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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Louis Gill (économie), Jean-Pierre Cheneval (Biologie), Donna Mergler (Biologie), Jules Duchastel (Sociologie), “Pour la défense de la démocratie dans notre syndicat. Non au vote par référendum ! Contribution au débat sur la proposition d'amendement aux Statuts du SPUQ proposée par l'Exécutif.” Montréal, Québec : 12 septembre 1979, 5 pp. [Texte diffusé dans Les Classiques des sciences sociales avec l'autorisation de l'auteur accordée le 28 avril 2021.]

“Pour la défense  de la démocratie dans notre syndicat.
Non au vote par référendum !
Contribution au débat sur la proposition d'amendement
aux Statuts du SPUQ proposée par l'Exécutif
.

Montréal, Québec : le 12 septembre 1979, 9 pp.

Note préliminaire

Pour la défense de la démocratie dans notre syndicat !

1. LES STATUTS DU SPUQ, GAGES D'UN FONCTIONNEMENT SYNDICAL DÉMOCRATIQUE

La constitution du SPUQ

2. DE NOUVEAUX "MÉCANISMES DÉMOCRATIQUES" ?

A – Le vote par référendum

B – Le vote par référendum, prélude à d’autres modifications

Le vote par assemblée départementale ou pavillonnaire
Les élections aux comités du syndicat
La représentation à la Commission des études
Défendre nos acquis organisationnels

Louis Gill, Économie
Jean-Pierre Cheneval, Biologie
 Donna Mergler, Biologie
Jules Duchastel, Sociologie

le 12 septembre 1979

Note préliminaire

Fondé le 8 juin 1970 en tant que syndicat affilié à la CSN, le SPUQ a été accrédité le 23 janvier 1971. Il a signé sa première convention collective le 29 octobre 1971 après deux semaines et demie de grève. Cette grève avait été précédée par celle, d’une semaine, du Syndicat des employés de soutien (SEUQAM) en avril 1971.

Par la suite, le 11 mai 1972, le SPUQ a débrayé illégalement pendant 24 heures pour appuyer la grève générale des 200 000 syndiqués des secteurs public et parapublic, provoquée par l’emprisonnement des présidents des trois centrales syndicales, Marcel Pepin, Louis Laberge et Yvon Charbonneau.

En 1976-1977, il a fait une grève qui a duré quatre mois pour bloquer la tentative patronale d’implantation d’une réforme connue comme la Réforme Després, dont l’objectif était de balayer d’un trait de plume les acquis démocratiques de la nouvelle université.

Cette grève avait été précédée, à l’hiver 1973, par un débrayage étudiant de cinq semaines, puis par une grève de quatre semaines des employés de soutien, déclenchée en mars 1976. Ce fut ensuite le Syndicat des chargés de cours, accrédité le 9 février 1978, qui mena une grève de deux mois à la session d’hiver 1979, au terme de laquelle une première convention collective a été imposée par voie d’arbitrage.

Inutile de dire que ces nombreux conflits ont été la source de fortes tensions au sein du corps professoral, qui se sont soldées, à l’assemblée générale du 18 mai 1979, par la défaite à l’Exécutif du SPUQ, de l’équipe incarnant la continuité militante du syndicat.

Dès son entrée en fonction, la nouvelle équipe a proposé d’importants amendements aux statuts du syndicat, dont celui du « vote par référendum », auquel ont réagi, notamment, les signataires du présent document.

Louis Gill, le 20 avril 2021


POUR LA DÉFENSE
DE LA DÉMOCRATIE
DANS NOTRE SYNDICAT !


En mai dernier, en prévision des élections à l’Exécutif du SPUQ, l'équipe Lefebvre-Janvier-Maurice-Braitstein-Vaillancourt faisait connaitre sa plateforme électorale à l'aide d'un document adressé « Aux membres du syndicat des professeurs de l'Université du Québec à Montréal (SPUQ-UQAM) », daté du 7 mai 1979. Les candidats de cette équipe qui constituent aujourd'hui la majorité de notre Exécutif disaient, entre autres, vouloir mettre de l'avant :

Un syndicat démocratique ...

dont les mécanismes démocratiques pourront être repensés si les membres le désirent, de façon à ce qu'ils puissent prioritairement décider des mécanismes qu'ils jugent le plus propres à exprimer leurs opinions (par exemple: utilisation des votes par assemblée départementale, pavillonnaire, par référendum, par assemblée générale), ceci dans le contexte d'une ouverture inconditionnelle de l'exécutif à l'opinion de ses membres

Aujourd'hui, l'Exécutif élu nous propose une première série d'amendements à nos statuts qu'il souhaite voir adoptés dès l'assemblée générale du 28 septembre, c'est-à-dire dans deux semaines. Ces amendements visent essentiellement à introduire dans un premier temps la pratique du vote par référendum sur une foule de questions, dont les amendements ultérieurs à ces statuts, soustrayant ainsi une part importante de la souveraineté de l'assemblée générale. D'autres amendements, nous informe-t-on, seront amenés plus tard; ils ont trait au mode de représentation et d'élection à l'Exécutif, à la composition du comité de négociation, au vote sectoriel, etc.

Nous croyons que le processus engagé par cette proposition d'amendement visant à introduire le vote par référendum est excessivement lourd de conséquences pour l'avenir de notre syndicat. Même si l'Exécutif ne propose, pour l'instant, de n'introduire qu'une des mesures évoquées dans son programme électoral, nous croyons qu'il est la voie ouverte à l'instauration dans notre syndicat d'un fonctionnement général dont nous nous devons de faire ressortir toutes les dimensions et conséquences.

Nous pensons qu'une réflexion et un débat sur cette question doivent être amorcés parmi les professeurs qui, au premier coup d'œil, pourraient se laisser convaincre du caractère en apparence démocratique des mesures proposées. Nous soumettons ce texte comme contribution à ce débat.

Par ailleurs, nous tenons à souligner le caractère hâtif de cette proposition de l’Exécutif qui propose l'adoption d'un amendement d'une telle envergure, deux semaines seulement après l'avoir communiqué pour la première fois aux membres. Cet empressement est d'autant plus problématique qu'à l'occasion de deux Conseils syndicaux successifs (le 30 août et le 6 septembre), l'Exécutif a catégorique ment refusé de livrer au Conseil quelque indice que ce soit des propositions qu'il s'apprêtait à soumettre pour adoption, invoquant alors le caractère non encore définitif de ces propositions. Nous croyons qu'abordé de cette manière le « débat » risque fort de ne pas se faire « dans le contexte d'une ouverture inconditionnelle de l'Exécutif à l'opinion de ses membres », pour reprendre les termes mêmes utilisés par l'équipe Lefebvre dans sa plateforme électorale et réitérés verbalement par après.

1 - LES STATUTS DU SPUQ,
GAGES D'UN FONCTIONNEMENT
SYNDICAL DÉMOCRATIQUE


Il nous semble important dans un premier temps, dans l'intérêt des nouveaux membres du SPUQ, mais aussi pour ceux qui y militent depuis longtemps, de dresser un bref tableau récapitulatif de notre fonctionnement syndical, des règles de ce fonctionnement en vigueur depuis que le syndicat a été fondé, des raisons qui nous ont amenés à les choisir et qui nous motivent aujourd’hui à les défendre.

En 1975, pour marquer son cinquième anniversaire et dans le cadre de la préparation de sa troisième convention collective, le SPUQ publiait un dossier historique intitulé Syndicalisme et Pouvoir à l'Université, dans lequel nous étions amenés, en rappelant les grands traits de notre vie syndicale au cours de ces cinq premières années, à expliquer le sens de nos structures syndicales, l'articulation entre les diverses instances, la signification et la portée des mandats syndicaux, etc.

Il nous semble utile de reproduire ici quelques paragraphes de ce dossier historique (p. 22-24) qui s'adressent spécifiquement à la constitution du SPUQ et au fonctionnement démocratique qu'elle assure.

La constitution du SPUQ

Ce fonctionnement démocratique que les professeurs syndiqués ont voulu implanter dans leur travail quotidien, est aussi la caractéristique dominante de leur fonctionnement syndical. La constitution qu'ils adoptent avec sa structure à trois niveaux, Exécutif, Conseil syndical, Assemblée générale, et la révocabilité en tout temps de tous les responsables du syndicat à quelque niveau que ce soit, en est l'expression concrète. L'Assemblée générale est souveraine, elle se réunit statutairement deux fois par année, mais elle peut être convoquée en assemblée spéciale à tout moment. Elle est la seule habilitée à prendre certaines décisions comme l'acceptation ou le rejet d'une convention collective, le déclenchement et l’interruption d'une grève, la fixation de la cotisation syndicale, etc. Entre les assemblées générales, c'est le Conseil syndical qui prend toutes les décisions. Le Conseil syndical n'est pas un Exécutif élargi, c'est le regroupement de tous les délégués syndicaux élus par les départements à raison d'un délégué par tranche de dix professeurs, ainsi que des membres de l’Exécutif. Il reflète ainsi les structures du milieu de travail et permet à tous les syndiqués d'avoir une prise directe sur le syndicat.

« Le délégué syndical transmet au Conseil syndical les décisions ou propositions de son département et défend les positions de son département auprès du Conseil.

Le délégué syndical transmet à son département les politiques et décisions du Conseil syndical.

De par la constitution, le Conseil syndical doit se réunir au moins 4 fois par année. Il se réunit en fait 1 ou 2 fois par mois.

Le Conseil syndical élit les professeurs responsables des divers comités du syndicat. Le Conseil syndical fixe les mandats des responsables au sein des comités.

Les responsables des divers comités font rapport mensuellement au Conseil syndical.

Chaque responsable a une tâche précise. L'accomplissement des tâches est contrôlé par le Conseil syndical. Chaque responsable est mandaté par le syndicat et non par lui-même. »

Si le rôle du délégué syndical est de défendre au Conseil les positions de son département, le Conseil n'est toutefois pas conçu comme un organisme où chaque délégué arrive avec un mandat contraignant dont il ne pourrait déroger sous aucun prétexte. Le Conseil syndical ne saurait· être la simple somme arithmétique des délégués syndicaux des divers départements. C'est dans la discussion que les divers points de vue se confrontent, que des éléments nouveaux peuvent ressortir et que des décisions éclairées se prennent à la majorité des voix, dans le plus complet exercice de la démocratie. Le délégué syndical muni d'un mandat dont certaines conséquences lui auraient échappé (à lui et à son assemblée départementale) et qui aurait été amené à voter dans un sens modifié, voire même complètement différent de ce que lui demandait son mandat, aurait ensuite la tâche d' expliquer à son assemblée le sens de ce vote. Tout au long de la courte histoire du SPUQ, c'est le Conseil syndical qui a été le cœur de son fonctionnement, qui a été saisi de tous les types de problèmes, qu'ils soient de nature syndicale, académique, politique ou sociale.

Au troisième niveau de la structure du SPUQ se trouve l'Exécutif. En soi, l'Exécutif n'a aucun pouvoir décisionnel. Son pouvoir en est un d'exécution des décisions de l'Assemblée générale et du Conseil syndical, et d'orientation des politiques syndicales; ces politiques ne deviendront celles du syndicat qu'après avoir été soumises à l'instance décisionnelle appropriée et adoptées par elle. Son rôle est aussi un rôle de chien de garde des droits des professeurs et de vérification (presque quotidienne) du respect de la convention collective par l'administration.

« De par la constitution, l'Exécutif doit se réunir au moins une fois par mois. En fait, il se réunit une fois par semaine.

C'est un Comité d'organisation dont la tâche centrale réside dans le maintien et le contrôle de l'indépendance des salariés en face des administrateurs-patrons.

L'Exécutif a pour tâche d'assurer que tous les responsables du syndicat soient véritablement des représentants du syndicat et non pas des "mandatés individuels". En même temps, il a pour tâche d'assurer que les représentants du syndicat à tous les niveaux, et le syndicat comme tel, ne soient pas intégrés par la "structure-participation" de décision patronale.

L'Exécutif prépare aussi et amorce le travail de discussion et d'étude des positions adoptées au niveau de la Centrale et du Conseil central, ainsi que les implications syndicales et politiques du travail syndical ».

Ce fonctionnement syndical deviendra un modèle dont s'inspireront de nombreux syndicats. En particulier, au cours de l'année 1972-73, plusieurs membres du SPUQ seront invités par le Conseil central des syndicats nationaux de Montréal (CCSNM) et le Centre de formation populaire à participer à des sessions de formation syndicale pour y parler du fonctionnement de notre Conseil syndical à des syndiqués de tous les secteurs. Un texte préparé à cet effet par le SPUQ sera par la suite largement diffusé tout comme le texte de notre constitution, à la demande de nombreux syndicats.

Ces structures syndicales, nous les avons adoptées lors de la fondation de notre syndicat et nous les défendons aujourd'hui parce qu'elles sont la garantie d'un fonctionnement syndical démocratique, qui favorise les débats, la confrontation des positions sur toutes les questions qui nous concernent parmi l'ensemble des professeurs, quel que soit le département ou le secteur auquel ils appartiennent; qui favorise la prise directe de l'ensemble des syndiqués sur leur syndicat par leur participation active aux débats et discussions. Cette prise directe s'exerce au niveau décisionnel le plus élevé du syndicat, celui de l'Assemblée générale, sur les questions les plus importantes; elle s'exerce au niveau du conseil syndical pour toutes les autres questions, via la représentation proportionnelle des départements fondée sur le principe de la délégation, l’attribution et le contrôle des mandats et la révocabilité en tout temps des élus à tous les niveaux par les instances qui les ont élus.

Ces structures sont la garantie d'une vie syndicale réelle, intégrée, unifiée, au sein d'instances qui transgressent, tout en les intégrant, les particularismes départementaux et sectoriels et qui s'articulent les unes aux autres dans un mouvement démocratique et vivant qui fait la force de notre syndicat.

2 - DE NOUVEAUX
"MÉCANISMES DÉMOCRATIQUES" ?


A – Le vote par référendum

Une conception différente de la vie syndicale s'oppose à celle que nous venons de décrire et que nous avons implantée et vécue au cours des neuf années de notre existence. Les éléments de base de cette conception ont été évoqués dans la plateforme électorale de l'équipe qui constitue aujourd'hui la majorité de notre exécutif, ouvrant la perspective d'une modification éventuelle de nos statuts dans le sens "par exemple (de) l'utilisation des votes par assemblée départementale, par assemblée pavillonnaire, par référendum"… Comme première mesure en ce sens, l'Exécutif propose aujourd'hui d'amender nos statuts et d'y introduire la pratique du vote par référendum. Les défenseurs de cette conception, dans notre syndicat comme ailleurs, appuient généralement leurs propositions sur le caractère prétendument plus démocratique du fonctionnement syndical qu'elles permettraient d'assurer. Le vote par référendum par exemple, par le biais de boîtes de scrutin s déposées dans chaque pavillon, permettrait d'associer un plus grand nombre de professeurs à une décision et serait de ce fait plus démocratique que le vote en assemblée générale. Nous voulons montrer par cette contribution que ces mécanismes, même s'ils peuvent apparaitre au premier coup d'œil comme favorisant une plus grande démocratie dans le syndicat, parce que susceptibles d'accroitre le nombre des participants aux votes, conduit en fait directement au contraire.

La vie d'un syndicat, son caractère démocratique, son véritable contrôle par les membres, reposent d'abord et avant tout sur la discussion la plus large, sur la confrontation des opinions, les échanges de vues parmi l'ensemble des syndiqués; ceux-ci sont ainsi amenés à se déterminer non pas individuellement, chacun dans son coin, dans un isoloir, mais collectivement, comme résultat d'un cheminement au terme duquel les opinions individuelles ont été enrichies par la discussion entre membres réunis en fonction d'intérêts communs, de revendications communes face à leurs conditions de travail.

La question du caractère démocratique d'un processus syndical de décision ne peut se réduire aux simples considérations relatives au nombre des votants. Il est de toute première importance, tous en conviennent, d'amener le plus grand nombre et si possible la totalité des syndiqués à participer à un vote, mais il est tout aussi important de les amener à participer à la discussion préalable à ce vote, et que cette discussion soit la plus large possible. On n'a rien gagné sur le plan de la démocratie si on évacue cet aspect et encore moins lorsqu'on met en place des fonctionnements institutionnels (par exemple le vote par référendum au lieu du vote en assemblée générale) qui ne favorisent pas une telle discussion démocratique préalable et à la limite l'évacuent complètement. Un tel résultat constitue non pas un progrès mais plutôt un recul de la démocratie syndicale.

La tenue d'une assemblée générale « permettant l'échange d'information et la discussion… avant la tenue du référendum », comme le propose l’amendement de l'Exécutif, assemblée dépouillée de sa souveraineté, n'apporte pas de solution à ce problème. Combien de syndiqués iront quand même voter sans avoir été associés à cette discussion et sans être pleinement informés ? Combien seront même motivés à participer à une telle assemblée amputée de sa souveraineté ?

Avec la pratique du vote par référendum, les instances démocratiques décisionnelles du syndicat, Assemblée générale et Conseil syndical, lieux privilégiés où se déroulent les débats essentiels à la vie syndicale, en viennent à être vidées de leur contenu, court-circuitées. Mis au compte d'une plus grande participation des syndiqués, le vote par référendum n'a rien à voir avec un élargissement de la démocratie. Il en est plutôt l'envers. Il conduit directement à la destruction de toute vie syndicale à la base. Il fait des syndiqués une somme d'individus atomisés qui se déterminent seuls chacun dans leur coin.

Il déplace en conséquence et inévitablement le pouvoir décisionnel de la base vers le sommet, engendre un processus de bureaucratisation du syndicat, où tout se fait désormais au niveau de 1'Exécutif. Il n'y a alors plus vraiment de structure à trois niveaux où les pouvoirs de l'Exécutif (fort limités dans la constitution actuelle de notre syndicat) sont constamment contrôlés et surveillés par la base, en l'occurrence l'Assemblée générale et le Conseil syndical. Il y a plutôt un ensemble d'individus syndiqués, maintenus dans l'isolement, sans lieu réel de discussion et de concertation, face à un exécutif dont les pouvoirs réels sont de facto considérablement étendus; au sein même de l'Exécutif ces pouvoirs en viennent à se concentrer dans la personne de son président. L'Exécutif s'érige en superstructure au-dessus des membres, concentre et contrôle tous les dossiers, dont la plupart demeurent « internes » à l'Exécutif. À la limite, il forme lui-même les comités du syndicat, définit et contrôle les mandats, désigne les membres de ces comités, décide des questions qu'il veut soumettre aux membres par voie de référendum, fait l'arbitrage sur toute question litigieuse, cumule dans les faits les pouvoirs du conseil syndical qui est réuni de moins en moins souvent, s'arroge tous les pouvoirs résiduels, prend et exécute toutes les décisions à l'exception de celles qui sont explicitement mentionnées dans les statuts comme devant être l'objet d'une décision de l'ensemble du syndicat, comme la décision de déclencher une grève ou de la terminer et l’adoption ou le rejet d'une convention collective.

Il n'y a pas de substitut à la discussion réelle parmi les membres comme garantie d'un fonctionnement syndical démocratique. Il n'y a pas de voie alternative par exemple du côté des "sondages de l'opinion des membres" (corollaires du vote par référendum), organisés au sommet par l'Exécutif du syndicat qui viserait ainsi à recueillir le pouls des syndiqués pour l'éclairer dans la prise de décisions. Les mêmes arguments sont en général utilisés pour justifier ce type de "consultation" des membres qui permettrait d'atteindre un plus grand nombre de syndiqués et serait par conséquent plus démocratique. Les mêmes critiques aussi s'adressent à ce "syndicalisme de boite postale" qui consiste à sonder les opinions individuelles de membres ainsi associés isolément à un "débat" dont la conclusion se résume à une addition comptable d'opinions séparées, effectuée au sommet par un Exécutif qui est amené à prendre lui-même des décisions à partir d'évaluations qu'il fait de ces opinions compilées. Inutile de dire qu'un tel procédé, corollaire du vote par référendum et relevant de la même conception d'un fonctionnement du syndicat, n'a rien à voir avec un élargissement de la démocratie syndicale. Ce sont là des méthodes étrangères aux traditions du mouvement syndical, destructrices de e la vie syndicale. Elles conduisent tout droit à la dislocation du syndicat, à sa liquidation, à sa transformation en syndicat de boutique.

B – Le vote par référendum,
prélude à d’autres modifications


Pour l'instant, l'Exécutif ne propose qu'un amendement, même s'il est de taille : l’introduction du vote par référendum. Ce changement, s’il était adopté, serait par contre le prélude à l’introduction future des autres volets du type de fonctionnement dont il n’est qu’une partie constituante. Il nous semble donc important de faire ressortir dans cette contribution toutes les dimensions et conséquences des mesures déjà annoncées par l'Exécutif dans sa plateforme électorale.

Le vote par assemblée départementale
ou pavillonnaire


Le vote par assemblée départementale ou pavillonnaire, qu'il se fasse en assemblée délibérante ou par referenda sectoriels (cette possibilité est ouverte dans la proposition d'amendement de l'Exécutif à l'article 8) soulève les mêmes problèmes de fond que la pratique du vote par referendum. Ce mode de votation enferme les syndiqués d'un département ou d'un secteur dans leurs particularismes et tend à instaurer un fonctionnement en vase clos, érige des cloisons entre des groupes de professeurs dont les intérêts et les revendications générales sont les mêmes face à un même employeur, mais qui sont ainsi poussés à voir ces intérêts comme divergents, les place inévitablement dans des positions où leurs décisions parfois différentes les unes des autres, prises de part et d'autre sans débat unifié, s'affrontent, s'opposent, confinent à l'isolement et à la division. Un tel fonctionnement mis frauduleusement au compte d'une plus grande démocratie est, source de division et d'affaiblissement du syndicat. Des départements, secteurs ou pavillons, pourraient ainsi, à la suite de votes isolés sans débat général impliquant l'ensemble des professeurs, être amenés à adopter un projet de convention collective alors que d'autres le rejetteraient. Des fractions importantes du corps professoral syndiqué, au lieu de continuer à débattre et à défendre leur point de vue au sein d'un syndicat fonctionnant dans l'unité selon les règles de la majorité, pourraient en être amenés à se dissocier comme groupe d'une décision majoritaire , et à la limite quitter en bloc le syndicat comme l'ont fait les professeurs du département d'administration au moment de la grève du SPUQ en 1976.

Ces remarques ne signifient pas qu’il ne doit pas y avoir de discussions et de débats au niveau local, dans les départements, bien au contraire. Le principe même de notre fonctionnement syndical quotidien depuis ses débuts part de l'unité de travail qu'est le département pour y revenir par le biais des délégués syndicaux et du Conseil syndical, cœur de notre vie syndicale où les points de vue de chaque département peuvent être amenés et débattus, rompant ainsi l'isolement de chaque département et permettant aux problèmes particuliers des départements de prendre toute leur place dans les préoccupations d'ensemble du syndicat. Ce fonctionnement, fondé sur le principe syndical essentiel de la délégation, du contrôle des mandats et de la révocabilité en tout temps des délégués, ne peut être efficace et démocratique que si les débats ont lieu au niveau local; mais à l'inverse, ces débats ne peuvent en rester au seul niveau local. Encore une fois, un syndicat démocratique véritable ne peut être fondé sur une multitude de fonctionnements locaux non organiquement reliés les uns aux autres. Un syndicat n’est pas la somme de composantes séparées, coordonnées au sommet par un Exécutif qui ferait l'arbitrage entre ces composantes.

Les élections aux comités du syndicat

Pour les mêmes raisons, l'élection de nos représentants aux divers comités que nous mettons sur pied ne peut pas non plus être fondée sur un principe de représentation sectorielle et à partir de votes sectoriels. Nos représentants à ces divers comités sont les représentants de tout le syndicat. Ils y sont pour défendre l'intérêt général de l'ensemble des professeurs (qui intègrent les intérêts particuliers des divers groupes ou secteurs) et non seulement les intérêts particuliers de chaque groupe qui les délèguerait (comme par exemple les intérêts des Sciences humaines contre ceux des Arts dans un contexte où ces intérêts seraient vus comme conflictuels.

Au comité de négociation, pour prendre un cas concret, il est abord et avant tout essentiel de rechercher l'équipe de négociateurs qui est la mieux en mesure de défendre un projet de convention préparé collectivement et devant régir les conditions de travail de l'ensemble des professeurs. Il est essentiel pour accomplir pleinement sa tâche, que cette équipe possède la meilleure connaissance possible des conditions particulières de chaque secteur, de manière à ce que les revendications particulières, intégrées aux revendications générales, soient adéquatement défendues par le comité.

C'est ce qui justifie qu'on ait toujours recherché, même si cela n'était pas une question de principe à respecter absolument, à diversifier la composition du comité de négociation de manière à assurer une représentation des divers secteurs. Dans cette perspective, il appartient à l'Assemblée générale et à elle seule d'élire son comité de négociation, de désigner en somme ceux qu'elle croit les plus aptes à défendre le projet de convention de tous les professeurs.

Pour les mêmes raisons, tous les autres comités du syndicat doivent être élus par les instances du syndicat, Assemblée générale ou Conseil syndical, comme investis d'un seul mandat donné par le syndicat dans son ensemble (directement par son Assemblée générale, ou indirectement par voie de délégation, par le Conseil syndical) et non pas d'une somme de mandats en provenance de diverses composantes sectorielles.

La représentation à la Commission des études

C'est ce principe de représentation et d'élection que nous avons toujours défendu en ce qui concerne la Commission des études, où nos représentants sont élus à la suite de débats en assemblée générale (même si nous n'avons pas encore gagné que cette assemblée soit une assemblée générale du syndicat). Même s'il existe à la Commission des études une représentation sur une double base, sectorielle et fonctionnelle, nous élisons nos représentants en assemblée générale et non dans des assemblées réunies sur une base sectorielle ou fonctionnelle. Il faut noter d'ailleurs que cette représentation sectorielle et fonctionnelle, même à une instance pédagogique comme la Commission des études, est tout à fait discutable. Cette composition de la représentation professorale à la C.E., en place depuis la signature de notre première convention en 1971, est le résultat d'un compromis de négociation dans lequel le syndicat avait finalement adopté la proposition patronale; la demande syndicale prévoyait une représentation de six professeurs choisis en assemblée générale du syndicat sans contrainte quant à leur fonction ou leur appartenance à un secteur.

La représentation à l'Exécutif du SPUQ

La question de la représentation se pose dans des termes différents à l'Exécutif de notre syndicat, composé d'un président, deux vice-présidents, un secrétaire, un trésorier et cinq directeurs de pavillon. La représentation pavillonnaire à l'Exécutif, c'est-à-dire la moitié de l'Exécutif (5 membres sur 10) n'est pas une représentation sectorielle [1]. Elle a été prévue pour répondre aux besoins pratiques de fonctionnement liés à la répartition spatiale de pavillons qui constituent le campus de l'UQAM. Elle permet d'assurer le lien direct, au jour le jour, entre l'Exécutif et les délégués syndicaux des divers départements, appartenant ou non au même secteur, dans un même pavillon. Cette représentation, visant à assurer le meil1eur fonctionnement pratique du syndicat et qui s'est adaptée au cours des années aux nombreux déménagements qu'a connus l'UQAM devra de nouveau être modifiée pour tenir compte du récent déménagement au nouveau campus. Elle doit cependant demeurer une représentation pavillonnaire répondant aux conditions pour lesquelles elle avait été pensée à l'origine, conditions qui subsistent aujourd'hui dans un même contexte de répartition géographique des pavillons. Pour les raisons déjà exposées, nous devons nous opposer à ce qu'elle devienne autre chose, c'est-à-dire une représentation sectorielle. Nous devons aussi continuer à élire notre Exécutif, non par voie d'élection par boites de scrutin réparties dans les pavillons, mais selon les modalités présentement dans nos statuts, en Assemblée (générale ou pavillonnaire selon les postes), seule méthode qui permet des débats larges et ouverts sur les candidatures suivis d'un vote significatif, parce qu'éclairé par ces débats.

Défendre nos acquis organisationnels

Nous avons rappelé dans cette contribution ce que sont nos structures syndicales. Il faut insister sur le fait que ce sont ces structures qui nous ont permis de lutter pour obtenir ce que nous avons obtenu jusqu'à maintenant, c'est-à-dire la meilleure convention collective au niveau universitaire; ce sont là des acquis que nous devons conserver et améliorer. Certains croient aujourd'hui, au moment où nous négocions notre 4e convention, que cela est déjà gagné d'avance, que l'administration actuelle serait plus conciliante que les administrations passées, etc. Nous croyons qu'il serait pour le moins dangereux qu'un tel sentiment se développe. Nous devons défendre nos victoires passées et, pour cela, nous devons défendre nos acquis organisationnels, ceux-là mêmes qui, à travers les débats les plus larges, le contrôle le plus direct sur notre syndicat, nous ont permis ces victoires passées.

 En résumé, les perspectives de modification de nos statuts dans le sens du « vote par referendum, par assemblée départementale ou pavillonnaire », nous conduisent à la désarticulation du syndicat, à la réduction progressive de la souveraineté des instances démocratiques du syndicat (AG et CS) et par conséquent à leur élimination de facto; cela amènerait inévitablement un gonflement du rôle et des pouvoirs de l'Exécutif qui se trouverait érigé en superstructure au-dessus des membres et des instances et en absorberait les pouvoirs. La mise en place d'un tel fonctionnement serait l'amorce de la liquidation de notre syndicat comme regroupement démocratique et combatif, voué à la défense de nos revendications, et indépendant face à l'administration de l'UQAM, de l'UQ et du gouvernement.



[1] Elle l’est devenue en 1980.



Retour au texte de l'auteur: Louis Gill, économiste québécois, retraité de l'UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 14 août 2021 9:47
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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