RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Malaise dans la société. Soumission et résistance. (2010)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Jan SPURK, Malaise dans la société. Soumission et résistance. Lyon, France: Les Éditions Parangon/Vs, 2010, 158 pp. Collection: Situations et critiques. [Autorisation accordée par l'auteur le 5 juillet 2020 de diffuser tous ses livres en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[7]

Malaise dans la société.
Soumission et résistance.

Préface

L’existence du malaise dans la société est connue depuis longtemps. Au lieu de le constater, le décrire et l’accepter comme une fatalité, nous le situons dans la vie en société, entre la soumission et l’engagement. L’engagement évoque immédiatement l’idée d’un retour sur le militantisme.

Je ne suivrai pas cette piste de réflexion, car l’engagement est surtout l’inscription de l’acteur dans sa situation tant historique qu’existentielle. Il ne se borne pas à l’agir dans l’espace public, à l’image de « l’espace public bourgeois » (Habermas), au sein duquel les citoyens développent l’analyse de l’état de la société : comment et pourquoi est-elle devenue ce qu’elle est ? Quels sont les manques et les souffrances dans cette société ? Enfin, c’est dans l’espace public que les citoyens proposent des avenirs possibles pour cette société. Cet engagement est l’expression publique de l’autonomie des sujets pour créer un avenir meilleur et plus raisonnable. La particularité de ces espaces publics a été de fonctionner selon les critères de la raison pour être des lieux « où seule la raison a le droit de cité » (Kant).

Un tel espace public manque cruellement dans nos sociétés. La raison s’est « pervertie et prostituée » (Adorno/Horkheimer). Elle est devenue instrumentale et, par conséquent, elle est devenue incapable de penser le dépassement d’un état social donné. Les espaces publics contemporains sont structurés par l’industrie culturelle et [8] leurs formes de publicité ressemblent plus à la réclame qu’à la raison kantienne. Le champ politique ne fait pas exception. Les acteurs politiques n’ont, bien entendu, pas disparu, mais leur agir public relève plus du storytelling [1] emprunté au marketing, que du discours raisonnable.

Aussi spectaculaires et multiformes que soient les existences des individus - car les feux d’artifices de l’industrie culturelle sont multiples et variés - les sujets d’aujourd’hui ne sont pas les sujets autonomes imaginés par Kant, par exemple, mais ils sont profondément hétéronomes. Ils vivent dans une normalisation multiforme et multicolore.

En même temps, un véritable malaise dans la société existe et persiste. Il est vécu comme le tiraillement entre les exigences auxquelles les individus sont confrontés, leurs manques divers, leur liberté de choix croissant et la nécessité de vouloir faire ce qu’ils doivent faire. Je peux, si je le veux, m’arranger avec ces manques, les subir, les refouler, les compenser ou les dépasser partiellement. Si je le veux, je peux également essayer de les comprendre et d’en prendre conscience pour les dépasser. « Comprendre » veut dire découvrir le sens de ces phénomènes et découvrir que je suis « dans le coup » (Sartre), que je suis engagé avec les autres dans des situations concrètes. Bien que ces situations me paraissent en général naturelles, nécessaires ou inévitables, je ne les approuve pas toujours, parce que je souffre des manques qui en font partie, des manques matériaux, intellectuels, affectifs ou de sens. C’est sur la base du refus de cette vie, de la « vie abîmée » (Adorno), que je peux constituer avec les autres mon autonomie.

Cet engagement pour l’autonomie et pour la libération aurait besoin de la volonté des sujets pour se réaliser. Pourtant, on ne peut pas se contenter des déclarations volontaristes du genre « engageons-nous pour devenir libres ! ». Il faut tâter, observer, questionner et analyser la société et la vie en société pour comprendre la dialectique [9] de l’hétéronomie et des résistances qui se manifestent, souvent d’une manière inattendue, pour comprendre la société et l’interroger sur le potentiel de libération qu’elle porte en elle.

Notre analyse du malaise est construite en forme de spirale qui monte de sa description à des analyses de plus en plus abstraites et nécessaires pour comprendre ce phénomène.

En parcourant cette spirale, nous repasserons quatre fois par le phénomène du malaise pour l’analyser selon quatre points de vue. Ainsi, nous élaborons quatre facettes de l’analyse, qui seront synthétisées dans le dernier chapitre.

Nous partirons de descriptions de phénomènes caractéristiques de nos sociétés pour nous pencher ensuite sur des « agirs passifs » et le fatalisme qui caractérisent l’existence au sein de cette société. Quels sont les engagements et les résistances dans la société d’aujourd’hui ? Quelles formes prend le malaise aujourd’hui ?

Pour comprendre le malaise dans la société et les résistances à cette vie tout comme la volonté de se soumettre à des conditions de vie souvent dures nous brosserons d’abord (chapitre 1) les traits les plus caractéristiques de notre société pour situer nos questions : pourquoi et comment les femmes et les hommes doivent-ils et veulent-ils vivre dans cette société ? Quelles sont les résistances contre cette vie ? La description montre qu’il existe une sorte de tiraillement entre la soumission, le fatalisme et la résistance, qui mène au malaise profond dans la société.

Le deuxième chapitre suit le fil de ces questions, en « montant un étage » de la spirale de notre argumentation pour présenter une analyse de cette manière de vivre ensemble comme des formes de réciprocité, de reconnaissance et de domination. C’est dans les notions d’aliénation et de fétichisme de la marchandise que nous trouverons les notions clés de l’explication de ce lien social ainsi que des déchirements et les tensions que vivent les sujets et qui prennent la forme du malaise.

[10]

Les réflexions présentées dans le deuxième chapitre nous permettent d’analyser ensuite le sens du malaise dans la société. On reviendra sur l’histoire sociale récente et sur les expériences de résistance mais aussi sur des interprétations importantes du malaise, par exemple de Freud, de Fromm et de Taylor. On doit donner sa place aux intérêts et aux passions des hommes ainsi qu’à la naturalisation des rapports sociaux, qui domine leurs visions du monde, pour comprendre le malaise et la volonté de vivre ce malaise.

Dans le quatrième chapitre, nous lierons le malaise à l’analyse des existences des individus au sein du capitalisme et de leur liberté ainsi que du fatalisme qui règne dans nos sociétés. Comment comprendre ces liens ?

Enfin, dans le dernier chapitre nous synthétiserons ces argumentations en mettant au centre la question portant sur la possibilité de dépasser le malaise dans la société à laquelle nous donnerons une réponse particulièrement prudente.



[1] Salomon 2008.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 19 janvier 2022 13:29
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref