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LES MAÎTRES DE L’AUBE
Introduction
Invité à prononcer, le 1er mai 1972, une conférence au San Anthony's Collège de l'Université d'Oxford, j'ai voulu montrer à cet auditoire spécial, certains aspects originaux de la vie collective en Haïti.
J'en reproduis ici l'essentiel.
En traitant de la culture haïtienne, je crois nécessaire de m'attarder sur la religion populaire et la littérature écrite : deux formes de communication en voie d'exploration.
Celle-ci est appréciée par les connaisseurs, celle-là est cause de scandale dans la presse internationale, parce qu'elle n'est pas comprise.
Chacune possède cependant son originalité et son langage propre et l'une et l'autre témoignent du besoin inéluctable de communication de la masse et de nos élites.
Celles-ci avec le monde entier à travers la langue française et les média artistiques (peinture, sculpture, orfèvrerie, etc.), celle-là, à l'aide d'un langage codé, avec son environnement immédiat et... l'au-delà.
Hier, s'ignorant mutuellement ; aujourd'hui, en voie de se connaître en fonction de l'évolution sociologique du pays.
Je regrette que je ne puisse parler de la naissance et de l'avenir de la peinture et de la sculpture en Haïti.
J'ai eu le privilège d'en discuter avec André Malraux, en 1968, au cours d'une visite au Ministère des Affaires Culturelles.
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L'illustre écrivain me fit un accueil empreint d'une fine courtoisie.
Il avait vu des tableaux de nos peintres à Dakar, au cours du « premier Festival Mondial des Arts Nègres, en avril 1966.
Il s'intéressait à nos œuvres littéraires et artistiques.
Je lui demandai son appui en faveur d'un projet d'exposition à Paris de la peinture et de la sculpture haïtiennes.
Le Grand-Palais lui parut convenir. Les évènements de mai 1968 ne permirent pas de donner une suite à ma proposition.
Dans cet ouvrage je me fais l'écho de cet entretien pour situer l'intérêt que suscite l'art haïtien dans le monde.
Il faudrait lui consacrer un chapitre, dire l'originalité et la beauté de tant d'œuvres qui représentent des cérémonies religieuses, des danses populaires et des carnavals hauts en couleur et gorgés de rythme, qui célèbrent nos campagnes foisonnantes d'arbres, d'animaux et de paysans en communion intime avec la terre, nos villes et nos villages, avec leurs ruelles bariolées de visages, hantées par des êtres mi-réels, mi-mythologiques ; tout un univers pétri de réalisme merveilleux !
L'art haïtien jailli des entrailles du peuple témoigne de la richesse de la culture haïtienne, mais il est menacé d'aliénation par la vogue commerciale dont artistes et promoteurs tirent un grand profit et ses meilleures productions acquises au prix fort, prennent le chemin de l'étranger.
Il faut l'en protéger par des mesures adéquates.
La Haye, 12 janvier 1975
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