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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte d'André CORTEN, “L’État faible haïtien. Économie et politique.” In ouvrage sous la direction de Laënnec HURBON, Les transitions démocratiques. Actes du colloque international de Port-au-Prince, Haïti, pp. 287-306. Paris: Les Éditions Syros, 1996, 384 pp. Une édition numérique réalisée par Rency Inson MICHEL, bénévole, étudiant en sociologie à l'Université d'État d'Haïti. [Autorisation accordée Laënnec HURBON le 20septembre 2016 de diffuser ce livre en libre accès dans Les Classiques des sciences sociales.]

[287]

Les transitions démocratiques.
Actes du colloque international de Port-au-Prince, Haïti.

Deuxième partie. Transitions démocratiques en Haïti.

L’État faible haïtien.
Économie et politique
.” *

André Corten

professeur de science politique et d’analyse du discours à l’université du Québec à Montréal. Visiting Scholar à Columbia University

La thèse d’un État périphérique « surdéveloppé [1] » a un certain crédit. Étant donné le caractère autoritaire de nombreux États périphériques, cette thèse s’est imposée assez facilement, au moins dans certains cercles scientifiques. L’État périphérique est surdéveloppé pour compenser sa grande dépendance économique par rapport à l’extérieur. Dans le cas d’Haïti, le caractère dictatorial correspondait à une grande dépendance commerciale vis-à-vis de quelques produits, en particulier le café. La cruauté de la dictature duvaliériste, mais aussi l’extrême « sous-développement » d’Haïti, ont suscité une littérature tentant de mettre en rapport les deux variables. Cette littérature ne peut pas néanmoins se diviser simplement en deux tendances, c’est-à-dire celle attribuant le caractère dictatorial à la structure économique sous-développée, voire semi-féodale [2], et celle rapportant le sous-développement au caractère prédatoire de l’État [3]. En dehors d’un certain nombre d’ouvrages plus anecdotiques [4], et au-delà aussi du débat sur le « fascisme créole [5] », il faut relever des thèses identifiant une composition sui generis du duvaliérisme, voire de l’État haïtien, en particulier celles de Trouillot [6], d’une part, et de Hurbon [7], [288] d’autre part. Ces thèses permettent de contourner le postulat d’équivalence entre État autoritaire et État surdéveloppé. Elles attachent cependant trop peu d’importance aux conditions économiques. La prise en compte de la nature tout à fait spécifique du mode d’accumulation à partir de la rente permet de pallier cette insuffisance.

Haïti n’est pas seulement un pays sous-développé en termes d’accumulation du capital, c’est un pays qui a un autre mode d’accumulation. Celui-ci ne repose pas d’abord sur le surtravail tiré d’un processus de production/transformation, mais sur la rente agricole. À ce mode d’accumulation ne correspond pas automatiquement un seul type d’État. Au contraire, deux types d’État - l’un fort, l’autre faible - y apparaissent [8]. Encore faut-il, pour éviter toute interprétation économiste, placer cette typologie dans une théorie politique de l’indifférenciation [9].

Les grands bouleversements qu’a connus Haïti ces dernières années, mais aussi les innovations en matière de relations internationales [10] que ceux-ci ont provoquées obligent à remettre sur le métier les différentes thèses sur l’État haïtien en vue de comprendre la nouvelle période [11]. Les changements portant aussi bien sur l’économie que sur la structure de l’État, la relation entre les deux variables font évidemment l’objet de nouveaux débats. Dans cet article sont avancées cinq hypothèses sur ces changements à partir de la thèse sur l’État faible.

Prise en charge par la communauté internationale tant au plan des programmes économiques que de l’établissement des institutions politiques, Haïti serait-elle en voie de ne plus être un « État faible » et de devenir un État institué, basé sur la différenciation ? Ou au contraire, cette « aide » accentuerait-elle la faiblesse de l’État ? Dans le présent texte, la définition de l’État faible est d’abord rapidement exposée. Ensuite sont étudiés les effets secondaires des transformations actuelles de l’économie et des appareils d’État. Quatre hypothèses sont formulées. Selon celles-ci, ces effets peuvent paradoxalement [289] renforcer l’État faible. Enfin, on avancera une hypothèse sur la représentation du politique en Haïti. Là peut s’opérer un changement profond. Un nouveau fondement du politique serait alors la base de la transformation de la nature de l’État faible.

Caractères de l’État faible

L’absence d’une différenciation sociale reposant sur une division sociale du travail organisée dans un marché peut donner lieu à deux formes d’État apparemment opposées. La première est la forme populo-corporatiste où la différenciation s’opère dans le rapport même instituant l’État, rapport où des catégories sociales sont « nommées » par l’État et où des demandes sociales sont formulées en direction du destinataire-État personnifié par un leader. Dans les institutions de ce type d’État, la représentation se fait par corporations (paysans, ouvriers, étudiants, etc.). La seconde forme d’État est la forme de l’État faible, forme indifférenciée dans ses appareils de contact avec l’extérieur et indifférenciée socialement à l’intérieur au point d’être incapable de formuler des demandes (sur la base d’intérêts communs) instituant un destinataire.

L’absence d’une différenciation sociale reposant sur une division sociale du travail s’observe dans des pays où l’accumulation s’est produite sur la base de la rente - rente agricole, minière ou pétrolière. La rétention (partielle) de la rente à l’intérieur des frontières nationales résultant généralement d’une conjoncture historique particulière (révolution, guerre, etc.) contribue par les circuits quelle met en place à sédimenter la population en catégories corporatistes. Mais la rente peut être directement orientée vers l’extérieur sans développement de circuits importants à l’intérieur. La fuite de la rente n’est jamais totale ; une couche de rentiers se constitue en introduisant dans ces circuits des facteurs de « rigidité ». Néanmoins, cette situation favorise l’indifférenciation sociale, tout le monde étant placé sur le même rapport de circulation de la rente orientée vers l’extérieur.

La rente est une anti-valeur qui correspond à la dégradation des ressources naturelles. Cette interprétation de la rente a été exposée dans l’analyse de la forme populo-corporatiste que sont les États mexicains et algériens des années 1970 [12]. La rente est « anti » valeur parce que l’argent qui apparaît (parfois comme prélèvement fiscal des pays consommateurs) est la contrepartie d’un travail non effectué de reproduction des ressources naturelles. Dans [290] l’État populo-corporatiste, cette destruction a, à son tour, comme contrepartie un mode particulier de production de la population se signalant notamment par un taux élevé de croissance démographique (et d’emplois). Dans l’État faible, la destruction poussée à ses limites ultimes englobe la population elle-même qui s’autodétruit au niveau des rapports dans lesquels elle est engagée [13]. La population elle-même fuit (une partie importante de la population vit à l’étranger) ou/et est astreinte à des conditions de misère extrême.

Haïti : un État faible

Bien que dotée, à plusieurs reprises dans son histoire, d’un régime dictatorial, Haïti est un État faible. Cet État faible repose traditionnellement sur des rapports de rente. Durant près de deux siècles, ces rapports ont concerné la production du café. Le petit producteur de café effectue un travail gratuit en faveur de ses créanciers vis-à-vis de qui il est en dépendance perpétuelle. S’il parvient à survivre, c’est grâce à son lopin vivrier. Celui-ci ne lui permet pas toutefois d’avoir le temps nécessaire pour reproduire les ressources naturelles, notamment la couverture végétale. Au contraire, c’est parfois le même petit producteur qui pour survivre détruit systématiquement celle-ci à l’échelle du pays. Christian Girault [14] avait, en 1981, publié un livre retentissant, montrant le caractère non compétitif de la production et de la commercialisation du café. Sans utiliser une conceptualisation en termes de rente, ce sont ces processus qu’il analyse dans son ouvrage.

Haïti a connu un mouvement révolutionnaire d’indépendance exemplaire [15]. Malgré cela, elle a été incapable de retenir sa rente agricole [16]. Cette incapacité n’est pas sans rapport avec la condition de « barbare imaginaire [17] » que l’élite haïtienne, en partie mulâtre, a cru devoir assumer. Haïti a accepté de payer, durant tout le XIXe siècle, une lourde dette extérieure pour se faire reconnaître dans le cercle des pays « civilisés ». Les rapports de circulation de la rente vers l’extérieur se sont modelés sur cette base.

Dans la période contemporaine, ces rapports de rente se sont développés à travers l’envoi de devises de la part des immigrants haïtiens établis aux États-Unis [18]. S’est également articulée la présence dans le pays voisin d’un [291] demi-million d’Haïtiens et de Dominicains d’origine haïtienne [19]. Dans ces rapports, le rôle de l’armée est prédominant (armée haïtienne dans sa connexion avec l’armée dominicaine mais aussi avec l’armée américaine).

Transformations au niveau économique

La transformation dans le sens d’une détérioration des ressources sociales et naturelles est, en Haïti, séculaire [20]. La production de café n’a cessé de diminuer durant le XXe siècle, se retrouvant en 1980-1985 à moitié de son montant de 1890-1895 [21]. Depuis 1986, elle a encore baissé de façon accélérée (un tiers supplémentaire).

Sur l’évolution de la production des céréales, les avis sont plus partagés. Selon Lundahl [22], la production des principales céréales n’a crû pour toute la période 1950-1988 que de 8%, tandis que la population croissait annuellement de 2,2%. Il ajoute que la période 1979-1986 se caractérise par une chute de l’ordre de 13%. Pour la FAO [23], la croissance de 1948 à 1985 est proportionnelle à la population pour le riz mais baisse drastiquement pour le maïs, céréale consommée traditionnellement par le paysan haïtien. La CEPALC [24] relève une même tendance pour 1986-1990. La chute brutale du PIB de 1991 à 1995 - de plus de 30% - laisse supposer en revanche, pour l’ultime période, une forte diminution de la production de céréales. Quoi qu’il en soit, la disponibilité alimentaire se situe en Haïti à 2 000 calories par habitant. Des analyses de Lundahl, on peut aussi retenir qu’à la fin des années 1970, un tournant est pris sous la pression du FMI : on importe désormais de plus en plus de céréales. Une seconde poussée de ce mouvement a lieu en décembre 1986, avec la politique de libéralisation mise en œuvre par le ministre des Finances, Leslie Delatour [25]. Enfin l’abolition totale des barrières douanières pour les céréales - mesure annoncée au printemps 1995 -, est de nature, selon certains, à bouleverser complètement l’économie alimentaire.

[292]

Haïti : données macro-économiques récentes

1990

1991

1992

1993

1994

PIB (en milliards de gourdes)

12,5

12,9

nd

nd

nd

Croissance du PIB per capita"

-0,7

-3,0

-14,8

-2,6

-10,6

Taux d’inflation

21,2

18,2

15,6

18,9

36,1

Population (en millions)

6,49

6,62

6,76

6,90

nd

Taux de change gourdes : dollar US

7,37

8,00

9,5

11,7

nd

Source : EIU (The Economie Intelligence Unit, Londres) Country Report, 2e trimestre 1995, p. 27. * De 1981 à 1990, taux cumulatif de - 19,6.

Dans l’idéologie ambiante des cercles d’experts internationaux, les rapports de rente sont confondus avec les circuits de l’« État prédatoire » [26], typiques de la dictature duvaliériste. La libéralisation de l’économie est alors vue comme le remède par excellence, pour purger l’économie de toutes les prébendes instituées par la dictature. En d’autres mots, pour ces cercles, les rigidités de l’économie sont considérées comme de caractère politique. Un ministre du gouvernement Smarck Michel n’affirmait-il pas, dans la foulée, que le peuple haïtien tout entier est aujourd’hui néo-libéral [27] ?

Selon la conception « anti-néo-libérale », présente également dans une sphère de l’entourage du président Aristide [28], la libéralisation renforce le processus d’« expulsion » de la paysannerie des campagnes. Les « rigidités de l’économie » sont attribuées au reliquat des rapports semi-féodaux. Il faut s’atteler à les éliminer. Pas de n’importe quelle façon, néanmoins. Les millions de dollars [29] promis en échange de l’application de la politique d’ajustement structurel [30] pourraient permettre, à travers l’action des ONG et du système coopérativiste, d’augmenter la productivité des moins vulnérables. Il est difficile d’évaluer quelles pourraient être les conséquences politico-électorales de [293] cette « expulsion » pour Lavalas. Dans son aspect « populiste », Lavalas aurait-il surtout un soutien auprès des pauvres urbains ? Cela n’apparaît pas certain, ni en fonction de la nature du mouvement tel qu’il se développe depuis 1984 (« l’encerclement de la république de Port-au-Prince [31] »), ni en fonction des résultats fragmentaires des élections de juin 1995.

Si on s’appuie sur la thèse, rappelée plus haut considérant les « rigidités » comme le propre de l’ensemble d’une structure économique - l’économie de rente - (par opposition à l’hypothèse de l’effet immédiat de l’« État prédatoire » ou à celle de reliquats semi-féodaux), d’autres conséquences peuvent être anticipées concernant la politique de libéralisation actuelle. En balayant les « rigidités », cette politique a pour effet mécanique d’accroître la fuite de la rente. Elle touche d’abord les intermédiaires dans la chaîne de commercialisation des produits d’exportation et des produits du marché intérieur. A ce dernier niveau, il y a une purge de toutes sortes de prébendes renforcées durant l’embargo. Les intermédiaires s’orientent vers d’autres activités (ils sont en partie recyclés comme agents d’institutions financières qui distribuent désormais le crédit agricole, y compris aux petits producteurs alimentaires) et trouvent de nouveaux moyens de ponctionner la population. De nouveaux circuits sont mis en place qui sont en même temps des formes de résistance paysanne : les « rigidités », tout en étant le signe d’une ponction de « surplus », sont aussi l’expression d’une résistance [32]. Apparaissent de nouvelles « rigidités », correspondant à la logique d’une économie de rente. En été 1995, les petits et moyens producteurs parviennent à résister au plan des prix en maintenant par exemple le riz créole moins cher et plus recherché que le « riz de Miami ». Quant aux grands entrepreneurs, ils voudraient se présenter comme les intermédiaires obligés des millions de dollars promis et distillés dans des canaux ad hoc. Ces millions fonctionnent effectivement comme un substitut de la rente : une somme d’argent sans contrepartie [33]. Aussi, globalement cette anti-valeur a son équivalent présent ou futur de dégradation des ressources naturelles. Derrière le décor que représentent les projets de développement, il y aurait la « promesse » d’une dévastation plus grande encore des ressources naturelles et humaines !

Transformations au plan
de la souveraineté nationale


Malgré un discours parfois ultra-nationaliste comme celui tenu en République Dominicaine, lors de la campagne électorale de 1994, dans lequel [294] était dénoncée la « conspiration des grandes puissances en vue de la fusion des deux pays de l’île », l’État faible est un État transnationalisé. Ses appareils d’État ne sont pas constitués dans un processus d’intégration de l’espace national. Ils se confondent avec d’autres instances au-delà des frontières. Ces appareils peuvent être même ceux de puissances étrangères. C’est notamment le cas des douanes, cogérées durant un temps par les États-Unis. Cela justifie les occupations américaines de 1916-1924 en République Dominicaine et de 1915-1934 en Haïti [34]. À partir de la « Garde nationale » mise en place au cours de ces interventions, se structure un appareil militaire dont les officiers continuent à passer par les académies américaines. Ils conservent (parfois à travers la CIA) des liens étroits avec le pouvoir américain. L’appareil militaire, supposé garantir la souveraineté extérieure, est transnationalisé. Le « développement agricole » l’est aussi. Il l’est à travers l’action des organismes étatiques de coopération et des ONG. En République Dominicaine, cette transnationalisation s’opère dans la foulée de l’occupation américaine de 1965. Renseignement est tout aussi transnationalisé. On constate, pour le niveau supérieur, l’ouverture de « zones franches culturelles ». Des étudiants américains ou portoricains suivent des programmes universitaires en République Dominicaine avec des frais de scolarité et d’entretien bien inférieurs au tarif métropolitain. Demain, cela sera en Haïti. Les projets de création d’universités s’y multiplient. Enfin en matière de finances publiques, l’État faible se caractérise par sa très faible marge de manœuvres, face aux injonctions du FMI. Éclatent périodiquement des « émeutes de la faim », des soulèvements urbains qui ne parviennent pas à se trouver de destinataire à l’intérieur.

C’est à la lumière de cette transnationalisation ancienne et poussée qu’il convient d’apprécier la double atteinte à la souveraineté nationale que sont l’occupation américaine de 1994 en Haïti et la formation, par les soins des États-Unis, de la nouvelle police haïtienne [35]. Cette dernière, composée d’abord de 1 500 hommes en tant que police intérimaire, est ensuite fixée à 3 000 hommes, puis à 6 000. Maintenant, on estime que Haïti « aura besoin [295] d’une force de police d’environ 7 000 membres [36] ». À ces deux atteintes flagrantes, certains ajouteront l’entérinement par l’OEA et les États-Unis des résultats des élections [37] du 25 juin, pourtant contestés par 22 des 26 partis, dont le FNCD (Front national pour le changement et la démocratie), qui ont menacé de boycotter les nouvelles élections.

Deux différences majeures existent par rapport à ce qui s’est passé au début du siècle, [(intervention a lieu au nom du rétablissement d’un président légitimement élu mais renversé par un coup d’État (probablement effectué à l’instigation de l’Administration américaine précédente), justification sans précédent dans l’histoire tant américaine qu’onusienne [38]. Tout se passe comme si la politique intérieure des États-Unis s’étendait à sa « cour intérieure ». Il s’agit aussi d’une transnationalisation de celle-ci, opérant à travers le lobbying de minorités, représentées en l’occurrence ici par le « Black Caucus ». La seconde différence est l’abandon par une gauche, à vrai dire peu classique, du discours anti-impérialiste - un discours tellement important en Amérique latine en particulier, depuis la révolution cubaine. Une tendance comparable, quoique beaucoup plus atténuée s’observe en République Dominicaine où la gauche démocratique s’appuie de plus en plus, face au néo-patrimonialisme balaguériste [39] jouant de toutes les astuces de la fraude électorale et prêt à la dénonciation du Pacte pour la Démocratie [40], sur des organismes transnationaux de défense des droits de l’homme et de la démocratie.

[296]

L’abandon de ce discours [41] ne procède pas directement de la transnationalisation avancée des classes moyennes de l’État faible. Au contraire, celle-ci les avait rompues aux arcanes du discours anti-impérialiste. Aujourd’hui, alors que ce discours a apparemment plus de pertinence que jamais, il est considéré - deuxième hypothèse de ce texte - comme dépourvu de toute efficacité en l’absence d’une surenchère Est-Ouest. Un discours messianique, par le même décalage entre la réalité et les politiques mises en œuvre, peut s’y substituer déplaçant l’imaginaire d’un découpage spatial à un discontinuum temporel ouvrant sur une terre promise.

Transformations des relations
haïtiano-dominicaines


Bien qu’à travers les siècles, la contrebande ait été le rapport traditionnel entre les deux pays, en particulier durant les XVIIIe et XIXe siècles, et qu’elle soit un trait de l’indifférenciation caractéristique de l’État faible, celle-ci semble s’être atténuée de 1937 à 1986 [42]. Cette période est marquée en République Dominicaine par une vaine stratégie de substitution des importations - peu compatible avec une économie de rente -, stratégie qui se dilue à partir des années 1980 dans l’essor du tourisme et des industries d’assemblage. L’économie dominicaine repose aussi, durant cette période sur la surexploitation de la main d’œuvre haïtienne dans les plantations sucrières [43]. À partir de 1986, les prébendes que les deux armées - haïtienne et dominicaine - tiraient non seulement du commerce des « braceros » mais de l’usage de travailleurs haïtiens clandestins dans de larges secteurs de l’économie dominicaine s’amoindrissent avec la fin de l’ère duvaliériste et la prise de conscience de leurs droits par les Haïtiens.

Désormais, les prébendes sont recherchées dans le commerce informel. Alors que les statistiques du Commerce extérieur dominicain (CEDOPEX) ne font apparaître qu’un échange formel de l’ordre de 6 millions de dollars, les estimations du commerce informel varient dans une fourchette de 50 à 200 millions de dollars. Dans le cadre de la « politique néo-libérale », on laisse entrer en Haïti, en provenance du pays voisin, des produits comme le riz, le [297] sucre, la farine, le propane. Le commerce devient si florissant que du côté dominicain, s’élèvent dans certains milieux des plaintes quant à la pénurie des produits essentiels. Les produits acheminés vers Haïti sont en effet des produits subventionnés. Aussi le gouvernement dominicain se doit-il d’empêcher ce commerce. « Les entraves bureaucratiques dominicaines aux exportations à destination d’Haïti sont telles, et la dégradation de la moralité des fonctionnaires gouvernementaux atteint un tel point, que les pots-de-vin versés à de petits fonctionnaires sont devenus la règle pour pouvoir exporter rapidement, mais illégalement, à destination d’Haïti [44]. » Les entraves bureaucratiques sont donc un stimulant pour la contrebande.

On est loin tant pour la République Dominicaine que pour Haïti d’une politique de liberté des échanges. Certes les échanges se multiplient mais ils sont réglés par une « chaîne de rigidités ». Par ailleurs, la balance est très déficitaire pour Haïti bien que celle-ci commence à introduire sur le marché dominicain une gamme de produits électroniques soumis en République Dominicaine à des droits douaniers prohibitifs. La situation va-t-elle changer avec l’annonce faite au printemps 1995 par le gouvernement haïtien selon laquelle beaucoup de produits entreraient prochainement en Haïti totalement exonérés ? On parle de « hong-kongisation » de l’économie haïtienne. Pour la République Dominicaine, cela « signifierait la contrebande massive de produits électroniques, d’automobiles, etc. partant d’Haïti à destination de la République Dominicaine [45] ».

Le déficit risquant d’être cette fois au dépens de la République Dominicaine, des cris d’alarme s’élèvent de toutes parts dans les milieux commerciaux et politiques dominicains. Les milieux néo-libéraux en profitent dès lors pour lancer des propositions d’accord (formel) de libre-échange entre les deux pays, sur le modèle de celui qui existe par exemple entre le CARICOM et le Venezuela [46].

Un tel accord n’est guère prévisible tant que le président Balaguer se maintiendra au pouvoir. Les « rigidités » propres à une économie de rente, se manifestant en l’occurrence par les pots-de-vin versés aux petits (et moins petits) fonctionnaires civils ou militaires, rendent en effet cet accord peu probable. Même si un tel accord était signé, il encouragerait la contrebande. En effet, si des produits électroniques et automobiles devaient rentrer massivement, apparaîtraient des occasions nouvelles de prébendes que ne pourrait [298] aucunement empêcher un gouvernement dominicain très dépendant de son appareil militaire. Autre obstacle : la formalisation des échanges entraînerait la nécessité d’une formalisation au plan du déplacement des personnes. Or cette formalisation est difficile à envisager dans le cadre de l’État néopatrimonialiste balaguériste, bardé de l’idéologie anti-haitïenne qu’on lui connaît. Elle exigerait la définition d’une politique migratoire visant à régulariser à moyen terme, la situation des cinq cent mille Haïtiens vivant en République Dominicaine. Cela signifie, entre autres, la reconnaissance de la nationalité dominicaine aux enfants haïtiens nés en République Dominicaine [47]. Ce n’est pas seulement le gouvernement qui est loin d’envisager une telle politique de formalisation des échanges (y compris des personnes). C’est aussi l’opposition. Il est dans la logique de l’État faible de maintenir une situation de contrebande. La « hong- kongisation » de l’économie haïtienne peut déboucher sur une multiplication des « rigidités ».

Transformations au plan des appareils d’État

La mission du président Carter conclue par l’accord du 18 septembre 1994 (avec le « président » de facto, Jonassaint) a permis d’empêcher un démantèlement violent de l’armée haïtienne. L’action de celle-ci, forte de 7 500 hommes, était, il est vrai, plus exercée à la conspiration et à la répression qu’à la défense de la souveraineté nationale. Même vis-à-vis de la République Dominicaine où l’armée est forte de 30 000 hommes, auxquels s’ajoute une police de 23 000 hommes [48], l’armée haïtienne a surtout servi à livrer les « braceros » gérés de l’autre côté par l’armée dominicaine [49].

Après le retour du président Aristide, le 15 octobre 1994, l’armée haïtienne a été réduite à 1 500 hommes [50]. À l’occasion de la visite du président du Costa Rica, le président Aristide déclarait qu’il était favorable à l’abolition complète de l’armée, à l’instar de l’exemple costaricain. Il déclarait ensuite qu’il soumettrait au nouveau Parlement un amendement constitutionnel. Quoi qu’il en soit, la nouvelle police serait complètement démilitarisée, dépendante du ministre de la Justice et mise à la disposition des maires. Elle aurait pour seule mission reconnue de poursuivre les « criminels » ! [299] La transformation des appareils d’État - couplée à une réduction du nombre de fonctionnaires : les 90 000 fonctionnaires devraient être réduits à 40 000 selon l’avis de la Banque mondiale [51] - se mesure aussi à la coopération pressante dont ceux-ci bénéficient de la part d’organismes étatiques nationaux ou internationaux. LUSAID (Agence des États-Unis pour le développement international) a signé des accords avec de nombreux ministères, à commencer par le ministère de la Justice [52], et avec le CEP (Conseil électoral provisoire) [53]. La MINUHA a apporté sa coopération à divers secteurs [54]. Les différents gouvernements étrangers ont promis des aides, chacune spécialisée dans un secteur. Mais devant l’incapacité des ministères à canaliser celles-ci, on s’oriente dans certains domaines vers le traitement directe avec les villes. Un séminaire organisé par le PNUD a posé la question de la nécessaire « autonomie des villes ». Cela scandalise certains milieux haïtiens : « Ce sont les conseillers de ces ambassades qui gèrent au jour le jour la politique de l’aménagement du territoire. .. Dans quel pays du monde voit-on des bennes à ordures porter l’affiche publicitaire de l’ambassade du pays qui finance le ramassage des détritus [55] ? »

L’action massive des ONG [56] scandalise plus encore. On stigmatise cette action ; il est question de « République des ONG [57] ». Le ministre des Affaires étrangères - madame Claudette Werleigh - l’exprime de son côté : « Actuellement, certaines ONG essaient de supplanter l’État, d’opérer de façon tout à fait indépendante sans aucune velléité de coordination de leurs activités avec [300] les pouvoirs publics ou avec d’autres ONG œuvrant sur le terrain. C’est inacceptable [58]. »

On peut avoir des doutes sur le démantèlement de l’appareil répressif. De même peut-on s’interroger sur le changement concernant l’éviction de l’État. Par le passé, l’État avait-il vraiment un rôle de coordination ? Il est plus prudent de se limiter ici à observer des modifications dans la pondération des différents types d’appareil (perte d’influence de l’appareil militaire) et d’examiner leurs conséquences (quatrième hypothèse). D’une part, ces modifications remodèlent ces appareils - souvent inconsistants - ainsi que leur personnel surnuméraire en aménageant de nouveaux « nœuds de rigidités » (et de potentielles prébendes). D’autre part, ces modifications affectent l’équilibre des relations haïtiano-dominicaines traditionnellement réglées à travers les appareils militaires [59]. Bien que les discours en circulation tablent d’un côté sur la « professionnalisation » et la « rationalisation » et, de l’autre côté, sur la « participation de la base », les appareils de l’État faible se développent dans leurs contradictions propres sans rapport avec ces discours importés [60]. Les discours en paraboles [61] du président Aristide masquent ces contradictions mais indiquent également une transformation dans la représentation du politique.

Transformation
dans la représentation du politique


Le régime de facto (1991-1994) a manifesté dans sa forme nue la stratégie d’un certain type de pouvoir. Cette stratégie opérait sans médiation à partir des chefs de l’armée et de la police. Malgré cette absence de médiations, ou à cause de celle-ci, la stratégie n’en était pas moins sophistiquée et maîtrisée. Ainsi, en dépit du climat de terreur régnant à certains moments - notamment en automne 1993 - et alors que le FRAPH [62] occupait de plus en plus l’avant-scène, il faut relever qu’aucun étranger n’a été tué. Ce prétexte n’a jamais été fourni aux partisans éventuels d’une intervention musclée à Washington. [301] Quelle que soit la complicité de certains secteurs de l’Administration américaine, les militaires haïtiens ont tenu en échec pendant de nombreux mois l’OEA, l’ONU et les secteurs de l’Administration américaine favorables au président Aristide.

La stratégie militaire était efficace. Elle fonctionnait sans médiation mais avec certains paravents et la personne du Premier ministre ou d’un président civil (de facto). Aucun mécanisme institutionnel n’était mis en place pour juger la stratégie acceptable ou inacceptable [63]. En ce sens, elle était dépourvue de caractère proprement politique.

Avec le retour du président Aristide le 15 octobre 1994, l’armée cesse d’être une instance de formulation de stratégie. Les élections du 25 juin et du 13 août [64] doivent permettre de faire figurer un pouvoir législatif. Ce pouvoir devra fonctionner sans partis politiques consolidés et sans opinion publique. D’un côté, les risques d’une sorte de parti unique ne sont pas totalement écartés, de l’autre, malgré quelques stimulantes tentatives journalistiques [65], il n’existe ni presse quotidienne établie ni sondages fiables. Il s’avère que la transplantation d’un système démocratique à l’occidentale ne suppose pas seulement l’existence de trois pouvoirs distincts. Une « classe politique » qui fait la médiation entre ces pouvoirs en définissant ce qui est acceptable ou inacceptable, à travers le fonctionnement pluraliste des partis et une certaine manipulation de l’opinion publique [66], est nécessaire. Celle-ci ne peut pas être formée par le jeu d’une « assistance technique ». Elle relève de l’expérience que chaque société se fait de ce qu’est la politique ; elle relève de sa représentation du politique.

Cette représentation se construit à partir de certains « énoncés originaires » et dans certains imaginaires. Dans le cas d’Haïti, cet énoncé n’est pas comme dans la démocratie occidentale, le contrat. Quelque chose a été énoncé au Bois Caïman [67], qui déclinait le mot liberté. L’énoncé a été effacé. Il ne nous reste que l’imaginaire dans lequel il a été produit : l’imaginaire du [302] marronnage et de la contre-société incarnée alors dans le vaudou. L’hypothèse proposée (cinquième hypothèse) ici est que c’est cet énoncé que recherche le peuple haïtien dans les paraboles d’Aristide. Ce peuple ne se livre pas comme « opinion publique » parce qu’il fonctionne dans l’imaginaire du marronnage, c’est-à-dire d’une contre-société en continuelle résistance, tant au plan économique que politique. C’est cet imaginaire qui permet au peuple haïtien d’accepter l’occupation américaine - elle n’appartient pas à leur monde.

La stratégie militaire était sans médiation et instrumentale, la stratégie du régime constitutionnel opère par médiations et est symbolique. Ces médiations ne sont pas celles d’une classe politique qui monnayant les mots (libéralisation, ONG, police), les rend acceptables. Ces médiations s’orientent vers le dégagement d’énoncés originaires que l’histoire - et celle du « barbare imaginaire » - a recouverts et presque effacés. De tous les facteurs qui sont soumis à transformation, c’est cette recherche symbolique qui est le facteur principal. C’est lui qui peut fournir une matrice à la recomposition des éléments d’une société. C’est la représentation du politique. Moment crucial et périlleux pour Haïti. La tentative duvaliériste qui s’est décomposée dès ses premiers pas doit rappeler constamment la proximité de l’abîme.

Conclusion

En 1994-1995, l’histoire événementielle d’Haïti a connu l’aiguisement d’une crise - le durcissement de l’embargo imposé par l’ONU suite au coup d’État du 30 septembre 1991 - et la solution sans précédent de celle-ci par le retour du président constitutionnel dans les « fourgons de l’armée américaine ». Dans quelle mesure ces péripéties événementielles peu ordinaires ont-elles affecté le niveau des structures - structure de l’économie et structure de l’État ? Il est trop tôt pour le dire. Il est pourtant utile, pour poursuivre la lecture de l’histoire immédiate d’Haïti, d’avoir des hypothèses. L’objet de ce texte était d’en formuler quelques-unes. Cinq hypothèses ont été avancées. Or, la dernière vient perturber les quatre précédentes. En avançant l’hypothèse (hypothèse 5) que c’est « un énoncé originaire » que recherche le peuple haïtien dans les paraboles d’Aristide, on avance par corollaire l’hypothèse que le dégagement de cet énoncé pourrait fournir, en fondant une représentation du politique, la matrice à une recomposition des éléments de la société. Dès lors, les déterminismes de l’État faible s’en trouveraient affectés.

Cette cinquième hypothèse exige ainsi la réinterprétation des quatre premières. Reprenons donc l’énoncé de celles-ci. 1) La politique de libéralisation économique va donner de nouveaux soutiens à l’économie de rente et laisser apparaître de nouveaux « nœuds de rigidités ». 2) L’abandon du discours [303] anti-impérialiste s’explique par la fin de la confrontation Est-Ouest mais il implique la recherche d’un nouvel imaginaire. 3) Rien ne va dans le sens de l’intégration - formelle - des deux économies haïtienne et dominicaine. Au contraire, bien que les échanges se multiplient, ils renforcent les « nœuds de rigidité ». 4) Les modifications dans les appareils d’État remodèlent l’État en fonction de nouvelles prébendes correspondant à ces « nœuds de rigidité » mais elles déséquilibrent les relations haïtiano-dominicaines réglées traditionnellement par l’appareil militaire. S’ouvrent du côté dominicain de larges plages d’instabilité.

Ces quatre hypothèses indiquent à plusieurs niveaux le développement de profondes contradictions. Aucune des stratégies particulières actuellement mises en œuvre n’apporte de solutions, mêmes graduelles. Aucun mécanisme institutionnel ne tranche sur leur acceptabilité ou leur inacceptabilité. Aussi peut-on apparemment employer n’importe quels mots ; ils ne sont pas pour autant acceptables. Etrangers comme Haïtiens ont libre jeu, au point de dire le contraire de ce qu’ils disaient auparavant. Ces mots (anti-impérialisme ou libéralisme, privatisation ou base, aide de la Banque mondiale, etc.) circulent sans effet car ils ne peuvent prendre de valeur que dans le cadre de représentation du politique. Celle-ci est encore ensevelie dans l’histoire du « barbare imaginaire ». [68]

Sous les traits du prêtre, symbole de l’« anti-barbarie », se développe dans le domaine religieux un anti-discours [69]. À court terme, il masque les contradictions. À long terme, il est porteur du défrichage de l’« énoncé originaire ». Encore faudra-t-il le mettre dans une langue politique qui permette à la société, et non à un prophète, de dire ce qui est acceptable et désirable [70].

[304]

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[306]



* Je tiens à remercier vivement Guy Alexandre qui m’a donné l’occasion de formuler une ébauche de ces hypothèses en m’invitant à une conférence à l’université Quisqueya (Port-au-Prince) le 24 mai 1995. Je remercie également Marie-Christine Doran et Ricardo Penafiel qui m’ont aidé pour la documentation.

[1] Gilberto Mathias, Pierre Salama, L’État surdéveloppé, Des métropoles au tiers monde, Paris, La Découverte, 1983. Voir aussi : Thomas Clive. Y., The Rise of The Authoritarian State in Peripherical Societies, Londres, Heinemann, 1984. Evers Thilman, El Estado en la periferia capitalista, Mexico, Siglo XXI, 1979. Lechner Norbert, Estado y politica, Mexico, Siglo XXI, 1981.

[2] Gérard Pierre-Charles, L’Économie haïtienne et sa voie de développement, Paris, Maisonneuve et Larose, 1967. Gérard Pierre-Charles, Radiographie d’une dictature, Haïti et Duvalier, Montréal, Éditions Nouvelle optique, 1973.

[3] Mats Lundahl, Politics or Markets, Essays on Haitian Underdevelopment, Londres, Routledge, 1992.

[4] Bernard Diederich, Al Burt, Papa Doc et les tontons macoutes, Paris, Albin Michel, 1971.

[5] Collectif Paroles 1946-1976, Trente ans de pouvoir noir en Haïti, Montréal, 1976.

[6] Michel-Rolph Trouillot, Les Racines historiques de l’État duvaliérien, Port-au-Prince, Éditions Henri-Deschamps, 1986.

[7] Laënnec Hurbon, Le Barbare imaginaire, Paris, Le Cerf, 1988.

[8] Cette « typologie » résultait de nos propres recherches (1979-1989) portant sur la rente pétrolière et agricole dans quatre pays - Mexique, Algérie, Haïti, République Dominicaine. Pour le type « État fort », Voir Corten André, Tahon Marie-Blanche, L’État nourricier, Prolétariat et population, Mexique/Algérie, Paris, L’Harmattan, 1988. Pour le type « État faible », voir André Corten, L’État faible, Haïti-République Dominicaine, Montréal, CIDIHCA, 1989. El Estado Débil, Republica Dominicana, Santo Domingo, Editoria Taller, 1993.

[9] Pierre Legendre, L’inestimable objet de la transmission, Etude sur le principe généalogique en Occident, Paris, Fayard, 1985.

[10] Gérard Barthélemy, « Haïti : crise nationale, tempête internationale (1991-1995) », Problèmes d’Amérique latine, n° 17, nouvelle série, avril-juin 1995, pp. 35-55. Corten Olivier, « La résolution 940 du Conseil de sécurité autorisant une intervention en Haïti : L’émergence d’un principe de légitimité démocratique en droit international ? » European Journal of International Law, vol. 6, n° 1, 1995, pp. 116-133. Corten André, « Port-au-Prince, Washington, Santo Domingo. Premières leçons d’un embargo (Note) », Etudes internationales, vol. XXV, n° 4, décembre 1994 : 671-693.

[11] Gérard Barthélemy, Christian Girault, (sous la dir.), La République haïtienne, État des lieux et perspectives, Paris, ADEC-Karthala, 1993.

[12] Corten, Tahon, op. cit., 1988, 2e partie.

[13] Corten, 1989, 1993.

[14] Christian Girault, Le Commerce du café, habitants, spéculateurs et exportateurs, Paris, CNRS, 1981.

[15] David Nicholls, From Dessalines to Duvalier, Race, Colour and National Independence in Haiti, Cambridge, Cambridge University Press, 1979.

[16] D’An André-Marcel, Haïti : Paysage et société, Paris, Karthala, 1987.

[17] Laënnec Hurbon, 1988.

[18] André Corten, 1993, pp 128-137.

[19] André Corten, Isis Duarte, « Five hundreds thousands Haitians in Dominican Republic », Latin American Perspectives, vol. 22, n° 3, issus 86, 1995, pp. 94-110.

[20] Alex Dupuis, Haïti in the World Economy : Class, Race and Underdevelopment since 1700, Boulder, Westview Press, 1989.

[21] Corten, 1993 : cuadros.

[22] Mats Lundahl, 1992, p. 403.

[23] FAO, Annuaire de la production, 1948-1985.

[24] CEPAL, Estudio Económico de America Latinay el Caribe, 1990, vol. II, Santiago de Chile, 1991.

[25] Christian Girault, « La crise économique », in Barthélemy G., Girault C., (sous la dir.), 1993, pp. 267- 293.

[26] Mats Lundahl, 1992 : chap. 13 (avec Claudio Nalin [Vedovato]).

[27] Suite au « symposium économique » tenu à Port-au-Prince du 15 au 17 mai 1995, où étaient énoncées les « nouvelles règles du jeu », c’est-à-dire « l’abandon de l’État de tout contrôle de l’économie et notamment élimination des subventions pétrolières, la suppression de l’exigence de rétrocession par la Banque centrale de 40% des devises d’exportation, la réduction du tarif douanier et la suppression de certaines taxes administratives », le ministre de l’Agriculture, François Séverin, déclarait : « C’est le peuple haïtien qui est néolibéral. Oui, c’est lui qui est néo-libéral. Parce qu’il achète là où il trouve un bon prix. Auparavant, le néolibéralisme était fait pour un petit groupe ». Haïti Progrès, vol. 13, n° 9, 24-30 mai 1994, p. 7.

[28] On préfère néanmoins pour le moment la qualifier de conception d’extrême gauche.

[29] Les chiffres sont imprécis (un milliard de dollars) et les décaissements jusqu’à présent réduits. Selon Barthélemy, selon ce qui a été décidé à la réunion des bailleurs de fonds tenue à Paris les 30 et 31 janvier, 600 millions devraient être décaissés dès 1995. Barthélemy, 1995, 48. Cela paraît exagéré.

[30] « Il y a des objectifs familiers des programmes appuyés par le FMI. Mais la situation politique et sociale ne permet pas un plan d’ajustement structurel classique. Ainsi, le FMI s’attend-il que le déficit courant (à l’exclusion des dons) s’élève à 21% du PIB. L’objectif concernant l’inflation est une réduction du taux de 36% (1994) à 15% (1995), les réserves internationales devraient augmenter de 45 millions de dollars et le taux de croissance du PIB atteindre 4,5%. Notons que le PIB a baissé de 10,6% en 1994, de 2,6% en 1993 et de 14,8% en 1991, EIU Country Report, 2e trimestre, pp. 27 et 30.

[31] André Corten, op. cit., 1993, pp 153-172.

[32] André Corten, Port-au-sucre, Haïti-République Dominicaine, Montréal, C1DIHCA, 1986.

[33] L’endettement des pays du tiers monde à partir des années 1970 s’est, on s’en souvient, produit dans un contexte international d’apparition de la rente pétrolière.

[34] La première occupation américaine avait suscité la résistance armée des « cacos » dirigée par Charlemagne Péralte. Voir à ce sujet le livre de Suzy Castor, La Ocupación norteamecicana de Haïti y sus consecuencias (1915-1934), Mexico, Siglo XXI, 1971.

[35] Dans une interview du président Aristide, recueillie par Jean-Michel Caroit, à la question : « A propos de la formation de la nouvelle police, les divergences avec les Américains [qui avaient provoqué la démission du secrétaire d’État Paul Lejeune en mai 1995] sont-elles surmontées ? », le président répondait : « Dans l’ensemble, oui. Des policiers haïtiens ont été formés au Canada. D’autres ont suivi des stages au Japon, au Chili. Le Honduras nous a fait des propositions. Dans ce cadre, nous n’allions pas nous opposer au départ d’un groupe de policiers aux États-Unis. Nous avons posé deux conditions : primo, le recrutement doit être fait par le gouvernement haïtien, et secundo, une délégation haïtienne doit se rendre aux États-Unis pour nous permettre d’informer périodiquement la nation au sujet de cette formation. » Le Monde, 26 juillet 1995, p. 3.

[36] Rapport du secrétaire général de l’ONU en date du 24 juillet 1995. Haïti en Marche, vol. IX, n° 26, août 1995, p. 7.

[37] Selon les résultats annoncés par le Conseil électoral provisoire (transmis par l’AFP - Libération, le 13 juillet 1995), la plate-forme politique Lavalas réunissant l’OPL (Organisation politique Lavalas) et deux petits partis proches d’Aristide (le PLB - Parti Louvri Baryè - et le MPO - Mouvement d’organisation du pays) a d’ores et déjà 4 élus au Sénat et 10 autres de ses candidats se trouvent en ballottage favorable (18 des 28 sièges de sénateurs sont à pourvoir) ; de même il a 16 députés élus et 39 autres se trouvent en ballotage favorable (sur 83 sièges). Il aurait également remporté 80 des 200 postes de maires, dont ceux de Port-au-Prince, Cap-Haïtien, Gonaïves, les Cayes, Port-de-Paix, Hinche, Jacmel. Le FNCD arrive souvent en deuxième position.

[38] Corten Olivier, op. cit., 1995, André Corten, 1994.

[39] Jonathan Hartlyn, « Crisis-Ridden Elections (Again) in the Dominican Republic : Neopatrimonialism, Presidentialism, and Weak Electoral Oversight », Journal of Interamerican Studies and World Affairs, vol. 34, n° 4, 1994, pp. 91-144.

[40] Le ministre de l’Agriculture du gouvernement Balaguer - Luis Toral - a appelé mi-juillet 1995 à la « révolte civique » face à la tenue d’élections présidentielles en mai 1996 décidée, dit-il, sous « pressions extérieures ». La date de mai 1996 - deux ans après les élections hautement contestées de mai 1994 - résultait du Pacte pour la démocratie qu’avaient signé Balaguer et Pena Gomez. Ce pacte avait été conclu sous les auspices de l’Eglise catholique, de l’OEA et des États-Unis. La tension monte depuis plusieurs mois. Des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes de province. Est-on par ailleurs en voie de voir réapparaître des escadrons de la mort ? L’assassinat le 31 juillet de Ramon Julian Pena, un des fondateurs du Parti communiste dominicain, n’est pas sans susciter de vives appréhensions. Latin American Newsletters, Londres, août 1995, p. 360.

[41] L’année passée, le président Aristide n’avait-il pas l’habitude de saluer en invoquant le résistant caco Charlemagne Péralte ? Du 25 au 28 mai, s’est tenu à Port-au-Prince un congrès dédié à cette figure légendaire. Il s’agit du troisième congrès de l’Assemblée populaire nationale. LAPN est une organisation populaire fondée le 7-8 mars 1987 dans la paroisse du père Aristide.

[42] Rappelons que, en 1937, Trujillo fait massacrer 12 000 Haïtiens dans la région frontalière. Par ailleurs, comme on sait, 1986 est la date du départ de Jean-Claude Duvalier.

[43] Americas Watch, Harvesting Oppression : Forces Haitian Labour in the Dominican Sugar Industry, juin 1990. Plant, Roger, Sugar and Modern Slavery, A Tale of Two Countries, Londres, Zed Books Ltd., 1987. Corten Duarte, 1995.

[44] Bernardo Vega, « Antécédents historiques de l’actuelle problématique dominicano-haïtienne », Haïti en marche, vol. IX, n° 18, 14 juin 1995, p. 11.

[45] Ibid., p. 12.

[46] Ibid.

[47] Carmen Cedeno, « La nacionalidad de los descendientes de haitianos nacidos en Republica Dominicana », in Lozano, Wilfredo (Editor), La Cuestión Haitiana en Santo Domingo, Santo Domingo/Miami, FLACSO/North-South Center, 1992, pp. 137-144.

[48] Latin American Newsletters, Londres, 27 juillet 1995, p. 328.

[49] CRED1SR Aytiy Republica Dominicana, Prefacio de Guy Alexandre, Edicion espanol, 1992.

[50] Il n’est pas absolument clair qu’elle soit effectivement réduite à ce nombre. L’ancienne armée aurait été réduite à 1 500 hommes. S’ajoutent apparemment à ceux-ci les effectifs de la police intérimaire parmi lesquels figurent des recrues formées à Guantanamo parmi les boat-people, en principe favorables au président Aristide.

[51] Barthélemy, op. cit., 1995, p. 51.

[52] Cela impliquerait notamment l’envoi déjugés en stage de formation dans l’académie du FBI en Virginie « pour y apprendre les techniques d’investigation scientifique », Haïti Progrès, vol 13, n° 18, 26 juillet-1 août 1995, p. 3.

[53] LUSAID a favorisé notamment la libre circulation des agents de l’IRI (International Republican Institute) - organisme du Parti républicain venu soutenir les « candidats non Lavalas ». Haïti Progrès, vol. 13, n° 11, 7-13 juin 1995, p. 4. Le NDI (National Démocratie Institute), proche des Démocrates, a également été très présent. Ils se sont donné une mission d’observation électorale. Les deux organismes jouent un rôle important pour encadrer les négociations politiques entre le président Aristide et les partis. Notons que c’est également l’USAID qui a choisi une compagnie californienne pour l’impression des bulletins de vote. L’assistance américaine (12 millions de dollars) devait, entre autres, faciliter la participation massive des Haïtiens au processus électoral. Au premier tour, seulement 60% participent à Port-au-Prince. Dans cinq départements, il est inférieur à 50%.

[54] Selon le rapport de Boutros Boutros-Ghali : « Les activités civiles qui ont été menées comprennent notamment des projets visant à fournir une assistance à Électricité d’Haïti en vue d’améliorer l’approvisionnement en électricité, à assurer la sécurité des convois de vivres ainsi que le transport et la sécurité des réfugiés rapatriés, à mettre en place un programme de formation à la gestion des catastrophes, à fournir une assistance au gouvernement haïtien pour l’exécution de programmes vétérinaires d’immunisation et de surveillance nutritionnelle, à fournir un appui technique pour des travaux publics et à assurer, en collaboration avec les autorités municipales, le déblayage des centaines d’épaves qui jonchent les rues à Port-au-Prince. » (24 juillet 1995.)

[55] Haïti Progrès, vol. 13, n° 9, 24-30 mai, p. 15.

[56] On compte aujourd’hui plus de 800 organisations non gouvernementales. Selon l’expression de Barthélemy (1995, p. 53), « la plus grande d’entre elles relève des sectes protestantes nord-américaines ». Notons l’usage disqualifiant du terme de « sectes ».

[57] Haïti Progrès, vol. 13.

[58] Claudette Werleigh, Haïti en Marche, vol. IX, n° 16, 31 mai 1995, p. 12.

[59] Susan Craig, (Ed), Contemporary Caribbean : A Sociological Reader, Maracas (Trinité-et-Tobago), The College Press, 1981, 2 Vol.

[60] Bertrand Badie, L’État importé. L’occidentalisation de l’ordre politique, Paris, Fayard, 1992.

[61] Bruno Gélas, « La parabole comme texte » et Delorme Jean, « Récit, parole et parabole » in Delorme Jean, (Ed). Les Paraboles évangéliques, Perspectives nouvelles, XIIe congrès de l’ACFEB - Lyon, Paris, Cerf, 1989, pp. 109-150.

[62] « Le Front pour l’avancement et le progrès en Haïti », encouragé par la CIA, recrutait parmi les « lumpen » et parvenait parfois à attirer d’anciens militants des mouvements anti-duvaliéristes, comme c’est le cas de Tatoune aux Gonaïves. Il s’est manifesté par des agressions, des assassinats, des tortures et des viols dans les quartiers populaires, notamment Cité Soleil à Port-au-Prince ou Rabuteau aux Gonaïves. Il semait la terreur aussi bien dans les villes que dans les campagnes. Le FRAPH est apparu dans ses méthodes et sa composition comme une nouvelle version des sinistres « tontons macoutes ». Impression à vérifier.

[63] Le terme d’acceptable est employé ici, et plus loin dans le texte, dans son sens chomskyen tel qu’adapté par Faye dans son analyse du langage totalitaire. Faye Jean-Pierre, Langages totalitaires, Paris, Hermann, 1972.

[64] Le 13 août doit avoir lieu un « tour de rattrapage » concernant 14 circonscriptions de députés, 19 municipalités et près de 2 000 bureaux de vote, soit 20% des bureaux du pays, et le « second tour » prévu par la Constitution.

[65] Certaines radios dont Radio Haïti de Jean Dominique mais aussi le quotidien en créole, Liberté.

[66] Éric Landowski, La Société réfléchie, Paris, Seuil, 1989, chap. l, « L’opinion publique et ses porte-parole », 21-56.

[67] La nuit du 14 août 1791, les esclaves ayant eu vent de la Révolution française et de la Déclaration des droits de l’homme se réunissent dans le cadre d’une cérémonie vaudou présidée par Boukman. Le 22 août, c’est l’insurrection des esclaves. Voir Laënnec Hurbon, Les Mystères du vaudou, Paris, Gallimard, 1993, pp. 42-45.

[68] Laënnec Hurbon, op. cit., 1988.

[69] Anne-Christine Doran, « Un exemple de théologisation du politique. Le discours d’Aristide », suite de André Corten, Viviana Fridman, Anne Deret, « Le discours du romantisme théologique latino-américain », Cahier de recherche du CIADEST, 1995.

[70] Ayant circulé dans le milieu des Ti-Legliz (les Communautés ecclésiales de base, proches de la théologie de la libération) dont Aristide est issu, cet anti-discours s’articule-t-il aujourd’hui dans un mouvement de militants mus par l’éthique ou bien ses formes messianiques l’ont-elles éloigné d’une « révolution des saints » ? Question ouverte. L’expression de « révolution des saints » est reprise à la stimulante contre-hypothèse de Michael Walzer, par rapport à celle de Max Weber sur le puritanisme (Walzer Michael, La Révolution des saints, Paris, Belin, 1987). Le professeur de Princeton voit dans le puritanisme la première forme d’engagement dans la politique comme mouvement collectif inspiré par l’éthique. Cette forme d’engagement (en termes de radicalisme politique) amène à théoriser la vie politique tout autrement qu’on peut le faire à partir de Machiavel ou Hobbes et ouvre des voies pour penser la démocratie autrement qu’avec la notion de « classe politique ».



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 8 mai 2017 6:47
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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