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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Renée HOUDE, “Mentorat, supervision et travail social : 2. L’évolution de la relation de mentorat et les programmes de mentorat.” Un article publié dans la revue Travail Social, Revue de l'Association Suisse de Assistants Sociaux (ASAS), vol. 9 septembre 1992, p. 2-16. [L’auteure nous a accordé, le 25 juin 2021, l’autorisation de diffuser en libre accès à tous ce texte dans Les Classiques des sciences sociales.]

Renée HOUDE

Ph.D, professeure retraitée,
Département des communications sociale et publique, UQAM.

Mentorat, supervision et travail social :
2. L’évolution de la relation de mentorat
et les programmes de mentorat.”

Un article publié dans la revue Travail Social, Revue de l'Association Suisse de Assistants Sociaux (ASAS), vol. 9 septembre 1992, p. 2-16.

Introduction

1. L'évolution de la relation de mentorat

Le modèle de Houde 1992
Le modèle de Houde (1992) en trois phases
2. Les programmes de mentorat

Champ d'application du mentorat
Les effets positifs du mentorat
Les effets négatifs du mentorat
Qu'est-ce qu'un programme formel de mentorat ?
Le débat
Conditions de réussite des PFM
Quoi faire ?

Conclusion
Bibliographie


Introduction

Entre le moment où vous avez lu le premier article qui portait sur la nature et les fonctions du mentorat et celui où je poursuis l'écriture du deuxième article que je vous ai annoncé, j'ai eu l'occasion de discuter du mentorat avec certains d'entre vous. Et, en guise d’introduction, je ne peux résister à l'envie de reprendre, pour l'ensemble des lecteurs, quelques-unes de nos réflexions.

Les un(e)s venaient de découvrir qu'ils en étaient, à la fin de la trentaine, à coudre les derniers points en vue d'achever une tapisserie relationnelle en mettant un terme à cette dernière phase de la relation avec un mentor Et ils saisissaient de l'intérieur à quel point ceci n'était pas simple. C'était d'autant plus compliqué que, en cette fin de la période d'entrée dans le monde adulte, d'autres adultes n'avaient pas attendu pour les investir dans ce rôle de mentor. À l'idée de devenir mentor, l'un d'entre nous s'exclama : "Ma peur se situe ici : est-ce que je veux être mentor ? Est-ce que ça vaut la peine ? Je me reconnais très bien comme protégé en train de finir de quitter mon mentor. Je sais que je suis sans doute un mentor pour les plus jeunes. Mais j'aime mieux ne pas le savoir."

Comme si tenter de comprendre la dynamique et la mécanique du mentorat pouvait atténuer la dimension - comment faut-il l'appeler ? - magique ? irréductible ? indomptable ? mystique ? sacrée ? de la relation. J'ai déjà rencontré une réaction semblable au sujet de la relation amoureuse : "Moi je préfère ne pas comprendre ce qui se passe quand je suis amoureux-se, car ça risquerait de perdre de son charme!"

Plusieurs d'entre nous avaient évoqué leur expérience… comme autant d'histoires qui creusent la vie. Nous en étions à nous dire comment le cadre d'analyse proposé, semblable à celui que je vous expose ici, était précieux pour mettre des mots sur ce qui se passe au plan professionnel, que ce soit comme enseignant-e, comme tuteur ou tutrice, comme conseiller-e, bref comment ce cadre d'analyse permettait d'enrichir notre pratique, lorsque quelqu'un exprima sa perplexité : "Jusqu'où faut-il donner un cadre à de telles relations ? Jusqu'où faut-il mettre la vie dans des cadres ? "

La question était posée, et nous l'aborderons, tel que promis, dans la deuxième partie de cet article, la première étant consacrée à décrire l'évolution de la relation qui existe entre mentors et protégés.

En vue de comprendre plus concrètement les RPM dans lesquelles nous évoluons, nous analyserons les différentes phases du processus mentoratique :

  • qu'est-ce qui se passe en début de relation ?
  • qu'est-ce qui se joue lorsque cette relation est à son apogée ?
  • qu'est-ce qui se passe en fin de relation ?

Nous réfléchirons également sur la pertinence de mettre sur pieds des programmes formels de mentorat.


1. L'évolution de la relation de mentorat

Le mentorat est une relation interpersonnelle qui se déroule dans le temps, c'est donc dire que c'est une relation qui a un commencement, un déroulement et une fin.

 La société dans laquelle nous vivons nécessite de plus en plus que les personnes commencent, poursuivent et mettent fin à des relations interpersonnelles extrêmement significatives pour les individus et fortement investies au niveau affectif. Ceci n'est pas nouveau dans l'histoire humaine. De tous temps, les êtres humains se sont approchés les uns des autres, se sont rencontrés (de toutes les manières) puis se sont quittés. Socrate a sans doute été le mentor de Platon. Jésus celui de Pierre, de Jean. Au Moyen-Age, la formation professionnelle se faisait dans les ateliers où les rapports humains étaient fortement individualisés sans pour autant être très personnalisés [Mais qu'en savons-nous au juste ?] Plus récemment le film "Tous les matins du monde" nous présentait un Marin Marais qui se cachait sous la cabane du maître, à l'insu de ce dernier, afin de capter son savoir. Ce qui est nouveau, c'est l'attention mise sur ces processus à la suite des savoirs développés au cours du XXe siècle : processus d'attachement, d'identification, d'individuation-séparation, processus de deuil différents selon qu'il s'agit de veuvage ou de divorce. etc. Ce qui est nouveau, c'est la possibilité d'acquérir des compétences à ce chapitre.

Connaître les différents enjeux affectifs reliés au commencement, au déroulement et au dénouement du mentorat peut favoriser un tel apprentissage. C'est du moins mon hypothèse. Voilà pourquoi je veux vous décrire les différentes phases d'évolution du mentorat.

Nous savons par expérience que chaque histoire interpersonnelle est unique et que toute relation, même si parfois elle ressemble à du déjà vu, évolue d'une manière tout aussi unique. La réalité des histoires interpersonnelles est toujours plus riches et plus complexes que nos modèles. Certaines relations se terminent dès la première phase ( il n'y a qu'à évoquer la situation où l'étudiante, la résidente, la stagiaire change de superviseur-e lorsqu'elle se rend compte qu'elle risque de ne pas bien fonctionner à l'intérieur de la relation commençante) tandis que d'autres se poursuivent jusqu'à bon port, tantôt de façon extrêmement satisfaisante, tantôt de façon moins satisfaisante : les embûches surgissent au fur et à mesure que la relation se développe, elles sont inhérentes à la croissance de la relation. Ceci ne nous dispense pas pour autant de l'effort de chercher une manière de se représenter l'évolution du mentorat. Au contraire!

Je vous communique donc un modèle (Houde 1992) qui décrit l'évolution possible de la relation de mentorat.

Le modèle de Houde 1992

Pour décrire les trois principales étapes du déroulement de cette relation, je m'inspire de ma propre expérience, de mes nombreuses lectures, entre autres de celles de Colarusso et Nemiroff et de Levinson  :

Le modèle de Houde (1992) en trois phases :

Phase 1 : le commencement

  • le protégé se voit comme un apprenti et admire le mentor : la relation est inégale
  • le mentor reconnaît le protégé et lui apporte du soutien
  • le protégé imite le mentor auquel il s'identifie
  • le protégé et le mentor investissent affectivement l'un dans l'autre

Phase 2 : le déroulement proprement dit

  • le protégé reconnaît comme siennes de nouvelles compétences
  • protégé et mentor perdent certaines illusions l'un sur l'autre pour faire place à la personne réelle de l'autre et reconnaître les limites de cette relation
  • la fusion initiale est définitivement brisée
  • la relation tend à devenir plus égalitaire

Phase 3 : le dénouement de la relation

  • La séparation psychologique et la séparation organisationnelle
  • trois scénari de transformation de la relation


Phase 1 : le commencement
une relation d’inégalité


Pendant cette phase, le protégé se voit comme un-e apprenti-e, comme un-e novice et considère le mentor comme une personne expérimentée, une autorité, un expert. De son côté, le mentor perçoit le protégé comme étant plein de possibilités. De part et d'autre, les attentes existent.

Le protégé admire le mentor. La relation en est une d’inégalité  : le mentor est entrevu comme étant au-dessus du protégé dans une position de supériorité et le protégé est considéré comme en-dessous du mentor, dans une position d’Infériorité. Selon les catégories développées par Schutz dans son FIRO-B (Fundamental Interpersonnal Relations Orientations), cette dimension de la relation interpersonnelle s’appelle la dimension du pouvoir (up/down). Souvent le mentor est mis sur un piédestal par le protégé et il est idéalisé dans la mesure où la représentation interne du mentor par le protégé est investie du narcissisme importé du self. Cette idéalisation du mentor par le protégé est nécessaire pour qu’une identification se fasse. Le mentor est mis sur un piédestal : il est admiré, imité.

Chez les protégés, les attentes de rôles sont très grandes en début de relation - elles diminueront avec le temps ; les mentors soulignent pour leur part que les protégés leur font des demandes excessives de temps en début de relation mais ils disent que, au total, les avantages compensent les désavantages. En retour le protégé se sent reconnu par le mentor de qui il reçoit du soutien.

Cette inégalité relationnelle de départ si caractéristique du mentorat peut faire apparaître différents sentiments chez le protégé :

  • la peur d'être rejeté par son mentor, de ne pas être à la hauteur de ses attentes
  • le besoin de répondre de façon satisfaisante aux demandes et exigences du mentor
  • des sentiments d'enthousiasme et d'excitation devant le fait d'être reconnu et valorisé par le mentor
  • le doute de soi : "Vais-je réussir à devenir aussi compétent que mon mentor ?"

- La mimesis

Pendant cette première phase de la relation, la fonction de modèle du mentor est prépondérante. Le protégé apprend beaucoup par imitation en se modelant sur les divers rôles que joue le mentor (role modeling), c'est-à-dire en imitant les différents comportements et attitudes du mentor. Les qualités, attitudes, comportements du mentor que le protégé voudrait faire siennes sont perçues, valorisées et mises en relief par le protégé. L'imitation - la mimesis - parfois poussée jusqu'au mimétisme, joue alors un rôle de premier plan dans l'apprentissage. C'est ainsi que le protégé a tendance à imiter le mentor : il pourra même aller jusqu'à faire siennes des intonations, des mimiques, des gestuelles, des répliques du mentor quasi à son insu. Qui n'a pas été témoin de ces moqueries affectueuses où sont soulignés les travers du mentor, ses phrases-clés pour commencer ou mettre fin à une entrevue, etc. ? D'ailleurs un des défi d'une relation de mentoring réussie est d'éviter le "cloning", i.e. la reproduction de "copie conforme" du mentor.

- un investissement affectif important

Le mentorat appelle un investissement affectif important de part et d'autre.

Pendant cette première phase, il y a souvent une fusion initiale avec le mentor, avec ce que toute fusion implique de de-selfing. J'emprunte cette expression à Harriet G.Lerner (1989).

Rappelons que Levinson ( !978) insiste sur le caractère de la relation de mentorat en soulignant que c’est une relation d’amour aussi forte et aussi importante que la relation parent-enfant ou que la relation qui existe entre les conjoints et les époux. Évidemment l’intensité de l’investissement affectif varie avec les partenaires et, même si l’investissement est réciproque, l’intensité peut ne pas être similaire. Devant le fait que ses besoins risquent d’être comblés, une certaine euphorie peut s’emparer du protégé.

Les mentors qui fonctionnent plus facilement dans une relation où ils sont admirés et où ils se sentent supérieurs pourront être fort à l'aise au début de la relation. Divers écueils peuvent apparaître : par exemple le mentor qui n'est à l'aise que dans l'admiration pourra satisfaire ses propres besoins narcissiques et égocentriques via cette relation : il se montrera incapable d'être réellement présent à la personne du protégé et utilisera cette relation à ses propres fins. Par ailleurs, le mentor qui supporte mal d'être admiré et qui a toujours besoin d'évoluer dans une relation d'égal à égal, pourra avoir tendance à nier ou neutraliser les commentaires admiratifs du protégé et ne pas lui fournir le soutien qu'il attend, un soutien d'un être qu'il considère comme son supérieur et non comme son égal. Le protégé qui a de la peine à vivre une situation de dépendance, à se rendre vulnérable, à demander et à recevoir pourra rencontrer des difficultés dès cette première phase.

Lorsque ces différents écueils sont évités et que chacun des protagonistes a le sentiment qu'il est respecté à l'intérieur de cette relation, la relation évolue vers la deuxième phase. À courte vue, on a l'impression que le protégé reçoit et que le mentor donne. Ce qui, le reste du déroulement le montrera, s'avérera comme étant inexact.

Phase 2 : le déroulement proprement dit

- intégration de nouvelles compétences

Le sentiment de fusion peut causer beaucoup de plaisir. Cependant le self du protégé se trouve dans un état de grande vulnérabilité dans la mesure où l'approbation du mentor est nécessaire à son sentiment de bien-être. Au fur et à mesure que le protégé découvre ses capacités réelles, exerçant ses propres compétences, les différenciant de celles du mentor, au fur et à mesure qu'il les intègre dans son image de soi, le protégé augmente son sentiment de compétence, son sentiment de sécurité et acquiert progressivement de l'autonomie. Le processus d'identification est très actif ; ceci implique incorporer, rejeter, assimiler en vue d'intégrer et de reconnaître comme faisant partie du self les nouveaux comportements. Le self du protégé change de façon marquée au fur et à mesure que les attributs convoités et désirés chez le mentor sont intégrés, habituellement avec un intense plaisir. De son côté, le mentor éprouve souvent le sentiment d'être utile à la réalisation d'une autre personne et d'actualiser sa générativité

- une désillusion nécessaire et créatrice

 Par ailleurs, le protégé perd certaines illusions sur son mentor et l'admiration laisse la place à une certaine critique ; ce travail de désillusionnement est essentiel et pré-requis pour que la relation se transforme.

Du côté du mentor également, l’épreuve de la réalité remet les choses en place : les aspirations et els complaisances que le mentor avait échafaudées au sujet du protégé sont réajustées eu égard aux limites spécifiques à cette relation unique, limites inhérentes à toute relation humaine.

Évidemment ceci peut créer certains remous. Par exemple, si le mentor est plus à l'aise dans des relations où il est mis sur un piédestal, cela pourra le bouleverser. Il pourra se sentir menacé et utilisera ses mécanismes d'adaptation favoris : l'un pourra devenir plus contrôlant, un autre plus distant, un troisième sur-protecteur, etc. Il n'est jamais facile de supporter la critique du protégé et la réaction du mentor dépendra de sa propre intégration de ses conflits et de ses forces. Le degré de maturité personnelle du mentor qui requiert lucidité et acceptation de soi est un facteur important de la réussite du mentorat. Cette contestation du mentor par le protégé qui n'est pas sans analogie avec celle que mène l'adolescent vis-à-vis de ses parents en vue de prendre sa propre dimension et de redonner à ses parents une dimension d'homme et de femme (par opposition à l'idéalisation parentale propre à l'enfance et à celle propre à l'adolescence) lui permettra de prendre sa propre mesure. Cette épreuve de la réalité à travers laquelle passent les aspirations et les attentes du début de chacun des protagonistes n'est pas sans faire songer à la perte d'illusion - éminemment nécessaire et éminemment positive - qui permet de sortir du choc amoureux pour entrer en relation avec la personne réelle que l'on a habillée de nos rêves.

- la fusion est brisée

La fusion qui avait pu causer tant de plaisir pendant la première phase est définitivement brisée. Le protégé réinstalle en lui-même des attentes sur soi qu'il avait momentanément placées - projetées - sur l'autre, i.e. sur le mentor. Il doit faire un travail incessant de re-selfing, i.e. réapproprier les morceaux nouveaux à l'intérieur de son self : ainsi des éléments de son Soi idéal (ce que quelqu'un pense qu'il devrait être) devraient désormais faire partie de son image de soi (ce que quelqu'un pense qu'il est) de manière, lorsque le mentorat débouche sur une relation constructive pour le protégé et pour le mentor, à ce que son estime de soi soit plus forte et plus solide. Il s'ensuit une affirmation de soi et une actualisation de soi plus grandes.

- vers une relation plus égalitaire

La complémentarité du début – on se rappelle que la relation de complémentarité est basée sur la différence tandis que la relation symétrique est basée sur la similitude – avait entraîné un certain équilibre relationnel (up-down). Cette complémentarité tend à diminuer et l’équilibre de la première phase ne tient plus. Un autre équilibre entre donner et recevoir s’installe, et une certaine mutualité s’instaure. Tout ceci ne se fait pas sans complexité et sans paradoxe  : il n’y a qu’à songer à cette situation où le protégé ayant besoin de s’émanciper du mentor demande au mentor de l’approuver dans ses tentatives d’éloignement, de différenciation, d’émancipation. Peuvent éclore des situations du genre  : « Approuve-moi, même si je te critique… » Ou encore : « Continue de m’aimer même si j’ai besoin de compétitionner avec toi. » Au terme l’inégalité s’amenuise et certaines formes de mutualité et d’égalité apparaissent.

Les principaux écueils pendant le déroulement sont :

- la difficulté pour le mentor de reconnaître l'altérité de l'autre et de voir les différences. Ainsi le mentor qui, n'ayant pas fait le ménage dans ses propres rêves sur lui-même, encorsette le protégé dans les fils résiduels - un peu comme le père qui cadenasse son fils dans les rêves qu'il a sur lui-même, rêves inachevés, rêves avortés - dépose sur le protégé des rêves qui lui reviennent à lui et qui lui appartiennent en propre, ainsi ce mentor risque-t-il de créer du grabuge relationnel. Le mentor, idéalement, ne devrait pas contribuer au cloning, i.e. au développement d'une copie conforme

- les besoins de contrôle du mentor peuvent être trop grands ou pas assez...

- quand les deux partenaires ont du mal à reconnaître les limites de la relation par rapport aux attentes et besoins de chacun, ceci peut entraîner des insatisfactions et des frustrations

- il peut même arriver que le mentor ait peur d'être dépassé par le protégé...ou qu'il le soit de fait (comme cette fois où mentor et protégé ayant tous deux soumis une communication à un congrès international, la communication du protégé fut acceptée tandis que celle du mentor fut refusée) ce qui oblige mentor et protégé à composer avec leurs sentiments : envie, jalousie, fausse modestie, etc...


Phase 3 : le dénouement

- un processus de séparation s'instaure

Au terme de la période d'assimilation-rejet, le self du jeune adulte en ressort plus fort, plus individué, plus affirmé. Un processus de séparation s'instaure. Ce processus comporte deux dimensions : l'une psychologique, l'autre plus organisationnelle et il importe que le deux dimensions soient en concordance plutôt qu'en discordance.

Comme pour toutes les relations d'amour, que ce soit les relations parents/enfants ou les relations entre conjoints, le processus de séparation puis la transformation de la relation sont difficiles.

- trois scénari

On peut imaginer trois scénari : selon le premier, il y a une fin naturelle et le processus de séparation mentor-protégé donne lieu à une nouvelle relation : de camaraderie, de collègue de travail, d'amitié ou même d'amour. Bref il y a transformation qualitative de la relation. Parmi les dix-huit paires (mentor et protégé) de l'échantillon de Kram (1983), seules huit paires ont atteint ce stade, celui de la redéfinition de la relation.

Selon le deuxième scénario, il y a perte graduelle d'implication de part et d'autre, ce qui conduit à la fin de la relation. Le mentor et le protégé ne se revoient plus. Tout simplement. Ils ont fait ce qu'ils avaient à faire ensemble, reconnaissent ce qu'ils se sont apportés mutuellement, et sont rendus ailleurs.

Selon le troisième scénario, le processus de séparation suscite de gros conflits de part et d’autre ou bien chez l’un des deux partenaires. Le protégé pourra prouver les sentiments suivants : colère, amertume, rancœur, deuil, impression d’être abandonné, sentiment de libération également (Ouf ! je suis un peu plus adulte, je peux voler de mes propres ailes ! ») et de renouvellement. Le mentor tant admiré pourra devenir quelqu’un de trop exigeant, dont les critiques ne sont pas constructives, quelqu’un qui profite de lui ou d’elle, etc. Le mentor, de son côté, pourra trouver que le jeune adulte n’est plus réceptif, qu’il n’est pas suffisamment reconnaissant, etc. Tous les processus de séparation sont susceptibles de générer de la peine, de la colère, du ressentiment et la relation mentor-protégé ne fait pas exception. Il faudra donc beaucoup de maturité au mentor pour jouer adéquatement son rôle de "rampe de lancement" vis-à-vis de son protégé.

Le dénouement de la relation, dans les meilleurs cas, donne lieu à l'émergence de deux Self séparés et plus forts.

Une brève remarque : ce modèle où je décris l'évolution de la relation de mentorat en découpant ce processus en trois temps, n'a pas pour but de vous indiquer une voie à suivre ou un chemin à parcourir - ce qui serait une voie normative , encore moins d'établir des normes étroites en vue d'évaluer et de juger une RPM, mais davantage de vous aider à nommer et à analyser les relations de mentorat que vous pouvez identifier dans votre environnement et dans votre vie, et ceci dans une perspective de compréhension de soi et de l'autre. Le danger de devenir dogmatique, ici comme ailleurs, doit être dénoncé : l'attitude autoritaire et contrôlante peut s'immiscer dans les plus beaux projets et le terrorisme relationnel peut s'installer derrière des propositions dont le contenu est à saveur de croissance personnelle. Sans doute ai-je trop entendu une participante dire à l'autre sur un ton normatif : "Parle-en utilisant le "Je"...

Dernière mise en garde quant au mode d'emploi : nos modèles théoriques aspirent - quand ils ne le prétendent pas - à être exhaustifs. Exhaustifs et idéaux. Et nous savons [mais le savons-nous vraiment ?] que les relations humaines sont toujours des connexions imparfaites. Il peut être utile de se le rappeler. Indulgence requise!

Voyons maintenant la question des programmes formels de mentorat.

2. Les programmes de mentorat

Le mentorat exerce un tel ascendant que certains font allusion à la mystique du mentor tandis que d’autres prônent la connexion avec un Mentor (The Mentor Conection) comme solution à divers problèmes. S’il est vrai que professeurs, conseillers, patrons peuvent aider à la réalisation du Rêve de vie lorsqu’ils jouent le rôle de mentor, peut-on fabriquer des mentors sur mesure ? Faut-il créer des programmes formels de mentorat (PFM)

En vue de répondre à cette question, après un bref survol des champs d'application du mentorat, nous esquisserons les effets, positifs et négatifs, du mentorat, résumerons succinctement le débat sur la question des programmes formels de mentorat, reprendrons des points critiques à considérer pour s'assurer de la réussite de tels programmes, ceci avant de suggérer quelques pistes d'action

Champ d'application du mentorat

Les champs d'application du mentorat sont multiples. Le milieu académique, en particulier celui de l'éducation supérieure, s'y prête tout naturellement : la formation universitaire en général exige souvent que l'étudiant-e ou bien entreprenne des stages ou bien s'inscrive dans un processus de rédaction de thèse (parfois les deux). Ces situations où se développe une relation entre un-e superviseur de stage et un-e stagiaire, entre un directeur ou directrice de mémoire ou de thèse et un-e étudiant-e en rédaction de thèse sont éminemment susceptibles de faire place à du mentorat fécond. Le milieu professionnel s'y prête également dans la mesure où le jeune adulte - qu'il soit en formation, en perfectionnement ou en début de carrière, éprouve divers besoins qui font écho aux diverses fonctions du mentorat : besoin d'être supporté, orienté, dirigé, stimulé, conseillé, présenté aux autres, besoin de connaître de première main le terrain et d'y faire sa place, etc. Enfin le milieu organisationnel par le biais de la gestion des ressources humaines, tentant de concilier productivité et réalisation professionnelle de ses employés, est un lieu propice à l'éclosion du mentorat : avancement de carrière, adaptation dans de nouveaux secteurs de production, adaptation à un nouveau poste.

Par ailleurs il existe des applications du mentorat à des thématiques de plus en plus spécifiques et de plus en plus variées. À titre d'exemple, mentionnons des études portant sur le phénomène du mentorat chez les femmes-cadres, sur l'incidence de la composante sexuelle dans la dyade mentoratique, sur le mentorat auprès de minorités ethniques, sur le mentorat entre parents et enfants, etc.

Les effets positifs du mentorat

Pour le mentor

Parmi les effets positifs observés chez le mentor se trouvent une plus grande valorisation de soi, le plaisir d'être en contact avec la jeunesse, celui d'être utile à sa profession et les gratifications liées au fait de relever un défi créateur du mitan de la vie adulte à savoir celui de se soucier de la génération montante et d'exercer sa générativité.

De plus, il semble que le fait de jouer le rôle de mentor puisse, à l'occasion, contribuer au développement des gestionnaires et administrateurs et favoriser l'avancement de carrière du mentor, comme le dit Zey (1988) dans son article A Mentor for all reasons :

"Le protégé peut aussi favoriser l'avancement de carrière du mentor d'une multitude de manières, telles que en lui offrant des informations vitales sur les échelons inférieurs de la compagnie, en lui servant de testeur par rapport à de nouvelles idées et en aidant le mentor à finir un projet". (p.47, notre traduction).


Pour le protégé

Du côté du protégé, les effets positifs répertoriés sont nombreux tant sur son apprentissage proprement, sur son intégration dans le nouvel environnement, sur son bien-être personnel (sentiments de sécurité, d'appartenance) que sur le développement de sa carrière.

À titre d'exemple, voici quelques résultats des analyses de Murray Reich tels que résumés dans son article intitulé Tne Mentor Connection (1986) où il compare les effets du mentorat chez les femmes cadres versus chez les hommes-cadres (executives) :

  • 97% des femmes versus 87% des hommes ont affirmé avoir acquis une plus grande confiance en elles-mêmes à la suite du mentorat soulignant que cette relation leur avait permis de prendre davantage conscience de leur propre force
  • hommes et femmes valorisent les occasions qui leur ont été offertes de prendre des décisions, d'apprendre des habiletés de gestion, de se joindre à des équipes gagnantes, de développer des contacts utiles et d'obtenir plus rapidement des promotion
  • plus de femmes que d'hommes ont mentionné que les mentors

1) stimulaient leur pensée (84% versus 77%)
2) leur donnaient du feedback sur leurs faiblesses (78% versus 66%)
3) leur permettaient d'établir leurs propres objectifs de travail (80% versus 72%)
  • apparemment plus de femmes que d'hommes ont eu l'impression que les mentors les aidaient à trouver et à utiliser leur talents.

À un niveau plus général, servir de mentor peut être valorisant professionnellement, ceci dans la mesure où l'organisation elle-même valorise ce genre d'investissement.

Pour le milieu

Encore ici, les effets positifs sont réels. Les organisations profitent généralement des relations entre mentors et protégés (Kram, 1980, citée par Hunt et all.) Les analyses de Murray Reich (1986) montrent que, hommes et femmes, dans ses proportions respectives de 85% et 87%, ont noté une nette amélioration de la performance de leur groupe de travail.

 En effet, le milieu peut se sentir régénéré et éprouver une plus grande vitalité à la suite d'expériences concluantes de mentorat. Le mentorat est à la fois une manière de découvrir et de favoriser l'éclosion de nouveaux talents tout en utilisant des talents moins nouveaux et en mettant à profit les talents d'un personnel qui a pris de l'expérience et de l'âge. Je remarque que, parfois, le mentorat est perçu comme une panacée aux problèmes de vieillissement de la main-d'œuvre - problème particulièrement aigu au Québec en ce moment où les baby-boomers sont en bien grand nombre aux postes de pilotages. Parfois il apparaît comme une manière de re-motiver des gens au beau mitan de leur carrière. Parfois il devient une manière de rendre plus humain un milieu de travail où la personne elle-même risque d'être aussi peu considérée qu'un papier mouchoir jetable après usage.

Non seulement le milieu profite-t-il à long terme de ressources humaines plus qualifiées, plus intégrées et plus satisfaites, mais d'une résolution moins dichotomique entre les tensions reliées au travail et les tensions familiales. Comme le disent David Marshall Hunt et Carol Michael (1983) dans leur article Mentorship : A Career Training and Development Tool :

« Les avantages du mentorat pour les organisations consistent en ceci : les anciens protégés (comparativement aux administrateurs qui n'ont pas eu de mentor) sont mieux éduqués, mieux payés, moins mobiles et plus satisfaits de leur travail et de leur carrière. Au niveau de l'éducation supérieure, les avantages sont évidents au niveau de l'aide financière, du placement, de l'entrainement dans des projets de recherche, de la collaboration à des publications et du support personnel et émotionnel (Cameron, 1978). Le mentorat aide à développer des images de soi confiantes et positives et à intégrer les responsabilités liées au travail et les responsabilités familiales. »

Il semble enfin (Zey, 1988) que le mentorat, parce qu'il permet l'apparition d'un micro-climat de sécurité où les idées nouvelles peuvent se développer, être nourries, expérimentées et introduites dans le milieu, agit comme un catalyseur qui amène l'innovation et favorise la créativité (p.50).

Les effets négatifs du mentorat

Pour le mentor

Parmi les effets négatifs du mentorat pour le mentor, relevons ceci. Il peut arriver que le mentor se retrouve frustré - plutôt que gratifié - par une relation avec un protégé précis. Il peut arriver que le mentor rencontre dans son milieu de travail des informations peu flatteuses sur la manière dont il exerce son mentorat, informations qui peuvent être fondées ou non. Il peut arriver que mentor et protégé se retrouvent en situation de compétition pour un mandat, un projet, ou un poste et que cette rivalité ne se solde pas de manière satisfaisante. Nul n'est à l'abri de conflits relationnels ou de conflits de personnalités.

Pour le protégé

Lorsque la relation de mentorat ne se déroule pas de manière satisfaisante, il arrive que le ou la protégé ait l'impression d'avoir perdu un temps de carrière précieux, qu'il se sente frustré, qu'il ait l'impression d'avoir été utilisé voire exploité, qu'il connaisse une baisse dans son estime de soi et parfois même qu'il se sente trahi.

Pour le milieu

La relation mentoratique peut être envisagée, comme le fait Ann Carden (1990) comme un système à l'intérieur d'un système. Lorsqu'elle se déroule bien, elle peut susciter de l'envie et de la jalousie dans le réseau immédiat de la dyade formée par le mentor et son protégé. Lorsqu'elle est pleine d'embûches, elle peut sous-tirer du milieu des énergies qui en d'autres temps seraient plus productives.

Cependant, exercé dans de bonnes conditions, le mentorat s'avère une formule gagnante pour le protégé, pour le mentor et pour l'organisation. Or lorsqu'une formule est gagnante, les esprits humains sont tels qu'ils veulent la reproduire, la systématiser, bref l'institutionnaliser. Ainsi "plusieurs organisations ont tenté de formaliser la relation de mentorat en vue de capitaliser sur les aspect développementaux potentiels de telles relations." (Noe, 1988a, p.458, traduction libre). Et dès lors la question se pose : faut-il, oui ou non, mettre sur pieds des programmes formels de mentorat ?

Qu'est-ce qu'un programme formel de mentorat ?

Un programme formel de mentorat est une stratégie d'intervention préméditée, organisée et planifiée ayant pour but de reproduire artificiellement la relation mentor-protégé, en vue d'en obtenir les avantages. Comme le note Noe (1988a, p.458), "dans les programmes formels de mentorat, les individus sont assignés à un mentor". Ceci par opposition au mentorat spontané appelé également mentorat primaire (comme on parle de relation primaire).

 Le lecteur se doutera immédiatement que les concepteurs de programmes de formation d'une part, qu'ils proviennent de milieux organisationnels, professionnels, ou académiques, et les gestionnaires en ressources humaines d'autre part se montrent vivement intéressés par un tel projet.

De tels programmes formels de mentorat existent tant aux Etats-Unis qu'au Canada. Faut-il mettre sur pieds des programmes formels de mentorat ? Le débat est ouvert.

Le débat

Le mentorat qui se développe de manière formelle ne serait pas "aussi bénéfique que le mentorat qui se développe informellement, à cause des conflits de personnalités entre les parties, parce que les superviseurs perçoivent que leur influence sur le subordonné est érodée par la présence du mentor auprès du protégé, à cause d'un manque d'implication personnelle tant de la part du mentor que de celle du protégé puisque la relation n'a pas été construite de leur propre initiative, au dire de Klauss (1981) et Kram (1985), et ceci tel que rapporté par Noe (1988a, p.458, trad. libre).

Clawson (1980) va également dans ce sens en argumentant que puisque les rôles de mentor et de protégé sont le produit de relation, ils ne peuvent être légiférés ou créés structurellement. Son argumentation est reprise dans son article "Is Mentoring Necessary ?" (1985) où il conclue que le mentorat formalisé n'est pas nécessaire, la plupart des gens repérant naturellement les adultes desquels ils peuvent apprendre :

"La théorie implicite est que les individus sont ceux qui peuvent le mieux choisir ceux de qui ils veulent apprendre et qu'ils veulent comme répondants." (p.39, trad, libre)

Bref, il y a risque que l'institutionnalisation de la relation mentor-protégé déforme la nature de cette relation et mine ses effets bénéfiques (Reich 1985), risque que l'alliance soit superficielle et dès lors ne produise plus les mêmes effets! Car

"le mentorat ne peut pas être fabriqué mais doit émerger de l'engagement spontané et mutuel de deux individus qui voient dans le fait d'être en relation l'un avec l'autre une valeur potentielle" (Kram, 1987, p.185, trad. libre).

En conséquence, Kram suggère (1985, p.42) que le personnel professionnel responsable des ressources humaines, au lieu de mettre sur pieds des programmes formels de mentorat, établisse plutôt une suite de programmes et de changements organisationnels qui supportent le processus de mentorat plutôt que de le forcer.

Des mesures incitatives plutôt que coercitives semblent donc s'imposer compte tenu que les relations mentoratiques ont intérêt à surgir d'un milieu favorable qui crée les conditions pour qu'elles apparaissent.

Il est intéressant de remarquer que, d'un côté, les chercheurs qui se prononcent contre l'établissement de programmes formels de mentorat le font, le plus souvent, au nom de l'importance de la dimension spontanée et libre qui préside à la mise sur pieds de telles relations et que, d'un autre côté, ceux qui analysent les effets des Programmes Formels de Mentorat, insistent - entre autres critères - sur la nécessité de créer des conditions internes au programme qui permettent aux protégés et au mentor de se choisir respectivement.

Faut-il en conclure que le débat est plus théorique que pratique ?

Conditions de réussite des PFM

Cinq caractéristiques des PFM réussis :

Ainsi Noe, (Women and Mentoring : A Review and Research Agenda, 1988b) tentant de faire ressortir les caractéristiques des programmes formels de mentorat qui ont connu le succès, met en relief les cinq points suivants :

1) le programme formel de mentorat est appuyé par la haute direction.

2) mentor et protégé se choisissent attentivement (plutôt que d'être assignés l'un à l'autre)

3) le programme formel de mentorat est l'objet d'un vaste programme d'orientation mettant l'accent sur l'importance, pour le mentor et pour le protégé, d'avoir des attentes réalistes concernant la relation

4) le programme formel de mentorat présente les responsabilités respectives du mentor et du protégé en les définissant clairement

5) et enfin le programme formel de mentorat détermine une durée minimum et une fréquence minimum de contacts entre le mentor et le protégé (Lean, 1983 ; Phillips-Jones, 1983 et Zey,1985, cités par Noe, op.c., p.65, adaptation libre du texte).

Ceci étant rapporté avec la réserve suivante : il faudra pousser plus loin la recherche pour identifier les facteurs externes (provenant de l'environnement) et les facteurs internes (provenant du mentor, du protégé et de leur relation), soit individuel et relationnels, qui affectent le succès du mentorat. Comme le dit Noe (1988a) dans son article intitulé An Investigation of the Determinants of Successful Assigned Mentoring Relationships :

Il nous faut clairement des recherches plus rigoureuses faisant appel à des désigns quasi-expérimentaux en vue de déterminer si les individus obtiennent des bénéficies similaires selon qu'ils participent à des programmes informels de mentorat ou selon qu'ils participent à des programmes formels de mentorat. Nous avons un besoin urgent de recherche montrant l'efficacité des PFM pour accroître l'efficacité organisationnelle. (p.474, notre traduction)

Dix conditions à respecter lorsqu'on met sur pieds un PFM :

Par ailleurs Linda Phillips-Jones avait suggéré une liste de dix points critiques à respecter lors de la mise sur pieds d'un PFM. Je les reprends ici même si certains points ont déjà été rapportés dans la synthèse de Zey que nous venons de citer.

1) S'assurer que la haute direction supporte le mentorat

2) Insérer le PFM à l'intérieur de l'effort général de formation des gestionnaires et du développement de carrière

3) Insister pour que la participation au PFM soit volontaire (et que ceux qui optent pour ne pas y participer ne soient en rien pénalisés)

4) Garder chaque phase et cycle du programme court

5) Sélectionner attentivement les mentors et les protégés : il importe de s'assurer que les mentors possèdent les compétences, le pouvoir, la volonté de s'engager,et le temps nécessaire et que les protégés veulent participer à un tel programme et qu'ils ont les habiletés de base requises. Il faut toujours permettre le changement quand le pairage ne fonctionne pas.

6) Offrir une orientation aux mentors et aux protégés en vue de créer de l'enthousiasme chez les mentors, de les aider à identifier ce qu'ils peuvent apporter à leur protégé, de leur faire savoir comment le mentorat peut leur être avantageux, de les informer de ce à quoi ils peuvent s'attendre dans ce type de relation, de les aider à identifier les diverses façons dont ils peuvent améliorer leurs habiletés de mentors ; les protégés seront également orientés avant de s'engager dans le PFM

7) Permettre aux mentors une "flexibilité structurée" où ils sont encouragés à exercer leur mentorat dans le style qui leur est propre

8) Les préparer à des défis potentiels

9) Construire un système de monitorat (points de tombées : rencontres, mini-rapports, mises au point) en vue de maintenir la motivation des membres du programme

10) Évaluer le programme en permettant à chacun de partager ses réactions au programme.


Quoi faire ?


À mon avis, différentes actions peuvent être entreprises.

Tout d'abord il importe que les adultes du mitan prennent conscience des rôles qu'ils peuvent jouer dans le développement des jeunes adultes, que ce soit au plan personnel et professionnel. En ce sens il y a place pour donner de l'information et de la formation sur ce rôle de mentor (sa spécificité, son but, ses fonctions, son évolution, les points d'achoppements, les bénéfices, les dangers). Donc information et formation auprès des personnes concernées sont de mise.

Deuxièmement, en corollaire de ceci, il y a lieu de mettre sur pieds différentes activités qui permettent aux adultes susceptibles de devenir mentor de développer les habileté interpersonnelles et les compétences requises en vue d'améliorer leur manière d'être mentor, bref de créer des méthodes pour encourager le développement de bonnes relations mentor-protégé :

  • comment doser défis et soutien ?
  • comment composer avec les différents problèmes qui surgissent au fur et à mesure de l'évolution de la relation ?
  • que faire dans des situations de rivalité ou de compétition ?

Troisièmement, il y a lieu de mettre en place des structures flexibles et souples qui permettent l'apparition d'un mentorat le plus calqué possible sur le mentorat primaire, ce qui, bien sûr, implique que les partis puissent se choisir.

Quatrièmement, il m'apparaît important de sensibiliser les différents milieux (affaires sociales, éducation, santé, organisations) aux enjeux psychosociaux du mentorat pour les personnes et pour l'organisation. Il semble que, dans certains milieux, il faille travailler à éliminer différentes barrières qui font obstacles à la création de conditions favorables à l'apparition du mentorat et à créer de nouvelles mentalités. Je crois que les différents milieux organisationnels ont des responsabilités et des pouvoirs dans la gestion du mitan de la vie et dans la formation des jeunes. Ainsi il devient nécessaire non seulement de se demander comment dépister de nouvelles manières de promouvoir la générativité de leur personnel comme ressource pour faire face aux défis sociaux d'aujourd'hui , mais encore de prendre des dispositions concrètes pour faire face à ces défis.

Loin de réduire la question à "Faut-il oui ou non mettre sur pieds des programmes formels de mentorat ?" à mes yeux, le problème qui se pose est le suivant : Comment, par divers moyens - conférences, changements organisationnels, programmes spécifiques de formation - favoriser l'éclosion de cette relation de mentorat, en sachant très bien qu'il y a une chimie qui préside à l'attirance entre mentor et protégé, chimie interpersonnelle sur laquelle nous n'avons pas de pouvoir. Comment favoriser le recyclage de ressources humaines importantes qui semblent se gaspiller ?

Conclusion

Il existe, dans nos institutions, des situations propices au mentorat : la supervision de stages, la formation à exercer tel ou tel métier ou profession, l'enseignement proprement dit, l'accueil des jeunes professeur-e-s et professionnel-le-s. La plupart des adultes que nous sommes tirent du profit et de la satisfaction à comprendre ce qu'est le mentorat véritable. Formation et information sur les enjeux du mitan, sur le mentorat, me paraissent des moyens d'actions féconds. Ultimement, le mentorat apporte un nouvel éclairage à la question : quelle place nous faisons aux jeunes adultes qui entrent comme jeunes professionnel-les dans nos institutions ?

Sans doute avez-vous déjà des idées en tête. Et ce sont vos idées qu'il faudra implanter, non les miennes. Je suis persuadée pour ma part que le mentorat est un phénomène qui prendra de plus en plus de place!

BIBLIOGRAPHIE

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HOUDE, Renée, (l991), Les temps de la vie, Le développement psychosocial de l'adulte selon la perspective du cycle de vie, Deuxième édition revue et augmentée, éditions Gaétan Morin, Montréal, 357 pages.

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PHILLIPS-Jones, L., (1983), "Establishing a formalized mentoring program", in Training and Development Journal, 37(2), 38-42.

REICH, Murray H., (1986), "The Mentor Connection", in Personnel Journal, Février 1986, 50-57.

ZEY, Michael-G., (1988), "A Mentor for all Reasons", in Personnel Journal, Janv.88, Vol. 67(1), p.46-51.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 10 décembre 2021 18:59
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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