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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Renée HOUDE, “Le mentorat, un défi relationnel : quand le message est le messager.” Un article publié in Le mentorat et le monde du travail, Actes du colloque et synthèse des activités et des débats, Colloque organisé par le comité de réseautage sur le mentorat, Montréal, 16-17 novembre 2000, p. 15-30. [L’auteure nous a accordé, le 25 juin 2021, l’autorisation de diffuser en libre accès à tous ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Renée HOUDE

Ph.D, professeure retraitée,
Département des communications sociale et publique, UQAM.

Le mentorat, un défi relationnel :
quand le message est le messager.”

Un article publié in Le mentorat et le monde du travail, Actes du colloque et synthèse des activités et des débats, Colloque organisé par le comité de réseautage sur le mentorat, Montréal, 16-17 novembre 2000, p. 15-30.

I. Je pose une pierre

* un diagramme expressif :   M     Mp    MP     mP     P
* commencement, déroulement et dénouement
* vers l’autonomie : L’autonomie est un des grands enjeux de la vie adulte. Ce mot vient de deux mots grecs : Autos qui veut dire ¨soi-même¨ et nomos qui veut dire ¨loi¨. Le travail d’autonomie consiste pour chacun à construire des repères [re-pères] personnels, à forger sa boussole interne, à se définir une loi qui lui permette de vivre à partir de lui-même et de créer des relations d’interdépendance avec les autres.

II. Je construis un mur
Les 3-D de la relation mentorale

1. Le soutien
2. Le défi
3. Le rêve de vie habillé en projet

III. Je construis une cathédrale
Quels sont ces défis que nous voulons relever ?

* l’intergénérationnel
* l’espace transitionnel et les naissances de la vie adulte
* la générativité et la préparation de la relève
* le mentorat : un  petit quelque chose en plus...
* la transmission


Un homme s’approcha d’un chantier et vit un maçon en train de travailler.
Il lui demanda : « Que fais-tu ?
Le maçon lui répondit : « Je pose une pierre »
Continuant sa route, il  s’arrêta devant un deuxième maçon et lui demanda « Que fais-tu ? »  L’homme lui répondit :  « Je construis un mur. »
Un peu plus loin, toujours intéressé à comprendre les humains, il en vit un troisième, à qui il demanda la même question : « Que fais-tu ? »
et le troisième homme, les yeux lumineux, lui dit : « Je construis une cathédrale »..
Les défis qui s’imposent à nous, que ce soit comme mentors, comme formateurs de mentors ou comme concepteurs de programmes de mentorat, pourraient bien s’inscrire  selon ces trois ordres :


I - Je pose une pierre
ou l’évolution de la relation mentorale

Plusieurs défis relationnels se posent au mentor et au protégé. L’un de ces défis réside dans le fait de traverser les trois phases de la relation mentorale l’une après l’autre en s’assurant premièrement de bien saisir les enjeux de chaque phase, deuxièmement d’accomplir ce qu’il y a à faire par rapport à la relation, par rapport au projet et par rapport aux rencontres à chacune des phases et troisièmement d’éviter les écueils susceptibles de surgir à mesure que la relation évolue.

Un diagramme conçu par Gray et Gray rend compte visuellement de l’évolution et de la complexité des enjeux de cette relation. Le graphique parle de la place occupée par les deux protagonistes au cours de l’évolution de la relation mentorale et décrit le mouvement de prise en charge du protégé par lui-même.

M      Mp    MP     mP      P

Les rituels d’initiation et de traverse des grandes transitions sont souvent décrits à partir d’un modèle en trois temps : séparation, liminalité, reconstruction. Le processus de mentorat s’inscrit de plein gré dans ce triple mouvement. Bien sûr, la relation mentorale peut achopper n’importe où au cours du processus. Néanmoins, une relation mentorale satisfaisante couvre tout le processus décrit.  Compte tenu du temps mis à notre disposition, je vais succinctement commenter le tableau que j’ai élaboré pour vous.


COMMMENCEMENT

DÉROULEMENT

DÉNOUEMENT

La phase

P est apprenti

P attend beaucoup du Mentor

P admire et idéalise M

P imite M

hauts et bas (doutes/enthousiasmes)

P expérimente

P découvre de quoi il est capable

P se sent vulnérable vs M

P recherche approbation de M

P perd certaines illusions sur M

(processus d’identification)

P sent qu’il a atteint ses buts

P a envie de voler de ses propres ailes

processus de séparation

- conflits

- peur de peiner/reconnaissance

- sentiments de libération

asynchronie séparation

organisationnelle vs psychologique

M accueille P

M entre dans le monde de P

M aide P à préciser ses attentes

M aide P à nommer ses objectifs

M soutient P

M propose des défis à P

M rappelle le projet de P

M aide P à ajuster attentes, besoins et projet

maturité de M pour jouer son rôle de ‘rampe de lancement’

Quoi
faire ?

par rapport à la relation

créer la confiance

préciser les rôles de P et M

engagement

disponibilité

par rapport au projet

visualiser le Rêve, le mettre en mots, le préciser dans un projet

par rapport aux rencontres

expliciter qui les initie

fréquence, lieu, rythme et durée

calendrier des rencontres

vérifier le dosage entre les 3 D

oser poser les vraies questions

réajuster attentes et besoins

faire un retour sur :

- les apprentissages faits (bilan ponctuel)

- les habiletés en voie d’acquisition

exprimer en quoi M et P sont satisfaits

dire ce qu’on aimerait trouver

par rapport à la relation

parler ouvertement de la fin qui approche

par rapport au projet

reprendre les objectifs de départ et vérifier s’ils ont été atteints

par rapport aux rencontres

planifier une rencontre finale pour faire un bon bilan :

- qu’est-ce que P a appris ?

- qu’est-ce que chacun a reçu ?

Écueils
à éviter

M à l’aise seulement si admiré

M ne supporte pas d’être admiré

P a peine à se rendre vulnérable, à demander et recevoir

M  a de la difficulté à reconnaître l’altérité du P

M a besoin de contrôler

M a des attentes exagérées

M a peur d’être dépassé par P

M retient P

M ‘liquide’ P

P n’ose pas s’exprimer

M et P ne nomment pas les sentiments vécus de part et d’autre



II - Je construis un mur

Les trois D de la relation mentorale

1. LE SOUTIEN

Effets :  donne à P le sentiment d’être entendu, accueilli,  lui procure le sentiment d’être compris en tant que personne unique, enfin lui donne la permission d’être

  • reconnaître les besoins du protégé qui s’adapte au changement et y répondre adéquatement, tel est le défi du mentor
  • prendre du temps pour l’écouter, l’entendre, le recevoir
    (écouter n’est pas un processus passif : faire de l’écoute active)
  • décoder les indices : ce qu’il dit, ce qu’il éprouve (faire du reflet)
  • se familiariser avec le langage intérieur du protégé
  • comprendre la structure d’interprétation et la vision du monde du protégé
  • accueillir l’expérience du protégé (l’expérience ce n’est pas ce qui arrive à quelqu’un mais ce quelqu’un fait avec ce qui lui arrive !)
  • éprouver de la sollicitude : prendre soin de  (holding de Winnicott)
  • confirmer la valeur du protégé : développer son estime de soi
  • aider à construire la confiance en soi
  • créer un lieu de confiance :  « Ici il y a quelqu’un pour moi » (confiance de base)
  • « Ce que je dis ici ne sort pas d’ici » (confidentialité)

Le  mentor peut écouter de manière non-évaluative le découragement du protégé et lui donner  la possibilité de ventiler ses sentiments négatifs.

  • aider à construire une image de soi positive
  • développer une confiance et un respect mutuel

2.  LE DÉFI

Si tu prends ton rêve au sérieux, il se pourrait bien qu’il se réalise

Effets : permet au protégé d’expérimenter de nouveaux comportements, de tenter de nouvelles expériences dans de nouvelles situations

  • confronter de manière aidante (la confrontation n’est pas l’affrontement)
  • recadrer
  • offrir d’autres points de vue
  • amener de nouvelles informations pertinentes, sur demande
  • fournir des idées
  • apporter des suggestions quand le protégé le demande, de manière ‘neutre’, c’est-à-dire en ne mettant pas de pression


3.  LE RÊVE DE VIE habillé en projet

Effets : permet au protégé de sentir ce qui le motive et de prendre contact avec son énergie vitale et motrice.

  • échanger sur les attentes et les objectifs du protégé et aussi du mentor :
- les nommer sans les rigidifier.......
- se rappeler que objectifs et les attentes changent en cours de route
  • préciser les buts et les objectifs
  • développer une vision, un projet
- lui donner le temps de s’approcher de sa vision, de son Rêve de vie
- prendre le temps pour préciser et décrire ce à quoi le protégé aspire
- permettre au protégé d’imaginer ce qu’il sera, ce que sera son monde dans le futur
- visualiser ce que le protégé souhaite pour lui-même dans le futur
  • mettre des mots sur le projet, fournir des mots, un nouveau langage afin de mieux VOIR et DECRIRE, afin de mieux s’approprier son projet
  • ajuster les défis en fonction du projet : ajustement constant du trajet et du projet

ENTRE SOUTIEN ET DÉFI
SUR FOND DE RÊVE DE VIE

Description des relations mentorales en fonction des deux fonctions essentielles du mentor : le défi, le soutien sur fond de rêve de vie (ou projet)

défis élevés

relation M/P peu heureuse

démotivation
et anxiété de P

attentes irréalistes de M

soutien insuffisant

défis élevés

relation M/P efficace et féconde dans la mesure où les attentes
de M et de P sont réalistes
et où le P est motivé
par son projet

soutien adéquat

suffisamment de défis

Relation M/P
peu significative
et peu féconde

peu de changement

soutien insuffisant

défis insuffisants

danger de relation complaisante,
au mieux sentiment
d’être entendu

trop de soutien et pas

suffisamment de défis


peu ou pas de défi

------------------------------------------ SOUTIEN ---------------------------------------

peu  ou pas de soutien

soutien adéquat

Tableau élaboré par Renée Houde


III - Je construis une cathédrale

Quels sont ces défis que nous voulons relever ?


l’intergénérationnel

Des gens m’ont marquée. J’ai eu des mentors et je suis à l’âge où l’on commence à me dire : ¨Vous êtes mon mentor.¨ Je le dis en riant, parce que je ne pense pas que ce soit une question d’âge.  En matière de personne,  en matière d’êtres humains, il n’y a pas de génération spontanée. La filiation est de mise. Si à 20 ans, chaque génération a besoin de refaire le monde, elle le fait tantôt en rupture tantôt en continuité comme si la trame de la filiation avait un endroit et un envers. Mais au total, mes maîtres se prolongent en moi, et ainsi les maîtres de mes maîtres. De sorte que l’intergénérationnel est incrusté au coeur de la civilisation humaine et au coeur de la transformation des personnes.

[De nos jours, les générations sont plus ghettoïsées qu’à d’autres époques de l’histoire,

peut-être est-ce là une de nombreuses raisons qui explique la résurgence du mentorat.]

La filiation et l’intergénérationnel ne constituent-ils pas un premier défi ?

l’espace transitionnel et les naissances de la vie adulte

J’ai une conscience profonde que la formation et le développement des personnes sont des phénomènes intrinsèquement relationnels à l’œuvre non seulement pendant l’enfance et l’adolescence mais aussi pendant toute la vie, pendant tout le cycle de la vie humaine. Nous naissons dans la mutualité et nous grandissons dans la mutualité.  Des identifications ultérieures, au cours des autres saisons de la vie, favorisent les nouvelles naissances de la vie adulte.  La plupart des naissances de la vie adulte germent dans une matrice relationnelle : l’espace relationnel propice à la transformation dont a parlé le célèbre psychiatre anglais, Winnicott. Le mentorat est une de ces relations qui favorise les naissances de la vie adulte.

Créer cet espace transitionnel est un défi du mentor.

la générativité et la préparation de la relève

Le mitan de la vie incite chacun à exercer sa générativité en faisant quelque chose pour  la génération suivante. Comment passerons-nous le flambeau ? Sommes-nous là au poste de relais ?  Que laisserons-nous aux générations montantes ? Mettre son expérience au service de la relève, voilà une tâche de générativité.

Exercer sa générativité est un défi passionnant qu’on peut relever en étant mentor.

le mentorat  : un  petit quelque chose en plus...

Plusieurs parmi nous ont eu d’excellents professeur-e-s, peu ont rencontré ce prof qui éveille, qui suscite des enthousiasmes et nous fait connaître l’illumination, qui crée l’étonnement, ouvre des perspectives, nous touche en profondeur, qui encourage notre potentiel et qui, d’une certaine manière,  nous perçoit et nous voit plus loin  et par-delà  ce que nous sommes. Tout cela sans nous dire quoi faire, ni comment penser.

Le mentorat risque d’apparaître quand la personne qui suit l’apprenti fait, à l’intérieur de  la relation, des interventions qui ne sont pas écrites dans le cahier de charge et qu’elle va au-delà des obligations contractuelles.

Ce petit quelque chose en plus, est un défi bien personnel.

sur la transmission

On parle souvent de transmission comme s’il s’agissait de transvidage. Comme si on tranvidait l’eau du savoir d’une carafe dans une autre.  Mais tout est reçu à la manière du recevant. Quidquid recipitur ad modum recipiandis recepitur, disait Aquin, voulant expliquer le processus de la connaissance. Ce qui veut dire « Tout est reçu à la manière de  celui qui le reçoit ». Ce que, en bons étudiants, nous avions traduit par « L’eau prend la forme de la cruche ».  La transmission n’a rien à voir avec le transvidage. Elle se fonde sur le postulat de l’intersubjectivité de sorte qu’on pourrait quasiment dire que transmettre c’est donner quelque chose qui ne nous appartient pas à quelqu’un qui va le pétrir à sa façon.

Ici nous sommes dans une logique du don fort différente de la logique du commerce.

Il est possible de distinguer des modalités de transmission : 1.la transmission d’informations, 2. la transformation d’habiletés et de compétences précises de l’ordre du savoir faire, 3. la transmission du savoir-être qui se fait sans doute par modeling et de façon implicite.

La transmission fait appel à un travail de co-naissance  en un triple sens : Mentor et protégé font connaissance, ils partagent des connaissances et,  cela faisant,  ils se transforment, i.e. qu’ils co-naissent à d’autres parties d’eux-mêmes. le travail de transmission devient ainsi un travail de co-opération, de col-laboration et de  co-construction.  La recherche, la quête est partagée et la dimension heuristique et erratique de la quête engendre un trajet abouté à un projet. Et alors, il arrive que la co-errance devienne  cohérence.

Ne jamais perdre de vue le graphique d’une vie humaine, qui ne se compose pas, quoi qu’on dise, d’une horizontale et de deux perpendiculaires, mais bien plutôt de trois lignes sinueuses, étirées à l’infini, sans cesse rapprochées et divergeant sans cesse : ce qu’un homme a cru être, ce qu’il a voulu être, et ce qu’il fut.

Marguerite Yourcenar, Carnet de notes de ‘Mémoires d’Hadrien’


Bibliographie



1 - Ouvrages de l’auteure
portant directement ou indirectement sur le mentorat

1.1. Livres

 

HOUDE, Renée, (1999), Les temps de la vie, Le développement psychosocial de l'adulte selon la perspective du cycle de vie, Gaétan Morin éditeur, Boucherville, Troisième édition 449 pages.

HOUDE, Renée, (1996), Le mentor : transmettre le savoir-être, Éditions Hommes et Perspectives, Paris, 230 pages (il s’agit de l’édition européenne en langue française qui inclue quelques changements du volume publié au Québec en 1995 : Des mentors pour la relève )

HOUDE, Renée, (1995), Des mentors pour la relève, Édition du Méridien, Montréal, 253 pages.

1.2. Articles

HOUDE, Renée, (2000), ¨Le mentorat : une relation de transition¨, in GenerAction, Cycle de vie - relations interpersonnelles - lien social, pro juventute et Pro Senectute, (numéro publié en français et en allemand), éditions Pro Senectute, Zurich, Suisse, p.64.

HOUDE, Renée, (1992), "Mentorat, supervision et travail social : 1. La nature du mentorat et les fonctions du mentor", in Travail Social, Revue de l'Association Suisse de Assistants Sociaux (ASAS), vol. 6, juin 1992, p.2 -12.

HOUDE, Renée (1992). "Mentorat, supervision et travail social : 2. L’évolution de la relation de mentorat et les programmes de mentorat", in Travail Social, Revue de l'Association Suisse de Assistants Sociaux (ASAS), vol. sept. 1992, p. 2-16.

 HOUDE, R., (1991), "Le concept de générativité appliqué à la vie professionnelle et le rôle de mentor",  in Actes du colloque  "La carrière au mitan de la vie", organisé par la Fédération des Cegep, 4-5 octobre 1990, p.125-140.

2. Ouvrages cités

BENABOU, Charles, (1995), «Mentors et protégés dans l’entreprise : vers une gestion de la relation¨ in Gestion, volume 20, numero 4, décembre 1995, p.18-24

FLAHERTY, James, (1999) Coaching. Evoking Excellence in Others. LaButterworth-Heinemann, USA, 200 pages

YOURCENAR, Marguerite, (1974),  Mémoires d’Hadrien, Editions Gallimard, folio 921.

SAVOIE, André (1989),  La relation éducative en milieu de travail in Revue Québécoise de Psychologie, vol 10(1), p.100-121.

N.B. pour une bibliographie plus générale sur le mentorat et les programmes de mentorat,  il est possible de se référer à la bibliographie de Houde (1996)



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 10 décembre 2021 19:18
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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