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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

L'hétérogénéité‚ des espaces sociaux:
une étude comparative de quatre zones résidentielles de la ville de Montréal
.
Tome 1: Caractéristiques sociales et mobilité‚ professionnelle. (1974)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Marie Lavigne, Jean RENAUD et Serge Carlos (1974). L'hétérogénéité‚ des espaces sociaux: une étude comparative de quatre zones résidentielles de la ville de Montréal. Tome 1: Caractéristiques sociales et mobilité‚ professionnelle. Montréal: Les Presses de L'Université du Québec. 264p. [Le 29 janvier 2014, Monsieur Jean Renaud nous autorisait la diffusion de toutes ses publications et travaux en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales.]

[1]

Introduction

HISTORIQUE ET PERSPECTIVE GÉNÉRALE DE LA RECHERCHE

[2]
[3]

La présente recherche est issue d'un projet collectif dont le but initial était d'analyser quelques opérations de rénovation urbaine de divers types [1], afin d'en mesurer les effets sur la situation des populations directement touchées par elles et d'évaluer de ce point de vue le bien-fondé des interventions des pouvoirs publics considérés comme acteurs "privilégiés" dans le redéveloppement urbain.

Pour de multiples raisons, ce projet initial a subi de nombreux remaniements pour donner finalement lieu à deux recherches parallèles et autonomes, dont chacune est centrée sur l'un des deux pôles complémentaires : les agents et les objets d'intervention. En effet, l'une porte sur les agents d'intervention impliqués dans le redéveloppement des zones qui entourent le centre-ville de Montréal [2] ; l'autre, qui donne lieu à ce premier rapport, est une analyse interne de zones résidentielles qui, plus que d'autres, font l'objet d'interventions, ponctuelles ou planifiées, actuelles ou projetées à moyen terme.

Au tout début, nous nous proposions essentiellement de construire un index de "qualité de vie" permettant de caractériser les zones résidentielles étudiées et nous voulions, par une comparaison de type "avant-après", mesurer et situer avec précision les changements introduits dans cette "qualité" par les opérations de redéveloppement choisies. La réorganisation du projet initial mettant fin à ce but comparatif immédiat, un index de ce type, statique par définition, sans grande capacité explicative et où la population [4] est plus ou moins considérée comme un objet inerte perdait, selon nous, beaucoup de son intérêt.

Dans une tentative pour "dynamiser" l'analyse, nous en sommes venus à considérer la notion d'espace social comme centrale, ce qui a entraîné un changement assez radical de perspective. Pour nous, cette notion renvoie au mode d'appropriation suivant lequel les individus et les groupes établissent des relations typiques dans et avec l'espace. Comme telle, la notion d'espace social est un "construit" ; c'est pour nous un lieu de rapports entre des contradictions : intégration et ségrégation, concentration et diffusion, etc. Concrètement, cette notion recouvre â la fois :

a) le sol et les autres ressources afférentes comme biens économiques ;

b) les aires d'activité qui découpent le territoire et en conditionnent l'usage ;

c) le statut social qui y est rattaché ;

d) les fonctions symboliques qu'on lui fait remplir.

Par conséquent, le concept d'appropriation de l'espace englobe plus que la propriété juridique (a) et plus que la capacité [3] d'organiser les activités sur le territoire, par exemple d'y localiser les moyens de production, y compris la main-d'oeuvre (b) ; il tient également compte de l'attribution des statuts différenciés dont l'espace est l'objet en tant que bien de consommation, c'est-à-dire en tant que zone résidentielle, au premier chef, mais aussi en tant que lieu de loisirs, etc. (c) ; enfin, il recouvre les fonctions symboliques que remplit l'espace comme moyen d'expression (écriture) collectif (d).

[5]

Pour nous, c'est donc le processus socialement déterminé par lequel chaque groupe social structure ses rapports à l'espace (établit une cohérence interne entre les quatre dimensions énumérées plus haut), qui constitue ce que nous appelons l'appropriation sociale différentielle de l'espace.

Opérationnellement, ce changement de perspective s'est traduit de différentes manières. Par exemple, nous avons abandonné la notion de quartier comme milieu de vie, du moins en input, et nous avons plutôt déterminé des zones d'analyse. L'objet empirique d'investigation n'est plus le quartier considéré comme entité sociologique, car dans ce cas, on en fait implicitement un univers clos, privilégié, relevant plutôt d'une perspective monographique, mais la population des zones choisies : on peut ainsi analyser leur ouverture ou leur fermeture relative par rapport à l'ensemble de la ville et de la région. Le foyer de l'étude s'est donc déplacé : d'abord descriptive puisqu'elle portait sur les caractéristiques physiques et sociales des quartiers, elle est devenue plus analytique, axée sur les modèles de comportement des individus et des groupes.

Plus fondamentalement, la place accordée à la notion d'espace social a entraîné la cristallisation de la recherche autour d'une interrogation générale : puisque les populations étudiées appartiennent à une strate sociale particulièrement exclue de la participation à la propriété juridique et aux pouvoirs de décision économiques et politiques, dans quelle mesure sont-elles uniformément limitées à une appropriation, individuelle ou collective, essentiellement statutaire et symbolique de l'espace local ? Et au contraire, dans quelle mesure l'espace local peut-il devenir un lieu privilégié de transformation de leur situation ?

Les cas concrets étudiés témoignent de la marginalisation plus ou moins poussée de certaines zones résidentielles, en concordance [6] relative avec un processus plus général de marginalisation de certaines catégories de population. Ce phénomène est relié au conflit entre les producteurs de l'espace, c'est-à-dire ceux qui ont l'initiative de l'organisation des activités économiques, et ceux qui ne peuvent, au mieux, que s'approprier un espace local en tant que "milieu de vie".

Un premier type d'analyse devrait alors expliquer ce qui est situation (globalement, le rapport dominant-dominé), par une réinterprétation dynamique en termes de comportement au plan de l'action : action du premier groupe sur le second, qui relève d'un pouvoir objectif sur l'organisation de l'espace et qui est soit action spontanée de type purement économique, soit organisation fonctionnelle de l'espace (par exemple, le gouvernement), soit conjonction des deux ; action du second groupe sur le premier, qui peut aller de l'absence d'action (refus ou acceptation passifs) à l'action politique (le Frap, par exemple) en passant par la défense particulariste d'intérêts économiques [4] ou par la défense communautaire centrée sur la refonte d'un quartier.

Mais dans quelle mesure ceux qui ont l'initiative de la transformation de l'organisation de l'espace agissent-ils uniquement de "l'extérieur" ; dans quelle mesure, au contraire, ne tentent-ils pas de s'approprier ceux qui sont "sur place", notamment par le truchement d'une idéologie permettant de masquer les conflits ? C'est pour un deuxième type d'analyse que la présente recherche a finalement opté, en se proposant de mettre en évidence :

certaines conditions objectives [5] qui orientent et favorisent ou non ce jeu de l'idéologie, à partir d'interrogations plus spécifiques, comme le fait de savoir dans quelle mesure les populations [7] étudiées reprennent à leur compte, refusent ou retraduisent en d'autres termes pour l'adapter à des contraintes objectives ce qu'on peut appeler l'idéologie de l'environnement actuellement dominante .

les effets de cette traduction différent-t-elle de l'idéologie dominante ou élaboration de contre-idéologies compensatrices, à deux points de vue : d'une part, la constitution de divers types d'univers résidentiel allant de l'absence (anomie) jusqu'à la communauté de quartier en passant par l'existence d'une sous-culture locale plus ou moins intégrée (cela suppose l'analyse du degré et du type de repli sur le local] ; d'autre part, la satisfaction ou l'insatisfaction par rapport à la zone résidentielle (habitat, équipements et aménagement) et par rapport à la vie dans la zone (animation, familiarité, réseaux sociaux, associations...) » de même que les aspirations de mobilité résidentielle et les types de changements souhaités dans la zone.

Tar l'analyse de ces conditions et de leurs effets, la recherche doit donner lieu non plus à la construction d'un index de "qualité de vie" mais à l'élaboration d'une typologie socio-spatiale qualitative permettant de caractériser les zones concrètes étudiées et, nous l'espérons, d'apporter un éclairage utile à diverses interventions.

[8]



[1] Opérations privées ou publiques, centrées sur la consolidation de la fonction résidentielle ou axées sur l'implantation d'équipements institutionnels et entraînant une diminution des unités de logement existantes, etc. (Petite-Bourgogne, Place Radio-Canada, Concordia...).

[2] Cette recherche dirigée par Francine Dansereau se poursuit actuellement au Centre.

[3] Pouvoirs de décision économiques et politiques.

[4] De type revendication corporatiste : pressions, marchandages...

[5] Par exemple, la situation de mobilité sociale.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 30 juillet 2020 9:56
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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