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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis Gill, “La crise actuelle: écho des crises d’hier, prélude des crises à venir.” Communication présentée dans le cadre du Séminaire Fernand-Dumont organisé par le département de sociologie de l’Université Laval les 21-23 octobre 2009, à l’Île d’Orléans. Une version abrégée a été publiée dans le numéro 42, novembre 2009, de la revue CARRÉ ROUGE. [Texte diffusé dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de l'auteur accordée le 5 décembre 2009.]

Louis Gill

La crise actuelle: écho des crises d’hier,
prélude des crises à venir
”.

Communication présentée dans le cadre du Séminaire Fernand-Dumont organisé par le département de sociologie de l’Université Laval les 21-23 octobre 2009, à l’Île d’Orléans. Une version abrégée a été publiée dans le numéro 42, novembre 2009, de la revue CARRÉ ROUGE. [Texte diffusé dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de l'auteur accordée le 5 décembre 2009.].

Se référer à 1929 ? …
… ou à 1873 ?
Le rôle central du capital fictif
L’hypertrophie de la finance
La fin d’une époque ?


Se référer à 1929 ? …

La crise actuelle étant la plus grave que le monde ait connue depuis celle de 1929 et la Grande Dépression qui l’a suivie, on s’est naturellement demandé dans quelle mesure les deux événements pouvaient être comparés. À première vue, les différences outrepassent largement les similitudes, la longue dépression de dix années, de 1929 à 1939, ayant été marquée par des reculs sans commune mesure avec ceux auxquels a donné lieu jusqu’ici la crise actuelle au terme d’une seule année de ravages. Au plus profond de la dépression, en 1933, le taux de chômage atteignait 25 % aux États-Unis, le PIB réel avait chuté de 26 % par rapport à 1929, les marchés boursiers avaient chuté de 89 % entre septembre 1929 et juillet 1932 et des milliers de banques avaient fait faillite, alors que le niveau des prix avait plongé de 25 % entre 1929 et 1933.

Ayant officiellement commencé en décembre 2007, selon les compilations du National Bureau of Economic Research (NBER), la récession actuelle aux États-Unis est entrée dans son 20e mois en août 2009, ce qui en fait la plus longue récession depuis les années trente; les récessions de 1973-1975 et 1981-1982 avaient duré 16 mois. Elle est aussi la plus généralisée, 86 % des industries ayant connu une réduction de leur production, alors que le chômage a augmenté dans chacun des États et que la richesse des ménages a connu sa plus forte baisse de toute la période de l’après-Deuxième Guerre mondiale.

Cela dit, la chute de l’activité économique et la hausse du chômage qui caractérisent la récession actuelle n’ont, au moins à première vue, rien à voir avec les variations correspondantes de la période de la Grande Dépression, ce qui suggère que, loin d’être une réédition des affres des années trente, la récession actuelle en serait plutôt une pâle réplique. C’est ce qu’avance une analyse de Paul Krugman rendue publique en mars 2009 [1]. À partir d’une comparaison de la chute de la production industrielle survenue aux États-Unis au cours des douze premiers mois de la Grande Dépression des années trente et de celle, sensiblement moins forte, survenue au cours des douze premiers mois de ce qu’il désigne comme la « Grande Récession » actuelle, Paul Krugman qualifie cette dernière de demie-Grande Dépression.

Cette évaluation a été remise en question par une étude de Barry Eichengreen et Kevin O’Rourke publiée en avril 2009 et mise à jour en juin, puis en septembre [2]. Les deux auteurs contestent les conclusions de Krugman en invoquant le fait qu’elles ne reflètent que la situation des États-Unis, alors que la récession actuelle et la Grande Dépression, même si leur origine se trouve aux États-Unis, ont été transmises à travers le monde par les flux d’échanges de marchandises et de capitaux et sont par conséquent des phénomènes mondiaux qui doivent être évalués à partir de données mondiales. Ils constatent ainsi que la chute de la production industrielle mondiale au cours des douze mois qui ont suivi le sommet atteint en avril 2008 a été exactement du même ordre que la chute survenue au cours des douze mois qui ont suivi le sommet atteint en juin 1929. Sensiblement plus forte pour la France, l’Italie, le Japon et la Suède, elle a été grosso modo du même ordre pour les États-Unis, le Canada, l’Allemagne et la Grande-Bretagne.

Même si des signes de reprise ont été observés au cours des trois mois suivants, ce qui tranche avec l’expérience de la Grande Dépression qui a connu une chute ininterrompue de la production industrielle pendant trois années, il reste à voir, écrivent les auteurs, si la demande sera au rendez-vous ou si les dépenses de consommation, en particulier aux États-Unis, demeureront faibles. L’accroissement de la production pourrait alors se traduire en un accroissement des inventaires qui amènerait les entreprises à réduire de nouveau leur activité et provoquer une rechute.

Pour ce qui est des cours boursiers, pour les mêmes périodes, la chute a été plus forte dans l’actuelle récession qu’en 1929-1930, contrairement à l’impression que laisse la seule évolution des marchés boursiers des États-Unis, dont la chute a été du même ordre qu’au début de la Grande Dépression. L’importante remontée des cours depuis le creux du début de mars 2009 laisse néanmoins ceux-ci, comme le montrent les auteurs, sous le niveau atteint après quinze mois pendant la Grande Dépression.

Il en est de même de la chute du commerce mondial qui a été beaucoup plus forte en 2008-2009 qu’en 1929-1930. Cela est encore plus alarmant, soulignent les auteurs, en raison du fait qu’on a accordé une forte importance au recul du commerce mondial comme facteur explicateur de la Grande Dépression. Le terme « Grande Récession » utilisé par plusieurs observateurs pour désigner la période actuelle serait donc trop optimiste pour caractériser un événement qui est selon eux « de la taille d’une dépression ».

Ces résultats sont d’autant plus frappants qu’on a recouru dès le début de la crise financière, en 2008, aux politiques fiscales et monétaires destinées à stimuler une économie en déprime, alors que ce n’est que quatre ans après le début de la crise, en 1933, qu’on y avait procédé, avec la politique du New Deal du président Roosevelt. Ce sont d’ailleurs incontestablement ces vastes programmes de relance qui ont permis de réduire l’effet dépressif de la récession actuelle et même amené, au cours des derniers mois, divers pays ainsi que l’OCDE et le FMI à déclarer la fin de la récession, se fondant sur le seul constat illusoire du retour à une faible croissance du PIB à la suite de plusieurs trimestres consécutifs de décroissance.

La seule région du monde où on a noté un rebond qui mérite ce nom est l’Asie, dont le taux de croissance, prévu en octobre 2009 par le FMI, des pays émergents (principalement la Chine, l’Inde et l’Indonésie) est de 5 % pour 2009 et de 6,8 % pour 2010, alors que les pays avancés connaîtront une décroissance de 3,4 % en 2009 et une faible croissance de 1,3 % en 2010 [3]. À noter que cette forte croissance est d’abord attribuable (dans des proportions de 75 % en Chine) à l’ampleur des plans de relance et à la rapidité de leur mise en œuvre. Ces plans de relance ont été les plus importants du monde, représentant 5 % du PIB en Chine et au Japon, 3,5 %, dans le reste de l’Asie, comparativement à 2 % en moyenne dans les autres pays. Si important soit le rebond asiatique, on ne peut s’attendre à ce qu’à lui seul il soit de nature à relancer l’économie mondiale. La Chine, en particulier, ne compte que pour 7 % du Produit mondial brut en 2008, contre 23 % pour les États-Unis et 28 % pour l’Union européenne.

Les attentes optimistes découlant du retour à une très faible croissance de certaines économies développées et de la hausse des cours boursiers depuis leur creux de mars 2009 doivent plutôt faire place à la prudence. Il faut en effet se rappeler que l’économie des États-Unis avait connu une brève augmentation de la production au cours des premiers mois de 1931 pour rechuter brutalement sous l’impact de la crise se développant en Europe avec la faillite de la banque autrichienne Kreditanstalt. L’économie rechutait de nouveau violemment à la fin de 1932 à la suite d’un nouveau rebond illusoire en début d’année [4]. Quant aux cours boursiers, ils ont connu cinq rebonds de 20 % de 1930 à 1932 pour mieux rechuter par la suite [5].

Et la hausse rapide qu’ils ont connue depuis le creux de mars 2009 est en grande partie artificielle de l’avis de plusieurs. La politique monétaire « d’assouplissement quantitatif », en vertu de laquelle les principales banques centrales ont créé des masses de liquidités en imprimant de l’argent pour acheter des obligations gouvernementales et exercé de ce fait une pression à la baisse sur les taux de rendement de ces obligations, a significativement contribué à stimuler les marchés boursiers. Ces marchés sont en conséquence largement surévalués selon les deux mesures conventionnelles utilisées à cette fin, le « ratio q » qui rapporte le prix des actions au coût de remplacement des actifs, et le rapport cours/bénéfices établi à partir des bénéfices moyens sur une période de dix ans. Aux États-Unis, selon ces deux mesures, la surévaluation du marché boursier est de l’ordre de 41 % et 37 % respectivement [6]. Reposant davantage sur une création massive de liquidités que sur la vigueur des données économiques fondamentales, les marchés boursiers peuvent se retourner rapidement et violemment.

Si les mesures monétaires et fiscales de stimulation de l’économie ont eu jusqu’ici un effet déterminant et ainsi contribué à atténuer le marasme, il faut se demander dans quelle mesure elles permettront de surmonter les effets du désastre financier et paver la voie à une reprise véritable de l’activité privée rentable qui est l’épine dorsale du système. Or, celle-ci ne pourrait être relancée que si les bilans des ménages et des entreprises surendettés étaient rétablis et que le secteur financier était assaini. De l’avis général, cela prendra des années, d’autant plus que l’énorme dette publique [7] provoquée par le financement des mesures de soutien pèsera lourdement et qu’une nouvelle vague de défaillances hypothécaires a commencé à se manifester aux États-Unis. Après les hypothèques à risque qui ont été à l’origine de la crise financière, ce sont maintenant les hypothèques de meilleure qualité qui ont commencé à défaillir massivement avec la hausse du chômage et la chute de la valeur des maisons sous le montant de la dette hypothécaire. Il en est de même des hypothèques immobilières commerciales à risque, regroupées elles aussi dans des titres complexes « adossés » à ces hypothèques, dont le nombre de défaillances a connu une forte croissance depuis le début de 2009 avec la chute de l’activité économique et les faillites commerciales qu’elle a entraînées.

Aussi, la fin des plans de relance risque de provoquer une rechute comme cela s’est produit en 1937 aux États-Unis et à la fin des années 1990 au Japon. Au mieux, on verra une faible reprise du PIB, mais une reprise sans emplois, avec une persistance de niveaux élevés de chômage pendant plusieurs années, avec le risque de voir « la crise financière et économique [se muer] en crise sociale à part entière », comme l’a exprimé l’OCDE [8]. Selon une déclaration récente de Dennis Lockhart, un dirigeant de la banque centrale des États-Unis, la Réserve fédérale, le taux de chômage réel, incluant les travailleurs découragés qui ont cessé de chercher un emploi et les personnes contraintes de travailler à temps partiel, est de 16 % aux États-Unis [9], supérieur de plus de six points de pourcentage au chiffre officiel de 9,4 % au troisième trimestre de 2009, ce qui nous rapproche des 25 % de 1933.

Pour Joseph Stiglitz, la timide amélioration récente de la conjoncture n’est qu’une illusion et le monde se sera tout juste remis de la crise « dans quatre ans », à un niveau inférieur à celui que l’économie aurait atteint si on avait évité la dérive de la spéculation. Les grandes banques désignées comme « too big to fail » (trop grosses pour faire faillite), qui ont été rescapées à des coûts prohibitifs avec l’argent des contribuables et qui ont d’ores et déjà renoué avec la rentabilité ainsi qu’avec les pratiques affligeantes de rétribution financière de leurs dirigeants, sont devenues considérablement plus grosses qu’avant la crise en raison de la vague d’absorptions à laquelle la crise a donné lieu [10]. Plus puissantes et plus concentrées, elles prennent également plus de risques qu’avant, assurées du soutien de l’État en cas de difficultés, alimentant ainsi l’« aléa moral » [11]. Elles s’adonnent avec une imagination sans limites à la confection de nouveaux produits structurés à risque [12]. Ainsi, les problèmes sont pires qu’avant la crise, estime Stiglitz dont l’avis est partagé, entre autres, par l’ancien président de la Réserve fédérale, Paul Volcker, devenu conseiller de Barack Obama.

Si on ne laisse pas les grandes banques faire faillite, il en est tout autrement des petites banques dont il est prévu qu’elles seront par centaines appelées sous peu à déposer leur bilan aux États-Unis, sous le poids de l’insolvabilité d’un nombre croissant de leurs déposants acculés au chômage et de petites entreprises commerciales et industrielles dévastées par la récession. Contrairement aux grandes banques, ces petites banques ne bénéficieront pas de l’aide de l’État, au nom, cette fois, du principe « too small to be rescued » (trop petites pour être réchappées). Elles connaîtront le sort des quelque 10 000 banques qui ont fait faillite aux États-Unis au cours des trois premières années de la Grande Dépression.


… ou à 1873 ?

Pour l’historien états-unien Scott Reynolds Nelson, ce n’est pas à la crise de 1929 que la crise actuelle doit être comparée, mais à celle de 1873 [13]. Alors que la crise actuelle puise son origine dans une crise immobilière qui s’est développée en crise financière, puis en crise boursière et en crise de l’économie réelle, la dépression des années 1930 a d’abord été une crise de l’économie réelle, avant qu’éclate la crise boursière de 1929. Déjà un début de récession s’était manifesté en 1927 dont les effets ont pu être surmontés par une brève reprise de l’investissement industriel qui s’est rapidement épuisé, de sorte que dès le début de l’été 1929, la production chutait aux États-Unis qui représentaient alors 50 % de l’économie mondiale. Le National Bureau of Economic Research situe le début de la récession au mois d’août 1929, deux mois avant le jeudi noir du 24 octobre [14].

Pour la plupart des historiens et des économistes, souligne Nelson, la dépression des années trente a davantage à voir avec une surproduction manufacturière suivie d’une crise boursière, l’incapacité de l’Allemagne de payer les réparations de guerre et la pression de cette incapacité sur les réserves d’or de la Grande-Bretagne, autant de facteurs qui ne trouvent pas d’écho dans la situation actuelle. La chute des marchés boursiers de la crise actuelle, en particulier, n’a été que le contrecoup d’une crise de liquidités et d’un effondrement du crédit interbancaire qui a commencé à se développer un an plus tôt, en août 2007, et qui a poussé de grandes banques et de grands établissements financiers à la faillite.

Il y a par contre, écrit Nelson, de nombreux points en commun entre la crise actuelle et ce qu’il désigne comme « la vraie Grande Dépression », celle qui a été déclenchée en 1873 en Europe qui était alors le centre du capitalisme, où elle a duré six ans, pour se propager aux États-Unis où elle a duré quatre ans. Son origine se trouve dans une forte bulle immobilière spéculative qui s’est développée à partir de 1870 au sein de l’empire austro-hongrois, en Allemagne et en France, avec la multiplication de nouveaux établissements de prêts qui ont émis sans réserve des prêts hypothécaires à risque, dont la garantie reposait notamment sur des édifices non construits ou non achevés, dans un contexte semblable à celui de la bulle qui a éclaté en 2007 où on avait acquis la conviction qu’il n’y avait pas de limites à la hausse des prix des terrains. L’inévitable éclatement de la bulle se produisit en 1873, provoquant une crise bancaire par une hausse astronomique des taux interbancaires et un effondrement du crédit. La crise s’est transmise aux États-Unis, frappant d’abord les entreprises ferroviaires qui s’étaient financées à l’aide d’instruments complexes dont la garantie était illusoire, acculant des centaines de banques à la faillite et précipitant une crise boursière.

Nelson mentionne aussi l’intéressant parallèle entre la fulgurante émergence de cette nouvelle puissance industrielle qu’étaient les États-Unis de l’époque, dont les produits à bas prix massivement exportés vers l’Europe ont été un important facteur de perturbations économiques qui a nourri la crise de 1873, et la non moins fulgurante émergence de la Chine d’aujourd’hui dont l’incidence sur la production et les échanges mondiaux et le financement des déficits des États-Unis sont au cœur des enjeux actuels.

Au-delà de ces parallèles, il faut aussi mettre en lumière certains traits déterminants de ce qui doit être considéré comme la première grande crise du capitalisme contemporain. Si des millions de travailleurs ont été jetés sur le pavé, que des milliers d’entre eux au Québec ont émigré en Nouvelle-Angleterre pour fuir le chômage et la misère, que la lutte pour les emplois rares et la recherche de boucs émissaires ont favorisé le développement de l’antisémitisme et la création des premiers pogroms anti-Juifs, en particulier en Europe de l’Est, d’autres ont connu un sort différent. Dans toute crise, le capital s’assainit par l’élimination des entreprises moins rentables, se restructure et se renforce en se concentrant par la reprise en main à vil prix des concurrents disparus. Pour le capital déjà massif des Andrew Carnegie, Cyrus McCormick, John D. Rockefeller et consorts aux États-Unis et ailleurs dans le monde, qui en est sorti renforcé, la crise de 1873 a été, il va sans dire, une aubaine. Mais elle a été plus qu’une aubaine. Comme l’écrit Nelson, « l’âge d’or de la concentration industrielle venait de commencer ».

Les marxistes du début du 20e siècle ont caractérisé la crise de 1873 et la dépression qui l’a suivie comme l’amorce du grand revirement des dernières décennies du 19e siècle qui marque la fin du capitalisme concurrentiel et le début de l’impérialisme, défini comme le « stade suprême du capitalisme », selon le titre donné par Vladimir Lénine à son célèbre ouvrage de 1916 [15]. La signification du terme « impérialisme » ainsi envisagé est celle du capitalisme comme système global arrivé à un stade mondial d’accumulation dominé par le capital financier et les très grandes entreprises luttant pour la conquête du marché mondial et des sources d’approvisionnement, où les mouvements de capitaux à l’échelle internationale ont acquis une importance de premier plan et où les grandes puissances en quête d’hégémonie rivalisent pour le partage territorial du globe [16].

Le stade dans lequel le monde a alors fait son entrée, dont on constate aujourd’hui qu’il s’est longtemps survécu à lui-même, est celui d’une vie économique dont les grands monopoles sont la base et qui se déroule à l’échelle mondiale sous l’égide du capital financier international. Le monde n’est dès lors plus une somme de réalités nationales. Il est une réalité mondiale unique et intégrée, dont les entités nationales sont les parties constituantes. Petits et grands États y forment « les maillons de la chaîne des opérations du capital financier mondial ». Sur la base de ce capital financier qui domine les autres composantes du capital, s’érige une « oligarchie financière parasitaire » qui exerce une hégémonie sur toute la structure du capital [17].

Ces propos formulés il y a cent ans, au début du siècle dernier, sont d’une modernité frappante. Ils sont particulièrement intéressants dans la réalité d’aujourd’hui où les références à la mondialisation et à la financiarisation considérées comme des phénomènes récents, sont omniprésentes. Mieux, ces catégories occupaient déjà une place centrale dans les analyses de Marx et d’Engels cinquante ans plus tôt. Dans l’Idéologie allemande (1845-1846) et dans le Manifeste du Parti communiste (1848), ils écrivent en effet que le capitalisme a d’ores et déjà construit un système où « l’existence empirique actuelle des hommes se déroule sur le plan de l’histoire mondiale au lieu de se dérouler sur celui de la vie locale » [18]. Même s’il s’agit de considérations générales, leur mise en évidence dès cette époque ne mérite pas moins d’être soulignée. Mais c’est au niveau de la compréhension de la nature du capital financier que l’apport de Marx est fondamental pour l’appréciation des développements d’aujourd’hui.

La conception du capital financier qui était celle des marxistes du début du 20e siècle a d’abord été énoncée par Rudolf Hilferding dans son célèbre ouvrage, Le Capital financier, publié en 1910. Selon cette conception, le capital financier est le capital bancaire, ou capital sous forme d’argent, mis à la disposition du capital industriel et ainsi transformé en capital industriel, un capital qui réalise « l’interpénétration du capital bancaire et du capital industriel » [19]. Il s’agit d’une conception purement fonctionnelle qui voit le capital financier comme un simple pourvoyeur de crédit pour l’activité industrielle. Tout autre est la conception de Marx exposée dans le Livre III du Capital. Loin de voir le capital financier comme l’interpénétration du capital bancaire et du capital industriel, Marx place au centre de son analyse l’autonomie du capital financier qui a son mouvement propre, distinct de celui du capital industriel.

Dans le chapitre XIX du Capital intitulé « Le Capital financier », Marx décrit d’abord le capital financier comme une fraction, sous forme de capital-argent ou capital de prêt, issue de l’accumulation réelle, mais séparée du capital total (industriel et commercial) et devenue autonome [20]. Une partie du produit de l’accumulation, écrit Marx, « se cristallise et devient autonome sous forme d’intérêt », de sorte que « la classe des capitalistes financiers s’oppose [aux capitalistes industriels] comme une catégorie particulière de capitalistes, le capital financier comme une sorte de capital autonome et l’intérêt comme la forme indépendante de la plus-value qui correspond à ce capital spécifique » [21].

Ce caractère autonome du capital financier est mis en évidence dans la forme d’accumulation du « capital porteur d’intérêt », A-A’, un processus qui est à la fois dépendant et distinct de l’accumulation du capital réel, où nous avons, comme l’écrit Marx, « de l’argent produisant de l’argent, une valeur se mettant en valeur elle-même, sans aucun procès qui serve de médiation entre les deux termes » [22]. La notion de « capital porteur d’intérêt » comprend la dimension du crédit, c’est-à-dire du « capital de prêt » ou de financement de l’activité réelle, ce qui inclut le financement des besoins des particuliers comme celui du capital industriel et du capital commercial. Mais elle ne s’y réduit pas. Elle la transgresse pour incorporer toutes les composantes du « capital fictif ». Il revient à François Chesnais d’avoir mis en lumière, il y a trente ans aujourd’hui, cette dimension fondamentale de l’analyse de Marx qui avait été négligée jusqu’alors [23].


Le rôle central du capital fictif

Ce que Marx désigne comme le capital fictif consiste dans les divers titres, tels les actions émises par les entreprises en contrepartie de participations au financement de leur capital réel, et les obligations émises par les entreprises et les organismes publics en contrepartie des prêts qui leur sont consentis. Ces titres circulent comme des marchandises en bonne et due forme sur un marché spécifique, le marché de la finance, distinct du marché où se transigent les marchandises réelles. Leurs prix fluctuent sur ce marché et sont fixés selon des lois qui leur sont propres. Leur mouvement autonome « renforce l’illusion qu’ils constituent un véritable capital à côté du capital qu’ils représentent… » [24]. Les transactions financières, portant sur des titres, finissent par rendre invisible le processus qui est à l’origine des dividendes et des intérêts qui en sont les revenus.

« Ainsi, il ne reste absolument plus trace d’un rapport quelconque avec le procès réel de mise en valeur du capital et l’idée d’un capital considéré comme un automate capable de créer de la valeur par lui-même s’en trouve renforcée ».[25]

Le seul fait qu’un bout de papier permette à son détenteur de percevoir un montant déterminé à date fixe fait apparaître ce bout de papier comme un capital et le montant d’argent auquel il donne droit comme l’intérêt que rapporte ce capital. À la limite, la séparation entre le capital réel et le capital fictif censé le représenter, mais devenu autonome face à lui, peut être telle que l’apparence des choses, traduite dans les données du capital financier, soit en contradiction totale avec la réalité. « Même une accumulation de dettes, écrit Marx, arrive à passer pour accumulation de capital » [26]. Mieux encore, les titres d’une dette publique contractée pour faire l’acquisition de biens détruits par la guerre par exemple continuent à circuler alors que ces biens n’existent plus, de sorte que la ruine prend la forme de l’enrichissement; le capital fictif s’enfle dans la mesure même où le capital productif est détruit [27].

Dans la sphère financière, l’argent semble faire de l’argent sans rapport avec le processus réel de production des valeurs. Des transactions boursières portant sur les actions d’une entreprise peuvent produire un rendement financier supérieur à celui que cette même entreprise obtient dans la sphère réelle par la fabrication et la vente de marchandises. Une envolée des cours boursiers peut très bien se produire à un moment où l’économie est stagnante. « La valeur de marché de ces titres est en partie une valeur spéculative, car ce n’est pas le revenu réel de l’entreprise, mais celui qu’on en attend, calculé par anticipation, qui a servi à la déterminer » [28].

Le mouvement autonome de croissance du capital fictif se dégage aussi du fonctionnement des banques qui empruntent pour prêter, dont les actifs sont composés principalement de titres (prêts aux entreprises et aux consommateurs, actions et obligations d’entreprises privées ou publiques, obligations d’État), c’est-à-dire de capital fictif, et sont surtout compensés par des dépôts qui sont des créances sur la banque et n’existent pas réellement en dépôt [29].

Après une forte croissance, de la fin du 19e siècle jusqu’à la crise de 1929, suivie d’une période de stagnation relative avec la mise en place de la réglementation financière à partir des années 1930 et la domination du capital industriel et du capitalisme entrepreneurial pendant la période de relance de l’après-guerre, le capital fictif a connu un redéploiement à partir des années 1960 et 1970. Il y eut d’abord la création en 1958 du marché interbancaire des eurodollars à Londres, premier lieu d’internationalisation des banques et de centralisation des capitaux liquides issus des profits non rapatriés et non réinvestis dans la production par les multinationales états-uniennes. Ce fut ensuite l’effondrement en 1971 du système des parités fixes entre les monnaies, institué à Bretton Woods en 1945, et le passage à un système de changes fluctuants qui a transformé le marché des changes en marché spéculatif mondial, où les monnaies nationales se transigent davantage en tant qu’actifs financiers dans la poursuite de profits financiers qu’en tant que véhicules des échanges internationaux de marchandises. L’abandon des parités fixes entre les monnaies et l’instabilité financière qui en a découlé ont aussi donné lieu à la naissance des ancêtres des complexes produits dérivés d’aujourd’hui que furent les premiers contrats de couverture sur les devises devenues fluctuantes.

Le recyclage des pétrodollars, à partir de 1976, en prêts aux pays du Tiers-Monde par l’intermédiaire des banques internationales, et le financement d’une dette publique en forte expansion dans les pays développés ont redonné au capital de placement et aux créanciers une place dominante.

Deux développements majeurs ont suivi : le tournant monétariste néoconservateur Reagan-Thatcher de 1979-1981 qui a libéralisé les taux d’intérêt et les mouvements de capitaux, déréglementé et décloisonné les systèmes financiers nationaux; puis la transformation majeure de la nature des banques à partir des années 1990 par la titrisation massive de leurs actifs et l’émergence d’un « système bancaire de l’ombre » (fonds spéculatifs et fonds de capital privé) [30] échappant à toute réglementation. 

Libérée de toute entrave, l’accumulation financière a mené à l’hypertrophie qui caractérise le monde d’aujourd’hui, à cette masse gigantesque de capital volatil détaché de l’investissement dans la production, caractérisé par la complexité et l’opacité de ses composantes, qui se déplace librement à travers le monde en quête des placements financiers spéculatifs les plus lucratifs et dans lequel le crédit à l’économie réelle, c’est-à-dire au capital industriel et commercial ainsi qu’aux particuliers, constitue la part congrue [31].


L’hypertrophie de la finance

Quelques chiffres permettent d’illustrer cette croissance exorbitante de la finance [32] :

  • En 1970, Goldman Sachs avait 1 300 employés, Morgan Stanley 3 500. En 2008, on en comptait 30 000 chez Goldman Sachs et 55 000 chez Morgan Stanley [33].

  • La part du secteur des services financiers dans les profits totaux des entreprises aux États-Unis est passée de 10 % au début des années 1980 à 40 % en 2007. Sa part dans la capitalisation boursière est passée de 6 % à 23 %. Des parts disproportionnées si on les compare aux niveaux maximum de 14 % du PIB et de 5 % des emplois du secteur privé qu’a représenté ce secteur au cours de cette période. [34]

  • Toujours aux États-Unis, en pourcentage du PIB, la dette du secteur privé a doublé entre 2000 et 2007. Alors qu’elle doublait chez les ménages et demeurait stable dans le secteur non financier, elle a été multipliée par 15 dans le secteur financier[35]. Pour l’ensemble des pays, entre 1987 et 2008, le rapport de la dette au PIB des gouvernements et des sociétés non financières a été multipliée par 1,4, celui des ménages par 1,7, alors que celui des sociétés financières était multiplié par 3,1 [36].

  • En 2007, la capitalisation boursière mondiale représentait 1,2 fois le Produit mondial brut de 55 000 milliards de dollars; le montant total des actifs bancaires et des titres de dette privée et publique représentait 4,4 fois le Produit mondial brut [37].

  • Le montant « notionnel » des transactions mondiales « de gré à gré » de produits dérivés (échappant aux marchés organisés et à tout contrôle) a atteint 684 000 milliards de dollars des États-Unis en juin 2008, soit 11 fois le Produit mondial brut de 61 000 milliards de dollars en 2008. Il a chuté à 592 000 milliards de dollars à la fin de décembre 2008, première diminution depuis que ces chiffres sont compilés (1998). En guise de comparaison, les montants des transactions de produits dérivés « sur les marchés organisés » étaient respectivement de 82 000 milliards en juin 2008 et 58 000 milliards en décembre 2008, soit respectivement 12 % et 9 % du montant des transactions de gré à gré [38].

  • Les transactions de produits dérivés sont des opérations spéculatives (contrats à terme, options d’achat ou de vente, trocs ou « swaps », garanties contre la défaillance) portant sur des actifs (devises, actions, obligations, denrées) dont les prix varient en fonction de divers aléas. Leur montant est mesuré par leur valeur « notionnelle » qui est définie comme « la valeur des actifs sous-jacents établie à leur prix courant ». Par l’intermédiaire d’un puissant effet de levier, cet énorme montant, qui reflète la valeur des actifs sous-jacents, est le résultat d’opérations d’une envergure considérablement moindre portant sur les produits dérivés de ces actifs sous-jacents. Supposons 100 actions d’un titre boursier dont le cours actuel est de 50 $ l’action. Leur valeur « notionnelle » est de 5 000 $. Supposons aussi que le coût d’acquisition d’une option d’achat de ces 100 actions est de 5 $ l’action ou 500 $. La propriété du produit dérivé qu’est cette option de 500 $ confère à son détenteur un contrôle sur une valeur dix fois plus élevée des actifs sous-jacents. L’effet de levier est de 1 à 10.

  • La notion de capital fictif prend ici doublement son sens. Nous sommes en présence du contrôle d’un capital fictif (le titre boursier) par l’intermédiaire d’un deuxième capital fictif (le titre qu’est l’option d’achat). Le caractère fictif de ce capital ressort encore davantage du fait que le prix auquel l’option sera finalement exercée pourra être supérieur ou inférieur au prix courant auquel la valeur « notionnelle » a été calculée, donnant lieu dans le premier cas à une création magique d’une valeur accrue grâce à une simple augmentation de prix et, dans le deuxième cas, à une volatilisation partielle d’un capital qui n’en était un qu’en apparence.

  • D’un montant presque nul en 2001, les titres de garantie contre la défaillance d’actifs (credit default swaps ou CDS) ont atteint le montant de 58 000 milliards de dollars en 2007 [39], soit quelque dix fois le montant des actifs garantis. Conçus comme des instruments de protection pour des détenteurs d’actifs, ils sont devenus principalement des instruments de spéculation aux mains de personnes qui ne détiennent pas les actifs en question. On peut en effet acheter des titres de garantie contre la défaillance d’actifs qu’on ne détient pas. Ces titres sont désignés comme des « naked CDS ». En août 2009, les « naked CDS » représentaient 80 % de tous les CDS émis [40].

  • Quant aux vendeurs de protection que sont les émetteurs de CDS ou ceux qui les ont acquis sur les marchés en tant qu’actifs financiers, ils encaissent sur une base régulière les revenus que sont les primes versées par les assurés, sans avoir effectué la moindre avance de fonds, ce qui au sens strict donne lieu à un rendement infini ! Ce n’est qu’en cas de défaillance des actifs garantis qu’ils seront dans l’obligation de mobiliser les fonds requis, à moins d’avoir pu se libérer de cette obligation par la vente de leur contrat en temps opportun.

« On est saisi de vertige, écrit Frédéric Lordon, à considérer l’énormité de l’édifice engendré de la prolifération financière rapportée à la ténuité des services rendus à l’économie réelle ». Dans ce « processus d’autonomisation de la finance qui […] s’affranchit de plus en plus des bases de l’économie réelle, poursuit-il, « la finance ne parle plus qu’à la finance ». Une finance qu’il caractérise comme « autistique » (pathologiquement repliée sur son monde intérieur et ayant perdu contact avec la réalité) et, par analogie avec la thermodynamique, « entropique : énormes inputs à l’entrée, dérisoires outputs à la sortie, et entre les deux pure dissipation spéculative » [41].

Appréhendant cette évolution vers un monde dominé par un capital fictif axé sur le court terme, la liquidité et le rendement, dont la valeur fluctue au gré des mouvements spéculatifs, propulsé par des effets de levier qui donnent lieu à un endettement prohibitif et à des profits financiers sans rapport avec l’activité réelle, l’économiste James Tobin, lauréat en 1981 du « prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel » [42], déclarait en 1984, il y a vingt-cinq ans :

Il me semble que nous sommes en train de jeter de plus en plus de nos ressources, y compris la crème de notre jeunesse, dans des activités financières éloignées de la production de biens et de services, dans des activités qui génèrent des rétributions privées excessives, sans rapport avec leur productivité sociale. Je crois que l’immense puissance de l’ordinateur est en train d’être harnachée à cette « économie de papier », non pas pour effectuer les mêmes opérations plus économiquement, mais pour gonfler la quantité et la variété des échanges financiers… Je crains, comme Keynes le pressentait déjà en son temps, que les avantages de la liquidité et de la négociabilité des instruments financiers aient pour contrepartie une spéculation à la puissance n, qui est à courte vue et inefficiente. [43]

Il est aussi pour le moins ironique de voir aujourd’hui Lloyd Blankfein, le chef de la direction de la plus grande banque d’affaires des États-Unis, Goldman Sachs, abonder dans le même sens et condamner Wall Street pour avoir « laissé la croissance et la complexité des nouveaux instruments financiers surpasser leur utilité économique et sociale » [44]. Est-il nécessaire de rappeler que Goldman Sachs a largement contribué à cette évolution et à ses conséquences désastreuses, au point de devoir demander, comme Morgan Stanley, une modification de son statut en celui de holding bancaire, en septembre 2008, pour devenir admissible aux fonds de sauvetage accordés aux établissements financiers menacés de faillite à la suite des manœuvres auxquelles elle s’était livrée.

La conséquence directe de cette hypertrophie de la finance est une grande fragilité systémique qui prédispose puissamment au développement de crises. Deux études récentes le mettent en évidence. La première, réalisée par Luc Laeven et Fabian Valencia pour le Fonds monétaire international [45], répertorie pour l’ensemble des pays membres, au cours de la période de 1970 à 2007, 124 crises bancaires, 208 crises de change et 63 crises de défaut de paiement de la dette ou de sa restructuration. Plusieurs de ces crises sont survenues simultanément : des 124 crises bancaires, 42 étaient des crises doubles (la crise bancaire coïncidant avec une crise de change ou une crise de la dette) et 10 étaient des crises triples.

La deuxième étude, réalisée par Barry Eichengreen et Michael Bordo pour le National Bureau of Economic Research (NBER) [46] des États-Unis, compare des périodes différentes, dont celles de 1945-1971 et 1973-1997, et porte sur un nombre plus restreint de pays, 21 avant 1973 et 56 après 1973. Considérant trois types de crises (crises bancaires, crises de change et crises doubles), elle identifie un nombre total de 139 crises survenues entre 1973 et 1997 (dont 44 dans les pays industrialisés), comparativement à 38 entre 1945 et 1971 (dont 21 dans les pays industrialisés).

Parmi ces nombreuses crises, les plus graves jusqu’ici avaient été la succession de crises de change de la fin des années 1960 (crises de la livre sterling en 1967, du franc français en1968-1969, du mark allemand en 1969 et du dollar canadien en 1970) qui avaient été le prélude de l’effondrement du régime des parités fixes entre les monnaies en 1971, la récession généralisée de 1974-1975, première crise réelle depuis celle de 1929, la crise mexicaine de 1982 suivie de la crise de la dette des pays sous-développés, provoquées par la hausse du cours du dollar et des taux d’intérêt aux États-Unis, la crise boursière de 1987 aux États-Unis suivie en 1989 par la faillite et le sauvetage des Caisses d’épargne et de crédit, la crise de la bourse de Tokyo et la crise immobilière japonaise de 1990, la crise des obligations de pacotille en 1990, la crise bancaire des pays scandinaves (Norvège, Suède, Finlande) en 1992, la deuxième crise de la dette du Mexique en 1995, la crise des pays « émergents » d’Asie en 1997 et le contrecoup de cette crise au Brésil, en Argentine et en Russie, et l’éclatement de la bulle des valeurs technologiques en 2001-2002 qui a révélé les grands scandales financiers chez Enron, World Com, Waste Management, Tyco, etc.


La fin d’une époque ?

La crise actuelle déclenchée en 2007-2008, la plus violente et la plus généralisée depuis celle de 1929, peut-elle être vue comme annonciatrice de la fin d’une époque, comme l’aboutissement d’un régime d’accumulation qui a atteint ses limites ? Si certains ont pu adhérer à cette hypothèse au plus fort de la crise, personne ne la retiendrait sans doute aujourd’hui. Les transformations qui se dessinent sont celles d’une modification des rapports de forces internationaux, pas celle d’un passage à un nouveau régime d’accumulation, qui demeurera, à moins de développements politiques majeurs qui ne semblent pas pour l’instant sur le point de se produire, celui du capital de placement et de la domination de la finance. Elles sont annoncées par les développements qui ont précédé la crise et qui ont été amplifiés par elle, comme le déclin de l’hégémonie économique et politique des États-Unis, le poids croissant de la Chine et des autres pays du BRIC (Brésil, Russie et Inde) et les déséquilibres profonds dans les comptes courants issus du rôle du dollar en tant que monnaie internationale, qui a libéré les États-Unis de la nécessité d’équilibrer leur budget et leurs échanges extérieurs et qui est désormais l’objet de contestations.

En 2000, la part des économies émergentes et des économies en développement dans la production mondiale était de 37 %. En 2008, elle était de 45 %. Celle du BRIC est passée de 16 % à 22 %. Près de 55 % de l’accroissement de la production mondiale de 2000 à 2008 a eu lieu dans les pays émergents et en développement et 40 % dans les pays du BRIC, dont certains prédisent qu’ils domineront l’économie mondiale d’ici 2050. D’un peu moins de 4 % au cœur de la crise de 1997-1998, le taux de croissance annuel du PIB des pays du BRIC a connu un énorme essor au cours des dix années suivantes qui l’a mené à plus de 10 % en 2007, pour une moyenne annuelle de 7 %. Au cours de la même période, les autres pays émergents ont également connu une forte croissance, de 5,7 % en moyenne par année. Ces deux groupes de pays ont ainsi poussé à la hausse la croissance du PIB mondial dont le taux annuel moyen a été de 3,9 %, alors que celui des pays avancés n’était que de l’ordre de 3 % [47].

La part des pays émergents, en particulier de la Chine, dans les réserves mondiales de devises détenues, ainsi que le poids des différentes devises dans ces réserves sont aussi des éléments significatifs de la modification des rapports de forces internationaux. Ayant exercé pendant longtemps une domination quasi absolue, le dollar des États-Unis comptait au début de 2009 pour 65 % des 6 500 milliards de dollars de réserves mondiales, l’euro pour 26 %, la livre sterling pour 4 % et le yen pour 3 %. Les pays émergents en détenaient les deux tiers, dont le tiers (2 200 milliards) pour la Chine [48].

En tant que première créancière des États-Unis, il va sans dire que la Chine détient un levier de premier plan pour s’engager dans une contestation ouverte de l’hégémonie du dollar imposée en 1945, et que son influence sera déterminante dans la définition d’un éventuel nouvel ordre monétaire international. Craignant la chute de la valeur des actifs qu’elles détient en dollars, en raison notamment de l’augmentation massive de la masse monétaire par la Réserve fédérale par ses opérations de sauvetage du secteur financier et de relance de l’économie [49], elle évoque deux voies de sortie possibles à ses yeux : le remplacement du dollar, comme monnaie de réserve, par les Droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI, en lesquels les réserves actuelles en dollars pourraient être transformées, et la promotion du yuan comme devise dans les échanges et la finance internationaux. Deux voies sans issue.

Créés par le FMI en 1969 comme un instrument de réserve dont la valeur est fondée sur un panier des principales devises (aujourd’hui le dollar, l’euro, le yen et la livre sterling), les DTS sont alloués « sans frais » (créés ex nihilo) par le FMI aux pays membres en fonction de leur quote-part et peuvent être échangés contre des devises. Quarante ans après leur création, ils ne sont jamais parvenus à jouer le rôle de réserve internationale qui leur était voué, les États-Unis qui disposent d’un droit de véto au FMI n’étant pas disposés à ce qu’ils remplacent le dollar [50]. Après trois allocations générales et une allocation spéciale depuis 1970, leur nombre s’élevait à 204 milliards en septembre 2009, équivalant à 317 milliards de dollars, soit moins de 5 % des 6 500 milliards de dollars des réserves mondiales au même moment. Quant à la deuxième voie, elle se bute à la convertibilité limitée et à la non-flexibilité du yuan que la Chine ne semble pas prête à abandonner, déterminée qu’elle est à empêcher l’appréciation de sa devise sur le marché libre et à en maintenir l’ancrage au dollar, dont elle assure ainsi malgré elle le maintien de la domination.

Dans la définition d’un éventuel prochain ordre monétaire international, rien ne pointe, il va sans dire, dans la direction d’une solution du type de celle que Keynes avait mise de l’avant à Bretton Woods, reposant sur la création, au-dessus des monnaies nationales, d'une monnaie internationale dont l'émission serait régie par une autorité monétaire supranationale disposant d'importants pouvoirs supranationaux par sa capacité de détenir des dépôts et d'octroyer des crédits, de créer les liquidités nécessaires aux échanges entre les pays. En tant que chambre de compensation des paiements internationaux, cette banque centrale des banques centrales, comme Keynes la concevait, inscrirait dans ses livres tout excédent commercial d'un pays sous la forme d'un crédit et tout déficit sous la forme d'un débit. Elle exigerait le paiement d'un intérêt, non seulement sur les comptes déficitaires, mais également sur les comptes excédentaires, affirmant le principe de la responsabilité conjointe des pays déficitaires et des pays excédentaires dans l'existence d'un déséquilibre, et du partage nécessaire de leurs efforts en vue d'éliminer les surplus des uns qui sont simultanément les déficits des autres.

Il est clair que des pays motivés par la concurrence et la seule défense de leurs intérêts propres sont peu susceptibles de s'engager dans un processus dont la finalité serait de mettre en place de véritables formes de coopération qui signifieraient l'abandon de leviers clés de leur développement et de leur réglementation autonome, ou de leur poids relatif dans les institutions internationales et des privilèges qui en découlent. Le débat qui piétine depuis longtemps quant à la modification, réclamée par de nombreux pays, de l’inadéquate répartition des quotas et des droits de vote au FMI [51] en dit long à ce sujet. Les pays du G20 réunis au Sommet de Pittsburgh en septembre dernier se sont félicités d’avoir conclu une entente quant à la réallocation d’une portion minime (5 %) de ces droits de vote, des pays « surreprésentés » (dont la part des quotas au FMI est supérieure à la part de leur PIB dans le Produit mondial brut) aux pays « sousreprésentés » [52].

Tout aussi réfractaires sont les États à épurer et réglementer un secteur financier de plus en plus parasitaire qui, non seulement draine des ressources de l’économie réelle et pèse sur sa croissance, mais maintient dans un péril permanent cette économie réelle soumise à ses aléas. Après le sommet de Londres des pays du G20, le 2 avril 2009, deux questions ont surtout retenu l’attention des chefs d’État et de gouvernement, les paradis fiscaux et la rémunération des banquiers. Si certains progrès ont été faits au titre des paradis fiscaux, le monde entier a plutôt été sidéré de constater, tel que mentionné plus tôt, que les grandes banques renflouées par l’argent des contribuables, désormais émancipées du contrôle gouvernemental à la suite du remboursement de ces sommes, se sont de nouveau livrées à l’attribution de rémunérations exorbitantes à leurs cadres. Aussi rapidement a-t-on vu réapparaître les pratiques spéculatives qui ont été à l’origine du désastre. À titre d’exemple, alors que la poussière n’a pas encore fini de retomber dans le secteur des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis où la crise actuelle a été déclenchée, et que les géants en faillite du refinancement hypothécaire Freddie Mac et Fannie Mae n’ont survécu que grâce au soutien gouvernemental et à leur nationalisation effective, leur cousine Ginnie Mae [53] se livre à son tour, avec la garantie du gouvernement, à une frénésie de prêts à risque élevé qui auront doublé en deux ans pour atteindre les 1 000 milliards de dollars en 2010, en route elle aussi vers le désastre [54].

Derrière les déclarations de façade, les engagements factices et les semblants de réformes, il n’y a aucune volonté réelle de viser le cœur du problème qu’est l’hypertrophie d’un secteur financier ayant retrouvé une pleine liberté d’action, et de contenir la croissance sans limites du capital fictif. En fait, il serait plus exact de dire qu’il y a plutôt une ferme volonté de ne pas intervenir en ce sens. Et d’autant plus aujourd’hui que la panique déclenchée à l’automne 2008 est déjà derrière nous avec le semblant de reprise que plusieurs voient poindre. En témoigne la déclaration finale adoptée en septembre 2009 par le Sommet de Pittsburgh des pays du G20. Ceux-ci disent s’engager à agir ensemble pour :

• élever les normes de capitalisation des établissements financiers et décourager le recours excessif à l’effet de levier;

• établir des normes internationales de rémunération des dirigeants des établissements financiers axées sur le rendement à long terme et destinées à mettre un terme aux pratiques menant à une exposition excessive au risque;

• améliorer le marché des produits dérivés échangés de gré à gré;

• créer des outils permettant d’imputer aux grandes entreprises globalisées la responsabilité des risques qu’elles prennent [55].

Mais le G20 estime que les normes renforcées de capitalisation ne devraient être introduites qu’au fur et à mesure que les conditions financières s’amélioreront et que la reprise économique sera assurée, avec l’objectif de leur entrée en vigueur… en 2012 ! La fin de l’année 2012 est également fixée comme objectif pour l’entrée en vigueur de modifications relatives aux transactions de gré à gré de produits dérivés, dont nous avons mesuré tant l’ampleur que le risque qu’elles font reposer sur l’équilibre financier mondial. Les modifications envisagées, par ailleurs, ne touchent qu’une faible portion des transactions qui passeraient dorénavant par une chambre de compensation centralisée, les autres transactions n’étant sujettes qu’à une exigence de meilleure capitalisation. Seules les normes de rémunération des dirigeants des établissements financiers, déjà élaborées par le Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board) créé au sommet de Londres [56], pourraient et devraient selon le G20 entrer en vigueur immédiatement.

Le refus évident de procéder à ce que le G20 désigne néanmoins comme une réforme nécessaire de l’architecture financière mondiale se manifeste également dans la confiance qu’il accorde, dans la réalisation des mesures visées, aux initiatives des intervenants du monde financier, ceux-là mêmes à qui incombe la responsabilité de la crise, et aux incitations à leur offrir à cet effet. Disant vouloir établir un sain équilibre entre une régulation « macroprudentielle » relevant des pouvoirs publics et une régulation « microprudentielle » relevant de la bonne volonté des intervenants, il en appelle à la responsabilité des banques, des promoteurs de la titrisation, des autres intervenants du secteur financier et des grandes entreprises dans la mise en œuvre de ces normes, qui ne sont pas envisagées comme universelles mais qui ne seraient implantées que « là où elle sont requises ».

Face aux grandes banques, déjà considérées comme « trop grosses pour faire faillite » lorsque la crise a éclaté, qui en ont émergé renforcées et porteuses d’un risque accru en raison de leur taille encore plus grande et de leur renouement avec l’activité spéculative, assurées qu’elles sont d’être de nouveau rescapées le cas échéant, des voix se sont fait entendre dont celle de Joseph Stiglitz [57] pour appeler à leur démantèlement, leur réduction à une taille plus petite étant vue comme la solution au problème. Il s’agirait en somme de prétendre faire échec au mouvement naturel de concentration du capital accéléré par les crises, en reconstituant des éléments d’un capitalisme concurrentiel qui a irrémédiablement fait place au capitalisme des monopoles.

L’intervention massive des États à la rescousse des grandes entreprises et des établissements financiers menacés de faillite met plutôt en évidence l’impasse à laquelle le système de la propriété privée mène lorsqu’il est livré à lui-même et son obligation de chercher une voie de sortie à l’extérieur du cadre de l’initiative privée en faisant appel à l’État. Au risque de me répéter [58], je dirai que cela désigne la nécessité de leur prise en main par la collectivité et de leur planification démocratique en tant que biens publics dotés d’une mission de service public, au nom du principe « too big to remain private », trop gros pour demeurer propriété privée, sous gestion privée et source de profits privés.

Ce principe devrait être le corollaire obligé du principe « too big to fail », dont les gouvernements se réclament pour procéder à leurs sauvetages aux frais de la collectivité, le temps de jeter les bases d’un retour à l’initiative privée rentable et à l’anarchie qui en est le fondement, ainsi qu’aux crises à venir qui ne peuvent qu’en découler. Il met de facto en évidence une condition nécessaire à mettre en place en vue de surmonter la caducité d’une société fondée sur l’accumulation du capital, poussée à s’autodétruire comme conséquence de son fonctionnement normal, et d’amorcer le processus de sa succession par un régime de développement humain.



[1] « The Great Recession versus The Great Depression », Paul Krugman Blog – NYTimes.com, 20 mars 2009.

[2] « A Tale of Two Depressions », voxeu.org, 6 avril, 4 juin et 1er septembre 2009.

[3] Selon les Perspectives de l’économie mondiale d’octobre 2009 du FMI.

[4] Chris Harman, « The slump of the 1930s and the crisis today », International socialism, 2 janvier 2009, p. 2-3.

[5] The Economist, 11 avril 2009, p. 73.

[6] The Economist, 3 octobre 2009, p. 84.

[7] En octobre 2009, le FMI (op. cit.) prévoyait que le rapport de la dette brute au PIB atteindra, en 2014, 108 % aux États-Unis, 89 % en Allemagne, 93 % en France, 98 % en Grande-Bretagne, 128 % en Italie et 245 % au Japon. Elle atteindra alors 69 % au Canada, après avoir été de l’ordre de 79 % en 2009 et 2010.

[8] Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2009. Faire face à la crise de l’emploi, p. 111.

[9] Agence France-Presse-Le Devoir, 27 août 2009.

[10] Bank of America a avalé le prêteur hypothécaire déchu Countrywide et la banque d’investissement Merrill Lynch. JPMorgan Chase a acquis Bear Stearns et Washington Mutual. Wells Fargo a acquis Wachovia. En Grande-Bretagne, Lloyds Banking Group a acquis HBOS (Halifax Bank of Scotland), en France, BNP Paribas a acquis les actifs bancaires de Fortis, etc.

[11] Se dit de la tendance d’une personne ou d’un agent économique, qui bénéficie de la protection d’une assurance, à se surexposer à un risque auquel il ne s’exposerait pas autant s’il devait en assumer lui-même les conséquences.

[12] À titre d’exemple, Crédit Suisse crée des titres hypothécaires qui ne sont pas cotés par les agences de notation; elle et d’autres ont commencé à titriser des polices d’assurance-vie vendues par des personnes âgées et des personnes infirmes en manque d’argent, The Economist, 12 septembre 2009, p. 77.

[13] Scott Reynolds Nelson, « The Real Great Depression », The Chronicle of Higher Education, Washington, 17 octobre 2008.

[14] Chris Harman, op. cit.; Charles Kindleberger, The World in Depression 1929-1939, University of California Press, Berkeley, 1986.

[15] V.I Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, Moscou, Éditions du Progrès, 1967.

[16] Voir les caractéristiques données par Lénine, dont cet énoncé est un condensé, op. cit., p. 114.

[17] Lénine, op. cit., p. 75 et 111.

[18] Karl Marx et Friedrich Engels, L’idéologie allemande, Paris, Éditions sociales, 1968, p. 63. Les soulignés sont ceux des auteurs.

[19] R. Hilferding, Le Capital financier, Paris, Les éditions de Minuit, 1970, p. 317-318. Cette définition de Hilferding est reprise en particulier par Lénine, op. cit., p. 57-58, et par Nicolas Boukharine dans un ouvrage de 1915, L’économie mondiale et l’impérialisme, Paris, Anthropos, 1969, p. 64. Elle a aussi été le fondement de la démarche de nombreuses études sur le capital financier réalisées en particulier dans les années 1970. Voir à ce sujet mon livre Économie mondiale et impérialisme, Montréal, Boréal, 1983, en particulier le chapitre 3, intitulé « Capital financier et parasitisme ».

[20] K. Marx, Le Capital, livre III, tome I, Paris, Éditions sociales, 1969, p. 324.

[21] K. Marx, op. cit., livre III, tome II, p. 41-42.

[22] Op. cit., p. 55.

[23] Voir son article de novembre 1979, intitulé « Capital financier et groupes financiers : recherche sur l’origine des concepts et leur utilisation actuelle en France », publié en 1981 dans Internationalisation des banques et des groupes financiers, sous la direction de Charles-Albert Michalet, Paris, Éditions du CNRS. Chesnais s’est inlassablement appuyé depuis lors sur ces éléments clés de l’analyse de Marx dans ses nombreux écrits.

[24] Karl Marx, Le Capital, Livre III, tome II , Éditions sociales, Paris, 1970,  p. 129.

[25] Ibidem.

[26] Idem, p. 139.

[27] Manifestes, thèses et résolutions des quatre premiers congrès de l’Internationale communiste, 1919-1923, Librairie du travail, Paris, 1934 ; réimpression en fac-similé, Maspero, Paris, 1972, p. 86.

[28] Karl Marx, Le Capital, Livre III, tome II, Éditions sociales, Paris, 1970, p. 130.

[29] Op. cit., p. 131-132.

[30] Hedge funds et private equity funds.

[31] Pour les premières décennies de ces développements, voir la section intitulée « Les étapes de la libéralisation et de la mondialisation financières », dans l’Introduction générale de François Chesnais à La mondialisation financière, genèse, coûts et enjeux, sous la direction de François Chesnais, Paris Syros, 1996, p. 23-29.

[32] Des extraits de cette section ont été publiés le 14 septembre 2009 dans Le Devoir sous le titre « Le G20 s’attaquera-t-il aux vrais problèmes ? ».

[33] « A special report on the future of finance », The Economist, 24 janvier 2009, p. 16.

[34] Op.cit., p. 20.

[35] The Economist, 14 février 2009, p 81-82.

[36] FMI, Global Financial Stability Report, avril 2009, p. 5.

[37] Idem, p. 177. La répartition était la suivante : capitalisation boursière, 65 106 milliards de $, titres de dette publique, 28 629 milliards de $, titres de dette privée, 51 586 milliards de $, actifs bancaires, 95 768 milliards de dollars.

[38] Banque des règlements internationaux, Monetary and Economic Department, OTC derivatives market activity in the second half of 2008, mai 2009, p. 7. Les deux tiers de ce montant consistaient, en juin 2008, en contrats (trocs et options) sur les taux d’intérêt, 9 % en opérations sur devises, 8,5 % en titres de garantie contre la défaillance d’actifs, 3 % en contrats à terme, trocs et options sur actions et denrées, et le reste en opérations diverses.

[39] Idem, p. 10.

[40] The Economist, 8 août 2009, p. 64.

[41] Frédéric Lordon, Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières, Paris, Raisons d’agir, 2008, p. 94-97.

[42] Incorrectement désigné comme le « prix Nobel d’économie », ce prix étant décerné par la Banque de Suède et non par la Fondation Nobel.

[43] Extrait de « A special report on the future of finance », op. cit, p. 22. La traduction est de moi.

[44] The Economist, 12 septembre 2009, p. 75.

[45] Luc Laeven et Fabian Valencia, « Systematic banking crises : a new database », IMF Working Paper WP/08/224, septembre 2008.

[46] Barry Eichengreen et Michael Bordo, « Crises now and then : what lessons from the last era of financial globalization ? », NBER Working Paper 8716, janvier 2002. Voir aussi François Chesnais « Mondialisation financière et vulnérabilité systémique », chapitre 8 de La mondialisation financière, genèse, coûts et enjeux, op. cit., p. 251-295.

[47] Statistiques internationales du FMI et The Economist, 15 août 2009, p. 10, et 20 juin 2009, p. 63-65. La période de référence de 1997 à 2007 pour laquelle ces calculs ont été effectués comprend la crise de 1997-1998, qui a frappé les pays émergents et les pays du BRIC, et celle de 2001-2002, qui a surtout frappé les pays avancés.

[48] 35 % en bons du Trésor des États-Unis, 23 % en obligations de diverses agences des États-Unis, dont Freddie Mac (Federal Home Loan Mortgage Corporation) et Fannie Mae (Federal National Mortgage Association), 8 % en d’autres actifs des États-Unis et 35 % en actifs libellés en d’autres devises

[49] Le dollar s’est dévalué de 10 % au cours des six mois qui ont suivi le creux  boursier du début de mars 2009. Le prix de l’or a suivi le mouvement inverse pour dépasser les 1 000 dollars l’once et atteindre un record historique en valeur nominale. Il avait atteint 845 dollars l’once en janvier 1980, ce qui représente plus de 2 000 dollars en prix d’aujourd’hui.

[50] Avec 17 % des droits de vote au FMI, les États-Unis disposent d’un droit de véto effectif, les décisions devant être prises à une majorité de 85 % des voix.

[51] Les grandes puissances industrielles que sont devenues l’Inde, la Corée du sud et le Brésil, avec 1,89 %, 1,38 % et 1,38 % des votes respectivement, ont chacune moins de poids que la Belgique avec 2,09 % des votes.

[52] L’Arabie saoudite, la Belgique et la Suisse sont parmi les pays « surreprésentés », leur part des quotas en proportion de la part de leur PIB dans le PMB étant respectivement 3,8, 2,6 et 2,2. L’Inde, le Japon, le Brésil, les États-Unis et la Chine sont parmi les pays « sous-représentés », la part de leurs quotas représentant respectivement 90 %, 80 %, 70 %, 70 % et 50 % de la part de leur PIB dans le PMB. Il va sans dire que la « sous-représentation » des États-Unis ne leur enlève pas leur droit de véto (voir l’avant-dernière note).

[53] Diminutif de Government National Mortgage Association.

[54] Wall Street Journal, 11 août 2009.

[55] Leaders’ Statement : The Pittsburgh Summit, september 24-25, 2009, http://www.pittsburghsummit.gov/mediacenter/129639.htm.

[56] Le Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board) du G20 remplace le Forum de stabilité financière (Financial Stability Forum) du G8.

[57] Agence France-Presse-Le Devoir, 27 août 2009. Ce projet est aussi mis de l’avant, entre autres, par Paul Volcker, ancien président de la Réserve fédérale des États-Unis, devenu conseiller du président Obama.

[58] Voir mon article intitulé « À l’origine des crises : surproduction ou sous-consommation ? », publié dans la revue Carré rouge, no 40, avril 2009, et disponible sur le site des Classiques des sciences sociales.



Retour au texte de l'auteur: Louis Gill, économiste québécois, retraité de l'UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 7 février 2011 12:01
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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