pour les prochaines batailles, dont, en particulier, celle que nous aurons à livrer au cours des prochains mois à l'occasion de la négociation de notre propre convention. Notre syndicat est jeune et ses faiblesses sont encore grandes, mais ses acquis sont de plus en plus nombreux et importants comme je tenterai de le démontrer plus loin dans ce rapport. Il est donc essentiel que le SPUQ continue d'exister avec ces acquis et en dépit de ses faiblesses actuelles.

Tout en prenant, au cours du conflit, les mesures nécessaires afin de tenir compte de cet objectif fondamental, le SPUQ n'a pas pour autant manifesté l'indifférence ni exhibé cette position de "neutralité" que plusieurs lui prêtent. Au contraire, le SPUQ a assuré aux étudiants un appui appréciable. Dès novembre, le Conseil Syndical appuyait la bataille que les étudiants menaient pour faire échec aux mesures administratives visant à radier les étudiants qui n'étaient pas en règle avec les finances. Cette position n'a jamais été remise en question par la suite. À partir du 25 janvier, l'appui du SPUQ s'est manifesté sous les formes suivantes :

1. appui de la volonté des étudiants d'en arriver à une entente négociée ;
2. reconnaissance du COPE et de l'assemblée générale des étudiants ;
3. respect des lignes de piquetage ;
4. refus de se constituer en arbitre dans le conflit et d'assumer les responsabilités administratives en la matière.

Notre appui s'est également manifesté sous la forme d'interventions à la CE., au C.A., au Conseil central de Montréal (CSN), ce qui a permis au COPE d'établir ses quartiers généraux dans les locaux de la CSN et à la FNEQ dont le Conseil fédéral a accordé au COPE un appui technique et financier.

D'aucuns prétendront cependant que nous avons trahi les [45] étudiants en nous pliant, le 1er mars, à l'ultimatum de l'administration qui nous forçait à reprendre les cours. Une telle conclusion fait abstraction du contexte dans lequel nous avons été amenés à prendre cette décision. Tout comme les étudiants, à partir du 23 février, avaient été forcés d'interrompre leur piquetage par l'injonction que l'administration avait obtenue contre eux, nous avons été forcés de rentrer dans nos salles de cours le 2 mars à la suite de la résolution en 5 points adoptée par le C.A. le 28 février. Cette résolution était pour nous l'équivalent d'une injonction. D'autre part, nous ne pouvions pas, en défiant cette résolution, décider de nous substituer aux étudiants et nous impliquer dans la poursuite d'une grève dont ils avaient toujours conservé l'initiative jusqu'alors, sans savoir s'ils étaient eux-mêmes en mesure de la poursuivre, l'ultimatum de l'administration les touchant autant que nous." [23]

Cette rentrée du 2 mars survient après 5 semaines de grève, marquées par des événements qui ne peuvent être oubliés dans l'histoire de l'UQAM.

Voici les principaux :

  • Brutalité policière. L'escouade anti-émeute, à l'appel du recteur Dorais, fonce en moto sur les piqueteurs à l'entrée du stationnement du pavillon Ste-Marie, sous l'œil  vigilant de trois administrateurs de l'UQAM, dont Denis Laforte, alors registraire. Poursuite des étudiants par les policiers en moto dans le stationnement. Plusieurs étudiants sont blessés.

  • Émission d'injonctions interdisant le piquetage et excluant les leaders étudiants du voisinage de l'université.

  • Intervention de la police dans les locaux de l'université. Expulsion par la police d'étudiants et de professeurs pendant les cours.

  • Intervention de fiers-à-bras dans les cours.

  • Présence, en permanence, dans tous les pavillons, d'équipes d'une dizaine de fiers-à-bras (à $200. par jour chacun) prêts à intervenir pour "maintenir l'ordre". Au pavillon Louis-Jolliet où se trouve l'ordinateur, ils conservent dans une salle avoisinante un arsenal de bâtons de baseball.

  • Accusations de grève illégale portées contre le syndicat et les professeurs. Menaces de coupures de salaires. Intimidation de toutes sortes visant à amener individuellement les professeurs à se désolidariser de décisions prises collectivement en assemblée générale et à affirmer par écrit qu'ils étaient disponibles pour donner leurs cours, faute de quoi on les menace de couper leur salaire.

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À la fin de la grève, le 8 mars, l'administration procède à des coupures de salaires pour les journées des 23 et 26 février. Tous les professeurs sont pénalisés pour leur "grève illégale". De plus, ceux qui ne rendent pas compte individuellement de leur disponibilité pour 3-autres journées de la grève étudiante sont passibles d'une coupure de salaire pour ces journées également. [24] Le SPUQ, toujours en droit de déclencher la grève dans le cadre de la négociation sur l'article 25, décide en Conseil Syndical de riposter en envoyant l'avis de grève de 8 jours ! Il faut contrer par tous les moyens ces mesures administratives qui nient une fois de plus la reconnaissance syndicale et qui visent à traiter inégalement des professeurs qui ont pris collectivement des décisions en assemblée générale. C'est dans le contexte de ce rapport de force qu'une entente sera finalement conclue, le 23 mars. Une seule journée de salaire sera coupée pour tous. L'UQAM abandonne ses poursuites individuelles et remboursera le salaire d'une journée de "grève illégale". Par la même occasion, une entente intervient sur la question salariale en suspens depuis plusieurs mois.

La préparation de
la nouvelle convention


Aussitôt la grève terminée, le Conseil syndical s'engage dans la préparation du nouveau projet syndical de convention collective, sous la direction du nouvel exécutif, élu à la fin de mars : Roch Denis, président (Sciences Politiques), Noël Audet, secrétaire (Études Littéraires), Michel Guay, trésorier (Histoire). Michel Van Schendel s'adjoindra à l'Exécutif comme vice-président à l'automne. Le Conseil se réunit intensivement au cours des mois de mars et avril et dépose le projet le 25 mai. Un comité de négociation est formé : il est composé de Louis Gill, porte-parole du comité (Économie), Roch Denis (Sciences Politiques), Jean-Paul Bernard (Histoire), Anne Gagnon (Etudes Littéraires), Michel Senez (Chimie), Arthur Gladu (Arts) et Maurice Soulières (Sciences de l'Éducation). Paul Doyon, conseiller technique de la FNEQ se joindra au comité à l'automne.

Quelques rencontres ont lieu en juillet et août, mais la partie patronale n'a à ce moment encore déposé qu'une partie du projet. Des articles importants manquent encore : évaluation, classification, traitements, procédure de griefs, droits d'auteur, etc... La véritable négociation ne se fera pas avant la rentrée.

En mai, éclate l'affaire des Sciences juridiques qui marque la première ingérence ouverte du gouvernement et des corporations profes-

[47]


[48]

sionnelles dans les affaires universitaires. Il sera suivi, entre autres, par celui de la Technologie avancée. Ce n'est qu'au terme d'une longue lutte que finalement le programme de Sciences juridiques pourra être donné, tel que conçu initialement et que le département sera mis sur pied.

La syndicalisation
des professeurs d'université


Jusqu'à ce moment, le SPUQ a été le seul syndicat de professeurs d'université à mener de véritables batailles. Sa force dans les années qui viennent ne pourra continuer à reposer sur sa seule existence. D'autres véritables syndicats de professeurs d'université, affiliés à une centrale syndicale, devront naître et s'affirmer. Les batailles se livreront de moins en moins au niveau local et le SPUQ ne pourra se battre seul. C'est en ce sens qu'il participe activement à la préparation du colloque sur la "syndicalisation des professeurs d'université" avec des représentants des syndicats ou associations d'autres universités et le concours de la CEQ, de la FNEQ et de la FAPUQ. Ce colloque préparé au cours de l'automne et de l'hiver a lieu les 12 et 13 avril à Montréal. Les délégués y discutent de conditions de travail, de syndicalisation et de modes de regroupement à l'échelle du Québec.

L'embryon du CLIUQ

La période de préparation du colloque devient aussi l'occasion privilégiée qui permet d'établir les premier liens sur une base unifiée entre les syndicats des constituantes de Montréal, Rimouski, Chicoutimi et Trois-Rivières. Les présidents des 4 syndicats se rencontrent régulièrement et discutent des problèmes conjoints. On parle déjà de la préparation d'un projet conjoint de convention collective. Cette réunion institutionnalisée des 4 syndicats est, à toutes fin pratiques, l'embryon du futur CLIUQ (Comité de Liaison Intersyndical de l'UQ). L'été suivant, le syndicat de Rouyn-Hull se joindra aux quatre autres syndicats ; puis à l'automne, le syndicat de l'INRS en fera partie. C'est à ce moment qu'on créera, comme tel, le CLIUQ, où viendront aussi, de façon irrégulière, des représentants des syndicats ou associations de l'ENAP et de l'Institut de Microbiologie de Montréal. [25]

L'appui aux autres syndicats

La solidarité syndicale du SPUQ avec des groupes de syndiqués en grève s'exprime principalement au cours de cette année en novembre, par un prêt hebdomadaire de $400. accordé au syndicat du COFI [26] (Laprairie) qui est engagé dans son troisième conflit depuis deux ans. [49] Le SPUQ accorde aussi son aide aux syndiqués du CEGEP Bourgchemin de St-Hyacinthe. Il le fait par le biais d'une cotisation spéciale perçue à la source en vertu de la formule Rand, ce qui ne manque pas de créer des tensions à l'intérieur du syndicat.

Non aux enquêtes gouvernementales
dans les syndicats


À la suite des déchirements de l'automne 1972 à l'occasion du maraudage dans l'industrie de la construction, des dirigeants de la CSN, dont le président de la FNSBB (Fédération Nationale des Syndicats du Bâtiment et du Bois), réclament de la commission gouvernementale sur le crime organisé une enquête auprès de certains syndicats de la FTQ qui répond en intentant des poursuites judiciaires contre la CSN. C'est le début de la longue série d'événements qui conduiront à instituer la commission d'Enquête Cliché sur la "liberté syndicale dans l'industrie de la construction". Le SPUQ réagit à ces mesures qui consistent à inviter l'État à "nettoyer" les syndicats, en appelant le syndicalisme à s'opposer à toute intervention du gouvernement ou des tribunaux dans les organisations syndicales. Le Bureau fédéral de la FNEQ devait par la suite, le 12 janvier 1973, se saisir de cette position, la faire sienne et la porter, par la voix de sa présidente, au Conseil Confédéral de la CSN.

Cette position du SPUQ, premier syndicat à se prononcer en ce sens, est d'une importance primordiale. Elle n'a pas empêché, bien sûr, que la Commission Cliché ne soit instituée, même si elle a entraîné de vifs débats sur la nature d'une telle commission. Cependant, les résultats de l'enquête connus depuis le printemps '75 et les conséquences des recommandations de cette commission sur tout le syndicalisme suffisent à démontrer la justesse de la position que le SPUQ avait défendue et la nécessité pour l'avenir de se rappeler ce qu'entraînent de tels recours à l'État afin d'éviter de répéter les mêmes erreurs.

En même temps, le SPUQ menait avec l'ensemble du syndicalisme la bataille contre le bill 89 de Jean Cournoyer, qui visait à éliminer le droit de grève et de négociation dans les services publics de même que dans une fraction importante du secteur privé. Conjointement avec le SEUQAM, le SPUQ demandait aux trois centrales de former un Front Commun pour combattre le bill 89.

Le SPUQ-Information

Pour conclure le bilan de l'année 1972-73, il faut mettre à l'actif de ce bilan la "relance" du SPUQ-Information. Après la parution du Vol. 1, no. 1, en septembre '71, aucun autre numéro n'était prévu. L'information (interne) circulait par le biais d'un Bulletin. La formule du journal est un progrès indéniable qui nous a permis non seulement de distribuer l'information parmi les professeurs, mais aussi aux étudiants, aux employés de soutien et à l'extérieur de l'UQAM, en particulier dans les autres syndicats de professeurs d'université.

[50]

1973-74

LA DEUXIÈME CONVENTION COLLECTIVE,
REMONTÉE DU SPUQ.

L'orientation
et le fonctionnement du SPUQ


Le 21 août '73, l'Exécutif tient une journée d'études sur l'orientation et le fonctionnement du SPUQ et sur les objectifs pour l'année qui commence. Les résultats de cette journée d'études sont synthétisées dans un rapport qui sera présenté, discuté et adopté par le Conseil syndical, fin septembre. [27]

En ce qui concerne l'orientation, deux axes principaux se dégagent :

1. le maintien et le développement de l'indépendance complète de notre syndicat vis-à-vis des administrateurs de l'UQAM et des politiques gouvernementales en matière d'éducation, notamment en ce qui a trait aux universités, politiques dont les administrateurs locaux sont de par leur fonction même les exécutants ;

2. le développement de la démocratie interne de manière à assurer le contrôle le plus étroit possible des membres sur leur syndicat. [28]

Par rapport au premier axe, le rapport rappelle la nécessité d'avoir au minimum une organisation qui appartienne en propre aux professeurs, au sein de laquelle ils élaborent seul leurs revendications et leurs moyens de défense, et à l'aide de laquelle ils font face collectivement et non individuellement à l'administration.

"Plus de 250 professeurs ont aujourd'hui la sécurité d'emploi à l'UQAM. Cette revendication n'était pas inscrite dans les priorités des administrateurs ni dans la "vocation" de l'université. Elle n'a pas été élaborée non plus en fonction de ces priorités mais en fonction strictement des aspirations des professeurs et par eux-mêmes en toute indépendance.

"À travers l'existence et le renforcement du syndicat comme organisation collective des professeurs, cette indépendance est possible. Il nous faut la préserver et la développer et en faire un axe principal de l'orientation de notre activité. " [29]

Le corollaire indissociable de cette indépendance du syndicat, c'est la démocratie interne. C'est le contrôle de A à Z des membres du syndicat [51] sur toutes ses activités, toutes ses décisions. La constitution du SPUQ établit sur papier les structures nécessaires à l'exercice de cette démocratie. Cependant, elle ne suffit pas à elle seule à assurer le fonctionnement démocratique et c'est ce que le document rappelle à un moment particulièrement important, celui du véritable engagement de la bataille pour la négociation de la deuxième convention collective.

Au niveau des objectifs, pour l'année en cours, l'Exécutif en retient cinq auxquels il faudra accorder la priorité :

"1) Obtenir la satisfaction des revendications formulées dans notre projet de convention collective 1973-75.

2) Consolider notre résistance quotidienne aux empiétements de l'administration sur nos acquis.

3) Développer l'unité d'action interne avec le syndicat des employés et le comité d'organisation provisoire des étudiants.

4) Contribuer au renforcement du mouvement de syndicalisation des professeurs d'université.

5) Analyser la situation des universités et nos conditions dans l'université par l'étude des politiques gouvernementales actuelles et projetées en matière d'éducation." [30]


Le mot d'ordre syndical :
le contrôle de notre travail


Parmi ces objectifs, le premier pour lequel il faudra combattre est la satisfaction des revendications formulées dans notre projet de convention collective. La négociation de la première convention avait été placée sous le mot d'ordre de la Défense de la qualité de l'enseignement. Celle de 1973 allait être placée sous le mot d'ordre du Contrôle de notre travail et de nos conditions de travail. Il n'y a pas d'opposition entre ces deux mots d'ordre. On doit logiquement lancer le deuxième si on veut réaliser l'objectif exprimé dans le premier. La défense de la qualité de l'enseignement passe par le combat pour le contrôle de cet enseignement et par la conquête de conditions de travail sans lesquelles il est impossible d'enseigner convenablement. C'est contre l'université et les politiques gouvernementales qu'elle applique, que cet objectif doit être poursuivi. Le rapport d'orientation de l'Exécutif soulignait d'ailleurs ce fait en citant le mémoire annuel du Conseil du Patronat du Québec (CPQ) du 16 août 1973. Le CPQ écrivait :

"Il y a lieu de se demander sérieusement si l'utilité des millions additionnels que la société consacre à l'éducation n'est pas rapidement décroissante.

La priorité dans le budget 1974-75, selon le CPQ, devrait  [52] être accordée à la mission économique. À cette fin, une limitation sévère de 8% (en dollars courants) doit être imposée au plan des dépenses socio-éducatives de façon à disposer des sommes requises pour créer davantage d'emplois productifs." [31]

À l'université comme dans les hôpitaux et comme dans les écoles, c'est la lutte des travailleurs salariés, enseignants et employés de soutien, pour l'obtention de conditions de travail convenables qui, seule, permettra d'assurer la qualité des services. C'est dans cette optique que les deux principes fondamentaux suivants prennent leur signification :

  • Ne rien céder sur les droits acquis.
  • méliorer nos conditions de travail.


La réponse patronale :
extension des droits de gérance


La négociation s'engage dans le climat de division syndicale qui marque les lendemains de la dure période de la grève des étudiants. Nous sommes aussi au coeur de la période qui suit l'imposition du décret aux enseignants des niveaux primaire, secondaire et collégial. Ce décret gouvernemental, prononcé en décembre '72, a entraîné une extension significative des droits de gérance patronaux. Le patronat dans son ensemble, et celui de l'UQAM en particulier, sent qu'il a le gros bout du bâton. À l'UQAM, alors que les demandes syndicales visent à étendre le contrôle des professeurs sur leur travail, les offres patronales vont dans le sens d'une extension des droits de gérance dans tous les domaines.

"Après avoir essayé systématiquement d'aller au-delà de la convention collective depuis deux ans, (nous avons logé 200 griefs depuis 2 ans, dont plus d'une trentaine ont été portés à l'arbitrage), l'Université tente maintenant de nous faire accepter dans la nouvelle convention des principes qui établiraient sans ambiguïté ses droits de gérance sur la quasi-totalité du fonctionnement universitaire. " [32]

"Dans la préparation de notre nouveau projet de convention collective, nous avons essayé, d'une part, d'éliminer les clauses susceptibles d'être interprétées restrictivement par l'administration afin d'éliminer ces possibilités d'extension de ses pouvoirs et d'autre part, d'améliorer les conditions permettant d'assurer un enseignement universitaire de qualité. À titre d'exemple, nous demandons que le pourcentage des charges de cours données en appoint par des chargés de cours venant de l'extérieur ou par des professeurs au-delà de leur [53] charge normale soit diminué de 40% (chiffre présentement en vigueur) à 15%. Nous demandons aussi un rôle accru de la Commission des Études, l'organisme par excellence en matière pédagogique où les professeurs sont en majorité.

Dans son projet patronal, l'université nous répond à tous les niveaux par l'extension de ses droits de gérance ; elle propose une diminution du rôle de la Commission des Études, une diminution de l'autonomie et du caractère démocratique des assemblées départementales, une plus grande rigidité des conditions d'acquisition de la permanence, la perte du droit de grief en cas de non-renouvellement de contrat, une diminution de la sécurité d'emploi, et refuse de s'engager à respecter des conditions essentielles à la qualité de l'enseignement comme l'imposition d'une norme à ne pas dépasser dans le cas des charges de cours données en appoint et du nombre d'évaluation quantitative des professeurs qui conduirait à décerner à chaque professeur une note et un rang pour chaque composante de sa tâche". [33]

Sur tous les points de la convention collective, le projet patronal tente de reprendre ses défaites de la première convention et de reconquérir des droits de gérance.

Au niveau des départements et familles, l'administration revient à la charge et tente de nouveau d'inscrire les directeurs de départements et vice-doyens dans la structure d'autorité. En matière d'embauche et d'évaluation, elle vise à se substituer aux départements.

Au niveau de la Commission des Études, le Conseil d'Administration, selon le projet patronal, pourrait désigner lui-même les représentants des professeurs dans certaines situations.

L'Université s'approprie aussi les droits d'auteurs.

Pour l'ouverture et la fermeture des postes, l'université considère qu'il s'agit d'un droit de gérance strict, passant par-dessus la Commission des Études, pourtant l'organisme compétent pour toute question relative à l'enseignement et la recherche.

La permanence, dans le projet patronal, ne donne plus nécessairement droit à la sécurité d'emploi dont elle réduit par ailleurs la portée.

Au chapitre de la classification (le SPUQ revendique toujours le principe 1 an 1 an), malgré un engagement signé dans une lettre d'entente [54] en mars '73, l'université ne semble pas vouloir en parler parce qu'elle n'a pas déposé de projet. Elle ne le déposera d'ailleurs qu'à la toute fin de la période de conciliation.

Finalement l'université veut augmenter les tâches d'enseignement en ne spécifiant plus la charge maximale mais la charge normale à 12 crédits/année, l'assemblée pouvant imposer à un professeur une charge supérieure.

Face à la demande syndicale de fixer une limite au ratio étudiants/professeurs et au pourcentage de charges de cours donnés en appoint, conditions essentielles de la qualité de l'enseignement, la réponse patronale est catégoriquement non.

L'unité se reconstruit

Ces reculs considérables que l'administration de l'UQAM veut nous infliger sont portés à la connaissance des syndiqués dans un rapport de négociation complet, rédigé le 30 août après huit séances de négociation infructueuses et distribué à tous les professeurs pour la rentrée. Cette offensive de l'administration qui vise nos droits acquis va devenir l'élément qui va permettre en quelques semaines la reconstruction de l'unité et la mobilisation générale à l'intérieur du syndicat. Alors qu'au printemps, faute de quorum, il avait été impossible de constituer l'Assemblée générale prévue pour l'acceptation du projet syndical, le 11 septembre, les offres patronales étaient rejetées en bloc par l'Assemblée générale qui décidait au même moment de demander la conciliation, fixant à la mi-novembre l'échéance d'une grève éventuelle. Le choix par l'administration de l'UQAM de la semaine du 19 novembre pour les inscriptions en vue de la session suivante, allait fournir l'occasion d'un moyen de pression efficace compte tenu de la date d'acquisition de notre droit de grève.

Face à notre demande de conciliation, la partie patronale refuse de poursuivre les négociations jusqu'à l'entrée en fonction du conciliateur. Les négociations ne reprennent qu'un mois plus tard, le 12 octobre, et elles risquent de piétiner encore longtemps si le comité de négociation n'est pas vraiment appuyé par les membres. C'est au Conseil syndical du 18 octobre que cette mobilisation commence vraiment à s'organiser. Le Conseil syndical somme l'administration de déposer sa proposition sur la classification et les traitements et l'informe de son intention de ne pas prolonger la conciliation au-delà de la date prévue. Il donne à l'Exécutif et au comité de négociation le mandat d'entreprendre une tournée de tous les départements pour informer les professeurs de l'état des négociations. Il donne à Jean-Marc Piotte (Sciences Politiques) le mandat de mettre sur pied une véritable structure d'appui à la négociation, c'est-à-dire tous les comités nécessaires au bon fonctionnement d'une grève qui pourrait être déclenchée à la mi-novembre.

[55]

C'est vraiment à partir de ce moment que l'administration a cessé de croire à ce qu'elle considérait sans doute comme une faiblesse irrémédiable du syndicat. Voyant la pression monter, elle se voit forcée de faire certains compromis et à négocier plus sérieusement. En parallèle à la négociation et dans le cadre de la mise sur pied de la structure d'appui, des contacts étroits s'établissent avec le SEUQAM et le COPE (Comité d'organisation provisoire des étudiants). On commence aussi à informer la population par l'entremise du Comité d'information sous la responsabilité de Madeleine Gagnon (Études Littéraires).

La question de l'arbitrage

Mais en même temps qu'un nombre croissant de professeurs envisagent de plus en plus l'éventualité d'une grève et travaillent à munir le syndicat des moyens nécessaires pour y faire face, des réticences quant à l'utilisation de ce moyen de pression se font de nouveau sentir chez certains professeurs. Le débat sur cette question, initié à l'automne '71 et réglé à ce moment-là par la décision qui avait été finalement prise de déclencher la grève, revient à la surface, non plus cette fois sous la forme d'une recherche (infructueuse d'ailleurs) d'autres moyens de pression qui seraient soit-disant mieux adaptés au milieu universitaire, mais plutôt sous la forme d'une alternative concrète et unique, celle de l'arbitrage obligatoire. Le débat est lancé par Roch Meynard (Kinanthropologie) dans un texte portant la date du 20 septembre 1973 et intitulé "La grève n'est pas une solution ; plaidoyer en faveur de l'arbitrage à l'Université du Québec à Montréal". Ce texte est distribué par le syndicat à l'ensemble des membres en vue de lancer la discussion sur la question. Le débat qui s'engage dans le syndicat se situe tout-à-fait dans le cadre de la réflexion suscitée au même moment par le document de l'Exécutif sur l'orientation, le fonctionnement et les objectifs du SPUQ. [34] Il pose la question de l'indépendance du syndicat, de sa démocratie interne et de ce qui en découle directement : le contrôle de A à Z, par les membres, de toutes les décisions qui les concernent collectivement. Cela comprend au plus haut titre, bien entendu, les décisions concernant la convention collective dont le sort ne peut dans une telle perspective être confié à des arbitres extérieurs qui trancheraient quelque part, sans qu'on ait un mot à dire d'un règlement final qui serait immanquablement à notre détriment. Cette opposition au recours à l'arbitrage s'exprime dans deux textes, l'un intitulé "Contre l'arbitrage et Pour le contrôle exclusif de notre négociation par les membres", rédigé par Louis Gill, porte-parole du comité de négociation du SPUQ, l'autre intitulé "La grève n'est pas une solution, c'est une arme indispensable" et rédigé par René Laperrière [56] du département de Sciences Juridiques. Ces deux textes sont distribués par le syndicat à tous les membres à la fin d'octobre '73.

À l'assemblée générale du 9 novembre, après une discussion de fond sur la question, la thèse du recours à l'arbitrage vole en mille miettes. Les professeurs rejettent catégoriquement cette capitulation et affirment leur désir de continuer à contrôler leur négociation jusqu'au bout. Ils manifestent aussi leur intention de recourir à la grève le 19 novembre si les progrès accomplis d'ici là dans la négociation sont insuffisants. Après avoir rejeté à l'unanimité les offres patronales, ils votent à 85% en faveur de l'avis de grève de 8 jours. De l'état de division et de démobilisation dans lequel il était au printemps '73, le SPUQ avait reconstitué cette unité et cette mobilisation face à l'arrogance patronale, à son refus de négocier convenablement et à ses efforts pour nous arracher des droits acquis.

La semaine décisive

Aussi, à partir de ce moment, de véritables négociations s'engagent. Le Conseil syndical se réunit tous les soirs. Il reçoit un rapport quotidien du comité de négociation et lui donne des mandats. Il reçoit aussi les rapports des différents comités d'appui qui s'emploient aux préparatifs de grève. La structure est prête : elle a été mise sur pied en trois semaines, alors qu'il avait fallu deux mois pour la constituer lors du premier conflit en '71. De plus, l'assemblée générale du SEUQAM adopte une proposition d'appui au SPUQ, tout comme celle des étudiants qui se proposent de nous appuyer sur les lignes de piquetage. L'administration est consciente de cette mobilisation. Elle sait désormais que les professeurs n'hésiteront pas à recourir à la grève. Elle est forcée, en quelque sorte, de plier devant bon nombre de nos revendications.

C'est cet appui collectif massif, animé par des dizaines de syndiqués, qui permet finalement au Comité de négociation d'obtenir à la table de négociation ce qu'il estime constituer les éléments d'une victoire collective. Le projet d'entente soumis par le comité de négociation est adopté par le Conseil syndical et l'Assemblée générale. Le travail de préparation de la grève avait finalement permis d'obtenir un règlement sans recourir à la grève.

"Paradoxalement, ce travail préparatoire nous a permis de faire l'économie d'une grève, dans la mesure où il démontrait à l'administration notre détermination d'y recourir, si elle ne s'entendait pas avec notre Comité de négociation." [35]

Quels sont ces éléments qui, selon le comité de négociation, constituaient une victoire collective ? Voici les principaux :

[57]

1. La protection des droits acquis pour l'essentiel.

2. L'élargissement de la sécurité d'emploi aux non-permanents impliqués dans des cas de fermeture, fusion de départements ou modules tant que la CE. na pas complété son étude et remis son rapport.

3. La consolidation du rôle de la C.E. en ce qui concerne l'attribution des fonds de recherche institutionnels, l'ouverture et la répartition des postes et les critères d'embauché.

4. Les droits d'auteur : le professeur en est le premier titulaire.

5. Le gain de principe 1 an 1 an, l'indexation des salaires au coût de la vie et l'application pour la 3e année de la convention, d'un pourcentage décroissant d'augmentation sur l'échelle, visant à réduire l'écart entre hauts et bas salaires.

6. L'intégration au SPUQ de nouvelles catégories syndiquées—celles de substitut et d'assistant.

7. La limitation des droits de gérance à ce qui est stipulé dans la convention.

En retour, certains points doivent être mis au compte des défaites :

1. Le pourcentage des charges de cours donnés en appoint n'est pas limité.

2. Aucune amélioration n'est apportée au ratio étudiants/professeurs.

3. Le vice-recteur à l'enseignement et à la recherche peut engager, sans recommandation, les salariés non rattachés à un département. [36]

4. Le droit de grief sur les non-renouvellements de contrats, n'est pas établi plus clairement que dans l'ancienne convention et est ainsi laissé à l'interprétation des arbitres. [37]

De l'analyse de ces gains et défaites, l'Exécutif et le comité de négociation tirent la conclusion suivante :

"Dans l'ensemble, la convention 73-76 constitue une victoire. Nous avons amélioré la convention 71-73 sur un grand nombre de points et nous n'avons sacrifié que très peu d'acquis. Par contre, un certain nombre de nos objectifs, et qui n'étaient certes pas les moins importants n'ont pas été satisfaits. Citons entre autres les objectifs relatifs à la diminution du pourcentage de cours donnés en appoint, au ratio étudiants / professeurs, à l'embauche hors des départements, au droit de grief (non équivoque) sur les non-renouvellements de contrats. Les deux premiers de ces objectifs sont liés à la politique gouvernementale en [58] matière de subventions. En visant ces objectifs, nous nous attaquions à un adversaire de taille. Obéissant aux recommandations du Conseil du Patronat en date du 16 août 1973 (diminution des subventions à l'éducation), la DIGES vient de publier ses calculs révisés, signifiant une diminution de 5% du budget de financement des universités. Nous ne pouvons nous attaquer seuls à ces politiques. Au cours des deux ans et demi qui viennent (la convention court du 15 novembre 1973 au 31 mai 1976), nous devrons nous concerter avec les autres syndicats de professeurs d'université pour mener une lutte commune. La convention 73-76 est signée ; il faut déjà préparer la prochaine." [38]

Pourtant, cette analyse n'est pas partagée unanimement par l'ensemble du corps professoral. Certains considèrent que la nouvelle convention n'est qu'une répétition de la première, d'autres la voient comme un recul par rapport à la première. Certains considèrent enfin qu'ils ont été trompés par l'Exécutif et le comité de négociation. La plupart de ces critiques sont exprimées dans un article intitulé "La convention : un pas en avant, deux pas en arrière" et publié dans le SPUQ-Information du 1er mai 1974. Il est dû à la plume d'un "groupe de professeurs" qui choisissent d'écrire sous la couverture de l'anonymat. [39] II n'est pas question, bien entendu, de reprendre ici l'ensemble de ces remarques. Il semble beaucoup plus important de situer dans quelle perspective l'analyse d'une convention collective doit être faite si elle doit vraiment signifier quelque chose.

"L'analyse d'une convention collective en termes de victoire ou de défaite ne peut jamais se faire uniquement par rapport aux gains et défaites immédiats enregistrés dans le texte même de cette convention. D'autres facteurs majeurs interviennent, tels la conjoncture générale dans laquelle cette convention a été signée (ex. : les décrets qui frappent actuellement les enseignants) et la consolidation ou non du syndicat comme organisation de défense des salariés, qui ressort de la négociation." [40]

Ainsi, dans l'évaluation de notre convention, il faut reconnaître que si nous avons remporté des gains importants, l'administration a aussi [59] marqué des points contre nous.

"Mais cela n'a rien à voir avec l'objectif qu'elle s'était fixé dans la dernière négociation. Cet objectif visait une modification d'ensemble du caractère général des conditions de travail gagnées en 1971 et sur lesquelles s'appuyait notre activité syndicale depuis lors. Or en cela, elle a mordu la poussière.

Il faut d'ailleurs nous demander si ce n'est pas sur ce plan que l'enjeu de la dernière négociation était le plus important. Avec un peu de recul et en s'efforçant d'analyser les lignes de forces des politiques gouvernementales et administratives qui seront déployées au cours des prochaines années, on peut voir combien il était important que nous barrions la route aux attaques portées contre nos droits acquis." [41]

... "Il faut bien préciser que sur de nombreux points nous demandions le statu quo alors que l'université voulait régresser. Le maintien du statu quo dans ces cas correspond donc exactement à nos demandes et constitue par ailleurs une victoire contre l'université qui visait l'amputation de ces droits acquis." [42]

"Les juristes, "experts" en relations de travail, croient toujours que d'une négociation à l'autre, la reconduction des acquis va de soi. Leur analyse est courte. Tout dépend du degré de mobilisation collective des syndiqués, de leur détermination à vaincre et de la conjoncture générale dans laquelle s'effectue cette mobilisation.

Il faut comprendre par ailleurs qu'en plus de s'appuyer sur les syndiqués qui sont immédiatement concernés, une bataille de négociation s'appuie toujours sur les conditions de travail existantes dans les autres entreprises du même secteur et sur le rapport de forces général dans l'ensemble des secteurs. La force locale d'un groupe de syndiqués réside pour beaucoup dans les gains remportés ailleurs. Inversement leur faiblesse relative réside dans la faiblesse des conditions de travail existantes ailleurs." [43]


La liaison intersyndicale

C'est en ce sens que le SPUQ poursuit son travail de concertation [60] avec les autres syndicats de professeurs d'université et plus particulièrement à l'intérieur du réseau UQ. En octobre, c'est-à-dire en pleine période de négociation à l'UQAM, le SPUQ prend l'initiative de proposer la mise sur pied officielle du Comité de Liaison intersyndical de l'UQ (CLIUQ). Ce comité composé des représentants des syndicats de professeurs de chaque constituante (Chicoutimi, Rimouski, Trois-Rivières, Rouyn-Hull, INRS et Montréal) se réunit par la suite statutairement chaque mois. [44] La concertation syndicale s'impose de plus en plus face à la centralisation des pouvoirs à Québec. Elle apparaît comme l'un des axes les plus importants de notre action syndicale pour les mois qui viennent.

"En ce sens, il ne suffira pas que le comité de liaison intersyndical réunisse une fois par mois un ou deux représentants de chaque syndicat. Le travail du comité devrait déboucher au début de 1975 sur une première assemblée générale commune des délégués des professeurs de chaque constituante, faisant la part de leurs revendications communes en face de l'administration centrale et du gouvernement. Le SPUQ devrait prendre l'initiative de proposer la convocation d'une telle assemblée. Si nous ne faisons pas cela déjà l'an prochain, je crains que nous ne soyons pas en mesure de faire face à l'échéance de 1976." [45]


L'appui aux autres syndicats

Les efforts en vue de favoriser et développer la syndicalisation dans notre propre secteur ne doivent pas nous amener à négliger la poursuite de la concertation et des manifestations de solidarité avec les autres syndiqués. L'appui du SPUQ à des syndiqués en grève au cours de cette année se manifeste principalement par rapport à trois syndicats : Firestone de Joliette, Shellcast de Montréal-Nord et les COFI de la CECM. Des représentants de ces syndicats viennent tour à tour visiter le Conseil syndical, et expliquer leurs conflits. Des cueillettes de fonds s'organisent parmi les professeurs. Pour les grévistes de Firestone en particulier, on récolte $700. entre le 28 octobre '73 et le 10 janvier '74. 125 professeurs ont cotisé. [46]

Contre les ingérences

Dans le même esprit de concertation, le SPUQ collaborera avec les syndicats et associations de professeurs des autres universités et les organismes qui les regroupent, FNEQ, CEQ, FAPUQ. La question centrale

[61]


[62]

des ingérences du patronat, des corporations professionnelles et du gouvernement dans l'enseignement et la recherche universitaires fournit l'occasion d'un tel rapprochement. À l'UQAM, les cas les mieux connus d'ingérences sont sans aucun doute ceux de Sciences Juridiques et de Technologie Avancée. Elles sont l'expression locale de la tentative du gouvernement et du patronat d'exercer un contrôle complet des activités d'enseignement et de recherche et d'orienter ces activités dans le sens des intérêts du grand patronat.

"En somme, une seule et même politique dominante se dessine dans les établissements d'enseignement : après les cégeps, les universités sont maintenant invitées à s'y soumettre. Nos administrateurs appellent cela : "s'ouvrir sur le milieu". Il s'agit évidemment du leur.

Une seule et même politique. Les agents en sont divers, parfois rivaux. Mais par truchement intéressé et querelleur, elle exprime une cohérence répressive.

Trois tendances complémentaires sont à l'œuvre : déqualification de l'enseignement ; privatisation de la recherche (appropriation et gestion privées des fonds, des méthodes et des résultats) ; surtout, refus de toute forme de démocratisation des universités, mobilisation des recours anciens et nouveaux à l'élitisme autoritaire des milieux dirigeants." [47]

Dans le même sens, le rapport du président sortant mentionne :

"... la centralisation autoritaire des affaires académiques et pédagogiques, les atteintes à la définition autonome des programmes d'enseignement et de recherche, la mise en cause des conditions de travail gagnées antérieurement vont s'accentuer nettement.

On va voir l'État intervenir beaucoup plus directement dans tout le champ de l'enseignement et de la recherche supérieurs. On va voir les corporations professionnelles et le patronat industriel non pas seulement rechercher la "collaboration" avec les instances universitaires mais carrément vouloir dicter le contenu des programmes, les axes de développement des départements, le choix du personnel enseignant, la définition de ses conditions de travail, les structures à l'intérieur desquelles devraient se réaliser l'activité académique. On va voir les administrations universitaires se faire, "malgré tout", les exécutantes de ces ingérences." [48]

[63]

Une telle hypothèse avait déjà été formulée dans un document de l'Exécutif intitulé "Perspectives de l'action syndicale", adopté par le Conseil syndical en février 1974 :

"1) Le traitement déjà réservé par l'administration actuelle de l'UQAM aux dossiers administratifs et académiques, mais aussi les coups de jarrets réservés à cette administration par le siège social permettent de prédire que la future administration rectorale sera, plus étroitement que par le passé, à la dévotion de l'UQ et surtout du gouvernement ;

2) cette administration fera preuve d'un autoritarisme croissant pour réaliser l'essentiel du projet assigné à l'UQ, à ses constituantes, en particulier à l'UQAM : assurer un contrôle plus étroit des grandes affaires et du gouvernement sur l'enseignement et la recherche universitaires au Québec. De ce point de vue, l'UQAM est stratégiquement placée pour servir de banc d'essai à une opération qui vise, en dernière analyse, toutes les universités québécoises." [49]

Ces hypothèses prennent en fait l'allure de prophéties lorsqu'on connaît le cours qu'ont pris les événements quelques mois plus tard, avec l'adoption par l'Assemblée des Gouverneurs, de la désormais célèbre Réforme Després, instrument privilégié de la mainmise patronale et gouvernementale, conçu et élaboré avec minutie par cet ex-grand-fonctionnaire de la Régie de l'Assurance-Maladie du Québec, le "colonel" Robert Després, qui fera table rase des anciennes structures pour en mettre en place de nouvelles, mieux appropriées aux besoins du patronat et du grand capital.

C'est au nouvel Exécutif, sous la présidence de Michel Van Schen-del (Études Littéraires) qu'incombera la lourde tâche de diriger la bataille contre cette réforme. La première phase de la bataille occupera toute l'année 74-75. La deuxième phase sera engagée conjointement avec les autres syndicats de l'UQ à l'occasion de la négociation de notre prochaine convention collective.



[1] Syndicat des professeurs de l'État du Québec, affilié à la CSN et connu par la célèbre grève qu'il a menée en 1968.

[2] "Les professeurs de l'UQAM ont choisi leur camp", in Nouveau Pouvoir (Journal de la FNEQ-CSN), intitulé SPUQ, bilan d'un premier conflit, 13 décembre 1971, p. 18.

[3] Par exemple, Denis Laforte, président de l'APUQ, devient registraire l'année suivante. Claude Corbo, secrétaire de l'APUQ, et ensuite secrétaire du SPUQ, remplace Laforte au registrariat trois ans plus tard. Jean Messier, membre du Conseil d'administration de l'APUQ devient directeur de la DEUOQ (Rouyn, Hull).

[4] Nouveau Pouvoir, article cité, pp. 18.

[5] Document intitulé Cadre général de l'organisation de l'enseignement pour 1969-70 — Guide de travail à l'intention des étudiants, professeurs et administrateurs, Université du Québec.

[6] Nouveau Pouvoir, SPUQ-Bilan d'un premier conflit, article intitulé "Les 3 points forts de la constitution du SPUQ", op. cit., p. 22.

[7] Nouveau Pouvoir. "Les 3 points forts...", article cité, p. 22.

[8] Conseil Central des Syndicats Nationaux de Montréal (CSN).

[9] Les lignes qui suivent sur les négociations et la grève d'octobre 1971 tirent principalement leur source dans les numéros du 21 octobre '71 (Professeurs en grève) et du 13 décembre '71 (SPUQ, Bilan d'un premier conflit) de la revue Nouveau Pouvoir de la FNEQ-CSN. Ont été consultés également les procès-verbaux et bulletins d'information du SPUQ, ainsi que la mémoire de l'auteur.

[10] Nouveau Pouvoir, "Les professeurs de l'UQAM ont choisi leur camp", article cité, p. 19.

[11] Date de la célèbre manifestation des employés de la Presse.

[12] Nouveau Pouvoir, article intitulé "Le SPUQ : une expérience vigilante de démocratie syndicale dans le secteur universitaire", février 1972, pp. 42-43.

[13] Informations-SPUQ, Bulletin no. 16, novembre 1971, p. 1.

[14] Syndicalisme ou corporatisme chez les universitaires, par l'Exécutif du SPUQ, 1972-73, in Le Devoir, 6 mai 1972, p. 5.

[15] $900. le cours alors que le salaire moyen est à ce moment de $13,000. pour un enseignant régulier. Il y a donc manifestement matière à réaliser d'énormes économies pour l'administration.

[16] Un objectif prioritaire : réduire le nombre d'enseignants sous-payés, in SPUQ-Information, février 1973, vol. 2, no. 3, p. 7.

[17] L'étape décisive pour les professeurs, la prochaine convention collective, in SPUQ-Information, février 1973, vol. 2, no. 3, p. 3.

[18] Voir copie de la résolution dans SPUQ-Information, décembre 1972, p. 2.

[19] Le conseil syndical rejette les exigences du doyen Malservisi, in SPUQ-Information, novembre 1972, vol. 2, no. 2, p. 6.

[20] Ibidem, p. 6.

[21] Le SPUQ appuie les étudiants, in SPUQ-Information, novembre 1972, vol. 2, no. 2, p. 8.

[22] Employés et professeurs, solidaires des étudiants, in SPUQ-Information, février 1973, vol. 2, no. 3, p. 8.

[23] Le rapport du président sortant, in SPUQ-Information, avril 1973, Vol. 2, no. 4, p. 3.

[24] Pourquoi seulement 5 jours alors que la grève avait duré 5 semaines ? Tout simplement parce que l'administration avait elle-même invoqué le fait que les lignes de piquetage étaient infranchissables en vue d'obtenir son injonction. Elle ne pouvait donc pénaliser les professeurs que pour les jours qui suivaient la date d'émission de l'injonction, i.e. après le 23 février.

[25] Voir SPUQ-Information, février 1973, vol. 2, no. 3, p. 7.

[26] Centre d'orientation et de formation des immigrants.

[27] Le rapport est reproduit partiellement dans le SPUQ-Information du 1er novembre 1973, p. 6 et intégralement dans le Nouveau Pouvoir du 17 octobre 1973, pp. 3-7.

[28] Voir le SPUQ-Information de novembre 1973, vol. 2, no. 5, p. 6.

[29] Les Orientations du SPUQ, in SPUQ-Information, novembre '73, vol. 2, no. 5, p. 6.

[30] Ibidem.

[31] Les Orientations du SPUQ, in SPUQ-Information, novembre '73, vol. 2, no. 5, p. 6.

[32] Une deuxième convention collective, in SPUQ-Information, novembre '73, Vol. 2, no. 5, p. 5.

[33] Gill, L., Vers une deuxième convention collective, in FAPUQ, Information, Novembre '73, Vol. 1, No. 1, p. 8.

[34] Document du 21 août 1973. Voir plus haut la section où il est question de ce document.

[35] Une victoire collective, SPUQ-Information, déc. 1973, vol. 2, no. 6, p. 1.

[36] C'est en raison d'une telle possibilité non prévue dans la première convention que Fernand Morin, alors coordonnateur du Conseil Consultatif du Travail et de la Main-d'oeuvre, avait pu être parachuté en Sciences Juridiques.

[37] 2 des 3 arbitres prévus à la convention l'ont cependant reconnu dans des sentences arbitrales.

[38] Bilan delà convention, in SPUQ-Information, déc. 1973, vol. 2, no. 6, p. 5.

[39] Une autre critique de la convention collective par rapport aux articles touchant spécifiquement les professeurs de Sciences Juridiques s'est exprimée dans un texte intitulé "Les libertés académiques, l'autonomie universitaire et la convention SPUQ-UQAM" et présenté à l'occasion du colloque du SPUQ sur Les libertés académiques et l'autonomie universitaire les 7 et 8 mars 1974, par R. Bureau, R. Laperrière, G. Lebel et P. Mackay.

[40] "Une victoire collective", in SPUQ-Information, 1er mars 1974, vol. 3, no. 1, p. 2 (position de l'Exécutif du SPUQ).

[41] Rapport du président sortant, in SPUQ-Information, 1er mai 1974, vol. 3, no. 2, p. 4.

[42] Bilan de la convention, in SPUQ-Information, décembre 1973, Vol. 2, no. 6, p. 4.

[43] Rapport du président sortant, in SPUQ-Information, 1er mai 1974, Vol. 3, no. 2, p. 4.

[44] Rapport du Président sortant à l'Assemblée générale du SPUQ, 21 mars 1974, p. 5.

[45] Rapport du Président sortant, in SPUQ-Information, 1er mai 1974, Vol. 3, no. 2, p. 5.

[46] SPUQ-Information, mars 1974, Vol. 3, no. 1, p. 3.

[47] Contre les ingérences, in SPUQ-lnformation, 1er mars 1974, Vol. 3, no. 1 p. l.

[48] Rapport du président sortant, in SPUQ-lnformation, 1er mai 1974, Vol. 3, no. 2, p. 5.

[49] Perspectives de l'action syndicale, in SPUQ-lnformation, 1er mars 1974, Vol. 2, no. 1, p. 7.



Retour au texte de l'auteur: Louis Gill, économiste québécois, retraité de l'UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 15 août 2019 20:10
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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