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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Du projet d’études au projet de vie.
Une analyse des parcours universitaires chez les étudiants des Premières Nations du Québec
. (2019)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Jean-Luc Ratel, Du projet d’études au projet de vie : Une analyse des parcours universitaires chez les étudiants des Premières Nations du Québec. Thèse de doctorat en administration et politiques de l'éducation. Québec: Université Laval, 2019, 340 pp. [Autorisation formelle accordée par l'auteur le 10 octobre 2020 de diffuser en libre accès à tous cette thèse de doctorat dans Les Classiques des sciences sociales.]

[1]

Introduction

Dans la foulée de la Révolution tranquille, l'accessibilité à l'enseignement supérieur s'est incontestablement accrue au Québec. Ainsi, le Rapport Parent a donné une véritable onde de choc en revoyant de fond en comble un système d'éducation qui réservait cet ordre d'enseignement à une mince élite, issue des classes sociales supérieures et essentiellement masculine. Or, le chapitre consacré à l'éducation chez les Premières Nations et Inuit de ce rapport ne s'intéressait guère à l'enseignement supérieur, si ce n'est quelques mots sur la formation des maîtres appelés à enseigner aux élèves autochtones. Autrement, on se contentait surtout de déplorer le faible niveau de scolarité de ceux qui, selon la terminologie des années 1960, étaient désignés en tant qu'Indiens et Esquimaux. Tout au plus avançait-on la nécessité de développer l'éducation des adultes autochtones en vue d'accroître la diplomation chez ceux qui avaient quitté l'école sans diplôme, mais aucune mention n'était faite des enjeux les concernant en enseignement supérieur.

On comprend dès lors que la création des cégeps et l'expansion des campus universitaires fut entreprise sans prendre en compte les besoins et particularités des étudiants autochtones. Le mouvement de démocratisation scolaire qui s'en est suivi visait donc d'abord et avant tout celle de la population non autochtone, dont le retard en termes de diplomation était particulièrement marqué chez les francophones par rapport aux anglophones. En effet, la prise en compte de la diversité ethnoculturelle se fit essentiellement en termes de langues et de religions, ce qui conduisit au développement d'un système d'éducation visant à répondre aux besoins des francophones et anglophones ainsi qu'à ceux des catholiques et protestants, à tout le moins jusqu'à la déconfessionnalisation qui s'opérera progressivement à partir des années 1990.

Faut-il alors s'étonner qu'une population initialement exclue des réflexions ayant conduit à la création du système d'enseignement collégial et universitaire tel que nous le connaissons aujourd'hui s'y sente encore souvent exclue ? En effet, il faudra attendre le dépôt du rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones trois décennies plus tard pour qu'une première commission d'enquête gouvernementale d'ampleur produise [2] une réflexion sur la place des Premières Nations et Inuit en enseignement supérieur. Une série de recommandations détaillées visait à leur assurer non seulement un meilleur accès aux études collégiales et universitaires, mais aussi une meilleure rétention jusqu'à leur diplomation, le tout dans le respect de leurs cultures. Deux décennies plus tard, on constate que ces recommandations sont toujours d'actualité et qu'elles ont souvent été reprises par des établissements souhaitant mieux répondre aux besoins de leurs étudiants autochtones et en recruter de nouveaux.

On constate toutefois du même souffle que la poursuite d'études universitaires chez les Premières Nations et les Inuit s'est considérablement accrue depuis la publication des rapports Parent et Erasmus-Dussault, sans pour autant que l'écart historique ne soit dépassé. Il s'agit donc d'un cas flagrant de discrimination systémique à l'égard d'un groupe minoritaire et marginalisé en éducation qui s'inscrit dans le contexte québécois de démocratisation scolaire ségrégative (Merle, 2000), comme le soulevait un récent avis du Conseil supérieur de l'éducation (2016). Dans cette optique, l'analyse des parcours d'étudiants universitaires des Premières Nations du Québec soulève forcément la question de la justice sociale en éducation et met le doigt sur les inégales avancées en termes d'accessibilité aux études en fonction de l'origine ethnoculturelle. Dans un contexte où l'éducation auprès des Autochtones s'est longtemps limitée à l'imposition d'une culture dominante, dans la pure tradition évolutionniste ayant forgé le colonialisme en Amérique du Nord, la question de l'identité reste cruciale pour mieux répondre aux besoins des étudiants et favoriser leur réussite éducative. Le défi est donc colossal en vue de mettre en place des mesures permettant aux cultures autochtones de s'épanouir sur les campus et ainsi assurer une meilleure sécurité culturelle des étudiants autochtones, gage de leur réussite éducative (Pidgeon, 2008a).

Notre thèse est donc l'occasion de s'intéresser à ceux-là mêmes qui parviennent à déjouer les pronostics et dont la seule présence à l'université nous force à dépasser le fatalisme des inégalités en éducation. Tout en tenant compte des structures sociales et de leur étonnante capacité à reproduire l'ordre établi, nous avons donc voulu regarder de plus près ces cas de membres des Premières Nations qui ont choisi de poursuivre leur scolarité [3] bien au-delà de ce qui est généralement observé au sein de leur groupe d'appartenance. Nos objectifs généraux sont de contribuer à une meilleure connaissance du phénomène des études universitaires chez les Premières Nations du Québec et de mieux comprendre le sens conféré par les étudiants qui en sont membres à leurs parcours universitaires. Plus spécifiquement, nos objectifs de recherche consistent à : 1) Comprendre le rapport à l'identité et aux cultures autochtones chez les étudiants et diplômés des Premières Nations ; 2) Comprendre les principaux facteurs expliquant le passage à l'université des étudiants des Premières Nations et comment se déroulent leurs parcours ; 3) Connaître les projets et réalisations des étudiants des Premières Nations en lien avec leurs études universitaires ; 4) Analyser l'environnement mis en place par les universités et les pouvoirs publics pour favoriser l'intégration des étudiants autochtones à la communauté universitaire.

Après avoir présenté notre problématique (chapitre I) et ainsi exposé la pertinence scientifique et sociale de la présente recherche, nous présenterons notre méthodologie (chapitre II), qui repose sur des entretiens effectués auprès de 23 étudiants et diplômés universitaires des Premières Nations du Québec. La présentation de notre cadre conceptuel (chapitre III) sera l'occasion de saisir l'articulation entre les théories de Bernard Lahire, Danielle Juteau, Marie McAndrew, Marie Battiste, Henry Giroux et Mario Blaser, qui nous ont permis de cerner notre objet de recherche aux lumières croisées de la sociologie, de l'anthropologie, des sciences de l'éducation et des études autochtones. La présentation du corpus (chapitre IV) permettra ensuite de prendre connaissance des cas étudiés en faisant ressortir les faits saillants de leurs profils. Nous verrons au chapitre V le rapport à l'identité et aux cultures autochtones des participants, qui sont, avant même d'être étudiants, des membres appartenant à des communautés et nations qui partagent plusieurs traits en commun tout en ayant développé leurs spécificités. Le chapitre VI sera spécifiquement consacré à leurs parcours scolaires et permettra au lecteur de comprendre ensuite l'influence de l'identité et des cultures autochtones sur les parcours des participants, objet du chapitre VII, où nous illustrerons que la finalité des études universitaires chez les membres des Premières Nations est à saisir à l'aune du développement du mieux-être chez les Autochtones. Enfin, la discussion (chapitre VIII) ouvrira la réflexion sur l'institution universitaire elle-même, sur sa métamorphose ayant permis à un nombre accru [4] d'Autochtones de la fréquenter et sur notre défense d'un modèle de campus interculturel conçu comme sphère publique démocratique, en vue de répondre aux défis contemporains de la diversité ethnoculturelle dans les universités québécoises.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 1 novembre 2020 10:24
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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