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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Brigitte Fleury, Étude sur la conversion religieuse d'un point de vue communicationnel
le cas de Roger Garaudy. (2004)
.


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Madame Brigitte Fleury, Étude sur la conversion religieuse d'un point de vue communicationnel: le cas de Roger Garaudy. (2004). Montréal: Mémoire de maîtrise en communications, juin 2004, département des communications, Université du Québec à Montréal. [Autorisation accordée par l’auteure le 5 juillet 2004]
Préface
par René-Jean Ravault, ph.d. 

 du mémoire de maîtrise de Brigitte Fleury :

 « Étude sur la construction de l’expérience  de conversion religieuse
d’un point de vue communicationnel,
le cas de Roger Garaudy»

  

Rédiger la préface d’un ouvrage que l’on n’a pas soi-même écrit est une tâche délicate.  Tout en s’efforçant de renforcer l’estime qui nous lie à l’auteur en démontrant que l’on a bien saisi l’essentiel de ce qu’il (ou elle) a tenté d’exprimer, il faut attirer l’attention du lecteur vers ce que l’ouvrage nous semble comporter de plus stimulant, de plus provocant, de plus enrichissant.  Lorsque j’ai recommandé ce travail à Jean-Marie Tremblay pour qu’il le rendre accessible au public et qu’après avoir accepté, il m’a demandé d’en rédiger la préface, je me suis trouvé confronté à un dilemme assez particulier.  Comme le titre de l’ouvrage l’indique bien, l’auteure, Brigitte Fleury, y rend compte de ses recherches, réflexions et lectures sur le déroulement du processus de conversion religieuse; processus qui pourrait d’ailleurs tout aussi bien être celui d’une « révolution paradigmatique »  (pour employer l’expression de Thomas Kuhn) propre aux démarches scientifiques créatrices.  Ce qu’il y a de particulier ou même de « métacommunicationnel » ici est que l’auteure peut donner l’impression d’y effectuer, elle-même, une conversion conceptuelle en s’inscrivant dans une façon de concevoir la communication qui est assez originale.  Comme cette approche est aussi celle que je m’efforce de promouvoir dans mes écrits et enseignements, pendant quelques secondes, on pourrait croire que je l’aie « convertie »!

Heureusement, tout chercheur universitaire se doit d’être très modeste. Avec l’âge, je crois y être parvenu.  Je ne suis ni un gourou et quête d’adeptes et, surtout, Brigitte Fleury n’a rien d’une fanatique recrue d’une secte occulte !  Néanmoins, cette métaphore (qui se veut très éphémère), inspirée par le sujet de l’ouvrage qui suit, m’est venue à l’esprit en constatant l’ampleur des similitudes qu’il me semble y avoir entre nos façons d’exprimer ce que nous comprenons de la communication humaine ainsi que des différentes façons de l’appréhender.

Brigitte Fleury est certainement l’une des étudiantes sinon l’étudiante qui a le plus pris le temps et a consacré le plus d’énergie à explorer en profondeur les pistes de réflexions et de recherches que je propose dans mes écrits et enseignements qui, dans une large mesure s’inspirent des Écoles pragmatiques américaines.  Non seulement, par ses lectures, elle couvre les principales références bibliographiques que j’utilise mais elle les a complétées et amplifiées tout au long de sa scolarité de maîtrise ainsi qu’au cours de la préparation du mémoire qui constitue cet ouvrage.  En plus d’être entrée à fond dans le cadre théorique que certains qualifient d’ « interactionisme symbolique » ou encore d’ « approche systémique symbolique » tout en l’enrichissant d’apports anthropo-historiques humanistes contemporains et européens empruntés à Laplantine,  Todorov et Zeldin, Brigitte Fleury a suivi la démarche méthodologique qui découle logiquement de ces courants ainsi que des principales réflexions sur les bouleversements paradigmatiques : le récit de vie et plus particulièrement le récit de vie de la chercheure.

C’est d’ailleurs en partant des réflexions que lui ont inspiré l’auto-analyse (« self-reflexivity » d’Anthony Giddens ou le « télésitisme » de Lee Thayer ou, tout simplement, l’introspection des Montaigne, Proust et Edgar Morin) de son itinéraire avant de se pencher sur celui de Garaudy que l’on peut constater que, dans son cas, il n’y a pas eu de véritable  conversion à un nouveau paradigme mais plutôt formulation aboutie du fruit de son expérience et de ses réflexions par le biais du cadre théorique qu’elle a rencontré dans l’enseignement que je lui ai prodigué ainsi que dans ses propres lectures complémentaires.

Élevée dans le Catholicisme, elle a suivie la Révolution Tranquille du Québec en en adoptant les nouveaux idéaux et, surtout, par ses voyages et insertions réussies dans différentes cultures très étrangères à sa communauté d’origine, d’appartenance et d’interprétation, elle a été amenée à prendre les distances nécessaires à la pratique du télésitisme, de l’auto-réflexion ou de l’introspection qui lui ont permis de comprendre l’Autre, l’Étrange tant dans sa continuité que dans ses éventuels rebondissements, ruptures, rédemptions ou «résiliences » (pour reprendre cette expression Judéo-américaine que Boris Cyrulnik a récemment réintroduit dans le vocabulaire français !).  Elle s’était donc bien équipée pour appréhender la complexité et les difficultés de la communication humaine avant d’entreprendre sa maîtrise dans ce domaine.  Brigitte Fleury, comme j’ai eu le plaisir de le constater, est l’une de ces rares étudiantes (ou chercheur) qui s’est donnée cette « variété requise » si chère au cybernéticien Ashby (auteur de « la loi de la variété requise » selon laquelle aucun système ne peut appréhender une complexité qui soit supérieure ou différente de la sienne) à partir de laquelle des phénomènes de communication aussi complexes que la conversion religieuse ou le changement de paradigmes scientifiques peuvent être compris.

Fidèle à son propre itinéraire et au cadre théorique qu’elle a logiquement adopté, elle a étudié le cas de la conversion d’un  personnage qui a, lui-même, fait rendu compte de la façon dont il a vécu sa conversion.  Au moins par deux de ses principaux ouvrages, Roger Garaudy s’est efforcé de rendre compte de sa conversion à l’Islam.

Le lecteur constatera peut-être la quasi absence d’éloges ou même de descriptions de l’Islam dans ce que Brigitte Fleury a retenu des travaux de Garaudy.  Il semble que l’attrait de cette religion, généralement peu prisée des Occidentaux, provient chez Garaudy de la valorisation de ses propres origines biologiques, sa grand-mère qu’il estimait beaucoup, était « Mauresque ».  Mais, c’est surtout le comportement héroïque et juste de soldats musulmans de l’armée française d’Algérie qui, durant la seconde guerre mondiale, avaient refusé d’ouvrir le feu sur lui et certains de ses camarades alors que leurs officiers, collaborant avec la métropole occupée par les Nazis, leur en avaient donné l’ordre qui semble l’avoir profondément influencé.

L’amour de sa grand-mère arabe et la reconnaissance qu’il éprouve envers ces Musulmans qui ont refusé de lui enlever la vie sont deux sentiments qui vont finir par triompher de ses très longues et infructueuses tentatives de conciliation des Catholiques et des Communistes incarnant, à ses yeux, l’institutionnalisation de deux systèmes de valeurs qui lui semblaient pourtant parfaitement compatibles.  Les brutalités et la lâcheté des uns et des autres ont fini par avoir raison de ses tentatives de conciliation dignes du mythe de Sisyphe.  Ses idéaux humanistes ont finalement trouvé refuge en l’Islam ou les principaux officiants qu’il y rencontre l’adoptent en tant que penseur et écrivain converti.

Évidemment, dans ce travail, reste occultée toute la question de l’antisémitisme dont Garaudy a été accusé bien après sa conversion à l’Islam.  Compte tenu de l’aspect très délicat et dangereux de ce sujet, Brigitte Fleury a justement décidé de ne pas aborder cet aspect de l’œuvre de l’auteur puisque ce « dérapage » s’est produit bien après la conversion de Garaudy à l’Islam et que, seul, ce processus faisait l’objet de son mémoire.

Aussi plutôt que de s’empêtrer dans les aspects les plus contestés et hors sujet des derniers travaux de Garaudy, Brigitte Fleury a méticuleusement expliqué les éléments et les rouages conceptuels des mécanismes de la communication qui sont à l’œuvre dans l’ouverture de l’esprit d’une personne à d’autres cultures, à d’autres visions du monde et de l’au-delà !

On peut donc dire que Brigitte Fleury, par son excellent travail de réflexion et de documentation pluridisciplinaire, nous offre plus qu’un outil, plus qu’une approche, plus qu’une théorie, en fait : un paradigme pour l’étude des phénomènes les plus énigmatiques du champ d’études de la communication humaine.  Comprendre l’Autre - lorsqu’il est confronté à la société et aux communautés qui sont sensées le façonner et surtout lorsqu’il réussit à résister en s’ouvrant à l’étranger - procure une satisfaction intellectuelle qui ne peut que générer joie et espoir.  Incontestablement, par ce mémoire, Brigitte Fleury ouvre une brèche dans le mur de l’enfermement identitaire et conceptuel !

René Jean Ravault, Ph.D.
Professeur associé
à l’École de Communication
de l’UQÀM.


Retour au texte de l'auteure: Brigitte Fleury, UQAM Dernière mise à jour de cette page le Mercredi 02 mars 2005 20:55
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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