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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du livre d'Hubert Van Gijseghem, “La recherche de la vérité en matière d'allégation d'abus sexuel: situations difficiles.” in Revue canadienne de psycho-éducation, vol. 25, no 2, 1996, pp. 141-157. [Le 30 janvier 2014, l'auteur, Hubert Van Gijseghem, nous accordait son autorisation formelle de diffuser, dans Les Classiques des sciences sociales, en accès ouvert et gratuit à tous, toutes ses publications.]

[141]

Hubert Van Gijseghem, Ph.D. *

psychologue, professeur émérite, Université de Montréal

La recherche de la vérité
en matière d'allégation d'abus sexuel :
situations difficiles.”

In Revue Canadienne de psycho-éducation, Vol. 25, no 2, 1996, 141-157.

Résumé
Mise en garde
Introduction
La jeune adolescente et la sexualité
L'école et sa culture
Le beau-père et son statut
Les centres d'accueil pour adolescentes
Les institutions pour personnes ayant un handicap
Les professions à risque
Les arénas
Les garderies
Les petites communautés fermées
Les programmes de prévention
Les pratiques éducatives à risque
Les « souvenirs retrouvés »
Conclusion
Abstract
Références


Résumé

Si le danger de fausses allégations d'abus sexuel est bien connu dans les situations de divorce, d'autres contextes moins documentés s'y prêtent tout autant. C'est sur cette délicate réalité que se penche l'auteur de cet article dont le but vise à interpeller la plus grande vigilance.

Mots clés : abus sexuels, allégations, fausses allégations

Mise en garde

Notre société met en lumière une triste réalité pendant longtemps occultée : les abus sexuels. Les études de prévalence dans différents pays occidentaux (par exemple : Finkelhor, 1994) sont éloquentes. L'abus sexuel est un mal social qui, dans l'intérêt des enfants, doit être dévoilé et traité sur le plan sociojudiciaire. Après une décennie et demie d'efforts pour protéger les enfants, plusieurs constats s'imposent. Les mécanismes de prévention, d'éducation, de traitement social et judiciaire, de thérapie ont donné des résultats positifs et prometteurs. La société a dorénavant une conscience aiguë du problème et opte d'emblée pour la « tolérance zéro ». En somme, il est plus facile aujourd'hui à l'enfant abusé de sortir du silence qu'il y a une dizaine d'années.

Par contre, le système connaît d'évidents dérapages. La visibilité accrue des abus sexuels entraîne également une forme d'attention sélective aussi bien chez la population que chez les professionnels des sciences humaines. Aussi l'hypothèse omniprésente d'un abus peut-elle engendrer, dans certaines situations précises, une incidence élevée de « faux positifs », c'est-à-dire des actions découlant d'un abus sexuel qui, en réalité, n'a jamais eu lieu.

Loin de nous l'intention de nier la fréquence dramatique des « vrais positifs » et sans doute d'un nombre encore plus grand de cas d'abus restant occultés. Il nous semble néanmoins important d'attirer l'attention sur des situations potentiellement ambiguës qui risquent de confondre l'intervenant. Comme ces situations révèlent par ailleurs une haute incidence d'abus sexuels réels, elles prêtent d'autant plus à un nombre de faux positifs. C'est dans cette optique et pour le plus grand intérêt de l'enfant, [142] que nous prêcherons ici en faveur de la prudence et du recours le plus judicieux possible au sens critique.

INTRODUCTION

Les fausses allégations d'abus sexuel dans le contexte d'un divorce sont de mieux en mieux documentées. On assiste depuis plusieurs années à une augmentation notable d'allégations là ou d'ex-époux, parents de jeunes enfants de moins de cinq ans), sont impliqués dans des litiges relatifs à la garde ou aux droits d'accès. Diverses études suggèrent qu'environ la moitié de telles allégations ne sont pas fondées sur des faits réels mais résultent plutôt d'une dynamique où l'un des parents croit voir confirmées ses inquiétudes quant au lien abusif de l'autre parent envers leur enfant (Benedek & Schetky, 1985 ; Gardner. 1991 ; Green. 1991 ; Ceci & Bruck, 1995 ; Faller, 1991 : Thoennes & Tjaden, 1990 ; Van Gijseghem, 1991). La plupart des observateurs notent que ces allégations si fausses soient-elles ne sont pas empreintes de mauvaise foi.

Si l'on a longtemps considéré ces situations familiales comme les seules sources de hausses accusations, on observe actuellement que d'autres contextes sont le théâtre d'allégations dont il demeure quelquefois difficile de déchiffrer le bien fondé : par exemple, un jeune adolescent ou préadolescent, fille ou garçon, qui accuse d'abus sexuel un adulte du milieu scolaire ou de sa famille recomposée. Toutefois, contrairement aux guérillas judiciaires impliquant de jeunes enfants, ces allégations sent souvent faites pour ainsi dire de mauvaise foi, bien qu'une analyse plus approfondie de la dynamique où baigne le jeune permette de comprendre son comportement autrement que par la malice.

D'autres contextes ou d'autres milieux peuvent également donner lieu à l'allégation non fondée d’abus sexuel. Nous en examinons ici quelques-uns et nous suggérons à titre d'hypothèses certaines explications du phénomène. Nous verrons tour à tour ce qui peut se passer à l'école, dans les institutions, dans la famille recomposée, dans les arénas, dans les garderies, dans les petites communautés. De plus, nous soulignerons les dangers que comportent certains programmes de prévention et certaines approches thérapeutiques.

La jeune adolescente et la sexualité

Dans Le deuxième sexe. Simone de Beauvoir (1949) décrivait la très jeune adolescente aux prises avec une sexualité naissante plus ou moins empreinte d'angoisse, et comment elle tente d'apprivoiser les émois inhérents. Entre autres, de Beauvoir mentionne les histoires pathétiques qu'elle s'invente autour de tel ou tel homme mûr qui la convoite et éventuellement la séduit. Cependant, les efforts de l'imaginaire ne suffisent pas toujours à juguler l'angoisse tapie dans le désir naissant et la jeune fille passera quelquefois au jeu de la confidence à l'amie de coeur. On assiste alors à de longs chuchotements à propos du présumé comportement séducteur de l'homme à la fois craint et convoité. Il s'agit d'un professeur, d'un beau-frère, d'un beau-père, bref, d'un homme la plupart du temps inaccessible puisque déjà engagé et donc sans risque pour ce qui est de la réalisation du désir. Ces confidences typiques ont pour fonction psychique de donner en quelque sorte corps au fantasme par l'entremise de l'oreille attentive de l'amie, sans compter que le chuchotement procure un plaisir précurseur de l'autre plaisir à venir.

À une époque plutôt muette sur la question sexuelle, les choses en restaient là et le développement normal de l'adolescente y trouvait son compte.

Cependant les choses ont changé et voici ce qui risque aujourd'hui de se produire. La toute jeune adolescente, appelons-la Geneviève, se confie à son amie intime : un adulte de l’école ou de la famille lui fait de l'oeil et [143] présente même un comportement ambigu. La bonne amie qui encourage subtilement le récit par ses propres confidences, se trouve incidemment très au fait des abus sexuels surmédiatisés et, surtout, qui font l'objet de bienveillants mais oh ! combien dangereux efforts de prévention dans les écoles primaires. Zélée, sinon excitée par les confidences de sa copine, elle en parle à sa mère. « Le beau-père de Geneviève lui fait des passes ! ». Non moins avertie, la maman croit de son devoir d'en parler à la voisine. Un signalement est dans l'air et voilà bientôt le représentant de la Protection de la jeunesse qui s'amène discrètement à l'école de Geneviève afin d'avoir avec elle un entretien in privato.

D'emblée, Geneviève nie les faits que semble connaître l'intervenant social, mais elle s'inquiète fort de la provenance de la fuite. Observant le désarroi de la jeune fille, l'intervenant social revient à la charge le lendemain, puis plusieurs autres fois, car c'est là non seulement son rôle mais sa responsabilité. Geneviève se trouve devant un terrible dilemme : affirmer qu'il y a quelque chose ou perdre la face devant sa bonne amie et devant tous ceux qui ont été mis dans le secret à son insu. Ce dernier choix est le pire que puisse envisager l'adolescente de cet âge. En effet, son intégrité narcissique est en jeu ! L'aveu d'avoir menti ne l'exposerait pas seulement à la risée de ses pairs, entachant selon elle son image à tout jamais, mais, pire, cet aveu exposerait surtout son désir sexuel. Or, c'est ce désir qu'elle veut cacher à tout prix, l'ayant d'ailleurs pour ce faire d'abord projeté sur l'adulte en question. C'est là un des paradoxes de la fausse allégation de cette adolescente : pour cacher ce désir, elle finit par faire la révélation exhibitionniste : « Je suis abusée ».

Cette jeune fille finit donc pas confirmer le présumé savoir de l'intervenant social, tout en soulignant « qu'après tout, ce n'était pas si grave ». L'intervenant, muni d'un mandat, n'entend toutefois pas les choses ainsi : il doit agir ! La loi l'y oblige. Et voilà Geneviève prise au piège. Une confidence murmurée dans un contexte psychique précis et complexe devient tout à coup publique. Rendre sa confidence publique, donc lui octroyer un caractère de réalité, représente une moindre perte. La pression des pairs et, plus forte encore, celle de l'adulte perçu comme étant supposé savoir, ne peuvent que sceller son assujettissement. Ajoutons néanmoins qu'une fille mieux construite au plan psychique pourrait davantage résister à cette dynamique et à l'immense pression qui émane de l'enchaînement des événements.

L'histoire créée de toutes pièces peut avoir comme théâtre l'école - tel professeur, tel animateur - ou la famille élargie. L'homme désigné est presque toujours un être investi par la fille d'une façon ambivalente (idéalisation - désir - peur). Cet adulte, abasourdi par l'allégation, par son renvoi du travail ou par son arrestation, n'aura aucun moyen de « prouver » ce qui ne s'est pas produit car si l'on peut prouver un fait, il est beaucoup plus difficile de prouver l'inexistence d'un fait. Sur le plan social, cet homme ne jouit pas de la présomption d'innocence. L'adolescente qui accuse plus ou moins à son corps défendant doit jouer le jeu pour sauver la face, c'est-à-dire son intégrité narcissique. Quoiqu'à un moindre degré, elle est aussi une victime d'une dynamique qui la dépasse.

L'école et sa culture

Outre le scénario que nous venons de décrire, deux autres scénarios dans le contexte scolaire peuvent également mener à de fausses allégations. Le professeur détesté ou encore « taponneux », c'est-à-dire dont l'approche est jugée trop tactile, prête d'emblée aux rumeurs. Il peut s'ensuivre, par exemple, un complot entre des élèves qui décident de donner une leçon à cet enseignant voire de lui régler son cas. Ce complot prémédité ou tout à fait conscient implique quelques jeunes qui dénoncent carrément le professeur auprès de [144] la direction ou encore qui injectent parmi les élèves une insidieuse rumeur dent les effets seront les mêmes.

Le second scénario prend corps dans la contagion qui émane de verbalisations anodines mais non complotées de façon systématique. Dans les deux cas, il s'agit d'une rumeur qui se répand. Pour comprendre ce phénomène, il faut tenir compte de la culture d'une école secondaire, elle-même déterminée par la dynamique interne de l'être adolescent. Voici comment les choses pourraient se passer dans le second cas. Un professeur taponneux et peut-être maladroitement en quête d'une certaine popularité se promène par trop souvent dans les corridors de la salle des cases, y allant de ses farces jugées « plates ». Invariablement, il frôle ici et là une rondeur surgie de l'habituelle agitation estudiantine dans ces espaces restreints. Inévitablement, quelqu'une finira par s'écrier : « Il m'a pris les fesses l'écoeurant ! », provoquant l'hilarité générale. Personne ne pense encore à un geste délibéré.

Si les élèves jugent le professeur particulièrement embêtant, une rumeur peut se répandre, sans que l'intention d'« éliminer » ce professeur soit véritablement présente. La contagion prend les formes d'un « il a pris les fesses d'une telle » ou « oui, ça m'est arrivé aussi ». Les « témoignages » s'accumulent, et tous considèrent le professeur aux mains baladeuses passablement « con », mais les commentaires restent dans le registre du commérage blagueur jusqu'au moment où un animateur eu autre éducateur captant les propos entreprenne sa propre enquête plus ou moins discrètement. Des adolescents sont interrogés, souvent de façon hypersuggestive, et tous diront connaître au moins une copine à qui c'est arrivé. Ces copines interrogées à leur tour se trouvent encore piégées par de soi-disant faits que tout le monde connaît. Des incidents et des gestes anodins seront exagérés ou réinterprétés. La rumeur, la subtile pression des pairs et toutes les complexités de la dynamique adolescente se conjuguent pour donner lieu à une autre histoire qui vaudra à l’enseignant impliqué d'abord une suspension avec solde, puis sans solde, et finalement des accusations au criminel.

Le beau-père et son statut

Les études empiriques (dont Russell, 1988 et Margolin, 1992) démontrent que les abus sexuels sont le plus fréquemment perpétrés au sein des familles recomposées, et cela par le beau-père ou le nouveau conjoint de maman. Ces données empiriques méritent certes une attentive considération. Dans une famille recomposée, certains hommes fragiles présentent une évidente difficulté à reconnaître l'enfant dans la descendance de sa nouvelle conjointe. Il n'a pas été soumis au processus de désérotisation qui accompagne la paternité naturelle et il est inséré tout de go dans une intimité confuse et ambiguë avec les enfants qu'il n'a pas lui-même engendrés.

Cela dit, le beau-père peut aussi être la proie de fausses allégations sur la seule foi de son statut, particulièrement lorsque les présumées victimes sont adolescentes ou à la veille de le devenir. Voici le scénario le plus fréquent. Les parents sont séparés depuis peu et la mère assume la garde du ou des préadolescents. Ceux-ci, encore très ébranlés par la séparation, idéalisent leur père dorénavant éloigné. Or, voici qu'un nouveau mâle prend sa place dans la maisonnée : à la table familiale, mais surtout dans le lit maternel et dans le triangle intergénérationnel. Qui plus est, ce substitut paternel reçoit de la mère l'outrageant mandat de l'assister dans l'éducation des enfants, ce qui l'investit d'une autorité réelle ou symbolique mais tout à fait intolérable. Les enfants ne voient en lui qu'un usurpateur indigne de leur loyauté, même si, de facto, ils doivent être soumis à la génération des parents. Quand une préadolescente est impliquée dans une telle situation, des écueils particuliers peuvent l'incliner aux fausses allégations.

[145]

L'intrus essaie tant bien que mal de faire sa place dans le réseau familial. Il y va parfois de son charme pour amadouer la fille récalcitrante. Le jeu relationnel entre les sexes étant ce qu'il est, ces tentatives prendront les traits d'une séduction plus ou moins subtile qui répugneront radicalement à la fille. Préadolescente, elle ne sait que trop bien ce qui se passe dans le lit du couple nouvellement formé et tout chez cet homme le lui rappelle. Si, jadis, elle jouait de rivalité avec sa mère pour la conquête fantasmatique de son père, il en est tout autrement dans cette nouvelle constellation familiale. De fait, l'élan est inversé. La force de sublimation oedipienne jadis en jeu se transforme en dégoût pour les activités lubriques qui ont lieu sous le toit familial. Comme, c'est le beau-père qui, pour ainsi dire, lui lance au visage la sexualité dans toute sa crudité, c'est donc lui qui écopera de son dégoût, l'image de la mère devant être préservée. Le beau-père signifie donc la sexualité elle-même. Dans un tel contexte, toute tentative d'apprivoisement de sa part prend une teinte sexuelle sordide. Poursuivons le scénario.

Interrogée par son père sur ce qui se passe à la maison, la fille cache mal son dégoût pour l'intrus, ce que le père ne manque pas de saisir. Son interrogatoire se fait d'autant plus pressant, sinon carrément suggestif. Confortée par cette oreille par trop attentive, la jeune fille évoque ce qu'elle tient pour des approches sexuelles. Elle ne ment pas nécessairement, elle raconte ce qu'elle perçoit. Cependant, de ses perceptions peut s'amorcer un véritable roman qui comporte de surcroît l'avantage éventuel et tout à fait conscient d'écarter l'intrus. Un tel dévoilement peut tenir lieu de compromis entre plusieurs impératifs complexes : punir la mère, reconquérir le père, empêcher un retour du refoulé aux colorations incestueuses et, qui sait, opposer mère et père dans un litige peut-être réunificateur !

Il y a bel et bien fausse allégation, mais fraude, à peine !  Le bouleversement fantasmatique chez la fille est tel qu'il en va une fois de plus de la préservation de son intégrité narcissique.

Les centres d'accueil pour adolescentes

Pendant des années, dans le passé, nous avons animé des groupes de psychothérapie dans des institutions pour adolescentes dites délinquantes âgées de douze à dix-huit ans (Van Gijseghem. 1979). Fréquemment, l'une d'elles racontait avec moult détails les sévices sexuels et incestueux subis dans un passé plus ou moins lointain. D'habitude, ces filles jouissaient de la plus grande sollicitude de la par : de leurs compagnes qui les berçaient psychologiquement. Dans ce contexte, la tentation était grande pour certaines jeunes carencées épargnées de tels drames personnels de mettre en scène une histoire digne des mêmes attentions !

À l’époque de ces thérapies de groupe, nous avions souvent l'intime conviction qu'il s'agissait en effet chez certaines filles, de pures constructions susceptibles de leur attirer la plus grande sympathie. À cette époque, nous n'étions pas tenu au signalement mandataire. Que se passerait-il aujourd'hui dans de pareilles situations? Que font les thérapeutes ? Nous devinons qu'ils n'ont pas le choix et il y a là quelque chose d'inquiétant.

Chez de tels groupes, la contagion reste un phénomène courant. Par exemple, si un jour une fille s'automutile. trois ou quatre autres lui emboîteront le pas dans la même semaine alors qu'un tel comportement ne s'est pas produit depuis un an. Et que dire de la contagion vestimentaire ou capillaire ! Dans un tel contexte, le récit d'abus sexuel, avec toute la sollicitude qu'il récolte, peut facilement donner lieu à une contagion lourde de conséquences. La plus grande prudence est de mise aussi bien là que dans les psychothérapies individuelles. Les thérapeutes d'expérience savent bien que le matériel psychothérapique et la réalité historique ne se confondent pas.

[146]

Les institutions pour personnes ayant un handicap

Ayant réalisé des centaines d'évaluations psychologiques dans le cadre de la sélection de personnel, nous avons bien vu que certains milieux de travail attirent les prédateurs sexuels et autres pervers comme en témoignent d'ailleurs certains autres observateurs (dont Bloom, 1994).

Sont plus particulièrement vises les milieux institutionnels ou hospitaliers qui hébergent des jeunes ayant un handicap mental ou physique. Nous avons constaté il y a belle lurette, que ces institutions ont renoncé aux examens de sélection soi-disant pour se conformer aux chartes des droits et libertés (par exemple, éviter toute discrimination dans l'embauche) bien que la raison première semble bien souvent d'ordre pécuniaire.

Connaissant l’attrait pour ces milieux de nombre de pervers, évacuer un processus rigoureux de sélection constitue un véritable danger. On ne doit pas trop s'étonner des cas d'abus sexuel qui, depuis quelques années, viennent au jour et il serait naïf de ne pas tenir compte des résultats de plusieurs études montrant que les enfants ayant un handicap intellectuel, affectif ou physique sent particulièrement à risque d'être abusés sexuellement, surtout dans un cadre institutionnel (Ammerman, Van Hasselt, Hersen. McGonigle & Lubetsky, 1989 ; Rindfleisch & Rabb. 1984 ; Siskind. 1986 ; Zirpocli, 1986).

Plusieurs facteurs contribuent à camoufler ces abus et expliquent le peu de poursuites : les capacités verbales ou intellectuelles des victimes font souvent défaut pour permettre le dévoilement et quand dévoilement il y a, leur crédibilité n'attire pas beaucoup d'oreilles ; ensuite, une part de cette clientèle étant fortement carencée, elle est souvent partie prenante de ces abus et n'incline pas par conséquent à les dévoiler : enfin, les accusés bénéficient souvent du soutien de puissants syndicats. Serait-il pertinent d'ajouter que ces milieux n'ont guère intérêt à ébruiter d'éventuelles allégations pour des raisons politiques évidentes (Durkin, 1982 ; Rindfleisch, 1988).

Pourtant, même dans ce contexte propice aux abus sexuel, la médaille a un revers. Lorsqu'un dévoilement sérieux et crédible d'abus sexuel sort des murs, les autorités sociales ou judiciaires entreprennent une enquête qui n'est pas sans danger. Dans la mesure du possible, tous les bénéficiaires sont interrogés mais, en raison de leurs problèmes spécifiques, les risques de contamination des données et de contagion sont énormes. L'expérience montre que, en raison du manque d'habileté verbale de tels bénéficiaires, les interrogatoires sont menés de façon éminemment suggestive. On connaît l'influence notoire des questions suggestives sur l'enfant normal, a fortiori sur l'enfant ayant un handicap (Clare & Gudjonsson, 1993).

Aussi après à peine deux ou trois jours d'enquête, découvre-t-on un nombre effarant de victimes et d'abuseurs. Les difficultés verbales et cognitives, le phénomène de la contagion et le biais suggestif des interrogatoires ont fait leur oeuvre. La situation devient parfois si absurde que le dossier sera aussitôt refermé. Cependant, les conséquences ne sont pas neutres : les vrais abuseurs sont saufs et d'honnêtes gens sont dorénavant l'objet d'un doute qui pèse lourd.

Les professions à risque

Certaines professions plus que d'autres prêtent flanc aux fausses accusations dans la mesure où ce type d'intervention impliquée favoriserait le cas échéant les passages à l'acte. Pensons aux actes professionnels qui font appel au contact physique. Par exemple, on observe actuellement un déferlement d'accusations d'abus sexuel sur les professeurs d'éducation physique. Il peut s'agir ici de la dynamique évoquée précédemment sous le titre l'école et sa culture. S'y ajoute néanmoins [147] une variable importante : ce professeur doit quelquefois toucher aux élèves de surcroît habillés de vêtements sport qui épousent le corps. Par exemple, pour l'apprentissage du saut à cheval, un contact main-arrière-train n'est pas inhabituel. Le problème sera le suivant : quand y a-t-il intention érotique ? Le témoin oculaire ne peut probablement pas déceler l'intention, pas plus qu'il saurait distinguer entre le toucher accidentel et le toucher intentionnel. Ce jugement appartient donc au fameux eye of the beholder, c'est le sens que prend le geste posé aux yeux du sujet touché qui peut le trancher. Or, mue par une conjoncture intrapsychique fantasmatique, une jeune fille peut interpréter tel geste fonctionnel ou accidentel comme intentionnellement érotique. Et voilà qu'un redoutable dévoilement se met en route.

Toutes les élèves de ce professeur seront interrogées, individuellement ou, pire, en groupe. Aucune n'a évidemment échappé au toucher « professionnel » de l'intimé. Sous l'effet soit du caractère suggestif des questions ou de leur propre vie fantasmatique, beaucoup jugeront post-facto que ces touchers n'étaient finalement pas si innocents que ça. Les témoignages se multiplient et le carrousel ne s'arrêtera plus.

Loin de nous l'intention de nier que certains éducateurs physiques ou autres instructeurs sportifs profitent de leur situation professionnelle. Ce qui est à souligner, c'est que ceux qui s'abstiennent ne prêtent pas moins au risque de se faire pointer du doigt.

On pourrait penser que les professionnels de la santé (médecins, infirmières, physiothérapeutes), comme ceux de la santé mentale (psychiatres, psychologues) sont eux aussi exposés aux accusations d'abus sexuel, vraies ou fausses. Toutefois, l'expérience démontre qu'à ce jour, ces accusations sont plutôt rares. Si un nombre croissant d'accusations viennent de patients adultes, peu concernent les enfants.

Les arénas

En revanche, plusieurs scandales ont éclaté impliquant des instructeurs et des entraîneurs de sportifs. Au même titre qu'une culture d'école, il semble exister une culture d'aréna. Bon nombre d'inculpations d'abus sexuel s'avèrent fondées. L'aréna attire-t-il les prédateurs et les pédophiles ? L'hypothèse nous semble loin de la fantaisie. Et c'est en raison de la grande visibilité de certaines causes célèbres que le danger de fausses accusations augmente de façon exponentielle. Chez les jeunes qui fréquentent les arénas. il existerait une croyance, souvent exprimée sous forme de blague, voulant que les adultes bénévoles même les plus bienveillants soient « aux petits gars ». Toute croyance entraîne une attention sélective, et celle-ci excelle à trouver des éléments de confirmation.

Les garderies

Finkelhor, Williams & Burns (1988) soutiennent qu'un enfant est davantage susceptible d'être abusé sexuellement à la maison qu'à la garderie. Toutefois, des écrits scientifiques récents dénotent une nouvelle préoccupation à l'égard des abus en garderie, vu les allégations touchant ce milieu (Bybee & Mowbray. 1993 ; Ceci & Bruck, 1995 ; Kelly, Brant, & Waterman, 1993).

Notre expérience soulève deux questions cruciales : est-ce toujours au nom de la sacro-sainte non discrimination que les directeurs de garderie continuent d'engager des éducateurs masculins ? Et est-ce que ces éducateurs s'étonnent encore d'être accusés d'abus sexuel sur les enfants qui leur sont confiés ?

Voici quelques faits. D'abord, une proportion de 90 à 99% des abus sexuels connus sont perpétrés par des hommes (Badgley. 1984 ; Finkelhor. 1984). Ensuite, des chercheurs américains rapportent que 60% des [148] abus sexuels dans le cadre des garderies sont commis par des hommes alors que la population des éducateurs masculins ne représente que 5% du personnel de l'ensemble des garderies concernées. Autrement dit, cinq pourcent du personnel se trouve responsable des soixante pour cent d'abus sexuels (Finkelhor, 1988). Ce genre de statistiques démontre au moins une chose : l'homme est notoirement plus enclin aux abus sexuels que la femme.

D'après nos observations, aucune sélection rigoureuse n'a lieu à l'égard des candidats masculins au travail dans une garderie. On vérifie tout au plus si l'individu a quelque expérience auprès des enfants. Justement, le pédophile est susceptible d'avoir de l'expérience dans ce type de travail. Comme il a une approche raffinée des enfants, il a d'autant plus de chances d'être embauché. Toutes ces statistiques et les observations montrent à quel point ce genre de travail reste un guêpier pour les éducateurs qui ne sont pas des abuseurs.

Malgré de nombreux soupçons qui se sont avérés justifiés, nous avons été témoin d'allégations probablement fausses dans ces milieux. Celles-ci relèvent à peu près toutes d'un même scénario. Par exemple, un parent constate à répétition des rougeurs à la région génitale de son enfant ou observe qu'il exerce des jeux sexuels avec d'autres enfants. Le parent s'inquiète et se demande si, à la garderie, il ne se passerait pas des choses. Les stéréotypes étant ce qu'ils sont (et dans ce cas-ci, ils sont proches de la réalité), ce parent pense immédiatement à l'éducateur de la garderie. Il interroge alors son enfant, invariablement de façon suggestive : Est-ce qu'Yvan te touche des fois là ? Et la machine se met en marche.

Les petites communautés fermées

Lorsqu'un scandale éclate dans une petite communauté, comme un village un peu isolé, on assiste souvent à une chaîne de dévoilements qui ressemblent à la description suivante à peine caricaturale. Un enfant fait des verbalisations inquiétantes concernant un abus, intra ou extra familial. Les autorités policières locales débutent l'enquête, ce qui exige l'interrogatoire d'autres victimes potentielles. La suggestion aidant, cette démarche produit toujours une récolte plus ou moins inespérée. Après des semaines d'efforts, on est aux prises avec des dizaines de victimes et des hordes d'abuseurs des deux sexes. Devant l'immensité de la chose, enquêteurs et experts de tout acabit sont appelés à la rescousse et continuent de rassembler les données susceptibles de circonscrire l'étendue des dégâts. Entre-temps, les médias se sont emparés de la chose et une forme d'hystérie collective se développe qui fait penser à la chasse aux sorcières de Salem. De plus en plus de victimes dévoilent, de plus en plus d'adultes sont pointés du doigt et, parmi eux, notables, policiers et autres dignitaires (Humphrey, 1985).

Dans un certain nombre de ces cas, les récits des enfants deviennent graduellement plus inquiétants, sinon bizarres. Sans que l'on sache trop pourquoi, on en arrive quelquefois à constituer un corpus de témoignages concernant des abus sexuels rituels et sataniques (entre autres : Jonker & Jonker-Bakker, 1991 ; Mulhern, 1992). Plus les enquêteurs et les médias s'excitent, plus les récits se complexifient et finissent par mettre en scène des sacrifices et des meurtres rituels d'enfants et d'adultes, des messes noires, des pratiques de cannibalisme, des cadavres enterrés dans les bois, etc. (Mulhern, 1994). Des séances d'hypnose contribuent souvent de façon significative à ces résultats (Spanos, Burgess, & Burgess, 1994). En dépit de descriptions détaillées et d'enquêtes approfondies, les experts ne trouvent jamais de preuves tangibles aux endroits précis indiqués par les enfants-témoins (Lanning, 1991). On peut émettre l'hypothèse d'un noyau de vérité qui reste toutefois non retraçable.

[149]

Voici ce qui semble se produire. On interroge les enfants de façon suggestive. Les rumeurs circulent, la contagion va bon train. Tous ont déjà aperçu des choses ou ont eu des doutes sur quelqu'un. Les parents inquiets interrogent leurs propres enfants. Certains d'entre eux, souvent motivés par leurs propres fantasmes inhérents à leur développement, dévoilent des contenus nouveaux, même bizarres. Les rumeurs s'accentuent. Les médias s'emballent. Certains enfants deviennent des vedettes du jour au lendemain. D'autres les envient et vont plus loin (par exemple : Nathan, 1991). Les récits font croire à un réseau ; le réseau prend forme, s'organise, se dote d'un rituel diabolique qui exige des victimes sacrificielles. Les relents religieux totémiques n'étant pas tout à fait disparus du soubassement de notre civilisation, le repas totémique n'est pas loin : le cannibalisme, l'ingurgitation rituelle du sang des victimes se profilent dans des témoignages de plus en plus troublants. Kirk Weir et Wheatcroft (1995) croient que les enfants connaissent mieux le monde des mythes et des rites que les adultes veulent bien le croire.

Là encore, il convient de nuancer. Les « réseaux » de pédophiles existent sans doute. Nous ne doutons pas non plus de l'existence d'abus sexuels ritualisés et à saveur satanique. Il y a certes des groupes organisés et des sectes où l'abus sexuel des enfants figure parmi les rites ou les comportements pervers et pseudo-religieux. Sur un échantillon de vingt causes d'abus rituel, Kirk Weir et Wheatcroft (1995) concluent à un quart d'allégations fondées. Ce chiffre est par contre contesté par La Fontaine (1994) qui ne voit pas dans les mêmes cas des indications convaincantes d'incidence rituelle.

Ce qui laisse songeur, c'est qu'un faible filet de verbalisations initial développe une telle ampleur en cours de route. La répétition d'un tel scénario à plusieurs endroits et donnant lieu à des récits analogues qui échappent aux vérifications rigoureuses invite au plus grand scepticisme.

Les programmes de prévention

La mode est à la prévention. Il existe certainement des programmes de prévention respectueux et conçus avec doigté. Nous avons visionné des vidéos de prévention, non suggestifs et tout à fait adéquats. Toutefois, il y a lieu de s'inquiéter sérieusement du déferlement sur l'Amérique du Nord d'une foule de programmes maison et plus ou moins improvisés. Appliqués à des groupes d'enfants de la maternelle et du premier cycle de l'élémentaire, ces programmes revêtent un caractère hautement suggestif. Ils sont basés à tout le moins sur deux a priori douteux : premièrement, tous les enfants auraient le même besoin d'informations et peuvent par conséquent ingérer le même discours ou le même message visuel ; deuxièmement, les parents ne seraient pas aptes ou intéressés à prévenir adéquatement leurs enfants contre les dangers potentiels d'abus sexuels.

À quoi ressemblent certains programmes ? Habituellement, ils se présentent sous la forme d'une éducation sexuelle doucereuse qui en vient vite au but : il existe de bons et de mauvais touchers. Encore faut-il expliquer en quoi consistent les mauvais touchers et qui sont les mauvais toucheurs. Comment peut-on y parvenir sans recourir à la suggestion ? On fait appel au gentil monsieur au bonbon, mais, comme l'abus sexuel se passe la plupart du temps dans la famille, on ajoute « et même des papas peuvent faire cela ».

Pendant qu'un tel exercice permet à quelques enfants réellement abusés de briser un lourd secret et, finalement, de sortir de l'abus, qu'en est-il de la grande majorité des enfants qui ne sont pas abusés ? S'ils bénéficient effectivement d'une mise en garde par le biais d'un tel programme, celui-ci n'équivaut-il pas lui-même à un certain abus? Expliquons-nous.

Toute intervention marquée par la suggestion risque d'injecter dans l'esprit de l'enfant [150] une réalité qui n'y était pas auparavant. Certains propos ou certaines images peuvent conduire l'enfant à interpréter ou à réinterpréter des gestes pourtant anodins ou, pire, d'en imaginer de toutes pièces. Ce risque est d'autant plus réel que l'imagination enfantine incline à mésinterpréter le réel. (Entre autres : Ceci, Huffman, Smith, & Loftus, 1994 ; Ceci, Loftus, Leichtman, & Bruck, 1994). De plus, si le fantasme incestueux inhérent au développement des jeunes enfants reste chez certains plus ou moins latent, le programme de prévention risque d'entraver l'effort psychique du refoulement, sinon de réactiver le fantasme. Ces enfants peuvent facilement répondre à l'invitation de l'animateur ou de l'animatrice à venir le ou la rencontrer après la séance d'information s'ils ont quelque chose à dire ou à raconter, ou s'ils ont vécu quelque chose de ce genre. Un directeur de service social nous confiait qu'il pouvait suivre d'un village à l'autre la trace de l'intervenante responsable de l'application d'un tel programme ! Il est facile d'imaginer la somme des actes professionnels requis pour contrer le mouvement ainsi enclenché et, surtout, leurs effets pervers chez les personnes impliquées.

La petite fille qui entend un beau matin que « même des papas » ont de vilaines intentions, se blottira-t-elle tout innocemment contre son père le soir venu ? Bref, la fonction paternelle n'est-elle pas sérieusement égratignée aux yeux des enfants désormais « informés » ?

Il n'est pas justifié de tenir pour acquis un égal besoin chez tous les enfants de recevoir les mêmes messages préventifs. Par ailleurs, la nécessité d'une prévention ne doit pas éclipser le besoin qu'ont la plupart des enfants de cinq à huit ou neuf ans de sauvegarder encore leurs contes de fée, leur mythologie et leur monde bien à eux pour apprivoiser la vie et ses dangers.

Il est également à craindre que maints programmes de prévention encouragent les fausses allégations. Non pas que les enfants mentent, mais ils sont tout simplement victimes de propos suggestifs d'adultes qui n'ont pas idée du puissant impact de tels propos sur la psyché enfantine.

Mais, alors, quel genre de prévention convient-il de mettre en place ? Ne serait-il pas mieux de laisser les enfants à leur enfance et de concentrer les efforts préventifs sur les adolescents et les jeunes adultes ?

Nous sommes d'avis que l'école secondaire est un terrain beaucoup plus propice à la prévention. Elle s'adresserait davantage aux abuseurs qu'aux abusés sous la forme d'une éducation humaniste qui prépare aux responsabilités de l'existence adulte. Puisque la plupart des abuseurs sexuels commencent leur carrière au début de l'adolescence (entre autres : Abel, Mittelman, & Becker. 1385), il serait pertinent de viser la population de l'école secondaire.

Les pratiques éducatives à risque

Nombre de couples et de familles s'inspirent encore de la philosophie de l'éducation libre si chère aux années soixante-dix. La mode était alors à l'abolition des fâcheux tabous, surtout dans le registre de la sexualité. Cette abolition des interdits devait enfin libérer l'enfant du carcan de la répression sexuelle et en faire un citoyen épanoui. Endoctrinés par une kyrielle de best-sellers éducatifs, les couples voulaient sortir du maquis la sexualité en général et le corps sexué en particulier. Ils se faisaient un devoir de se promener nus devant les enfants afin de les délivrer du « névrosant » refoulement de la sexualité. Cette littérature prônait même les ébats amoureux des parents en présence des enfants de tout âge pour leur démontrer comment ils avaient été conçus dans le désir et l'amour. Certains parents se vantaient que leurs enfants assistaient à la naissance d'un frère ou d'une soeur. Un monde sans mystère quoi !

[151]

Si le « peace and love » a fait son temps, des relents s'en dégagent encore. Aujourd'hui, beaucoup de parents se considèrent vieux jeu de cacher leur nudité à leurs enfants. D'autres se sentent obligés de l'exhiber au nom de la libération sexuelle. La nudité ainsi banalisée, les corps à corps ou les touchers plus ou moins furtifs ne sont pas à caractère sexuel, croit-on. C'est évidemment très mal connaître le développement psychique de l'enfant. C'est également contrecarrer son besoin fondamental d'une distance intergénérationnelle franche et réelle. En effet, l'enfant qui a accès au corps sexué ou à la sexualité de ses parents enjambe l'écart entre les générations et se trouve pour ainsi dire exilé de son statut d'enfant. Celui-ci n'est en effet préservé que dans la mesure où lui échappent clairement les prérogatives des adultes, dont la jouissance sexuelle des parents. Voulant lui aussi un jour jouir des prérogatives des adultes, l'enfant acceptera de s'inscrire dans le dur et long processus de maturation qui exige renoncement, effort, étude, etc. Cette loi fait de l'enfant un être désirant.

Alors que les parents visent à libérer l'atmosphère familiale en préconisant la nudité intergénérationnelle et en dissolvant les frontières qui distinguent la sexualité enfantine de la sexualité adulte, ils prêtent à leur insu aux allégations d'abus. En effet, c'est précisément la fluidification des frontières qui sème le doute sur le sens de telles pratiques.

Dans ce contexte, l'allégation d'abus sexuel survient surtout lorsque le couple vient de se séparer, bien qu'il n'est pas rare qu'elle ait lieu aussi dans la famille d'origine. L'enfant parle à un enseignant de sa vie à la maison. Son interlocuteur dresse quelque peu l'oreille, interroge et observe un malaise chez l'enfant qui aimerait mieux que les choses se passent autrement. Le signalement n'est pas loin.

Quelle surprise pour les parents ! Appelés devant l'intervenant ou l'expert, ils ne cachent rien des attitudes et des pratiques sexuelles de la famille. Qui plus est, ils les invoquent pour prouver à quel point ils sont de bons éducateurs, animés par de sains principes. À son tour, l'expert ne peut que s'étonner de l'étonnement des parents. En effet, comment ces derniers peuvent-ils imaginer ne pas être exposés au risque d'une allégation lorsqu'ils abolissent ainsi les frontières intergénérationnelles, particulièrement dans les registres névralgiques de la sexualité et des corps sexués ?

Ces pratiques constituent-elles un abus ? Sur le plan de l'intention, visiblement, non. Dans les faits, oui. Voici un père qui raconte que « oui, il prend son bain avec sa fille de quatre ans et qu'elle traverse en effet une période de grande curiosité sexuelle. Oui, elle lui a quelquefois touché le pénis mais il a écarté sa main ». Ce père ne voit aucun problème dans cette situation qu'il détaille candidement, ajoutant que sa femme fait la même chose et que ça c'est passé ainsi avec chaque enfant. L'intention de ce père n'est probablement pas perverse, mais il mérite certainement d'être traité de naïf.

La situation décrite passe souvent inaperçue aussi longtemps que le couple parental est uni. Que survienne la séparation, puis les requêtes consécutives et l'on pourrait assister à une réinterprétation rétroactive des gestes posés sur la foi des perceptions de l'un des parents. Le parent intimé aura beau se défendre, les apparences demeurent contre lui.

Voilà une autre bonne raison d'éduquer les jeunes à l'art d'être parent, ce qui devrait inclure des informations fondamentales quant au développement affectif et sexuel de l'enfant.

Les « souvenirs retrouvés »

Nombre d'adultes engagent des poursuites contre un parent à la suite d'un souvenir qui remonte soudainement des années après les faits (Loftus. 1993). Nous voudrions discuter [152] ici de la nature de ces allégations tout en les distinguant d'emblée de celles venant d'adultes qui n'ont jamais oublié les souvenirs des sévices subis et décident finalement de porter plainte. Selon nombre d'observateurs, ces derniers cas seraient éminemment plus crédibles que les premiers.

Parlons donc de ceux qui agissent sous l'impulsion de « souvenirs retrouvés ». Le phénomène obéit encore à un scénario clairement circonscrit au gré de plusieurs études. Il s'agit la plupart du temps d'un adulte qui, mal dans sa peau ou aux prises avec divers symptômes, décide de consulter un psychothérapeute. Dans un premier cas, le patient, après quelques séances de psychothérapie au cours desquelles il a élaboré sur ses divers symptômes et ses angoisses indéfinies, se met néanmoins à émettre des hypothèses dans le but d'en faire valider l'une ou l'autre par son thérapeute. Comme tout le monde, ce patient est influencé par lès abus sexuels abondamment médiatisés et, de toute façon, il n'est pas sans se rappeler quelque émoi trouble dans son enfance. Il se risque donc à soulever aussi cette hypothèse-là devant son thérapeute dont il attend qu'il l'aide à nommer enfin son mal. Celui-ci également soumis aux mêmes influences peut retenir cette hypothèse comme plausible, ce qui, peur le patient, équivaut souvent à une confirmation (Yapko, 1994).

Le second cas a été abondamment décrit par Loftus et son école (Loftus, 1993 ; Loftus & Ketcham, 1994). Ces chercheurs prétendent que, souvent, l'hypothèse d'un abus sexuel oublié est carrément implantée dans l'esprit de patients dont le thérapeute est convaincu que tel symptôme relève d'un abus sexuel précoce et refoulé. Loftus et ses collaborateurs présentent des vignettes de personnes qui, dès les premières entrevues se voient offrir l'interprétation suivante : « Votre mal est dû à un inceste dont vous avez refoulé le souvenir ». En règle générale, les patients résistent à cette interprétation dans un premier temps. On connaît le cas de la journaliste de CNN qui, pour préparer une émission sur le sujet, se présente chez une thérapeute en se faisant passer pour une personne souffrante. Dès la seconde séance, la thérapeute déclare à la pseudo-patiente qu'elle avait sans aucun doute refoulé le souvenir d'un inceste et que la thérapie allait avoir pour but de faire émerger ce souvenir afin que les symptômes du refoulement puissent se résorber. La journaliste niant formellement l'existence d'un abus passé dut faire face à l'insistance de la thérapeute sûre de son diagnostic (Loftus & Ketcham, 1994).

Dans l'un ou l'autre des scénarios décrits, le déroulement est analogue : au début, le patient résiste à l'hypothèse en raison d'une absence totale de souvenirs. Mais le pouvoir suggestif du thérapeute est énorme. Qu'il confirme la timide hypothèse du patient eu qu'il induise lui-même cette hypothèse, le professionnel est imbu d'une autorité aux yeux de ses patients.

Quand, par la suite, tout symptôme ou tout matériel psychothérapique est interprété dans le sens d'un abus sexuel refoulé, un pouvoir suggestif irrésistible s'exerce sur le patient qui sent un vif besoin de comprendre, fût-ce dans le seul but de contrer chez lui l'idée ou la peur de la folie. Puis, graduellement, des fragments de souvenirs émergent, des flash qui vont dans le sens de l'hypothèse et encouragent d'autant le zèle du thérapeute. Surgissent ensuite des rêves à contenu implicitement eu explicitement incestueux : retour du refoulé ou fruit de la suggestion du thérapeute ?

Certains thérapeutes recourent à l'hypnose pour favoriser ce « retour du refoulé ». Presque invariablement, au fil des séances hypnotiques, le patient documente davantage l'abus : il voit des scènes et entend des voix qui « photographient » pour ainsi dire le souvenir enfoui. Après un certain nombre de séances, le voilà muni d'un lourd passé d'abus sexuels détaillés, échelonnés du berceau à [153] l'âge adulte, mais radicalement maintenu tout ce temps en marge de la mémoire.

Les études de cas de Terr (1994), promotrice convaincue des souvenirs retrouvés, mettent en scène plusieurs de ces cas d'amnésie dont les pires sévices subis s'étalent quelquefois sur quinze ou vingt ans ! Précisons que cette école de pensée est surtout constituée de thérapeutes qui ont fait de leur travail avec les survivants de l'inceste une spécialité.

En revanche, une autre école de pensée, constituée en grande partie celle-là de chercheurs sur la mémoire, rejette absolument l'hypothèse des souvenirs retrouvés. Ces chercheurs nient tout simplement que la mémoire puisse fonctionner comme un magnétoscope dont le ruban aurait été enterré, puis retrouvé intact vingt ans plus tard. Ils considèrent plutôt la mémoire comme une fonction toujours mouvante qui enregistre certes des souvenirs qui sont toutefois le fruit de reconstructions, sinon quelquefois de constructions. Dans le but de démontrer leur théorie, ces chercheurs ont induit chez des sujets des souvenirs très élaborés d'événements qui n'avaient jamais eu lieu. Même en dévoilant aux « victimes » le stratagème utilisé, celles-ci ont continué de croire à la véracité des événements « retrouvés » (Loftus, 1993 ; Ofshe, 1989, 1991).

Ces scientifiques ne nient pas le phénomène de l'oubli ; ils envisagent même l'existence d'une forme de refoulement. Mais, forts de données empiriques, ils affirment qu'un événement traumatique ne tend pas à être refoulé mais demeure souvent plus vif à l'esprit que les événements heureux.

Ces résultats empiriques mettent au moins un bémol sur les allégations d'abus sexuel dont le souvenir est retrouvé en cours de thérapie et ceci, particulièrement quand l'hypnose est impliquée (Ganaway, 1995 ; Spanos, Burgess, & Burgess. 1994).   Quoiqu'il en soit, le caractère suggestif du thérapeute idéalisé tient dans ce genre de cas une fonction non négligeable.

Ces thérapeutes, avons-nous mentionné, sont spécialisés dans l'approche des personnes victimes d'abus sexuels. Une donnée troublante s'ajoute à cela : Nuttal et Jackson (1994) ont trouvé une haute incidence de victimes d'abus sexuels précoces chez ces spécialistes. De surcroît, l'étude de ces chercheurs démontre que ces professionnels tendent à conclure plus facilement à l'existence d'un abus que leurs pairs également spécialisés mais non abusés dans leur enfance.

Les conséquences sont souvent énormes : ce qui devrait rester sur la scène intrapsychique et dans l'espace psychothérapique déborde sur la scène extérieure. Ce qui reste une interprétation curative prend les traits d'un fait réel et l'on considérera souvent que le salut et la réparation résident dans une poursuite en dommages et intérêts.

CONCLUSION

Nous ne sommes pas dupes. Nous savons que l'abus sexuel est une plaie sociale. Les statistiques issues des études, épidémiologiques ne mentent pas et loin de nous l'idée d'en contester les chiffres. Notre propos a pour but de débusquer les effets pervers de l'hypervisibilité du grave phénomène qu'est l'abus sexuel. En se libérant du déni, la société nord-américaine donne dans l'investigation acharnée et elle finit par voir des abus sexuels là où il n'y en a pas. Or qui cherche trouve - comme à Salem - et l'étau se resserre sur un autre phénomène inquiétant : les fausses allégations qui aboutissent aux faux positifs, c'est-à-dire aux cas où les corps social et judiciaire jugent qu'il y a abus alors qu'il n'y a pas d'abuseur. Même dans les cas où les autorités déclarent l'accusation non fondée, des vies sont détruites et des enfances brisées.

[154]

Les fausses allégations sont de loin les plus fréquentes dans des situations de divorce où de féroces batailles judiciaires sont engagées autour de la garde des enfants ou des droits d'accès. Nous avons décrit en détail ailleurs la dynamique et les paramètres de ces fausses allégations (Van Gijseghem, 1992). Depuis quelques années, d'autres contextes révèlent le théâtre de signalements et d'allégations plus ou moins fondés. Nous avons tenu à les présenter dans le but d'inviter à la plus grande prudence.

Les défenseurs et les protecteurs des véritables victimes trouveront probablement ce texte tendancieux, sinon dangereux. Ils penseront que les abuseurs sexuels et les pédophiles y trouveront de nouvelles issues pour échapper aux sanctions. Nous sommes conscient de ce danger et personne n'ignore que l'habileté d'un avocat de la défense consiste précisément à jouer subtilement d'arguments qui pourraient s'inspirer d'un article comme celui-ci.

Néanmoins, les situations décrites se multiplient et méritent d'être portées à l'attention des lecteurs. Certains auteurs qui nuancent les propos alarmistes sur cette question (nous pensons à Underwager, Gardner, Loftus, Yapko et quelques autres) ont été frappés d'anathème et se font accuser d'expert propédophile. Nous savons cela aussi.

Nous croyons fermement que l'abus sexuel constitue un grave traumatisme pour un enfant, qu'il est malheureusement très répandu et que toutes les conditions doivent être mises en place pour que les victimes puissent dévoiler et que l'abuseur soit puni, sans que l'enfant en ressorte davantage traumatisé. Cette prise de position n'éclipse aucunement l'importance, chez tous ceux qui étudient le phénomène de l'abus sexuel, d'exercer l'esprit critique et de garder vigilant leur effort d'objectivité.

ABSTRACT

False allegations of child sexual abuse in divorce and custody litigations now are well documented. There is evidence though that a number of other situations also can generate false allegations. This article examines some of these situations with a critical eye while maintaining the utmost caution.

Key words : Child sexual abuse, allegations, false allegations

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* Professeur titulaire. École de psychoéducation. Université de Montréal. 750, boul. Gouin est, Montréal, Québec. H2C 1A6



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 19 février 2015 10:47
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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