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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Pierre de Cointet, “Maurice Blondel, philosophe.” Un article publié dans l’ouvrage de Pierre de Cointet, Maurice Blondel et la philosophie française, pp. 9-17. Paris: Parole et silence, 2007. [Autorisation accordée par l'auteur le 11 janvier 2010 de diffuser ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Pierre de Cointet

Dr. en Philosophie, Lic. canonique en Théologie
Professeur, Studium de Notre-Dame de Vie, Venasque.

Maurice Blondel, philosophe”.

Un article publié dans l’ouvrage de Pierre de Cointet, Maurice Blondel et la philosophie française, pp. 9-17. Paris : Parole et silence, 2007.


Marcottage : « Procédé de multiplication végétative des plantes, par lequel une tige aérienne est mise en contact avec le sol et s’y enracine, avant d’être isolée de la plante mère » (Petit Larousse). C’est par cette métaphore champêtre que Maurice Blondel illustre son propre rapport à l’histoire de la philosophie : « La pensée philosophique “trace” comme les fraisiers et se propage par marcottage. On commence par prendre racine dans l'esprit d'un autre et par se nourrir de sa substance; puis l'on pousse un rejeton qui va s'implanter un peu plus loin et l'on finit par se détacher entièrement de la tige primitive [1]. » Philosophe, Blondel étudie rarement les auteurs pour eux-mêmes. Il les lit pour se nourrir de leur pensée, dialoguer avec eux, et « tracer » la sienne de façon originale. Cette méthode indique aussi la finalité de toute lecture des textes blondéliens situés dans l’histoire.

C’est ainsi qu’une approche historique de l’œuvre de Maurice Blondel, loin de nuire à la réflexion, peut au contraire aider à saisir les axes et les nuances de la pensée blondélienne et à prendre appui sur elle pour penser certaines questions contemporaines. Telle est l’inspiration maîtresse de cet ouvrage. Il se limite au contexte de la philosophie française. Il serait certes éclairant de voir comment la pensée de Maurice Blondel s’est constituée en dialogue avec Spinoza, Leibniz, Kant, Schopenhauer et la philosophie allemande, dont l’influence était grande dans l’université française de la deuxième moitié du XIXe s. Il n’est pas inutile cependant de s’attacher aux relations de Maurice Blondel avec les philosophes de son propre pays [2]. C’est l’objet de cet ouvrage.

Aborder les liens de Maurice Blondel avec la philosophie française, c’est se pencher à la fois sur ses racines, sur ses contemporains et sur ses héritiers. Des racines car, de Descartes à Maine de Biran, Blondel a été formé, dans l’enseignement public (au lycée puis à l’université de Dijon et à l’École Normale Supérieure), à l’école des classiques de la philosophie française (sans d’ailleurs que cela soit exclusif, si l’on pense aussi au rôle déterminant que joua Leibniz dans la formation de sa pensée). Des contemporains car, tout au long de sa carrière, malgré les distances physiques et intellectuelles, Blondel est resté inséré dans la vie universitaire française. Des héritiers, par ceux qui, à leur tour, se sont nourris - et se nourrissent encore - de la pensée du philosophe d’Aix.

Les racines françaises de Blondel :
la filiation biranienne


La recherche sur les racines philosophiques de la pensée blondélienne conduit d’abord vers les classiques du XVIIe s., notamment Descartes, Pascal et Malebranche. Elle débouche ensuite sur les maîtres du jeune Maurice Blondel à l’École Normale entre 1881 et 1884, notamment Léon Ollé-Laprune (1839-1898) et Emile Boutroux (1845-1921), lesquels doivent être situés par rapport aux autres philosophes français du XIXe s., tels Félix Ravaisson (1813-1900), Jules Lachelier (1832-1918), Auguste Gratry (1805-1872), Charles Renouvier (1815-1903), etc.

Qu’en est-il du XVIIIe s. ? Blondel se réfère parfois à Rousseau et à Condillac, mais il est difficile d’y trouver les racines de sa pensée. Un auteur à la charnière des deux siècles doit davantage être mentionné : Maine de Biran (1766-1824). Blondel l’a rencontré très tôt, par l’intermédiaire d’Alexis Bertrand, son professeur de Lycée à Dijon, en 1878-1879, qui devint ensuite professeur à l’Université et éditeur de certains textes de Maine de Biran [3]. Si l’on se souvient que rien ne prédisposait Blondel à une carrière philosophique, on ne saurait sous-estimer l’importance de cette première « cellule-mère » de sa pensée. Maurice Blondel a été profondément marqué par l’exemple du Journal de Maine de Biran : pour préparer sa thèse L’Action, il s’astreint à mettre par écrit des notes quotidiennes afin de nourrir sa réflexion non seulement de lectures mais surtout de sa propre expérience intérieure (elles sont publiées dans les Carnets Intimes). Le « cogito biranien » (« je veux donc j’existe ») est repris et développé par L’Action, qui analyse les implications du « je veux » : ses négations et ses objets, afin de montrer le caractère intrinsèquement inachevable de sa structure dialectique (« volonté voulante » / « volonté voulue ») et ses relations avec la connaissance et l’être. Les analyses biraniennes de l’effort fournissent également à Blondel un point de départ dans l’élaboration de sa propre philosophie de l’esprit et du corps, dans la 3ème partie de L’Action (Troisième étape : « De l’effort intentionnel à l’action corporelle »). Pour Biran l’effort corporel est le « fait primitif de conscience » par lequel le sujet s’apparaît à lui-même. Blondel s’efforce de remonter en deçà, rappelant les passivités inconscientes qui préparent la vie consciente, et soulignant ainsi l’enracinement de la vie de l’esprit dans celle du corps et l’unité des deux.

Enfin, il reste à se demander si, avant Leibniz et Ravaisson, Maine de Biran n’a pas joué un rôle déterminant pour orienter Blondel dans sa recherche d’un « réalisme spirituel », après les tournants opérés par Descartes et surtout par Kant ? Blondel rapporte ce mot que lui adressa un jour Lachelier : « Maine de Biran peut nous dispenser de passer par Kant pour le libre développement de la pensée philosophique » [4]. En tant que reprise du cogito du point de vue de la volonté personnelle, la philosophie biranienne peut-elle rendre possible un dépassement (ou un contournement ?) de la critique kantienne de la métaphysique et ouvrir un nouvel accès à l’être, par une philosophie réflexive concrète de l’esprit ? [5] Blondel pose au moins la question. Ainsi dans L’Action comme dans La Pensée, les recherches de Maurice Blondel sur l’intentionnalité de la conscience pensante prennent racine dans les réflexions de Maine de Biran, « à qui, souligne Blondel, nous devons toujours revenir pour comprendre le rapport des signes avec le développement de la vie réfléchie et libératrice » [6]. Et dans le chapitre additionnel de L’Action, mais plus encore dans son œuvre finale inachevée (La Pensée, L’Être et les êtres, L’Action, La philosophie et l’esprit chrétien), Blondel montre l’enracinement cosmique et la portée ontologique des « trois vies » mises en lumière par Maine de Biran dans sa « troisième philosophie » [7]. Mais alors que Biran tend à les juxtaposer et à rejeter la vie animale, Blondel montre comment elles s’articulent dans l’élan par lequel l’homme peut réaliser sa destinée et son être.

Blondel en dialogue

Ainsi, à partir de ces racines, c’est une œuvre originale que Blondel a produite. La deuxième partie de cet ouvrage, « Blondel et ses contemporains » montre que le philosophe de L’Action n’a eu de cesse de souligner à la fois les convergences avec plusieurs de ses contemporains et le caractère propre de son effort philosophique. Cela l’a amené parfois à des dialogues manqués avec certains dont les visées étaient pourtant proches des siennes. On pense ici notamment à Bergson. Il en va autrement de ses relations avec Victor Delbos, dont Blondel admirait la rigueur historique et la probité [8]. Certes la carrière philosophique de Blondel s’est accomplie dans le relatif éloignement d’Aix-en-Provence puis dans l’isolement progressif de la cécité durant les vingt dernières années de sa vie. Malgré cela, il collabore activement à cette entreprise unique dans l’histoire de la philosophie que représente le Vocabulaire philosophique d’André Lalande : non pas un dictionnaire dans lequel les articles sont confiés à des spécialistes mais une œuvre commune, dans laquelle les choix des termes et leurs définitions sont le fruit de dialogues entre philosophes de tendances diverses. Blondel ne pouvait participer aux séances à Paris ; cela ne l’empêche pas, entre 1902 et 1926, d’envoyer des lettres et des notes sur plus de cent notions. De 1904 à 1940, il participe aux débats de différentes sociétés d’études philosophiques en France [9]. Par ce moyen, il demeure en relation avec les philosophes de son temps : Gaston Bachelard (1884-1962), Jean Baruzi (1881-1953), Léon Brunschvicg (1869-1944), Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939), Gabriel Marcel (1889-1973), Henri Gouhier (1898-1994), etc. Il prend part au débat sur la philosophie chrétienne avec Bréhier, Maritain et Gilson. Avec Brunschvicg, la confrontation philosophique n’empêcha pas une grande proximité amicale dans l’épreuve de la persécution antijuive de la seconde guerre mondiale.

C’est ainsi que le dialogue avec la philosophie de Maurice Blondel a pu nourrir la réflexion de Jean Nabert (1881-1960) et de Louis Lavelle (1883-1951), comme de René Le Senne (1882-1954) et Gaston Berger, mais aussi de Jacques Maritain (1882-1973), d’Aimé Forest (1898-1983) et d’autres représentants du thomisme au XXe s., et de bien d’autres penseurs catholiques, en particulier à Lyon dans le domaine social. De Mounier à J. Guitton, en passant par Henri Duméry (1920), Gaston Fessard (1897-1978), Jean Lacroix (1900-1986), Joseph Vialatoux (1880-1970), nombreux furent les philosophes qui, dans la deuxième moitié du XXe s., ont trouvé chez Blondel non pas un système clos mais une méthode et des réflexions à partir desquelles élaborer leur propre pensée.

Encore philosopher

Mais la philosophie blondélienne appelle à « tracer » d’autres philosophies pour penser après lui les problèmes que posent aujourd’hui la vie et l’action dans toutes leurs dimensions, cosmologiques et anthropologiques, personnelles et sociales, morales et métaphysiques. Ce troisième axe méritera d’être repris et amplifié, par exemple en confrontation avec d’autres pensées de l’action (chez Hannah Arendt ou Simone Weil, chez Paul Ricœur, dans la philosophie analytique…) ou de la vie (par exemple, chez Michel Henry, héritier à la fois de Maine de Biran et de la phénoménologie [10]).

À vrai dire, les études sur les racines de Blondel et sur ses contemporains, que nous offre cet ouvrage, sont déjà une manière de penser après lui, en philosophes. C’est ce que nous voudrions souligner. A son corps défendant, dès 1896, Blondel a été entraîné dans des débats théologiques, interminables et sources de bien des souffrances, avec des penseurs catholiques dont la philosophie était en étroite dépendante avec la néo-scolastique de l’époque, dans le contexte de la crise moderniste (fin du XIXe s. et première moitié du XXe). De fait, la pensée blondélienne a une portée théologique. À côté de Rosmini (1797-1855) et de Newman (1801-1890), son influence est indéniable dans le renouvellement de la théologie catholique.

L’intérêt porté aux prolongements théologiques de son œuvre risque cependant d’occulter la nature proprement philosophique de son questionnement. L’Action, puis la Trilogie, embrassent un vaste champ de recherches expérimentales : les sciences physiques (par son cousin André, Blondel se tenait au courant des évolutions de la physique dans la première moitié du XXe s.), la biologie (cf. la réflexion sur l’évolutionnisme dans L’Action), la psychologie (pour écrire L’Action, il a travaillé, pour les discuter, les fondateurs de la psychologie en France, Charcot, Binet, P. Janet, Paulhan, Ribot…) et la sociologie (E. Durkheim est explicitement visé). Son œuvre et bien des inédits attestent que sa pensée l’orientait avant tout vers des questions d’épistémologie, de logique, de morale, de philosophie politique et de philosophie fondamentale.

Blondel s’affronte en philosophe aux grands problèmes de son temps et de tous les temps. Il y apporte des éclairages originaux, parfois dans le détail de l’argumentation (comme, par exemple, dans sa critique du positivisme, toujours valide), souvent par la mise en situation dans une perspective d’ensemble, toujours en lien avec la question du sens. Certes, il serait naïf de croire qu’il a, par avance, réfléchi à des questions contemporaines, posées par exemple par les progrès de la logique ou des neurosciences. Il n’en reste pas moins qu’il nous offre, aujourd’hui encore, de quoi réfléchir à bon nombre de questions philosophiques fondamentales. Mentionnons quelques unes de celles-ci, abordées dans cet ouvrage.

À partir du fait le plus banal et le plus inévitable – « J’agis, mais sans même savoir ce qu’est l’action… À consulter l’évidence immédiate, l’action, dans ma vie, est un fait, le plus général et le plus constant de tous… » (L’Action, 1893, p. VII-VIII) – Blondel nous invite d’abord à réfléchir sur la philosophie elle-même. Il s’attache d’abord à établir la possibilité même d’un discours philosophique quand il est soupçonné ou nié (cf. L’Action, 1ère et 2ème parties [11]). Fidèle en cela à l’inspiration de Maine de Biran, Blondel part de l’expérience du sujet vivant, sous l’angle du vouloir (dans L’Action) mais aussi du penser et du fait d’exister (dans La Pensée et dans L’Être et les êtres). Il est possible alors de situer la rationalité propre de la philosophie par rapport aux sciences, grâce à une réflexion sur le sens et la portée de l’acte du scientifique, ainsi que sur les limites de son objectivation du monde et du moi [12]. La philosophie peut alors apporter non pas une vision totalisante du monde et de la liberté, mais provoquer à un questionnement radical sur la destinée libre de l’homme dans le monde, ainsi que sur la portée anthropologique, sociale, morale et métaphysique des choix qu’il accomplit [13].

L’homme est toujours au centre de cette recherche philosophique. La conscience y est abordée avec ses clartés et ses brisures, dans un dialogue critique avec les sciences humaines qui, parfois, tendent à nier la liberté au nom d’un déterminisme universel [14]. Tous les écrits de Blondel tournent autour du statut particulier de la vie morale et de la connaissance qui permet de s’y frayer un chemin, selon une logique propre [15]. Enfin, comme chez Bergson, quoique avec des accents différents, l’homme est bien appréhendé dans sa condition historique, dans une philosophie du temps et une quête de l’être [16].

S’il n’a pas écrit à proprement parler une épistémologie des sciences, Blondel n’a cessé de réfléchir au sens, à la portée et aux limites de notre connaissance. Après Maine de Biran, et en utilisant d’autres outils d’analyse, il s’interroge longuement sur les conditions et la signification de la perception sensible, de l’abstraction, de l’intentionnalité, de l’instauration du langage, de l’induction scientifique [17]. La question de la vérité est ainsi posée en relation avec celle de la réalisation par l’homme de son être personnel.

Car Blondel reste un philosophe de l’action, même quand il s’attache à la pensée ou à l’être. Ses analyses abordent avec rigueur les cercles du déploiement de l’agir humain : le travail et la technique, la relation homme-femme, la famille et la société, la nation et l’état, la droit et l’éthique, la morale et la religion [18]. Plus qu’une philosophie politique entrant dans le détail des jeux institutionnels ou de pouvoir, on trouvera chez lui une réflexion sur le fondements de la vie économique, sociale et politique, tant à l’échelon national que sur le plan des relations internationales [19]. C’est en définitive autour de la personne humaine que tout se noue. La personne vue non comme une monade mais comme un être enraciné dans le cosmos par son corps propre, comme une conscience incarnée qui se réalise par des choix libres, au travers des alternatives qui s’offrent à lui, dans le concret de l’agir et dans les profondeurs de son être habité par l’appel du transcendant [20].

Pensée et action, liberté et transcendance, être et esprit : tels sont les thèmes autour desquels tourne la philosophie de Maurice Blondel. La philosophie part de la réflexion sur l’expérience de notre être qui agit et pense, veut et connaît. En dialogue avec les sciences de la nature et de l’homme, elle affermit en lui la conscience de sa liberté et de sa transcendance dans l’univers matériel et vivant. Réfléchissant sur les alternatives et les conséquences ontologiques de l’option libre par laquelle chaque homme réalise sa destinée, notamment face aux questions ultimes du sens et de la mort, la pensée blondélienne est philosophie de l’esprit et de l’être. Cherchant à relier ensemble ces aspects de la question du sens, une et pourtant si complexe, elle bien une philosophie du concret, « concertant en lui le singulier et l'universel » [21].



[1] Lettre à Victor Delbos du 6 mai 1889, dans Lettres philosophiques de Maurice Blondel, Aubier Montaigne, Paris, 1961, p. 17.

[2] Maurice Blondel est né le 2 novembre 1861 à Dijon. Entré à l'École Normale Supérieure en 1881, il soutient sa thèse célèbre, L'Action, le 7 juin 1893. De 1895 à 1926, il enseigne à la Faculté des Lettres d'Aix-Marseille. En 1927, la cécité interrompt prématurément sa carrière de professeur mais non son travail philosophique. Il meurt le 4 juin 1949, à Aix-en-Provence, laissant inachevée son œuvre métaphysique, la Trilogie (L’Être et les êtres, La Pensée, L’Action) et La philosophie et l’Esprit chrétien.

[3] Cf. J.-M. Hennaux, « Alexis Bertrand, professeur de philosophie du jeune Blondel », Revue philosophique de Louvain, n° 3, août 2000, p. 549-571.

[4] Maurice Blondel, Une énigme historique : Le « Vinculum Substantiale » d'après Leibniz et l'ébauche d'un réalisme supérieur, Beauchesne, Paris, 1930,  p. XVII ; La Pensée, t. I, p. 151.

[5] Cf. H. Gouhier, Maine de Biran, Seuil, Paris, 1970, qui rapporte le mot (p. 126-127) en soulignant que Maine de Biran « semble ne pas voir entre le sujet nouménal et le sujet phénoménal le rôle décisif d’un sujet transcendantal irréductible aux deux autres. Pareille méconnaissance de ce qui est essentiel au kantisme nous paraît stupéfiante (…) Maine de Biran n’a pas vu le sujet transcendantal, simplement parce qu’il n’en avait pas besoin. Devant les formes a priori de la sensibilité et les catégories de l’entendement, il n’a pas à choisir entre un sensualisme naïf qui essaie de les engendrer à partir des sensations et ce nouvel innéisme qu’est, à ses yeux, le recours à un sujet transcendantal : il a mis au point ne méthode à la fois expérimentale et réflexive qui permet de rapporter leur origine au sentiment que le sujet a de son existence dans l’effort volontaire ».

[6] L'Itinéraire philosophique de M. Blondel (1928), Aubier-Montaigne, Paris, 1966, p. 95. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[7] Cf. « Lettre à propos de la communication de J. Paliard, “Le Cogito biranien et la notion d'existence personnelle” », Les Etudes philosophiques, 14, n. 1-2, avr. 1940, p. 10-11. Selon Blondel, à la fin de sa vie, Maine de Biran s’oriente vers une philosophie qui, « pour transcender la relation et la dualité inhérente au fait intime, prend un caractère unitif et presque mystique puisque l'affirmation ontologique de l'âme, de sa vie personnelle et immortelle, de sa participation à la vie divine, loin de se réduire à une connaissance logiquement démontrable ou scientifiquement expérimentée, implique une croyance, un acte, non de vision, mais de foi ».

[8] Blondel reconnaît la valeur philosophique du travail historique de son condisciple à l’École Normale et de l’historien de la pensée en général. Cf. « La méthode et le rôle de l’histoire de la philosophie » (1930), dans Maurice Blondel, Dialogues avec les philosophes, Paris, Aubier Montaigne, 1966, p. 281-288 ; cf. infra, Jean Ferrari, « Blondel et la philosophie française, de Descartes à Bergson »).

[9]. Cf. R. Virgoulay - Cl. Troisfontaines, Maurice Blondel, Bibliographie analytique et critique, t. I, p. 228-231 : table I, concernant la participation de Blondel au Vocabulaire technique et critique de la philosophie ; p. 232-234 : tables II et III, concernant les rapports présentés à la Société Française de Philosophie (entre 1904 et 1936) et les communications faites à la Société d'Etudes Philosophiques de Marseille (entre 1926 et 1940). Sur l'impact de Blondel au premier Congrès des Sociétés de Philosophie de France (qui deviendra ensuite l'A.S.P.L.F.), en avril 1938, voir Jean-Marc Gabaude, Un demi-siècle de philosophie en langue française (1937-1990), Ed. Montmorency, Montréal, 1990, p. 33-37.

[10] La référence (critique) à Maine de Biran traverse l’œuvre henryenne, de Philosophie et phénoménologie du corps (1949) à Incarnation (2000). Pour l’anecdote, l’auteur de ces lignes tient de Michel Henry lui-même que, nommé assistant à la Faculté de philosophie d’Aix-en-Provence, ce dernier a résidé dans l’immeuble de la famille Blondel, rue Roux-Alpheran, durant l’année 1953-1954 : connaissant l’intérêt du jeune enseignant pour Maine de Biran, la secrétaire de Blondel, Nathalie Panis, avait alors proposé, avec insistance, à M. Henry de travailler sur les nombreuses notes inédites laissées par le philosophe, mais le jeune assistant déclina l’offre, préférant la réflexion spéculative au travail sur archives.

[11] Nous nous permettons ici de renvoyer à Maurice Blondel. Un réalisme spirituel, Paroles et Silence, 2000, p. 16-31.

[12] Cf. infra, Bertrand Saint-Sernin, « Blondel et l’école française de l’action » ; Claude Troisfontaines, « Blondel et la science. À l’école de Boutroux et de Lachelier » ; Jean-Jacques Wunenburger, « Maurice Blondel, prolégomènes pour une relecture contemporaine ».

[13] Cf. infra, Simone d’Agostino, « Une philosophie de l’action. L’“autre” métaphysique de Félix Ravaisson » ; Peter Reifenberg, « Ollé-Laprune et Blondel, héritiers de Newman » ; Paul Olivier, « La présence de l'être chez Blondel et chez Lavelle » ; Emmanuel Tourpe, « “Blondel et le thomisme”, derrière le marronnier ».

[14] Cf. infra, Jean Ferrari, « Blondel et la philosophie française, de Descartes à Bergson » ; Philippe Capelle, « Maurice Blondel et Jean Nabert. Conscience, religion et médiation » ; Marie-Jeanne Seppey, « Maurice Blondel et Jacques Paliard. L’école philosophique d’Aix ». Mieux que dans L’Action de 1893, centrée sur le sujet, la Trilogie de 1933-1937 montre l’émergence de la conscience dans la nature et l’être.

[15] Cf. infra, Peter Reifenberg, « Ollé-Laprune et Blondel, héritiers de Newman ».

[16] Cf. infra, Jean-Louis Vieillard-Baron, « Blondel et Bergson ».

[17] Cf. infra, Marie-Jeanne Seppey, « Maurice Blondel et Jacques Paliard. L’école philosophique d’Aix ».

[18] Cf. infra, Emmanuel Gabellieri, « L’esprit de L’Action : Lyon et le Vinculum blondélien » ; René Virgoulay, « Penser après et d’après Blondel ».

[19] Cf. les textes réunis dans Maurice Blondel, Dignité du politique et philosophie de l’action (M.-J. Coutagne et P. de Cointet, éd.), Parole et Silence, Paris, 2006.

[20] Cf. infra, Jean-Noël Dumont « Blondel et Pascal ».

[21]. Cf. La Pensée, t. I, P.U.F., Paris, 19482, p. 232.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 26 janvier 2010 9:09
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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