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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Numéro 27 de la revue Culture technique, “Culture marchande”, 1993.
Paul Camous,
“Les fondements sociaux et culturels
de la culture marchande.”


Une édition électronique réalisée à partir du Numéro 27 de la revue Culture technique, “Culture marchande”, 1993, pp. 8-15. [Autorisation accordée par le directeur général, Jocelyn De Noblet, de diffuser cette revue en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales. M. à Thierry Gaudin pour toutes ses démarches auprès du directeur général de la revue afin que nous puissions reprendre la diffusion de tous les numéros de cette revue.]

[8]

Paul CAMOUS

Les fondements
sociaux et culturels
de la société marchande
.”

Un article publié dans la revue CULTURE TECHNIQUE, no 27, juillet 1993, pp. 8-15. Numéro intitulé : “Culture marchande”. Neuilly-sur-Seine, France : Centre de recherche sur la culture technique.


Toutes les sociétés sont de consommation.

On a beaucoup glosé sur la « société de consommation », sans égards pour l'effort séculaire qui l'avait permise. C'était risquer de dilapider, par légèreté et incompréhension, l'immensité d'un héritage, de savoir et de savoir-faire, humain, qui constitue une civilisation. C'était, égoïstement, ignorer la misère et la famine de milliards d'hommes, qui, au même moment, dans le tiers-monde, vivent une autre société de consommation, celle de la pénurie.

La nôtre est celle de l'abondance.

Toutes les sociétés sont de consommation, mais la nôtre est celle de l'abondance, plus que relative. Nous sommes passés, au prix de la longue peine des hommes, d'une économie de subsistance à celle d'offres abondantes et de demandes exigeantes et diversifiées.

Pour parler différemment de la société marchande, il faut :

Le commerce :
une industrie du tertiaire,

-   analyser les mécanismes complexes d'un secteur économique où toutes les entreprises, maintenant, utilisent les techniques les plus sophistiquées et les plus modernes. Petites ou grandes entreprises commerciales, contraintes de se modeler rapidement sur les réalités d'une société technicienne, urbaine, et de haut niveau de vie matérielle, ont adopté des structures et des modes de gestion semblables à ceux qui caractérisent les « entreprises industrielles ». Les PMI du commerce, et du tertiaire en général, n'ont rien à envier aux PMI performantes dans la fabrication des objets manufacturés ;

un miroir de la société.

-   essayer de rechercher les ressorts de la fonction commerciale et ses rapports avec la société. Le commerce, en effet, est un miroir de la société tout entière, dont les multiples facettes la reflètent et la transforment à la fois, dans l'extraordinaire mélange des formes mobiles de l'échange toujours multiplié.

De l'économie de troc,

Dans la lutte millénaire des sociétés humaines contre la rareté des biens, nécessaires à leur survie et à leur bien-être matériel, la production et l'échange sont des actes liés. Le progrès de l'espèce repose sur le « faire ensemble ». Il demande la complémentarité des individus qui composent le groupe. Il s'accélère par la spécialisation de chacun et l'organisation de tous en un système bien régulé. La mise à disposition des biens, par l'échange, en est une pièce, utile et banale.

C'est dans leurs efforts pour améliorer leurs techniques de « fabricants », que les hommes ont su obtenir, d'abord, les succès. L'acte d'échange est demeuré, très longtemps, simple et identique à lui-même. Il ne paraissait pas qu'il fût possible d'obtenir des gains de productivité dans une pratique, toute individuelle, en appendice de la chaîne de production.

à l'échange généralisé

Deux temps forts ont, cependant, marqué l'histoire de cette « activité tranquille ».

et au client-roi.

Tout d'abord le passage de l'économie de troc à l'économie monétaire, condition nécessaire de l'extension des échanges, dans l'espace, et de leur prolongement, dans le temps. Et ensuite, à une époque récente, le passage d'une économie de l'offre-réduite à une économie de la demande-abondante ... l'avènement du client-roi. On a mal mesuré l'importance de ce retournement. Il procède de la révolution industrielle et de la fabrication, en grandes séries, d'une multitude de produits à coût réduit. Il est marqué par les grandes mutations de technologies, dans les transports et les communications, qui ont effacé les contraintes de distance et d'isolement. Il s'inscrit, en aval de l'explosion urbaine qui a rassemblé les hommes, dans les nébuleuses d'immenses mégapoles ou dans des réseaux serrés d'agglomérations.

[9]

Des consommateurs plus exigeants.

Mais ce renversement du flux des décisions ne peut être mis au seul crédit d'une expansion généralisée, portée au plus haut par le progrès scientifique et les techniques d'organisation du travail. Les acteurs du changement ont été les consommateurs eux-mêmes. La hausse des salaires et des revenus s'est accompagnée de celle du niveau culturel, permise par le prolongement généralisé de la scolarisation, la puissance d'information des mass média, et surtout des disponibilités de temps, jusqu'alors inconnues du plus grand nombre.

Plus instruits, mieux informés, disposant d'un plus grand pouvoir d'achat, les nouveaux consommateurs ont été plus exigeants pour la qualité et la diversité des produits. Ils ont été plus pressants pour l'information dont ils avaient besoin pour choisir, et pour les services qui doivent accompagner l'acte d'achat. Dans une dialectique permanente et puissante, les producteurs et les consommateurs ont, peu à peu, modifié leurs fournitures et leurs besoins.

La fonction consumériste du commerce.

Les commerçants ont été les agents, efficaces, de cette dialectique opératoire. Professionnels de l'échange, attentifs par leur fonction même à son bon déroulement, ils ont valablement traduit, aux producteurs, les attentes des consommateurs. Prenant le risque de l'achat pour la vente, ils ont mis en valeur les produits qu'ils avaient sélectionnés, prolongeant, par cela même, l'acte de production.

Les transformations structurelles des entreprises de commerce. Elles sont de type industriel.

Cette adaptation nécessaire a été accomplie grâce à des changements de structures et d'organisation, qui ont transformé les entreprises de commerce. Elles ont, par obligation, adopté les formes les plus performantes du management, utilisé les technologies les plus sophistiquées de la logistique, de l'informatique ou de la communication. Elles sont devenues des « industries » du secteur tertiaire, dont les gains de productivité ont bénéficié à l'ensemble de la filière économique et aux consommateurs.

La révolution commerciale n'est plus à faire. Elle semble être derrière nous.

La montée en puissance de glandes surfaces de vente, une extraordinaire diversité des modes opératoires et des services rendus, la modernisation du commerce de proximité, l'extension de la vente par correspondance, le renouveau des grands magasins et l'adaptation permanente — sous peine de disparition - des indépendants, associés, selon les formules les plus diverses de franchise ou de coopération, ont, en deux générations plus vite qu'en des milliers d'années, transformé le paysage économique et l'exercice de la fonction commerciale.

En France, nous avons vécu comme un phénomène naturel cette extraordinaire croissance du commerce moderne, sans chercher à en connaître les mécanismes, les règles, et surtout sans voir l'origine de ce puissant élan. On a peu décrit les effets induits, favorables en matière d'emplois et d'investissements. On a surtout évoqué les effets secondaires sur l'environnement politique et social.

Les  risques de l'intervention administrative à but social.

La révolution commerciale est partie intégrante du grand mouvement de rénovation, qui — pendant les trente années que Fourastié a qualifiées de Glorieuses - a fait que notre pays a épousé son siècle, et transformé toute notre manière de vivre et de travailler. Mais elle a marqué sa spécificité propre par un renversement total des flux de décisions, ce qui a donné la maîtrise aux consommateurs là où l'économie de marché le permettait.

D'importants problèmes d'adaptation, dans le domaine social, ont incité la puissance publique à légiférer et réglementer, pour atténuer la brutalité et l'ampleur des faits économiques.

Toute notre Histoire nous y portait, hélas, souvent jusqu'à l'excès. Nous avons ainsi construit une société prétendument mixte qui, peu à peu, a perdu sa vivacité d'adaptation et d'allure, son ambition et son élan, parce qu'elle était entravée, toujours plus étroitement, par les liens de Gulliver d'une administration omniprésente. Parce que la récompense de l'effort, du talent et de la réussite était toujours plus amputée par des prélèvements excessifs et des affectations trop strictes et trop différées de la part des salaires, obligatoirement transformés en « cotisations sociales ».

Parmi les pays d'économie libérale, la France est celui qui est allé le plus loin dans cet interventionnisme à but social.

L'État a été conduit — au nom de la légitimité de cette intervention sociale — à vouloir tout régenter. Au nom d'une politique d'ensemble, il a prétendu assujettir et remodeler les mécanismes du marché et même les remplacer par un ordre qu'il avait seul qualité pour construire et faire fonctionner. Sa légitimité globale lui donnait tous les droits, toutes les certitudes, au nom d'un intérêt général qu'il était seul habilité à définir et à fixer.

Les effets pervers d'une « économie administrée ».

Il ne s'agit pas, en effet, de s'interroger sur le rôle ou sur l'utilité du commerce. Producteurs et consommateurs savent, ou du moins pressentent, qu'il ne peut y avoir de véritable abondance sans un système de distribution efficace des richesses produites. La pénurie et les queues devant les magasins, dans les pays bureaucratiques, ont été la démonstration la plus efficace des effets pervers d'une économie administrée. Elle a conduit aux bouleversements sociaux et politiques que l'on sait.

[10]

Le commerce est créateur de richesses.

Depuis longtemps, les économistes ont démontré - sans toutefois que la nouvelle soit toujours parvenue jusqu'aux politiques et aux fonctionnaires - que le commerce et les services constituent un acte de production, créateur de richesse, pour l'ensemble de la collectivité.

Toutefois, l'analyse de la texture et de l'organisation de la société marchande — dont le commerce est l'expression la plus directe — peut apporter, à condition d'accepter une simplification à grands traits, quelques réponses précises à des questions qui ne le sont pas.

Le problème économique du fonctionnement du marché se pose, en effet, en termes politiques d'organisation sociale.

La société bureaucratique, planifiée par un ordre administratif et hiérarchisé, est fondée, quels que soient les habillages idéologiques, sur un ordre venu d'en haut. Sur une technostructure centralisée, et le pouvoir de quelques-uns qui, au nom de l'intérêt général, décident, arbitrairement, pour les autres.

Les règles de base de l'ordre marchand : permettre à chacun de décider.

Dans un pays démocratique et décentralisé, nous retrouvons toutes les règles de base de l'ordre marchand. Ce sont elles qui permettent à chacun de décider pour lui-même, en fonction de ses aspirations et de ses intérêts. Ce sont les fondements des sociétés libres.

Le marché est la base de l'organisation sociale et économique de l'Occident. Les Français ne le savent guère.

Habitués depuis des siècles à la prépondérance de la puissance étatique, les Français ont longtemps tenu, sur le marché et la société marchande, un discours qui est à contre-courant de leur manière de vivre et de leurs idées. Le peu de cas qu'ils déclarent faire des marchands traduit une ignorance et un refus d'ensemble. Un siècle de martèlement idéologique a durablement marqué les esprits au point d'empêcher longtemps de saisir l'évidence : le marché est la base de l'organisation de notre société occidentale.

Les Français refusent encore la perception de ce qu'ils vivent ! Guerriers, ils s'en remettent volontiers aux situations de domination ou d'allégeance, résultant de rapports de force plus ou moins durables.

Juristes, ils s'empressent de codifier ces rapports de force, en se donnant l'illusion d'œuvrer au nom des grands principes, et de soumettre le désordre de la vie à l'autorité des bureaux. Ils réussissent à entraver, à retarder. Mais la force de l'ensemble et les multiples habiletés individuelles, le système D, emportent les barrières de papier.

Le prix à payer est élevé, les retards importants.

Cartésiens, enfin, ils ont bien du mal à concevoir le miracle du marché, cette « main invisible » qui fait émerger l'intérêt général à travers les confrontations innombrables et informelles d'une multitude d'intérêts particuliers, sans qu'une seule volonté identifiée ne préside à cette organisation collective.

Le client vote avec ses pieds.

Le paradoxe et la contradiction sont extraordinaires : le marché et les marchands démontrent, dans la vie quotidienne, leur efficacité économique. Les Français ratifient ce jugement par leurs actes de tous les jours ; en allant au marché, au supermarché, à l'hypermarché, chez le commerçant du centre ou de proximité, ils réaffirment le libre choix et la concurrence.

Mais les préjugés culturels et idéologiques demeurent plus forts que l'expérience.

Dominé par la loi du profit, le marché exploiterait les hommes. Il gaspillerait les ressources naturelles et l'énergie. En favorisant une hyperconsommation, il finirait par produire chômage et inflation !

L'économie de marché est chargée de toutes les fautes.

Irrationnelle et perverse, immorale et inefficace, l'économie de marché est chargée de toutes les fautes. Elle est source de toutes les injustices. En termes savants, ou en fables populaires, la condamnation est la même : le renard libre dans un poulailler libre, c'est le désordre, la violence, la loi du plus fort.

Pourquoi ne pas répondre que le renard ne fait pas partie du poulailler. Il s'y est introduit par effraction !

Une morale de  responsabilité fonde la société marchande.

Un tel procès couvre de justifications idéologiques les faiblesses des hommes : l'instinct grégaire, la propension à la passivité, le rejet de l'effort et de la compétitivité. Il jette allègrement par-dessus bord nombre des valeurs qui ont construit lentement les progrès de l'espèce humaine tels le respect des contrats et des autres, la récompense et l'encouragement à ceux qui savent se dépasser pour devenir les meilleurs. Dans la simplicité de l'ajustement entre l'offre et la demande des biens matériels, on retrouve les lignes de forces de l'organisation même de la cité et, à travers elle, une éthique, celle de la responsabilité.

C'est un constat à contre-courant des idées reçues.

Une telle affirmation, à contre-pente du discours longtemps dominant et des idées encore reçues semble maintenant possible à illustrer par des faits et à démontrer par un raisonnement. Naguère, on était condamné comme archaïque et réactionnaire avant même d'avoir été entendu !

[11]

Le lent chemin de l'aventure humaine.

La force et la réalité de ces choses, que l'on retrouve après une si longue absence, apparaissent cependant dans leur simplicité, si l'on veut bien faire, avec attention, le lent chemin de l'aventure des hommes.

Les origines du marché se perdent, en effet, dans la nuit des temps.

Au commencement de l'histoire de la « société marchande », on ne trouve aucun législateur, aucun inventeur de génie. On constate que l'espèce humaine, qui rassemble - à tous les sens du mot - des animaux sociables, a besoin, pour vivre en groupe, de partager d'abord, puis d'échanger. Cette pratique simple a été répétée et perfectionnée au cours des siècles, en fonction des enseignements de l'expérience. Elle a pris la dimension du monde entier et une extraordinaire diversité.

Aux premières traces de civilisation remontent les premières marques de l'échange. Pour nous limiter à notre propre Histoire, l'Ancien Testament fait référence à l'importance des transactions marchandes. Le commerce méditerranéen, grâce au cabotage dans une mer intérieure, s'organise sur une grande échelle, plusieurs siècles avant Jésus-Christ. Depuis l'Antiquité, les progrès de l'ordre marchand sont toujours allés de pair avec l'épanouissement de l'ordre civil, protégé par l'ordre militaire, légitimé par l'ordre religieux. Le Bas-Empire, le Haut Moyen-Age, sont marqués par une sorte de repli, sur elles-mêmes, de sociétés faiblement peuplées, clairsemées et vivant en groupes autarciques.

Ils s'incarneront dans la société militaire, hiérarchique, rigide et parcellisée qu'est la féodalité.

Mais le commerce reprendra vigueur, à partir du XIIe siècle, sous l'effet de la croissance démographique et du développement des villes et de la sécurité.

Dès le XVe siècle, les grandes villes européennes comme Amsterdam, Anvers, Gênes, Venise commercent avec le monde entier. Elles diffusent, avec leurs marchandises, les « bienfaits » de la renaissance économique et culturelle.

Les grandes civilisations marchandes sont les sociétés de pays de rayonnement intellectuel et artistique.

Quelles que soient les références que l'on prenne, dans le temps ou dans l'espace, les grandes civilisations marchandes sont des sociétés de paix et de rayonnement intellectuel et artistique.

L'Europe occidentale a connu, après les conflits mondiaux de la première moitié du siècle, une exceptionnelle période de paix, soutenue par un développement, sans précédent, des échanges extérieurs. Quarante années de stabilité, marquées par l'ouverture des frontières et l'explosion du commerce intracommunautaire, semblaient rendre inimaginable, dans cette partie de l'Europe, l'éventualité de conflits internes entre des pays qui, dans la liberté, ont tissé entre eux les liens et les contrats d'une société libre et marchande. Les conflits et les guerres civiles sont proches, mais ailleurs.

Les marchands sont les reflets et les acteurs d'une société tranquille ; la sécurité est une condition indispensable au bon fonctionnement de leurs affaires ; l'intensification des échanges commerciaux entraîne le développement des relations humaines et la volonté d'échanger pousse davantage à la négociation qu'au conflit. Elle impose une écoute attentive de son interlocuteur (ou de son marché), une discipline et une modération dans ses réactions et le goût du compromis plus que celui de la force.

On accuse souvent l'économie de marché de n'être que le champ d'affrontement des égoïsmes individuels. Le plus sûr encouragement à la pratique généralisée du chacun-pour-soi.

L'individu est au centre des relations sociales. La vraie solidarité ne peut se développer qu'entre des individus dont l'organisation sociale reconnaît la prééminence de la « personne » sur la « tribu ».

C'est faire un contresens fondamental sur la nature même du marché : placer l'individu au cœur des relations sociales ne signifie pas prôner une société d'égoïsmes exacerbés, dépourvue de tout lien de solidarité. Au contraire, ces liens de solidarité ne peuvent se développer qu'entre des individus dont on reconnaît la prééminence comme centres de décisions autonomes.

Assurément, la rationalité de chaque individu le presse le plus souvent à rechercher, d'abord, la satisfaction de son intérêt personnel. Cela est vrai, quel que soit le type d'organisation politique et sociale : les hommes, chacun pour ce qui le concerne, sont un mélange de passions et de valeurs, dans lequel l'altruisme et la générosité ne sont pas toujours les constituants dominants !

Mais, dans les systèmes collectivistes, d'organisation bureaucratique, cette recherche, égoïste, de la maximisation de l'avantage personnel, se masque derrière la recherche, hypocrite et officielle, de l'intérêt général. Elle se cache derrière les processus complexes de la décision politique.

Le marché, au contraire, met en évidence les stratégies individuelles et permet, à travers leur synthèse ostensible, la recherche réaliste de solutions présentant le moins d'inconvénients pour la collectivité.

Produire des informations, c'est permettre le choix par la comparaison.

L'efficacité — le but même - du marché est, en effet, de produire des informations nombreuses, accessibles aux consommateurs, et lui permettant les comparaisons et les choix.

[12]

Cette fonction de production d'informations, pour n'avoir été reconnue que tardivement par la réflexion des théoriciens de l'économie, n'en est pas moins fondamentale.

Dans les sociétés primitives, l'activité humaine s'oriente spontanément vers la production des biens de première nécessité, pour assurer la survie de l'espèce. Avec la croissance économique, la production augmente quantitativement, se diversifie et se disperse sur de vastes territoires. La consommation de ces biens matériels implique le développement des biens immatériels que sont les services. Elle suppose un important travail d'information sur la nature des produits, mais aussi sur leur disponibilité et, surtout, sur les attentes des consommateurs.

C'est le rôle du marché de révéler les préférences de chacun.

Un rôle simple tant que les choix sont restreints. Aujourd'hui, cependant, la société d'abondance offre aux consommateurs, grâce à la révolution industrielle et à la mondialisation du marché, une infinie diversité de produits et de services. Ils peuvent y accéder sans médiation, tout en restant confrontés à une rareté essentielle et incontournable, celle du temps.

Théoriquement, rien n'empêche chaque consommateur de se procurer lui-même l'information nécessaire à ses choix. Il est possible aussi de tester les produits afin de déterminer, a posteriori, celui qui lui convient le mieux.

Mais ces possibilités sont purement virtuelles. Dans la réalité, l'offre est trop vaste pour être appréhendée, systématiquement et complètement, par les consommateurs. Ils n'en ont pas le temps.

Les procédures marchandes assurent une fonction de communication.

De cette confrontation entre l'abondance des biens disponibles et la rareté du temps surgit la prévalence de la fonction communication.

C'est le fait nouveau et capital dans les sociétés post-industrielles, déjà fortement automatisées, et pour lesquelles produire n'est plus le problème majeur.

Plus le temps est rare, plus l'information est précieuse, plus elle doit être produite par des professionnels qualifiés ; plus les demandes et les offres sont diversifiées, plus elle est difficile et coûteuse à mettre en œuvre.

Les procédures bureaucratiques, incapables d'informer vite.

Dans nos sociétés modernes, l'information ne peut pas être assurée valablement par des procédures bureaucratiques car celles-ci ne sont pas seulement condamnables dans ce qu'elles comportent de contrôles par le pouvoir politique et de déformations intéressées. L'incapacité est d'ordre technique : aucune structure centralisée ne peut assurer le traitement, instantané et neutre, de la multitude d'informations produites à chaque instant de par le monde.

Les procédures marchandes, celles qui font, par exemple, apparaître au même moment à New York, à Paris et à Tokyo, le prix du pétrole ou le cours du dollar, sont, au contraire, des procédures décentralisées, polynucléaires, fonctionnant en réseau, mais autonomes et simultanées.

Cette production d'informations, dont l'efficacité rapide est sans égale, est le fait de professionnels spécialisés et compétents qui, par une délégation implicite des consommateurs, analysent, rassemblent et sélectionnent de multiples données sur les produits et les services.

Indicateur économique et bulletin de vote, le prix, reflet instantané de la situation du marché.

Au centre de la procédure marchande se situe le prix, à la fois indicateur économique et « bulletin de vote ». Etabli par tout le monde et personne à la fois, il reflète, instantanément et objectivement, la situation du marché.

Le consommateur, quand il constate un prix affiché, reçoit une double information sur les biens proposés.

D'abord, la disponibilité immédiate. Ensuite, le coût, qui est un élément de mesure qui lui permet d'arrêter une décision rationnelle pour un éventuel achat.

Le producteur, de son côté, reçoit un message clair sur la valeur relative de son produit, à un moment précis, dans un lieu donné, où il peut, immédiatement, l'échanger. Il peut orienter ses plans de production en fonction des préférences dégagées par le marché.

Le prix, facteur de choix.

Comme autant de signaux verts, orange ou rouges, les prix orientent les choix. Ils indiquent vers où on peut aller et d'où il faut se dégager. Ce sont des révélateurs, rapides et précis, des préférences et des priorités.

Toute manipulation administrative des prix est, à terme, absurde et néfaste.

Là est la raison fondamentale, et sans appel, du caractère néfaste et absurde de toute manipulation sur les prix. Le délicat mécanisme qui gère avec simplicité un univers de transactions, est d'une extrême complexité. Il fonctionne, et ne peut fonctionner efficacement qu'à l'abri des interventions du pouvoir administratif et politique.

Changer les règles du jeu, réglementer les prix, bloquer ou « pincer » les marges, c'est prétendre effectuer des pesées de précision, avec une balance que l'on est en train de dérégler. C'est obtenir, pour un très court moment, l'affichage souhaité, mais qui devient vite sans rapport avec la réalité. C'est déformer l'information et retirer à la décision des consommateurs et des producteurs leurs plus sérieux points d'appui. C'est faire en sorte qu'ils se trompent et soient trompés.

[13]

Échange d'informations dans un espace de liberté.

Moteur du développement économique, le marché est, ainsi, un centre de création et d'échanges d'informations. Il devient, par son mouvement même, un point d'appui. La société marchande, dans son entier, exige et crée un espace de liberté pour les individus, qui y trouvent les moyens d'exercice de la responsabilité individuelle, du développement de l'intelligence créatrice, et de l'épanouissement des talents de chacun.

Les systèmes planificateurs et bureaucratiques présupposent la volonté de plier la réalité aux exigences des abstractions idéologiques de la société idéale. Elle conduit, dans la course de l'utopie insaisissable, à faire peser, sur les individus, un ensemble de contraintes, qui excèdent de loin celles qui sont nécessaires au bon fonctionnement de la cité. Les régimes totalitaires règlent l'économie comme l'individu. Au service d'un dessein collectif, décidé par quelques-uns au nom d'une doctrine immuable et sans faille, chacun se voit assigner une place et rôle qui font peu de cas de ses aptitudes et de ses goûts.

L'ordre marchand favorise l'initiative et fonde la solidarité des relations humaines par le contrat.

En n'imposant, a priori, aucun modèle social ou économique, l'ordre marchand favorise au contraire l'expression de l'initiative individuelle. Il laisse à chacun le soin de conduire sa vie et de montrer des capacités qui sont immédiatement appréciées et jugées par tous les autres.

Le marché ne détermine pas les individus. Il leur permet de s'exprimer et d'agir, librement, en fonction de leurs aspirations et de leurs croyances. Les dispositions générales de concurrence (engagement à terme, notamment) sont contractuelles dans l'intérêt des contractants. Elles ne sont pas imprécises et changeantes au gré d'un intérêt supérieur modelé en opportunité, par un pouvoir lointain.

Personne n'impose rien à personne, de façon absolue et révocable.

Les décisions collectives sont « négociées », à tous les niveaux de sens de ce mot, par les ajustements individuels de chaque contrat d'échange.

La société marchande, exemple de démocratie directe.

Les procédures marchandes sont — pour reprendre les termes qui furent à la mode — autogestionnaires et participatives, puisqu'elles imposent l'engagement permanent de l'acheteur et du vendeur, dans l'obligation du compromis entre deux volontés face à face.

Remettant constamment en jeu les privilèges et les avantages acquis, elles assoient, à la table du jeu, tous les membres de la collectivité. Elles sont ainsi semblables aux schémas les plus idéalistes des sociétés où le pouvoir est le peuple : la démocratie directe.

Le pacte social de l'ordre marchand.

Cette recherche du progrès dans l'harmonie des conflits surmontés et de la négociation acceptée prend ses racines dans la liberté de choix de tous ceux qui participent au marché.

Cet effort constant de compromis acceptables, obtenus de tant de manières diverses par tant d'individus différents, construit le pacte social de l'ordre marchand. Celui-ci, par sa stabilité et son efficience directe, constitue un puissant stimulant.

Animés par la recherche de la maximisation de leur satisfaction personnelle, les hommes sont plus ardents et plus efficaces lorsqu'ils peuvent mesurer la récompense de leur travail et en profiter personnellement.

Le profit, sanction des efforts et du savoir-faire, de l'intelligence et du risque est, en même temps, un instrument de mesure rapide de l'efficacité de l'action, ou de l'utilité du produit.

Les « peseurs-jurés » d'aujourd'hui sont, en dernier ressort, les consommateurs, masse puissante, diversifiée et anonyme. Ils règlent ou non l'addition de la totalité de la filière de production.

Le compte n'est pas aujourd'hui positif. On oublie trop qu'au bilan le tableau d'ensemble comporte les pertes et pas seulement les profits.

La loi d'airain de l'ordre marchand, c'est la concurrence.

La loi d'airain de l'ordre marchand, c'est la concurrence. Elle donne la récompense et le succès, à ceux qui savent comprendre, avec le plus de rapidité et le plus de finesse, les désirs, les besoins, les attentes de tous les autres. Les meilleurs sont désignés par le travail, la volonté et le talent, accumulation subtile de savoir, de savoir-faire et de faire savoir.

Mais la compétition c'est l'acceptation du risque et de la responsabilité. C'est aussi l'élimination du tricheur par la force juste de la loi.

Lorsque les choses sont dites, clairement et fort, les caractériels et les marginaux s'écartent d'eux-mêmes d'une collectivité où ils ne se sentent pas à l'aise. Ils se bornent à dénoncer les règles d'un jeu qui est celui de la vérité, et qu'ils ne peuvent plus troubler.

La  recherche  de  l'efficacité économique a fondé le marché. Il a été progressivement porté, par l'effort des hommes, au plus près de la perfection.

La recherche de l'efficacité économique a fondé le marché. Elle demeure le ressort unique des mécanismes complexes du système que l'on s'emploie parfois à vouloir « corriger ».

Au cours des âges, des hommes, de pouvoir et de pensée, ont codifié les pratiques, théorisé et porté les règles déontologiques au plus près de la perfection pratique. Le merveilleux développement des sociétés occidentales lui donne les formes colorées et élégantes de toutes les [14] séductions, dans l'abondance et même la provocation.

Cependant, la société marchande, ce n'est pas seulement l'échange d'objets enrubannés de rêves, ou lourds de satisfactions matérielles.

Le marché n'est pas seulement l'échange d'objets enrubannés de rêves.

Ce ne sont pas seulement les magasins de tous les choix, la publicité sophistiquée, lancinante ou convaincante, les entrepôts où se préparent les assortiments.

Ce ne sont pas les transports lourds aux horaires minutés, les batteries d'ordinateurs et les télécommandes, ni les opérations financières, les gestions administratives ou les assurances.

Ce ne sont pas les usines où sont fabriqués, en série, les objets les plus divers et les plus complexes.

Ce ne sont pas seulement les bureaux de recherches ou d'études, où l'on imagine et où l'on conçoit les normes, la qualité, l'esthétique, après des analyses, du plus rigoureux des raffinements, afin de répondre aux attentes et aux moyens des consommateurs.

Ce ne sont pas seulement, non plus, les millions d'hommes et de femmes qui travaillent, les uns pour les autres, dans des entreprises autonomes, mais aussi liées en réseau, par les mêmes fins.

La société marchande, c'est plus.

Le marché est l'acceptation, pour la vie collective, d'un certain nombre de valeurs.

C'est l'acceptation, pour toute la vie collective, d'un certain nombre de valeurs. Celles qui ont créé le « marché » et qui le régissent. Au fil des générations, à l'expérience contrastée de l'Histoire, ces valeurs se sont diffusées, généralisées, et ordonnent les rapports des hommes entre eux, dans l'ensemble de la vie sociale.

La satisfaction des besoins alimentaires de la subsistance, prolongée par la recherche hédoniste du plaisir pour tous, permet aujourd'hui aux sociétés de l'abondance de dépasser leur matérialisme primitif pour s'élever vers des ambitions plus nobles de culture, jusqu'alors privilège de quelques-uns, dans des grandes civilisations disparues.

École du vivre ensemble.

Il faut — sans crainte du ridicule — reconnaître avec humilité que les pratiques, rustiques et simples de l'échange des produits matériels de base ont été, comme le furent aussi l'ordre militaire ou celui de l'Église, une école permanente du « vivre-ensemble ».

Le consommateur arbitre et souverain.

Aujourd'hui, l'ordre de la société bureautique du Tout-État, à la fois Providence et Maître, semble imploser, à son tour, dans l'exaspération ou, au contraire, la passivité.

Le réel vécu donne de dures leçons. Un ordre nouveau, complexe et incertain se dessine, mettant en cause les situations acquises, les rentes de situation, nées d'une supériorité ancienne, depuis peu bousculée. Chaque consommateur élisant l'un, rejetant l'autre, devient arbitre et souverain. Il reconnaît les meilleurs.

Il proclame les plus capables, libre de remettre en cause, à chaque moment, ce jugement ou le pouvoir qu'il a délégué.

Ces comportements s'imposent aux acteurs économiques, comme aux politiques.

Même s'ils sont mal décrits et peu théorisés, leur ensemble constitue un code « social et juridique », dont il faut faire apparaître, sous les apparences des désordres et des intérêts, la sanction justificative : récompense accordée par le peuple des consommateurs.

Mais ce code civilisé est en porte à faux total avec les discours dominants qui, d'un côté ou de l'autre, menacent de leurs absolus. La condamnation du marché a été un cliché banal et un lieu commun. La pratique des règles de l'économie de marché devrait, cependant, être tout aussi banale et commune. Ce n'est pas tout à fait le cas, surtout quand des refus anciens ont conduit dans des impasses des millions de chômeurs, incapables de s'adapter.

Les sociétés modernes ballottent entre l'ordre bureaucratique et le pacte social de la société marchande.

Dans un tel télescopage de valeurs, et un tel grand écart idéologique, qu'est-ce qui va prendre le dessus ? Une prise de conscience et un consensus nouveau colorent, aujourd'hui, le paysage politique et social. Ils entraînent une demande de correction de la dérive qui nous a conduits à une société, insidieusement et globalement, administrée. Mais tout autant, d'autres demandent protection, moratoire et réglementation !

Au-delà de trop d'appels sommaires à la suppression des contraintes administratives, l'économie de marché et la société qui la transcende ne sauraient être la transposition, hypocrite, de la jungle animale et de la lutte à mort pour la survie.

La société marchande est un lent acquis des hommes qui s'organisent pour vivre ensemble. Économie de marché et morale collective dans un dispositif, où un Etat doit jouer tout son rôle.

La société marchande, lent acquis des hommes qui s'organisent pour vivre ensemble, c'est l'économie de marché et une morale collective, comme nous avons essayé de le montrer. Mais cela n'est qu'un ressort d'un dispositif plus vaste où un Etat fort doit assurer tout son rôle pour la sécurité, la justice, et la solidarité.

L'erreur a été de croire pouvoir utiliser directement l'économie - en l'administrant - et les entreprises - en les contraignant - comme moyen d'exercice de l'indispensable fonction de solidarité. Cette [15] ingérence les affaiblit, et parfois les détruit, par un dérèglement de leur mécanisme de fonctionnement et de leurs fins.

Cependant, l'acceptation des règles du marché et la nécessaire liberté pour entreprendre n'impliquent, en aucune façon, un retour aux duretés du siècle passé, au travail des enfants, et à toutes les contraintes inhumaines d'une « société alors en cours de développement ».

Une observation et un constat, d'une rare banalité, peuvent y aider. Sur la carte du monde aujourd'hui, comme dans l'Histoire toujours, ce sont les règles et les pratiques de la société marchande qui fondent l'organisation politique et sociale des pays où règnent la paix, l'abondance et la liberté.

La mondialisation de l'économie n'est pas celle du marché.

La mondialisation récente de l'économie et les secousses qui l'accompagnent ne mettent pas en en cause les lignes de force de la « société marchande ».

Ne nous trompons pas — par égoïsme inconscient. Ce que nous appelons « récession »ou« crise mondiale » est d'abord la mise en examen des nations riches. La mis en cause — du fait de son succès même — de la supériorité millénaire de la civilisation européenne et de ses prolongements, devenus dominants, en Amérique du Nord.

La concurrence des peuples est devenue globale.

La concurrence entre les peuples, les régions et les continents est devenue globale. Une délocalisation des industries et, fait nouveau, des services, transfère les activités et atteint déjà directement, l'emploi des peuples à haut niveau de développement.

Demain, ce sera leur niveau de vie et leur ordre social.

La rapidité des transferts technologiques, l'abaissement du coût des transports, l'instantanéité de l'information — qui fait disparaître la distance et le temps —, la puissance de communication, d'attraction et de modélisation des mass média — où les images animées et colorées montrent ce qui est possible ailleurs, mettant fin à une passivité multi séculaire pour des centaines de millions d'hommes — est une révolution. Une révolution comme le monde n'en a jamais connu. Aussi immense que brutale, elle met fin, brusquement, à un « ordre dominant », celui de notre civilisation, dont nous étions les acteurs et les bénéficiaires principaux.

Le marché mondial n'existe pas, à cause de la concurrence entre les états. Disparité des niveaux de vie, des salaires et des modes de vie.

Mais si la production et la consommation sont mondiales, il n'existe pas de marché mondial.

Les courants contradictoires, les intérêts exaspérés le fragmentent chaotiquement, malgré quelques efforts pour dominer les égoïsmes des nations, des corporations ou des grandes entreprises.

Les interventions étatiques - par les contingents, par la monnaie, les taxes, la disparité des conditions de production, des salaires directs ou indirects et les modes de vie eux-mêmes, ne permettent pas encore l'existence d'un marché mondial.

Nous ne pourrons pas continuer longtemps à exploiter l'héritage de la civilisation qui a permis — à une grande partie de l'humanité — d'échapper, depuis peu, à la contrainte écrasante de la nature, dans une lutte constante pour la seule survie.

La société marchande c'est aussi, pour les hommes et les collectivités, l'exigence, la volonté et l'effort.

Le XXIe siècle — pour l'Europe et pour le Monde - mettra tout en cause. Absolument tout. De nouveau, et à nouveau, il faudra inventer et créer : selon les règles immanentes de la société marchande : celles - pour les hommes et les collectivités — de l'exigence, de la volonté et de l'effort.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 19 juillet 2024 7:25
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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