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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Numéro 20 de la revue Culture technique, “Les jeunes et la culture scientifique et technique”, 1989.
Monique Laigneau,
Contextes.


Une édition électronique réalisée à partir du Numéro 20 de la revue Culture technique, “Les jeunes et la culture scientifique et technique”, 1989, 149 pp. [Autorisation accordée par le directeur général, Jocelyn De Noblet, de diffuser cette revue en libre accès à tous dans Les Classiques des sciences sociales. M. à Thierry Gaudin pour toutes ses démarches auprès du directeur général de la revue afin que nous puissions reprendre la diffusion de tous les numéros de cette revue.]

[10]

Monique Laigneau

Chercheure en sociologie à l'Université de Haute-Bretagne Rennes II.

CONTEXTES.”

Un article publié dans la revue CULTURE TECHNIQUE, no 20, 1989, pp. 10-27. Numéro intitulé : “Les jeunes et la culture scientifique”. Neuilly-sur-Seine, France : Centre de recherche sur la culture technique.


La place centrale qu'occupent les sciences et les techniques dans nos sociétés contemporaines suscite de nombreux débats.

Comprendre l'univers, maîtriser le monde, aller toujours plus avant dans les découvertes scientifiques, les inventions techniques, les exploits fondent les ressorts de l'activité humaine.

Les théories explicatives sont l'objet de discussions permanentes. Autour des applications scientifiques et techniques s'ordonnent des enjeux de société.

De ce point de vue, sciences et techniques engendrent des polémiques multiples.

La diffusion des résultats des connaissances, la performance des nouvelles découvertes, le contrôle de leurs applications, et plus fondamentalement la recherche d'un sens au monde forment des données soumises à des théorisations et évaluations constantes.

La science est souvent sollicitée. Elle devient « la science à tout faire », selon une formule québécoise imagée [1].

À sa manière, la politique de développement de la culture scientifique et technique tente de briser les frontières entre sciences, techniques, cultures, d'aller au-delà de la séparation sciences/techniques [2], de favoriser des espaces de confrontation et d'enrichissement mutuels.

Que recouvre la notion de culture scientifique et technique (re-découverte depuis quelques années) qui connaît — a connu — ? un certain succès, notamment depuis la tenue des Assises nationales de la recherche et de la technologie au début de l'année 1982 ?

Dans un entretien, publié dans la Recherche juin 1982, intitulé « La culture scientifique et technique ; entre le mot et la chose » — titre qui à lui seul suggère une problématique considérable —, J.-M. Lévy-Leblond, l'un des artisans parmi quelques autres du développement de la culture scientifique et technique, souligne la difficulté à circonscrire la spécificité de ce (nouveau ?) champ [3].

C'est en effet en essayant de définir ce que n'est pas la culture scientifique et technique que J.-M. Lévy-Leblond propose de la caractériser :

  • la culture scientifique et technique n'est pas une nouvelle expression visant, en fait, à camoufler la traditionnelle vulgarisation scientifique plus ou moins dénigrée ;

  • la culture scientifique et technique n'est pas un supplément d'âme pour masquer le divorce de plus en plus prononcé entre le savoir, les institutions scientifiques et le reste de la société ;

  • la culture scientifique et technique ne prétend pas dominer le champ culturel en général...

Énoncés cette fois positivement, les objectifs de la culture scientifique et technique sont de mettre en culture les sciences et les techniques, d'encourager leur délocalisation, de faire éclater des territoires, de sourdre dans tous les champs d'activités et d'investissements sociaux : politique, économique, de la recherche, de la formation, social, éthique..., de renouveler les approches de la société et du monde.

Pour atteindre ces buts, obligation est requise d'utiliser tous les points d'appui, les forces vives et sensibles : l'école, la rue, l'usine, le laboratoire, le bureau, les équipements socio-culturels et culturels, les clubs et associations de jeunes...

La science est à mettre en culture afin que les jeunes générations présentes et futures ne soient pas désarmées et passives face aux choix de société impliqués par des options scientifiques et techniques, en particulier celle du nucléaire.

Après ces quelques années l'ambition demeure.

Le contenu de la culture scientifique et technique s'est teinté de beaucoup d'économisme ; les formes de diffusion ont tendance à osciller entre la mise en scène permanente ou ponctuelle et le didactisme étroit, quel que soit le lieu d'expression, à se fixer à ces deux pôles. Sauf quelques exceptions riches de nombreuses potentialités.

Au cours des années 1982-1986, une activité relativement intense a mobilisé politiques et porteurs de projets. Des outils ont été mis en place. Puis une accalmie est survenue fin 1986, durant 1987 et une partie de 1988. La prochaine étape : les États généraux de la culture scientifique et technique prévus pour décembre 1989 à la Cité des sciences et de l'industrie organisés par la délégation à l'information scientifique et technique du ministère de la recherche et de la technologie, la mission de la culture scientifique et technique, la direction du patrimoine, la direction des musées de France du ministère de la culture, de la communication, des grands travaux et du Bicentenaire, la direction des lycées et collèges, la direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique du ministère de l'éducation nationale et la direction de la jeunesse et de la vie associative du secrétariat d'État chargé de la jeunesse et des sports.

Ces États généraux, référence historique oblige, sont d'abord préparés dans les régions (bilans, colloques...), confiés à des responsables de structures d'animation scientifique et technique ou à des délégués des directions régionales des ministères impliqués.

Ils donneront lieu, en décembre 1989, à un colloque national à la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, temps fort de synthèse et tremplin vers l'avenir [4], du moins est-il possible de l'espérer.

Avant d'aborder, précisément, la question du développement de la culture scientifique et technique chez les jeunes aujourd’hui, il est nécessaire de la situer dans les contextes historiques [5] qui la construisent, directement ou indirectement, comme objet d'intervention politique.

Il s'agit, dans les limites de ce travail, de poser quelques jalons, d'esquisser un cadre problématique, en recensant, brièvement, les origines diverses qui aboutissent à (re)poser le problème de l'acculturation rapide [6] des jeunes aux sciences et aux techniques comme une priorité culturelle, de formation.

Des idées, des hommes, des enjeux, des outils

Rechercher la genèse de cette question entraîne à la replacer dans l'histoire de la constitution et de l'évolution de plusieurs champs dont l'emboîtement et/ou la disjonction, dans des conjonctures historiques données, scandent des temps forts, des étapes de réflexions, de débats, d'élaboration de politiques, d'initiatives, d'outils...

L'histoire de l'acculturation des jeunes aux sciences et aux techniques s'enracine dans les modalités de socialisation de la jeunesse constituée comme catégorie spécifique, avec ses propres réseaux d'apprentissage et de sociabilité.

Elle s'articule plus ou moins à l'histoire de la production des savoirs scientifiques et techniques, de leur place par rapport aux autres modes de connaissance ; à l'histoire de la mobilisation des sciences et des techniques dans les domaines économiques, politiques, sociaux et des valeurs.

Elle s'appuie sur la production de principes et d'outils de diffusion des sciences et des techniques à l'intérieur du système scolaire et hors de ce système.

Plus précisément, il s'agit de mouvements d'idées, de groupes sociaux porteurs [7] qui travaillent les frontières de ces divers champs pour les faire éclater au nom de la nécessité de l'élargissement des connaissances scientifiques et techniques chez les jeunes, investissant multiples supports de diffusion au fur et à mesure de leur apparition.

Si nous adoptons une perspective historique, la question de l'acculturation des jeunes aux sciences et aux techniques s'inscrit dans la longue durée [8] en synchronisme plus ou moins étroit avec d'autres champs de préoccupations.

À travers les vecteurs et les outils de diffusion, nous repérons les cristallisations d'idées, de politiques construites par des promoteurs pour éveiller la curiosité des jeunes, agir sur leurs représentations des sciences et des techniques, encourager des pratiques d'appropriation.

Ces moyens se conçoivent comme des instruments supplémentaires pour la formation des jeunes. Ils se complètent, rivalisent selon les contextes d'émergence. Au-delà de leur concrétude, chacun est le support d'un symbolisme particulier, d'une lutte de classement quant à sa qualité, son efficacité, son attrait.

S'il fallait examiner toutes les formes pures, combinées, bricolées pour transmettre les savoirs, sans doute serait-il indispensable de citer les dialogues entre maître et disciple [9], les serres, les forges, les collections et musées [10] ; la littérature de colportage, les cabinets de curiosité, les sociétés savantes et d'amateurs, les conversations de salon, les écrits pour les enfants [11], les démontrations [12] publiques d'expériences scientifiques, les voyages, les lettres, les conférences et cours du soir, les manifestations populaires lors de la présentation d'exploits techniques, de telle ou telle invention, le bouche à oreille et le colloque, les rumeurs et les démentis, les foires, les expositions universelles, les journaux, les revues spécialisées ou grand public, les ouvrages, les réseaux de télécommunication, les logiciels, les jeux... stimulant la circulation des savoirs, leurs appropriations, leurs applications.

Exemples du passé

Les revues

Ainsi les premières revues pour les enfants et les jeunes, futures élites de la nation, naissent au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, dans le sillage du développement de l'imprimerie et de l'instruction.

Elles marquent l'affirmation de la prise en considération des enfants [12] comme groupe social, requérant une éducation particulière et porteur de l'avenir, qu'historiens, ethnologues, psychologues, pédagogues, sociologues, psychanalystes, formateurs, travailleurs sociaux, jeunes et parents... ne cesseront de particulariser, chacun défendant son point de vue de manière souvent contradictoire.

La première revue repérée dans l'histoire [13], le Journal d'éducation paraît en 1768, six ans après (l'Émile de J.-J. Rousseau. Sciences, arts, histoire, géographie, religion en composent les rubriques.

En 1783, est publié le Porte Feuille des enfants. Il comporte cinq ou six planches liant dessins et esprit de curiosité, met à la portée des plus jeunes quadrupèdes et oiseaux de Buffon, insectes de Réaumur, poissons de Duhamel, arbres fruitiers et plantes de Regnault, iconologie de Gravelot, costumes de Dandré Bardou, antiquités de Montfaucon [14].

Le Porte Feuille est donné comme l'ancêtre des illustrés et des journaux à thème qui fleuriront plusieurs décennies après.

L'idée de ces publications, encouragées par les Encyclopédistes, est attribuée au philosophe anglais Locke. Il suggérait de proposer aux enfants le plus d'images d'animaux possibles avec leurs noms imprimés au-dessous afin qu'ils les mémorisent, aient le goût de lire pour s'informer et savoir.

Ces revues s'inscrivent dans le cadre du développement du souci de l'éducation, dans les combats des Lumières contre les préjugés populaires, l'obscurantisme de l'Église. Elles participent aux tentatives pour éclairer dès le plus jeune âge les futurs citoyens, répandre les connaissances de l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers.

Lors de la Révolution de 1789, parmi tous les projets de réorganisation du monde figure celui d'« élever les livres qui traiteront des sciences à la hauteur où sont parvenues les sciences elles-mêmes » [15]. Sont fustigés — et parfois guillotinés pour des trahisons quand même plus « graves »... [16] - les savants qui « préfèrent la gloire d'élever l'édifice de la science à la peine d'en éclairer l'entrée » [17].

Il apparaît toutefois déjà difficile d'écrire des livres élémentaires pour les enfants qu'il convient de ne plus élever au fouet et/ ou à la férule puisqu'ils raisonnent aussi bien que les adultes.

Beaucoup d'idées donnent matière à la production d'ouvrages, de traités, de projets, de lois souvent votées.

Savoir pour pouvoir être libres, fraternels et égaux composent l'essentiel des projets d'instruction, d'ailleurs fort nombreux. Talleyrand, Sieyès, Lakanal, Le Peletier, Daunou et surtout Condorcet en rédigent.

Filles comme garçons doivent fréquenter les écoles qu'il faut multiplier.

Des maisons d'économie rurale, des forges, de grandes écoles ouvrent : l'École normale, l’École des travaux publics (devenue Polytechnique), l'École de Mars, l'École des armes, l'École de navigation et de canonnages maritimes, des écoles de santé... plus ou moins éphémères ou durables, bases pour la propagation des idées révolutionnaires, la conquête du monde.

Compter le temps à partir de la Révolution, unifier poids et mesures, investir l'Observatoire de Paris, décupler la fabrication de denrées, de gaz, de soude, d'outils... et de papier pour répandre les idées nouvelles, appuyer l'architecture géométrique [18], commencer la conquête de l'espace en montgolfière, organiser des fêtes, ériger palais et monuments pour marquer l'histoire et éduquer les futures générations, constituent autant de tâches de l'époque.

Pour communiquer, Chappe invente « l'écriture en l'air ». Elle permet de défendre les frontières, d'œuvrer pour l'unité de la République.

La langue française commune et universelle... est posée contre idiomes, dialectes et autres parlers locaux.

La bibliothèque nationale est réorganisée ; est projetée l'édification d'une bibliothèque voisinant avec la société populaire dans chaque district.

Les revues et d'autres outils, parrainés par le roi puis les révolutionnaires [19], aux fortunes diverses poursuivent l'objectif d'organiser les représentations du monde des enfants et des jeunes selon les références idéologiques de leurs concepteurs. Il ne faut pas oublier que les philosophes, les savants, sont loin d'être unanimes.

Les clivages science/Église, science/préjugés populaires y sont particulièrement grossis et de là, les clivages laïcs/religieux, savoir universel/savoirs locaux.

Certains hommes des Lumières [20] révolutionnaires visent l'instauration de la raison et de la science universelle comme religion séculaire.

Au cours du XIXe siècle, le nombre des revues augmente parallèlement à l'extension de l'école [21] et à l'entrée en scène des grandes maisons d'édition.

En 1864, paraît le Magasin d'éducation et de récréation lancé par l'éditeur Hetzel [22], resté célèbre dans l'histoire de la littérature pour les jeunes.

Il prend la suite de formules similaires, se propose d'être une véritable encyclopédie pour les enfants, instructive et divertissante. Chaque numéro comporte un chapitre d'un roman de Jules Verne, une poésie, un récit d'enfant, des histoires humoristiques, un article de vulgarisation. Participent au « comité de rédaction », aux côtés de Hetzel, Jules Verne [23], Jean Macé (chargé de la diffusion des sciences), Hector Malot, Viollet-le-Duc... autant de noms restés célèbres.

Suivent la création par Hachette au Journal de la jeunesse, puis la création de la presse catholique [24].

La vulgarisation des sciences et des techniques occupe une place plus ou moins importante. La naissance de l'industrie mécanique, les débuts du chemin de fer, les voyages en ballon, les expositions universelles, l'œuvre d'Eiffel, tous les exploits des hommes y sont relatés [25].

Les éditeurs recherchent la collaboration des savants et/ou des vulgarisateurs. Les parents (des classes aisées) et les éducateurs discutent de l'intérêt de cette presse pour compléter la formation scolaire des enfants et des jeunes sur les « choses du ciel », les « choses de la terre », l'histoire des objets, la vie de la science, la vie de l'homme.

L'un des héros les plus populaires d'alors, Robinson Crusoë [26] (on dénombre 43 versions françaises entre 1840 et 1875), magnifie l'ingéniosité humaine quand elle prend racine dans les [13] découvertes scientifiques et techniques.

Au fur et à mesure les enjeux se précisent.

Il s'agit de mettre à la portée des jeunes générations les connaissances scientifiques et techniques, susciter leur enthousiasme pour l'avenir, le progrès, rompre avec les nostalgies du passé, consolider le goût pour la modernité [27].

Ces revues remarquables par leurs textes courts allant à l'essentiel [28], au style littéraire, à l'iconographie soignée quand elle est présente, traitent de manière différentielle filles et garçons.

Tout en instruisant et intégrant en amusant, elles proposent des représentations du monde qui restent la plupart du temps traditionnelles aux jeunes demoiselles qu'il s'agit de rendre savantes et vertueuses alors que les garçons se voient offrir un univers de progrès, rempli d'aventures laissant cours à leurs talents et leurs imaginations.

Quelle a été l'influence de cette littérature (sans oublier les autres lieux et outils) sur les futures élites de la Restauration, de l'Empire, de la République, sachant que l'immense majorité des enfants et des jeunes découvre certes l'instruction publique laïque et obligatoire mais surtout le travail dans les manufactures ?

Il semble assez difficile de retracer précisément l'état des mentalités des jeunes de l'époque en ce domaine. Nous disposons de quelques données constituées par les témoignages des grands hommes. C. Belin progressant dans la phototélégraphie et la télautographie, J.B. Charcot dans l'exploration des océans et des pôles, les premiers aviateurs... évoquent l'influence de Jules Verne. Ce dernier, qui manie ingénieusement le roman d'aventure où l'anticipation scientifique et technique est centrale, tend encore notre imaginaire [29].

Les musées

Un autre moyen de conserver et de collectionner les productions de la nature et des hommes, de les étudier, de retracer l'histoire de l'évolution des connaissances et de leurs applications, de les diffuser, de sauvegarder le patrimoine collectif et de le mettre en scène est constitué par les musées techniques et scientifiques.

Leur conception est très ancienne.

Descartes nourrit le projet d'établir un Conservatoire national des arts et métiers [30]. Son rôle est d'enseigner la fabrication et l'usage des outils et des machines, de développer les arts techniques [31], le commerce, l'industrie. Sa réalisation se concrétise en 1794, dans le sillage de la période révolutionnaire qui mobilise sciences et techniques au service de la Révolution.


« Graines de savants ». Extrait de Cosmos, 1885.


Le Jardin du Roi et son Cabinet d'histoire naturelle est transformé en muséum d'histoire naturelle (1791) convertissant un « établissement de faste » en un « lieu destiné à l'étude de la nature » [32].

Souvent, à l'issue des expositions universelles, se créent des musées pour conserver les inventions les plus marquantes, continuer à les étudier, les montrer au public plus longuement, notamment aux écoliers et étudiants.

La liste des musées est longue : Musée de l'homme, Musée des arts et traditions populaires, Musée de la marine, de l'aviation ; cela pour les musées nationaux. Quantité de musées existent au niveau communal, départemental, régional [33].

Le Palais de la découverte, inauguré en 1937, lors du Front Populaire, dans le cadre de l'exposition internationale « arts et techniques dans la vie moderne », symbolise un temps fort de légitimation culturelle des sciences.

Il sert pendant près de quatre décennies de parangon à la [14] muséologie scientifique rénovée, se démarquant de la simple collection d'objets, conçu dans un contexte de renouvellement de l'enseignement des sciences, particulièrement de la physique (cf. les nouvelles théories de physique concernant la relativité).

Sa fondation est étroitement liée aux courants d'opinion et forces sociales qui plaident pour la mobilisation des sciences au service de la démocratie (dans un climat de montée du fascisme), de la paix (suite à la baisse de crédit portée à la science, aux meurtrissures encore mal cicatrisées de la Première Guerre mondiale et à la veille de la Seconde [34]) et du progrès.

Elle est également fortement liée à la mobilisation des sciences dans le développement économique (sortir de la crise et rivaliser avec l'Allemagne), à la professionnalisation de la recherche (passage du savant universitaire au chercheur [35]), au combat d'idées « pour faire comprendre la part déterminante de la découverte à la création progressive de la civilisation et par là même l'affranchissement des hommes » [36] selon Jean Perrin, son créateur, physicien, premier directeur du CNRS institué en 1939.

Trois filiations essentielles président à la conception du Palais de la découverte [37].

- celles des Encyclopédistes : faire comprendre et non seulement faire connaître, jouer un rôle propédeutique à l'enseignement plutôt que complémentaire,

- celles des forces sociales engagées dans les universités populaires : développer la solidarité entre intellectuels et ouvriers [38],

- celles des partisans du primat de l'expérimentation sur la théorie [39], le Palais devant se donner à voir comme un immense laboratoire. Avec un attendu : présenter une vitrine de la recherche française, ériger le Louvre de la science.

L'un des rêves des promoteurs du Palais de la découverte est d'éveiller des vocations, de découvrir de nouveaux Faraday (symbole de l'autodidaxie. La « légende » raconte que sa visite au musée scientifique de Londres est à l'origine de ses découvertes en électricité).

Il est également de travailler à une « ignorance de qualité », puisqu'il s'avère de plus en plus impossible d'embrasser toutes les disciplines scientifiques, auprès d'un public curieux et cultivé.

Au dossier de l'histoire, il faut noter, car le fait est fort intéressant, symbolisant les enjeux théoriques des diverses sciences, la rivalité entre elles, les rapports entre sciences et techniques, emblématisant également ce qu'une société concrétise comme projet, qu'à côté du projet du Palais de la découverte, dont la réalisation n'a d'ailleurs jamais été réellement achevée [40], d'autres projets sont pensés.

Ils sont présentés par la commission de synthèse et de coopération intellectuelle chargée d'en impulser la philosophie en mars 1935.

Le résumé intitulé « découvertes scientifiques dans leurs applications » est exposé sous forme de tableau avec dix rubriques [41] : palais de la découverte (projet J. Perrin) ; la beauté de la civilisation industrielle (projet F. Simiand) ; étude et progrès des machines (projets Monteil, Guillet, Breton) ; expression de la vitesse (projet de Jouvenel) ; les forces naturelles (projets Beau-fils, Hautier, Breton) ; l'homme et les éléments (projet Chape) ; géorama (projet H. Rogé) ; géologie (projet du professeur Lemoine, directeur du muséum) ; orchestre chromophonique (projet Blanc-Gatti) ; Palais du froid (M. Ricart).

Finalement seul demeure le projet de Jean Perrin. Il l'emporte sur le Palais de la beauté de la civilisation industrielle proposé par F. Simiand [42], l'un des membres fondateurs de l'école française de sociologie et de l'Année sociologique aux côtés de Durkheim, sur le Laboratoire d'essais de L. Guillet [43], disciple de H. Le Châtelier [44] et propagandiste des idées de Taylor en France, et sur le Palais des records de J.-L. Breton, ancien sous-secrétaire d'État des inventions (de décembre 1916 à septembre 1917), directeur de l'Office national des recherches scientifiques et industrielles et des inventions (ONRI).

Les promoteurs du Palais de la découverte exposant la science pure (et quelque peu triomphante), destinée à persuader tout public « qu'à chaque instant il se passe quelque chose qui le concerne » conçoivent une muséologie scientifique adaptée aux jeunes, dans le style « leçon de choses », selon les principes didactiques de l'enseignement scientifique d'alors.

Les scientifiques et/ou les démonstrateurs mettent au point des expériences simples et fondamentales (ébullition, condensation, petits montages électriques, observations au microscope, jeux mathématiques, puis initiation à l'informatique) qu'enfants et jeunes peuvent réaliser ; activités pouvant servir de base à la formation de clubs.

En 1965, naît le club Jean Perrin, lancé par la Société des amis du Palais de la découverte, orienté vers la pratique (mise en place dès 1962) de la physique, de la chimie, de la biologie, de la géologie, de l'entomologie.

Sous l'impulsion du directeur du Palais de la découverte est créée en 1968, la Fédération nationale des clubs scientifiques [45]. Elle regroupe : le Club Jean Perrin, consacré à l'initiation aux sciences fondamentales, avec des activités de laboratoire et des excursions scientifiques ; l'Association française d'astronomie éducative réunissant les astronomes amateurs, éditant la revue Ciel et fusées ; l'Association nationale des clubs scientifiques.

Cette dernière association, dès l'année de sa création, en 1962, avait déjà lancé un manifeste pour une fédération des clubs scientifiques [46]. Elle tire son dynamisme en particulier des clubs aérospatiaux qui occupent le devant de la scène.

Dès le début de la conquête spatiale (Youri Gagarine, premier homme dans l'espace, avril 1961), des jeunes se passionnent pour l'astronautique, construisent et tirent des fusées de manière sauvage, sans aucune autorisation.

L'interdiction de fabriquer des explosifs conduit le CNES (Centre national d'études spatiales, fondé en 1962) à fabriquer des propulseurs pour le tir des fusées possédant toutes les garanties de sécurité, à contrôler leur utilisation.

Une première campagne de tir a lieu au camp militaire de la Courtine (près du Mans - Sarthe) en 1965 et dans le sud de la France.

Devant l'engouement des jeunes, le CNES organise en son sein un service pour eux, aide à la création des clubs aérospatiaux, met à leur disposition des enseignants, des animateurs, de la documentation, des aides matérielles et pédagogiques.

Le CNES ne cesse d'apporter son concours. La fabrication des microfusées, minifusées, fusées expérimentales de diverses tailles, formes... se répand dans les clubs et camps de vacances ; les fantasmes s'envolent vers la conquête de l'univers.

En 1977, la Fédération nationale des clubs scientifiques et l'Association nationale des clubs scientifiques se restructurent à nouveau pour donner naissance à l'Association nationale sciences techniques jeunesse : ANSTJ.

Le mode d'usage dominant du Palais de la découverte demeure malgré tout la visite seul, en famille ou dans le cadre scolaire. Néanmoins ces activités de clubs, pratiquées également dans le cadre de camps de vacances sont très remarquées, notamment par le secrétariat d'État chargé de la jeunesse et des sports.

Un comité Sciences jeunesse est mis sur pied en 1977. Il souhaite donner un nouveau souffle aux activité scientifiques et [15] techniques.

Par ailleurs le Palais de la découverte publie quelques livrets ou brochures éducatives.

Club Jean Perrin : laboratoire d'électronique. Cl. Palais de la Découverte.

Conjonctures actuelles

La question de l'acculturation rapide des jeunes aux sciences et aux techniques réémerge ces dernières années avec force, à la faveur d'un déploiement de thèmes mobilisateurs assez larges, qui étayent des mouvements d'idées plus ou moins consensuels.

Les politiques incitatrices mises sur pied après les changements politiques de 1981, avec comme objectif le développement de la culture scientifique, technique et industrielle, donnent à ce dernier une certaine visibilité.

Ces politiques sont intimement liées aux analyses qui préconisent : la nécessité d'un soutien prioritaire à la recherche et aux « nouvelles technologies » pour sortir de la crise des années 1970, affronter les mutations économiques contemporaines ; la production, l'appropriation, la vente des nouvelles techniques ; le renforcement face à la concurrence internationale (Japon, USA, autres pays européens...) ; la mobilisation de l'ensemble du corps social ou de catégories particulières (salariés aux savoir-faire obsolètes, jeunes...).

L'accent porté sur l'extension de la culture scientifique et technique est encore à rapporter à la volonté, toujours réaffirmée, d'élargir les débats sur les choix de société résultant des applications de la recherche et des nouvelles techniques.

La culture scientifique et technique est considérée comme un moyen pour réduire les inégalités de rapports entretenus avec les savoirs scientifiques et techniques, œuvrer à l'émergence ou à la consolidation de représentations et de pratiques qui favorisent les changements accélérés de mentalité, agissent sur les imaginaires de la modernité ou de la « postmodernité » [47].

Intégrer les dimensions culturelles des sciences et des techniques plus ou moins exclues du champ traditionnel de la culture « cultivée » devient un impératif.

Il s'agit même, selon l'expression consacrée de l'époque, « la mise en culture des sciences et des techniques », de dégager une nouvelle et troisième culture [48].

Au début des années 1980, la culture est fort sollicitée. Elle apparaît comme un vecteur essentiel porteur d'idées novatrices pour « débloquer » la société [49], élargir des consensus politiques, servir de levier pour lancer l'économie culturelle, fabriquer des outils culturels, créer des emplois [50] dans les secteurs culturels et autres.

Des origines plurielles

De nouvelles propositions naissent. Les acquis précédents sont critiqués, repensés, s'ouvrent sur de nouvelles perspectives.

Les pointer de manière rapide, sans prétendre à l'exhaustivité [51], permet de décrire un environnement, réalisant ici l'économie d'une analyse approfondie.

Des logiques particulières se manifestent, servent d'orientation à des décisions politiques notamment en matière de mise en place de rénovation et de structures, de création de nouveaux vecteurs.

Chacune de ces logiques est à la recherche d'une légitimation, tantôt s'allie avec d'autres, tantôt s'exclut pour conserver son originalité. Les critiques mutuelles sont d'ailleurs parfois fort [16] virulentes, chacune disqualifiant les autres pour asseoir sa propre légitimité.

Il n'est guère besoin d'aller chercher hors de ces milieux pour connaître tous les espoirs, les utopies et les impasses qui germent autour du développement de la culture scientifique et technique.

Le danger de considérer les sciences et les techniques comme sources uniques de savoir, de prétendre que la rationalité scientifique est le fondement de toute connaissance, que les scientifiques doivent s'ériger en nouveaux directeurs de conscience des sociétés est souligné par certains [52].

À la fin des années 1960 et au début des années 1970, dans le sillage des événements de mai 1968, selon des logiques multiples des milieux scientifiques et des questionnements sociaux et culturels, s'organisent des mouvements de réflexion autour des applications scientifiques et techniques, de leur histoire, de leur diffusion.

Ainsi des organismes de recherche invitent à des journées portes ouvertes, telles celles du CNRS en 1969 [53].

Le marché des revues scientifiques qui augmente lentement, connaît une certaine expansion à partir des années 1973. Le tirage des revues croît. De nouveaux titres apparaissent, révèlent la mise sur pied de politiques d'édition, répondent à une demande d'information, tablent sur la constitution d'un marché [54].

La contestation antinucléaire (Plogoff, Flamanville, Creys Malville...) contre l'option « tout nucléaire » du gouvernement et de l'EDF, les aspirations des mouvements écologistes, les modes de retour à la nature touchant des jeunes et des plus âgés d'alors, la demande de moratoire des chercheurs en biologie [55] travaillent les opinions.

Des mouvements culturels plus ou moins militants se constituent.

Les physiciens occupent souvent une place prépondérante, à la recherche d'une pluridisciplinarité théorique, s'interrogeant sur les façons de faire de la physique (l'installation du CERN, le recours à la « big science » bouleversent les pratiques de la recherche), les applications de cette science dans la vie quotidienne.

Souvent à la tête de la réflexion pour renouveler les formes de diffusion des sciences et des techniques [56], ils se lancent parfois dans des opérations révélatrices de l'esprit du temps : « Physique dans la rue » avec « Aix Pop » en 1973, réinventant ou inventant des moyens de dialogue (forum, théâtre, fêtes des sciences...) [57] pour toucher les gens "simples", sortir du carcan scientifique. Des financements ministériels sont parfois alloués à ces nouvelles formes d'action culturelle.

Certains amorcent la liaison cultures - sciences - techniques dans le cadre d'associations comme le GLACS (Groupe de liaison pour l'action culturelle scientifique) : un premier colloque a lieu en 1974 à Grenoble. Le rapprochement des sciences et de la culture y connaît un début de problématisation, approfondi au colloque de Louvain-la-Neuve, en 1977.

Une partie de ces mouvements s'enracine dans les CAC (centres d'action culturelle), les maisons de la Culture, touche des maisons des jeunes et de la culture.

Dans cette mouvance naît le premier centre de culture scientifique et technique à Grenoble [58] en 1979, après une gestation au sein de la maison de la culture dans le cadre d'une association pour un centre culture scientifique.

La situation particulière de Grenoble ville-laboratoire d'idées ou une avant-garde intellectuelle, culturelle, scientifique, politique existe, ayant des liens directs avec diverses instances ministérielles explique ce dynamisme. Louis Néel, premier directeur du Centre d'études nucléaires de Grenoble, ayant reçu en 1967 le prix Nobel de physique, participe à ce mouvement.

Dans un contexte un peu semblable, tourné vers la réflexion théorique et socialement quelque peu utopique, se forment les boutiques de sciences puisant dans l'expérience pratique hollandaise [59].

Du côté de la culture technique, la remise en cause resoulignée pour la énième fois de la séparation entre sciences et techniques, et techniques et cultures donne lieu à des conférences, des rapports (rapport Malecot 1981) [60].

De la seconde Conférence nationale pour le développement de la culture technique à Annonay en 1979, sort la création du Centre de recherche sur la culture technique (CRCT) la même année, qui publie la revue Culture technique [61].

Deux volets orientent ce mouvement : conserver et mettre en valeur le patrimoine industriel, technique à l'exemple des Anglo-Saxons [62], le capitaliser pour les jeunes générations comme « mémoires », réfléchir à de nouvelles pratiques muséales, problématiser les rapports aux nouvelles techniques de manière générale et en particulier en direction des jeunes.

Même si d'autres courants sont à la base de ce souhait, les mouvements autour de la culture technique plaide pour la mise en place d'un parc national des sciences, de la technologie et de l'industrie [63], future Cité des sciences et de l'industrie de la Villette.

Est également à signaler la création d'un groupe d'ethno-technologie au sein du ministère de l'Industrie en 1979, réfléchissant à la prise en compte culturelle de l'histoire et de la transformation des techniques [64].

Des mouvements s'initient autour de la notion d'écomusée. Ils poursuivent l'ambition d'accroître la visibilité des traits culturels d'un « pays », d'une ville, d'une région, posant une ou des identités territoriales (savoir-faire locaux techniques, ruraux, industriels, maritimes...), des sensibilités particulières. L'un des objectifs est de maintenir des jeunes dans des régions souvent peu attractives lorsqu'elles ne sont vantées que par les performances « technologiques » [65].

Avant et autour des Assises de la recherche et de la technologie tenues début 1982 [66], temps fort de débats, certaines propositions servent de base aux politiques ministérielles et aux organismes de recherche (notamment celles relatives à la diffusion des sciences et des techniques tout public, ou en direction des jeunes). Cette étape est estimée comme fondatrice pour lancer une politique d'équipement, autour de laquelle s'architecturent les centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI).

Du côté du monde du travail, entreprises, organisations socioprofessionnelles, syndicats, comités d'entreprise, chacun à leur manière, souvent en opposition, reposent les problèmes de la formation, de la division des tâches intellectuelles (intelligence artificielle...), du travail, du recyclage et du chômage. Ils laissent entrevoir la reconnaissance de la culture d'entreprise, tentent de lutter contre le désinvestissement des jeunes générations par rapport au travail [67], et plus généralement par rapport à la crise du consensus productiviste.

Des cercles animés par les vulgarisateurs des sciences et des techniques élaborent des revendications, des tactiques :

  • les écrivains (journalistes) scientifiques ; dans le cadre de l'Association des écrivains scientifiques de France (AESF), créée sous l'égide de l'UNESCO en 1950, qui tient des congrès réguliers, dont l'esprit est marqué par la « science triomphante », sa diffusion dans les pays libérés ou en voie de libération, la reprise [17] de l'activité scientifique après la Seconde guerre mondiale... ; les écrivains scientifiques, soucieux de légitimer la littérature scientifique en regard de l'ensemble de la littérature publient revues, articles [68].

  • Planète bleue lance Laurent Broomhead à la télévision (6 janvier 1981).

De nouveaux jalons sont posés dans le marché de la diffusion.

Dans le champ scolaire, les critiques sont de plusieurs ordres.

  • Les élèves, collégiens, lycéens, étudiants sont accrochés à des représentations fondées des sciences et des techniques :
    • à un pôle, les filières scientifiques sont considérées comme réservées à l'élite ; la réussite dans les matières scientifiques fonctionne manifestement comme un critère de sélection scolaire ;
    • à l'autre pôle, les filières techniques sont dévalorisées ; on ne compte plus les tentatives de réhabilitation les concernant, les réflexions théoriques, les réformes successives ;
  • les modes de transmission des connaissances sont inadéquats ;
  • les contenus des savoirs scientifiques et techniques sont dépassés ;
  • les hiérarchisations explicites et implicites entre toutes les disciplines enseignées (sciences, techniques et les autres : histoire, français...) révèlent des résistances aux évolutions, bloquent des innovations.

Des didacticiens, des spécialistes des sciences de l'éducation, des philosophes, des historiens des sciences poursuivent leurs analyses, se lancent dans de nouvelles expériences [69].

Les sociétés savantes, les associations professionnelles de mathématiciens, physiciens, biologistes qui œuvrent dans l'enseignement participent à une réflexion sur le changement du contenu de leurs activités, de leurs formes d'intervention.

Les mouvements d'éducation populaire (CEMEA, FFMJC.) les associations socio-culturelles, suivant leurs tendances « idéologiques », leurs expériences, se préoccupent de l'irruption des nouvelles techniques (informatique...) dans le tissu social, mettent sur pied des clubs.

Mais surtout au cours de l'été 1981, le Club Méditerranée rajoute dans sa panoplie de techniques, de sports et de consommations diverses, l'informatique, sacralisant en quelque sorte cette pratique devenant à la mode, marquant d'un certain prestige les initiés.

La mise en place d'une politique

Dans cette trame d'idées, de revendications, d'initiatives locales ou nationales, de référence à des exemples étrangers, et selon les orientations gouvernementales des années 1980, se structure une politique ambitieuse, en matière de développement de la culture et de l'information scientifiques, techniques et industrielles.

La présentation ne vise pas ici à comptabiliser la totalité des mesures, seulement à dessiner une grille qui aide à cibler quelques points clé.

Divers textes de source institutionnelle ou autre tentent d'établir l'histoire de ces dernières années. Il y est frappant de constater que, la plupart du temps, après une mise en forme introductive rituelle rappelant les grands objectifs de la culture scientifique et technique (économiques, politiques, sociaux...) suit un catalogue d'interventions passées, présentes, et à venir dans un style informatif-performatif [70] qui marque à l'occasion la résistance que rencontre la mise en place d'une politique ambitieuse.

Les constats ou les propositions s'unifient dans une problématique du décalage (au demeurant un peu floue...) entre les conditions à remplir pour que la « France gagne » [71] et l'existant.

La matrice des initiatives est tendue par la loi d'orientation et de programmation (LOP) relative à la recherche et à la technologie, de 1982. Diverses déclarations et dispositions précisent la LOP :

  • accent porté sur la croissance des métiers de la recherche considérés comme concourant à une mission d'intérêt national ;

  • diffusion décuplée de la culture scientifique et technique à l'initiative des organismes de recherche.

À l'issue d'un conseil des ministres, le 5 septembre 1984, le ministre de la recherche et de la technologie, H. Curien énumère quinze mesures regroupées selon quatre axes insistant sur les objectifs à atteindre à l'égard des jeunes : faire connaître les métiers liés à la recherche et à la technologie ; augmenter les échanges entre les jeunes et les milieux de la recherche et de la technologie ; renforcer l'expérimentation scientifique et technique : PAE (programmes d'action éducative) avec les organismes de recherche (ANVAR, CNRS, INSERM,...) ; diffuser la culture scientifique et technique en s'appuyant sur les réseaux de sociabilité des jeunes : associations, clubs, établissements culturels et socio-culturels, en collaboration avec le secrétariat d'État chargé de la jeunesse et des sports, tout particulièrement.

  • Des contrats de plan État/régions sont proposés notamment pour équiper les régions en structures de recherche, de valorisation de la recherche, de diffusion de la culture scientifique et technique : les CCSTI [72] mais également divers musées [73].

  • Un programme mobilisateur pour la culture scientifique, technique et industrielle vient en complément pour les années 1986-1988. L'objet consiste à finaliser les objectifs prioritaires de la LOP et à reconcentrer les moyens et les efforts relativement dispersés. L'un des axes essentiels concerne le développement d'actions en direction de la jeunesse. Suite aux changements législatifs de mars 1986, cette disposition est peu respectée.

Structures ministérielles

Si tous les ministères sont de près ou de loin concernés par le développement de la culture scientifique et technique, ne serait-ce que par le financement d'équipements (maisons, musées de la mer, centres ruraux...), certes pilotés par la DATAR (délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale), cinq d'entre eux retiennent plus particulièrement l'attention : trois qui déploient une activité importante et quelque peu novatrice par rapport à leurs attributions antérieures : le ministère de la culture, le ministère de la recherche, le secrétariat d'État chargé de la jeunesse et des sports et les ministères de l'éducation nationale et de l'environnement.

Les difficultés majeures rencontrées par la structuration d'une politique de culture scientifique et technique trouvent leur origine dans la reconnaissance parfois fort timide du bien fondé de cette orientation. Si les années 1986-1987 provoquent des remises en cause fort préjudiciables, dans une étape ou après quelque temps de rodage des initiatives commençaient à devenir prometteuses, de manière quasiment permanente la légitimité de cet axe d'intervention a dû se confronter aux demandes de preuves. L'importance des études évaluatives en témoigne [74].

Ministère de la culture

Au sein de la direction du développement culturel du ministère de la culture se met en place, en 1982, la mission de la culture scientifique, technique et industrielle [75]. Elle est chargée de coordonner les initiatives du ministère en ce domaine : la direction des musées de France, la direction du patrimoine, la [18] direction des archives, la délégation à l'audiovisuel, la direction du livre, la mission de la recherche... sont sollicitées, participent tout en gardant leur autonomie.

La mission de la culture scientifique et technique suit particulièrement le travail des cinq commissions mises en place en 1982, qui fonde en partie son existence, chargées de fournir des synthèses et des propositions d'action [76].

De manière constante, la prise en compte dans le champ culturel des sciences et des techniques est loin d'être acquise. Plus largement d'ailleurs, l'ensemble des activités promues par la direction du développement culturel suscite des interrogations de la part des défenseurs d'une intervention limitée de ce ministère aux domaines culturels reconnus légitimes.

Les orientations allant dans le sens d'une restriction de l'action de la mission de la culture scientifique et technique, la baisse des financements entraînent un recentrage. Début 1987, les jeunes deviennent les destinataires privilégiés de la plupart des opérations.

Ministère de la recherche

Le ministère de la recherche se dote d'une nouvelle structure, la DIXIT (délégation à l'information, à la communication et à la culture scientifique et technique) en 1985. Elle reprend et élargit les attributions de l'ancienne MIDIST [77] qui elle-même succédait au BNIST (bureau national d'information scientifique et technique (1973-1979), chargé notamment de l'information sur le nucléaire, prenant le contre-pied des « alarmistes » antinucléaires. En 1988, la DIXIT prend une nouvelle dénomination : la DIST (direction de l'information scientifique et technique).

Ces appellations successives témoignent des réorientations continues que supporte la politique de culture scientifique et technique au sein de ce ministère.

Ministère de l'éducation nationale

Le ministère de l'éducation nationale, par le biais de la MACCLR (mission à l'action culturelle, aux cultures et aux langues régionales) née en 1982 et disparue en 1986, poursuit sa réflexion sur l'ouverture de l'école sur le monde extérieur. Dans le prolongement d'un temps pédagogique réservé à des apprentissages hors du cadre strictement scolaire, les 10%, en 1982 un dispositif est instauré : les programmes d'action éducative (PAE). Ils couvrent toutes les matières enseignées. En 1983, les PAE scientifiques et techniques sont retenus comme prioritaires, développés en relation avec l'ANVAR (Agence nationale de valorisation de la recherche), les organismes de recherche, notamment l'INSERM.

Le ministère de l'éducation nationale est également responsable des bibliothèques et des musées scientifiques et techniques, par le biais de la DBMIST (direction des bibliothèques, des musées et de l'information scientifique et technique) [78].

Secrétariat d'État chargé de la jeunesse et des sports

À partir de 1978, le secrétariat d'État chargé de la jeunesse et des sports décide le développement d'un vaste programme de loisirs scientifiques dans le cadre associatif, soutenu par la MIDIST dès 1979.

Pratiquement dès leur origine, certains mouvements d'éducation populaire organisent des activités scientifiques et techniques pour leurs adhérents.

Au fil des ans, des liens avec les sociétés savantes se sont noués ; ainsi entre les Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation actives (CEMEA) et l'Association française d'astronomie (AFA). Les CEMEA offrent encore divers loisirs de découverte de la nature. Des livrets d'observation de la flore, de la faune, que les jeunes savants « en herbe » glissent dans leur poche, sont édités. Ils mettent l'accent sur les méthodes d'initiation à la découverte [79].

Les Francs et les franches camarades développent des activités similaires. Ils publient un journal, Jeunes années magazine, lancent des numéros à thème sur le vent, le solaire, les jouets à construire pour apprendre les énergies... Il en est de même pour les Eclaireurs et les Eclaireuses de France [80].

L'Institut national d'éducation populaire, dès 1976, crée un poste de conseiller technique pédagogique spécialement chargé des loisirs scientifiques et techniques, forme un lieu de coordination des réflexions en ce domaine.

Il y a, bien sûr, l'ANSTJ qui joue un rôle central dans le développement de projets expérimentaux, dans la mise au point de méthodes pédagogiques, souhaitant démontrer qu'il n'existe pas d'antinomie entre sciences et loisirs, sciences et vacances, dans le cadre de ses camps de vacances. Elle édite des revues, des fiches techniques, organise des stages de formation.

L'ANSTJ est particulièrement soutenue par le secrétariat d'État chargé de la jeunesse et des sports mais également par la MIDIST qui lui confie une mission de recensement des activités scientifiques et techniques et de sensibilisation des collectivités locales [81].

Le tissu associatif est fort sollicité par les instances ministérielles, nationales ou régionales pour apporter sa contribution à l'acculturation des jeunes aux sciences et aux nouvelles techniques [82].

Toutefois, la vague de la micro-informatique, appuyée par l'Agence de développement de l'informatique (ADI), relayée par le Plan informatique pour tous, laisse dans l'ombre les autres thèmes d'activités scientifiques et techniques [83].

Dans le cadre des « contrats bleus » lancés en 1987, passés entre des communes et des associations permettant aux enfants de 6 à 12 ans le choix entre des activités sportives, culturelles ou à caractère scientifique et technique, les activités scientifiques et techniques occupent une place restreinte. Lorsqu'elles sont retenues, l'informatique demeure prédominante.

Les activités scientifiques et techniques ne font pas le poids face à la demande d'activités sportives, d'autant plus que ces dernières sont plus visibles "politiquement" au niveau des municipalités.

Ministère de l'environnement

Un comité de la culture scientifique, technique et industrielle est créé au sein du ministère de l'environnement en avril 1984, comprenant exclusivement des représentants de l'administration.

Né en 1971, à une époque ou les Nations Unies préparent la conférence de Stockholm de juin 1972 qui confirme l'intérêt croissant de l'opinion mondiale à l'égard des problèmes de l'environnement et l'émergence de revendications allant dans le sens d'une reconnaissance d'un droit à la protection de la nature, ce ministère se heurte de manière constante aux « impératifs » de la croissance économique [84].

L'éducation des jeunes par rapport à l'environnement, nouveau terme qui devient à la mode, débute dans les années 1960, en parallèle avec les projets de création des parcs naturels régionaux encouragée par une loi de 1960.

La conception de ces parcs manifeste un regard nouveau quant à l'aménagement du territoire dont chaque « morceau » se voit attribuer une fonction déterminée. La vision gestionnaire s'implante. Il s'agit de « normaliser » la survie de la terre, au moins pour quelques hectares protégés et non de s'attacher au respect des lois qui régissent les écosystèmes dans leur globalité.

La conservation du patrimoine naturel, la nature « retrouvée », [19] « réinventée », la « protection du futur »... forment des axes d'intervention du colloque de Lurs-en-Provence de septembre 1966 [85].

La place des jeunes dans la conception des parcs est revendiquée au nom de plusieurs analyses :

  • des analyses qui se situent dans le registre idéologique : les jeunes sont porteurs de refus contre le productivisme, la technologisation des modes de vie, les pollutions ; la communion avec la nature offre des compensations, permet l'expression d'un « désir métaphysique de liberté ». « Sacrifier les chamois et sauver la jeunesse » [86] constitue un énoncé traduisant le rôle salvateur attendu de la nature aidant les jeunes générations à retrouver les « vraies » valeurs ;

  • des analyses renvoyant au développement des activités touristiques, de loisirs de découverte des jeunes : randonnées axées sur la reconnaissance de la faune et de la flore, ski... ;

  • des analyses s'incluant dans une réflexion sur l'éducation ou l'étude des écosystèmes est jugée fondamentale dans la formation des jeunes.

Les premières classes de mer et classes vertes (1966) sont pensées comme un moyen supplémentaire pour élever la responsabilité des enfants relative à la connaissance, la protection des milieux naturels et humains.

Leur conception, leur mise en œuvre se discutent du côté de Fouesnant (Finistère) et de Florac (Lozère), bases de Centres d'études du milieu de plein air du ministère de l'agriculture, mobilisant particulièrement au sein de ce ministère le service de l'inspection de l'éducation physique du service de l'enseignement agricole. Le lycée agricole de Fouesnant, par exemple, joue un rôle majeur [87].

Des Centres permanents d'initiation à l’environnement (CPIE) voient le jour en 1973 engageant par signature les ministères chargés de l'agriculture, de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Des instituteurs leur sont mis à disposition.

Le ministère de l'environnement s'appuie beaucoup sur les associations de protection de l'environnement dont la majeure partie est regroupée au sein de la Fédération française des sociétés de protection de la nature (FFSPI).

Dans le dispositif de la culture scientifique et technique, le thème de l'environnement occupe une position à part. Si d'un côté les associations constituent parfois une force et drainent un public non négligeable, de l'autre ce thème renvoie à des conceptions différentes des rapports science/transformation de la nature. Aussi le réseau « culture scientifique et technique et environnement » fonctionnent de manière quelque peu indépendante.

Un Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle réunit, à partir de 1984, scientifiques, responsables de structures de diffusion, responsables ministériels et autres. Il est présidé par J.-C. Pecker, astrophysicien, membre de l'Institut, professeur au Collège de France (démissionnaire lors de l'été 1987).

Un Conseil de programme présidé par Jean-Marc Lévy-Lebond, physicien, professeur à l'université de Nice, est chargé de mettre en œuvre les actions prioritaires sur la base des recommandations du Conseil national (quand elles peuvent exister...).

Un Comité d'orientation de la culture scientifique et technique poursuit actuellement l'action. Dans ce cadre, fin 1988 un groupe de travail sur la politique jeunesse est mis en place, manifestant la volonté de maintenir et de développer des activités en direction des jeunes [88].

Quelles que soient les difficultés rencontrées lors de ces années 1980, il n'en reste pas moins qu'en se plaçant dans une perspective à long terme, des changements s'amorcent.

À sa manière, dans un style quelque peu provocant, le Nouvel Observateur du 22 mai 1982 le note dans le titre d'un article : « Science : la nouvelle religion ». Ce titre est ainsi expliqué : « Oubliés le Larzac, les chèvres et la bouffe bio, les jeunes français ne vibrent plus que par le télescope, cyclotron ou ordinateur interposé. Encouragée par les pouvoirs publics, cette formidable explosion scientifique a ses temples, son clergé, ses fidèles... et son denier du culte ».

Certes par la suite l'effervescence de 1982 est retombée. À l'attitude interrogative mais participative de larges parties des couches intellectuelles et de l'opinion sur les sciences et les nouvelles techniques lors des années 1980 succèdent à un niveau général des retraits et une perte de confiance, l'enjeu devenant l'investissement dans la « matière grise » pour occuper les créneaux d'avenir face à la concurrence internationale.

L'ouverture de la Cité des sciences et de l'industrie constitue une pièce maîtresse du dispositif d'acculturation aux sciences et aux nouvelles techniques. Inaugurée en 1986, lors du passage de la Comète de Halley, conjoncture qui auréole l'événement, la situant dans le calendrier de l'histoire cosmique, elle devient la vitrine des sciences et des techniques, supplantant le Palais de la découverte ayant eu cette vocation quelques décennies plus tôt.

L'infrastructure est là ; les formes de diffusion se renouvellent ; les opérations se publicisent ; les relais régionaux s'affirment quand ils en ont les moyens.

Quelques initiatives et outils

Schématiquement, deux types d'opérations se mettent en place :

  • les opérations de prestige : l'objectif est de rendre visible les actions des pouvoirs publics, de sensibiliser les jeunes et leurs formateurs ;

  • les opérations qui s'inscrivent dans le temps ayant comme axe de réflexion le perfectionnement des outils de diffusion (livres, revues, valises pédagogiques) ou la structuration des échanges entre organismes de recherche, écoles, associations.

Naturellement entre ces deux pôles, toute une gamme d'opérations emprunte plutôt au premier registre qu'au second et vice versa.

Les opérations à la recherche d'une visibilité culturelle

Pendant ces dernières années, une attention particulière est portée aux célébrations organisant le calendrier socio-culturel de l'ensemble de la société. Chaque commémoration d'événements ou mobilisation thématique est source d'investissement de la part des milieux mettant en œuvre et en scène la culture scientifique et technique.

Il est ainsi construit un emboîtement d'« effets-miroirs » entre les jeunes, les sciences et les nouvelles techniques, base des innovations culturelles attendues.

En 1984, est lancée l'opération « Encyclopédie vivante » à l'occasion de la célébration du bicentenaire de la mort de Diderot à laquelle le ministère de la culture souhaite donner une ampleur particulière.

Pilotée par la maison de la culture d'Amiens, dès 1982, elle forme l'une des premières manifestations qui associent le réseau des établissements culturels concernés par la culture scientifique et technique, les organismes de recherche et les industriels.

L'ambition consiste à légitimer par l'histoire la politique mise en œuvre. Le parallèle entre le siècle des Lumières, l'« honnête » homme, les découvertes scientifiques soutenant le développement industriel... et la nouvelle étape à franchir constitue une référence obligée.

[20]

L'exposition des réalisations [89] a lieu à la Cité des sciences et de l'industrie en 1986, espace de consécration désormais quasi obligé, pour toute initiative d'ampleur nationale ou remarquée régionalement.

Dans le cadre de l'année 1985, année « décrétée » de la jeunesse, se déroulent diverses manifestations.

Ainsi dès 1980, seize grandes associations d'éducation populaire [90] représentant 95% des structures de loisirs scientifiques et techniques, se regroupent au sein du Comité interassociatif pour la réalisation des assises scientifiques et techniques (CIRAST).

Dans cette démarche, l'ANSTT joue le rôle moteur.

Le CIRAST prépare la première exposcience internationale qui se déroule à Toulouse en septembre 1985, lieu d'expression de plus de huit cents participants dont deux cents venant de l'étranger.

La formule « exposcience » ambitionne de rompre avec les classiques conférences ou expositions par panneaux. Elle met en avant la formule de l'exposition-démonstration plus impliquante et motivante pour les jeunes, développant leurs capacités d'expression, les stimulant pour des projets futurs avec l'organisation d'un système de prix.

Le Québec est l'initiateur de ce nouveau style de manifestation [91] qui va permettre de faire bénéficier les sciences et les techniques des acquis des associations d'éducation populaire axés sur la rencontre des jeunes, les apprentissages mutuels, marquer ainsi les mouvements de jeunesse porteurs de l'avenir, du sceau de l'innovation.

Cette première exposcience est l'occasion d'échanges avec les jeunes des pays du tiers monde. S'y discutent le problème des transferts des connaissances, les complémentarités ou exclusions entre les techniques traditionnelles et les nouvelles techniques.

Elle est également le temps d'amorce de projets de vacances scientifiques entre regroupements culturels « régionaux », tels les Bretons, les Gallois, les Irlandais.

Pour donner une ampleur maximum à cette nouvelle visibilité des jeunes, une seconde campagne internationale de lancement de fusées est projetée en Suède pour 1986.

Une association internationale non gouvernementale (ONG) est créée, le Mouvement international pour les loisirs scientifiques et techniques (MILSET).

L'objectif des promoteurs, créer l'événement, est atteint. Les pouvoirs publics, divers partenaires industriels, les organismes de recherche, le milieu scolaire s'intéressent à l'initiative, la soutiennent.

Depuis, les exposciences se développent dans chaque région [92] ; actuellement le réseau s'étend puisque des montages ont lieu au niveau départemental.

Les meilleurs projets sont sélectionnés pour les exposciences internationales, la seconde ayant lieu au Québec en 1987, la prochaine se déroulant à Brest en juillet 1989.

D'octobre 1985 à janvier 1986, se tient à la Grande Halle de la Villette, le Festival de l'industrie et de la technologie, vaste opération ayant touché 450 000 visiteurs (un millier était attendu), devant réconcilier les Français avec l'industrie, les familiariser avec les nouvelles techniques, leur redonner un sentiment de fierté nationale malgré la crise [93]. Les jeunes constituent le public prioritaire.

La participation des jeunes à la construction européenne donne lieu à des festivals. Le premier festival JET (Jeunes, Europe, Technologie) organisé par les éditions Autrement, avec le parrainage des ministères et des instances européennes, à Strasbourg en octobre 1987 ouvre une longue liste d'initiatives dans le cadre de l'Europe.

Les initiatives relevant d'efforts
de rénovation pédagogique à long terme


Le ministère de la recherche, en liaison avec le ministère de l'éducation nationale, dans une optique de formation de jeunes futurs chercheurs finance en 1985 une opération « passeport pour la recherche » [94]. L'année suivante l'expérience est étendue au niveau européen avec les « tours Eurêka Jeunesse » de 1986 [95]. Ils aboutissent à une « journée Eurêka Jeunesse » en juin 1987, à la Cité des sciences et de l'industrie où se tient également l'exposition « Eurêka l'Europe ».

Cette formule des passeports est reprise à un niveau régional notamment par l'ALIAS (Association lilloise d'information et d'animation scientifique).

Il conviendrait de citer également l'opération « Science buissonnière » organisée par le Palais de la découverte en 1985, dans l'académie de Versailles.

L'année précédente, en 1984, le CNRS, lance une opération 1 000 classes/1000 chercheurs afin de promouvoir des rencontres entre élèves et équipes de recherche et de mettre en place des projets communs. Cette opération n'a pas remporté le succès escompté, sans doute à cause de l'investissement en temps qu'elle nécessite. Néanmoins les quelques expériences réussies incitent à renouveler l'opération.

Les initiatives soutenues par les ministères
pour développer des outils, créer un marché


Lors de cette année 1985 de la jeunesse, est également lancée l'opération « graine de curieux », à l'initiative du ministère de la culture, confiée à la direction du livre et de la lecture, en collaboration avec la Cité des sciences et de l'industrie, limitée à la région parisienne.

Le but poursuivi est d'effectuer le point à propos des livres, des revues destinés aux enfants et aux jeunes en matière d'information scientifique et technique. Un colloque a lieu [96].

Au-delà de l'action de sensibilisation, la politique éditoriale, l'évaluation du contenu des livres et des revues donnent lieu à la création d'un Observatoire du livre et de la presse scientifique, le « Rayon vert » piloté par l'INEP à Marly-le-Roi, sous la présidence d'Albert Jacquard.

Une méthodologie d'analyse des ouvrages, la constitution d'un réseau d'experts scientifiques et de médiateurs de terrain permettent l'évaluation de productions destinées aux enfants et aux jeunes et la publication de fiches analytiques.

Concernant les revues, la Ligue de l'enseignement a lancé en 1982, après une étude de marché [97], la revue Argonaute destinée aux jeunes de 13 à 16 ans.

Malgré l'aide des ministères, la qualité de la revue unanimement reconnue, l’Argonaute est devenu Sciences et Nature, perdant sa spécificité d'être une revue entièrement consacrée aux sciences et aux techniques pour les jeunes, tablant sur un lectorat élargi.

La concurrence dans ce créneau est forte. Ça m'intéresse, Sciences et Avenir avec un essai de formule jeune, Explora... captent une clientèle semblable. Les nouvelles parutions, après quelques numéros, cessent.

Il semble assez difficile de rivaliser avec Okapi par exemple édité par Bayard Presse [98], revue généraliste qui publie régulièrement des dossiers sur les sciences et les techniques, s'attachant la collaboration de spécialistes. Le service jeunesse du CNES participe régulièrement à Okapi. Les dossiers d'Okapi sont considé-

[21]

Mise au point d'une fusée expérimentale dans un club Espace.
Cl. J. Bouvier/ANSTJ.

[22]

rés comme des modèles de diffusion des connaissances auprès des enfants et des jeunes. Il est vrai que les rédacteurs attachent particulièrement d'importance à l'exactitude des données et à la forme. Chaque texte est relu par une orthophoniste ayant le souci de la clarté et proposant formules et phrases facilitant la mémorisation.

Qu'elles obtiennent ou non des financements publics, toutes ces revues tentent d'élaborer des tactiques de séduction des jeunes lecteurs, en se créant une identité, mettant au point un style.

Ainsi autour de la revue Argonaute fonctionne un club, sont offerts des services de messagerie... autant d'éléments utilisés comme marqueurs culturels. L'originalité du titre (les Argonautes demeurent le symbole de la découverte et de la volonté de repousser sans cesse les limites des connaissances, dans la légende de la toison d'or) a conforté le sentiment d'appartenir à une élite captant une minorité de lecteurs [99], facteur insuffisant pour faire face aux lois du marché.

Des contrats sont également passés entre des maisons d'édition, les ministères ou les grandes structures de diffusion des sciences et des techniques, ainsi entre Gallimard (collection Découvertes) et la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette.

Un grand prix du livre scientifique jeunesse décerné par Y Argonaute et la Fondation Diderot (1987) est créé lors du salon du livre de 1987 [100].

Un effort est également fait pour développer la production de bandes dessinées (ainsi les Aventures d’Anselme Lanturlu, ou Modulo chez Belin).

Des directives sont encore données pour créer des émissions de télévision, des logiciels, des malles pédagogiques, des expositions...

La tenue de salons présentant tous ces outils est encouragée, tel celui de Niort ayant lieu chaque automne, mis sur pied par la CAMIF, parrainé par les ministères.

Les parcs de loisirs à thème scientifique dont l'un des plus connus actuellement est le Futuroscope de Poitiers, étendent encore la panoplie d'outils.

Sachant qu'il y a quelques années, la production de moyens de diffusion des sciences et des techniques était faible, le financement public de diverses initiatives s'avérait sans doute nécessaire. Néanmoins, il faut souligner que cet accroissement n'est pas toujours de qualité. De plus, la multiplication des outils n'entraîne pas de manière automatique l'intérêt des enfants et des jeunes. Les représentations et les pratiques culturelles n'obéissent pas à la seule loi du marché. Enfin toutes ces productions ont tendance à s'aligner sur des normes, celles qui correspondent aux souhaits et aux pratiques des classes moyennes et de leurs enfants, catégories qui sont les plus assidues dans la fréquentation des musées scientifiques et techniques, qui constituent l'essentiel des clients.

En un sens, ce sont les classes moyennes qui pèsent le plus sur l'élaboration d'une politique de développement de la culture scientifique et technique, dont elles sont les principales bénéficiaires.

Conclusion

La conception instrumentale de la culture scientifique et technique demeure le trait dominant des politiques ministérielles élaborées ainsi que des structures renouvelées ou mises en place ces dernières années [101].

La création de structures intermédiaires entre les organismes de recherche et le public, qu'il soit ciblé ou non, renforce d'ailleurs la tendance à l'économisme. Chacune de ces structures, pour prouver sa légitimité invoque les arguments économiques qui plaident en faveur du développement de la culture scientifique et technique, se donne comme moyen d'accompagnement des politiques de recherche. Sauf exception, la justification de leur existence s'appuie sur leur capacité à susciter l'intérêt des partenaires économiques et des milieux scientifiques, à constituer des bases pour l'établissement de réseaux.

L'amélioration, la diversification des outils de diffusion autorisent, certes, des approches plurielles, mais elles s'inscrivent d'abord dans l'objectif de fournir un marché de nouveaux biens culturels, élargissant les pratiques d'appropriation des sciences et des techniques.

La mise en œuvre est assuré par un nouveau corps d'intervenants médiateurs : les animateurs scientifiques ou encore les communicateurs.

S'attribuant la mission de faciliter les contacts entre les chercheurs et le public, se limitant à ce rôle de lien ou ambitionnant d'être des intermédiaires qui retraduisent à leur façon les savoirs scientifiques et techniques, depuis ces derniers mois un penchant vers la logique mass médiatique paraît prendre de l'ampleur.

Autour d'une nouvelle formule « la communication scientifique publique » [102], est nettement affiché le choix d'un professionnalisme renforcé de cet espace intermédiaire entre la production des savoirs et leur appropriation par un large public, recourant aux techniques des média. Se dessine peu à peu une rupture entre des préoccupations de type humaniste se référant à des débats sur la nécessité de l'approfondissement continu des connaissances, base sur laquelle chacun peut prendre conscience des évolutions de la société dans laquelle il vit [103] et des motivations parfois ambiguës. La science se vend bien ; elle constitue un créneau porteur dans le marché des idées. Le principal souci de ce nouveau genre [104] de médiateurs est de chercher à séduire le public.

Parmi les outils de diffusion des savoirs scientifiques et techniques, l'un est actuellement privilégié : l'exposition. Cette forme d'information s'inscrit dans des modalités culturelles qui privilégient l'immédiate et la mise en représentation quasi permanente d'une fraction d'une société par elle-même. Elle ambitionne de rendre facilement accessibles les dernières découvertes, en usant considérablement parfois du schématisme, résultant d'une stratégie des promoteurs : obtenir un impact socio-culturel et rendre largement visibles les avancées dans les connaissances.

Depuis ces dernières années, l'exposition devient un objet d'investigation qui attire de plus en plus de chercheurs, notamment des linguistes, des sémiologues [105], aspirant à construire des modèles de communication, directement utilisables par des réalisateurs. Les aspects formels de la communication sont abondamment traités, au détriment parfois des recherches sur le sens des contenus.

Les analyses portant sur la diffusion des connaissances scientifiques et techniques sont diverses [106] et chaque éclairage permet de prendre la mesure des problématiques mises en œuvre.

La science est-elle traduisible ou n'y a-t-il de science que de traduisible ?

Cette question demeure omniprésente dans l'analyse portée sur les diverses méthodes mises en œuvre. Par le biais des reformulations successives afin de rendre des savoirs plus acces-

[23]

« Comment obtenir soi-même son électrocardiogramme »
au Musée Zoologique de Strasbourg. Cl. Michel Viard.

[24]

sibles, à chaque opération de simplification, une perte d'information a lieu.

Il demeure illusoire de prétendre que chacun, quelque soit ses dispositions et ses attributs socio-culturels soit dans la capacité de reconstituer la totalité des démarches scientifiques, d'embrasser les conceptualisations théoriques élaborées.

La saisie scientifique des divers phénomènes n'est pas le produit de connaissances communes, échappe à l'expérience quotidienne de l'homme ordinaire, implique des ruptures d'ordre épistémologique [107].

Au niveau formel, les logiques d'investigation et les logiques d'exposition ne sont pas semblables.

Aussi, est-il nécessaire de se fixer des objectifs réalistes concernant les diverses opérations visant à diffuser la culture scientifique et technique.

Chaque tentative permet de réorganiser des savoirs, de les recontextualiser selon les propres modes d'accès de chacun. Souhaiter s'approprier quelques bribes de connaissances nécessite un effort et un bagage culturel minimum. Il n'est que leurre d'ambitionner de comprendre des résultats scientifiques, « vérités » d'un moment, sans aucun effort. En ce sens, les « marchands » de savoirs accessibles à tous, renforcent les aliénations culturelles, contribuent à donner aux sciences un caractère magique dont elles veulent se libérer.

Autour des tentatives de diffusion des savoirs, on ne peut échapper également aux questionnements relatifs aux usages socio-politiques auxquels elles renvoient, aux classements qu'elles opèrent selon les catégories socio-culturelles concernées.

Les recherches de Maldidier et de Boltanski [108] ont ouvert une voie, se démarquant des questions traditionnelles sur la traduction possible ou impossible des savoirs scientifiques, selon les destinataires concernés, en démontrant que les biens culturels enferment le principe de sélection de leur public.

Pour eux, la vulgarisation scientifique constitue une modalité particulière de la culture des classes moyennes, est à mettre en relation avec l'espérance ou non de mobilité sociale, forme l'exemple type d'une problématique moderne de l'autodidaxie institutionnalisée chez les adultes et du complément scolaire chez les jeunes.

La démocratisation de l'enseignement a fait naître des aspirations nouvelles, notamment celle d'ajuster de manière constante des dispositions culturelles et des savoirs nouveaux.

Qu'ils soient désintéressés ou à la recherche d'une amélioration de leurs conditions professionnelles, les lecteurs de Science et Vie sont en quête de l'appropriation de tous les signes marquant l'appartenance à la culture légitime, la vulgarisation n'offrant qu'un savoir approximatif.

Les visites de musées ou les achats de revues scientifiques qui ne cessent d'augmenter sont à situer dans cette recherche de marqueurs culturels, même s'ils manifestent la curiosité de savoir.

Mais on ne peut oublier que l'intérêt pour la science obéit à des motivations qui relèvent de plusieurs registres.

L'engouement à l'heure actuelle pour l'astrophysique est un exemple type des ambiguïtés qui animent le champ de la vulgarisation scientifique.

Les ouvrages sur ce thème sont au rang des best-sellers achetés par des lecteurs en quête de réponses sur l'origine de l'univers, son devenir, de cadres théoriques dépassant la seule discipline concernée, soucieux de la qualité de leurs prestations intellectuelles dans les échanges conversationnels [109].

Pour notre part, nous avons privilégié un angle : l'angle socio-politique en inventoriant, très sommairement, la construction de politiques, l'apparition d'outils.

Au terme de ce travail, nous avons fortement conscience des manques. Mais nous tenions à prendre quelque distance par rapport à un milieu qui a tendance à ne plus réfléchir qu'en termes d'outils à créer ou à perfectionner, se référant pour la « forme » aux enjeux socio-culturels portés par le développement des sciences et des nouvelles techniques.

L'appel à la mobilisation de la jeunesse n'est qu'une manière parmi d'autres d'imposer une grille de lecture de nos sociétés occidentales contemporaines où les innovations scientifiques et techniques sont considérées comme des référents majeurs qui ordonnent de plus en plus les valeurs éthiques [110].

Les stratégies de divulgation des savoirs sont autant de tentatives de légitimation d'un ordre culturel donné.

Les rapports entre science et pouvoir sont complexes. Tenter de consolider son pouvoir ou de lui donner une aura supplémentaire en mettant à l'honneur des scientifiques, notamment des « prix Nobel », constitue un comportement fréquent de la part de tout homme politique, quelle que soit sa position hiérarchique. Dans cette démarche, les scientifiques se laissent piéger, à leur insu parfois d'ailleurs.

Notes

[25]

[26]

[27]



[1] Cf. Forest (P.G.), Schroeder-Gudehus (B). « La science à tout faire : à propos des représentations scientifiques et techniques dans les expositions universelles ». Protée, Vol. 16, no 3, automne 1988.

[2] La réunion en une seule expression sous le chapeau de la culture marque la volonté de valoriser la technique, la mettant en position égalitaire avec la science. Cependant le fait d'utiliser de manière de plus en plus courante l'expression « culture scientifique et technique » ne gomme pas de manière « magique » le statut supérieur occupé par la science par rapport à la technique dans les représentations sociales.

[3] Lors de l'interview, la journaliste se fait particulièrement insistante pour comprendre ce que la « CST » représente de novateur par rapport à la vulgarisation. Il est vrai qu'à l'époque des journalistes scientifiques était particulièrement remise en cause.

[4] Cf. Bulletin de l'AMCSTI, no 29, octobre 1988.

[5] ... que nous ne ferons ici que survoler...

[6] Nous utilisons ce terme d'acculturation qui renvoie à des processus plus ou moins contradictoires quant à la persistance d'anciennes références à l'égard des sciences et des techniques et à l'éclosion de nouvelles. Se construisent ainsi des systèmes de représentation et de pratiques relativement complexes. La dramatisation de l'urgence mériterait à elle seule une recherche sachant combien toute innovation scientifique ou technique requiert le calme, la vigilance quant aux effets sociaux.

[7] ... dont l'histoire détaillée reste à faire. Les découvertes scientifiques, la recherche de l'efficacité ne sont pas l'apanage d'une seule forme de pensée politique, en l'occurrence du « socialisme », pour utiliser un terme très général. Des minorités ont souvent été porteuses de l'innovation. Cf. à ce propos Gaudin (T). - Pouvoirs du rêve. Neuilly-sur-Seine, Centre de recherche sur la culture technique, 1984.

[8] ... au sens de F. Braudel.

[9] Genre philosophique souvent repris dans les actions de diffusion des sciences et des techniques auprès des enfants et des jeunes, dans les écrits, les montages vidéo...

[10] Il faudrait également ajouter les couvents, les ports... tout lieu concentrant des savoirs ou des activités essentielles.

[11] Écrire pour les enfants est une passion que certains scientifiques ont eu ou ont encore, qui aboutit à de très beaux textes. De même, dans les siècles passés, particulièrement au XVIIIe siècle où les marquises tenaient salon, certains savants ont écrit leurs théories et leurs observations pour les expliquer à une femme aimée. Comme la pratique des lettres, cette démarche a souvent donné lieu à des productions littéraires. Y est absente la sécheresse des textes scientifiques d'aujourd'hui, à l'exception de ceux d'Hubert Reeves ou encore de Michel Serres, pour ne citer que des auteurs connus...

[12] Cf. Ariès (P). L'enfant et la vie familiale sous l'Ancien régime. Paris, Plon, 1960.

[13] Cf. Fourment (A). Histoire de la presse des jeunes et des journaux d'enfants (1768-1988). Paris, éditions Eole, 1987. Cet ouvrage réalise une synthèse remarquable et permet de suivre aisément les filiations des divers journaux et revues, marquant les étapes de transformation qui reflètent l'histoire des enfants et des jeunes sur trois siècles.

[14] Cf. Fourment (A), page 24, ouvrage cité.

[15] Cf. Guedj (D). La Révolution des savants. Paris, Découvertes Gallimard, 1988.

[16] Dans cette année de célébration du Bicentenaire, à la recherche de thèmes consensuels, la mobilisation des savants au cours de la Révolution est souvent mise en avant. On oublie que les révolutionnaires n'hésitaient pas à guillotiner les savants, quelle que soit la grandeur de leur apport scientifique, tel fut le cas de Lavoisier. Cf. Bensaude-Vincent (B). « Une révolution scientifique, Lavoisier », in Eléments d'histoire des sciences. M. Serres (Sous la direction de Paris, Bordas, à paraître en 1989).

[17] Cf. Guedj (D), ouvrage cité.

[18] Cf. Jacques (A), Mouillesseaux (J.P.), Les architectes de la liberté, Paris, Découvertes Gallimard, 1988. L'architecture géométrique symbolise la perfection du style, de la raison...

[19] ... puis les monarchistes, les républicains, les catholiques, les socialistes, les communistes... partis politiques comme églises éditant une presse destinée aux enfants, aux jeunes... Il faut attendre les années 1960 où la presse s'empare de la « culture jeunes » pour que s'ouvre un créneau d'édition émancipé des références idéologiques et tourné vers la consommation. Les années 1980 voient l'apparition des revues scientifiques comme l'Argonaute, Ça m'intéresse..., destinés aux jeunes. Cf. ci-après.

[20] Même remarque que précédemment pour les révolutionnaires. Sans doute est-ce la conjoncture actuelle qui nous incite à insister sur ces aspects. Ayant pour ce travail été particulièrement attentive à la littérature pour les enfants et les jeunes, les représentations de l'histoire sont singulièrement simplifiées.

[21] Le 28 juin 1933, la chambre des députés vote une loi qui contraint chaque commune, ou plusieurs se regroupant, à entretenir au moins une école... pour les garçons. Le droit à l'enseignement est reconnu..., l'obligation et la gratuité viendront avec la IIIe république.

[22] Grande figure de l'édition du siècle dernier, homme d'abord passionné par les livres, écrivain lui-même, avant d'être un commerçant. Cf. Robin (C). Un éditeur et son siècle : P.-J. Hetzel. Saint-Sébastien, ACL édition, 1988.

[23] À la recherche d'un vulgarisateur scientifique pour les enfants, P.-J. Hetzel demande à Jules Verne, écrivain débutant, qu'il apporte le manuscrit du Voyage en ballon puis d'autres romans, paraissant d'abord sous forme de feuilleton soigneusement illustré dans le Magasin d'éducation et de récréation.

[24] Les clivages laïc/privé sont très marqués autant dans la presse « républicaine » que catholique. La presse catholique, loin d'être rivée sur des positions religieuses très conservatrices, a une influence plus large au niveau des catégories sociales populaires. À partir des années 1960, Bayard Presse reprend son souffle. Le lancement d'Okapi en 1971 marque l'étape d'un succès renouvelé. La formule des dossiers, dont bon nombre de dossiers scientifiques particulièrement soignés, conquiert une clientèle de jeunes scolaires. Cf. ci-après.

[25] Dans certains journaux, ainsi le Journal de la jeunesse, le thème de l'enfant-inventeur est exploité. En 1852 ce journal publie des extraits d'un livre de Lefebvre de Beauvais Services rendus à l'industrie et aux sciences par les jeux d'enfants. Y sont relatées les expériences d'enfants ayant permis la découverte de la lunette, de la poudre à canon, du galvanisme. Cf. A. Fourment, ouvrage cité, pages 80-81.

[26] Héros avec « Vendredi » du roman de Daniel Defoe paru en 1719.

[27] Dans cette littérature destinée aux jeunes, à côté de l'ouverture aux nouvelles connaissances et à la préparation aux mutations culturelles s'oppose la nostalgie. Ainsi il est rapporté dans l'Histoire de la France présentée sous la direction de G. Duby, Paris, Larousse, 1987, à propos de la Bretagne une phrase de l'écrivain 2. Fleuriot dans son ouvrage l'Héritier de Kerguignon « ... mais je suis désolé de constater, dit Cadok, que notre pauvre Bretagne elle-même si longtemps et si heureusement arriérée, marcher vers la platitude et la vulgarité universelles. » p. 472.

[28] Il est vrai que les connaissances à diffuser étaient souvent relativement plus simples.

[29] Cf. le projet de parc de loisirs « Jules Verne » à Amiens qui ambitionne de recréeer la thématique de Jules Verne en usant abondamment des performances des nouvelles techniques. Au sein d'une île marécageuse est prévu un volcan cybernétique, tournant sur lui-même, éclairé par des faisceaux-laser. Est reconstituée une géographie symbolique et fantastique, avec jets d'eau, « invasions » végétales, mondes sonores insolites. Du cœur du volcan, occupé, quand même par une salle de spectacle, se déroule en spirale une rampe qui mène au fond du cratère, puis descend encore jusqu'au centre de la terre, au fond des mers, pour remonter aux rivages de l'île.

Voyages dans les abysses, au sein des océans, entre les plaques tectoniques, dans les zones tropicales enfouies sous des végétations luxuriantes, résonnantes d'inventions sonores puis par contraste dans les mers de glace et de sable... garantissent les interrogations sur les mystères de l'origine du monde. À un siècle et demi de distance, l'ouverture vers la modernité et l'anticipation sont fournies techniques sophistiquées en « main ». L'intention là, outre de « rentabiliser » les imaginaires et les fantasmes, est d'éveiller curiosités et passions des jeunes (et des adultes) quant aux miracles des puces, des lasers...

[30] Alexander (E.-P.). - Muséums in Motion : An Introduction to the History and Functions of Museums, Nashville, American Association for State and Local History, 1979. Cf. à propos du CNAM, le rôle particulier de ce musée, lieu à la fois de diffusion, d'exposition des techniques et de formation à la qualification d'ingénieur pour des catégories socio-professionnelles n'ayant pu obtenir ce statut par les voies universitaires classiques. Peu de musées scientifiques ou techniques ont assumé ce double rôle ; cf. Grignon (C). « L'art et le métier, école parallèle et petite bourgeoisie », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 4, août 1976.

[31] La reconnaissance des arts techniques, déjà en germe chez Descartes, est un combat des Encyclopédistes qui veulent mettre au service de l'industrie toutes les connaissances techniques et les faire reconnaître au même titre que les arts classiques. Cf. la querelle entre les Anciens et les Modernes de l'époque.

[32] Cf. Guedj (D). La Révolution des savants, ouvrage déjà cité.

[33] Parfois d'ailleurs appauvris par le pouvoir des musées nationaux et souvent parisiens qui s'octroient des priorités pour l'achat et l'exposition des objets... La tentation muséale est forte en France : plus de 1 700 musées sont recensés. Cf. Dalbéra (J.-P.).

[34] Les périodes de guerre sont toujours des périodes de grande utilisation des sciences et des techniques au service d'une « nation ». Il s'agit de procéder à des découvertes d'urgence pour assurer la victoire contre l'ennemi. À l'issue de ces périodes, des bouleversements se produisent avec l'application de nouvelles découvertes.

[35] La recherche est réalisée essentiellement dans le cadre des universités, très liée à l'enseignement. Dès les années 1920, J. Perrin, entouré d'autres scientifiques, plaide pour la désolidarisation de la recherche et de l'enseignement et pour la création d'une profession de chercheur. Cf. Eidelman (J). « Science industrielle contre science pure : la professionnalisation de la recherche dans les années trente », in Grêlon (A) - Les ingénieurs de la crise. Paris, EHESS, 1986. Cette période constitue une étape dans la longue histoire de la question de l'institutionnalisation de la recherche déjà débattue lors de la Révolution de 1789, dont les prémisses sont à rechercher encore antérieurement dans la création de l'académie des sciences en 1666, premier regroupement pour mettre les sciences au service du progrès économique.

[36] Cf. Gilpin (R). La science et l'État en France, Paris, Gallimard 1970. Cela montre combien il est nécessaire de relativiser une certaine effervescence d'aujourd'hui, la question du rapport entre les connaissances scientifiques, leur vulgarisation et leurs applications dans la société, la politique d'un État, innervant l'histoire humaine.

[37] Eidelman (J). « Culture scientifique et professionnalisation de la recherche : la création du Palais de la découverte à la fin des années « trente » in Vulgariser la science. Sous la direction de D. Jacobi et de B. Schiele, Seysell, éditions Champ Vallon, 1988, page 184.

[38] Les universités populaires demeurent un exemple remarquable de lieux de partage des savoirs et de lieux où les connaissances étaient au service de débats généraux sur la société, non finalisées dans la seule optique économiste. Il est vrai que la mobilisation autour de l'affaire Dreyfus les marque profondément. Cf. Charpentreau (J), Kaes (R). La culture populaire en France, Paris, éditions ouvrières collectives, 1962.

[39] À l'époque, la méthode expérimentale est privilégiée, se situant dans une tradition de démonstrations scientifiques pour convaincre les autorités politiques d'un pays et le public. Cf. les démonstrations publiques de Gassendi au xviip siècle. Koyré (A). Études d'histoires de la pensée scientifique. Paris, Gallimard, 1973.

[40] Ce qui ne manque pas d'être très souvent souligné par les responsables du Palais de la découverte soumis aux critiques lors de l'élaboration du projet du musée des sciences et des techniques de la Villette (devenu depuis Cité des sciences et de l'industrie, le terme de « musée » ayant été écarté car connotant une vision trop patrimoniale et pas assez dynamique de l'exposition et de la diffusion des sciences et des techniques). Le nombre des visiteurs du palais de la découverte ne cesse de croître. Il passe de 100 000 visiteurs par an en 1944 à 700 000 en 1981, et est estimé à 800 000 actuellement.

[41] Eidelman (J). « Le projet de Palais de la beauté industrielle pour l'exposition internationale de 1937 : techniciens et culture technique dans les années trente ». Protée, volume 16, n° 3, automne 1988.

[42] Très engagé politiquement et cherchant à expliquer scientifiquement par la sociologie le socialisme. Il se fait un défenseur de la société industrielle s'opposant à nombre d'intellectuels d'alors qui y voient une perte de la civilisation.

[43] Nommé directeur de l'école centrale en 1922 et président de la Société des ingénieurs civils en 1923. Cf. Montet (A). « Ingénieurs et rationalisation ». Culture technique, n° 12, mars 1984.

[44] Chimiste.

[45] Pour la reconstitution de ces étapes, cf. la Revue du Palais de la découverte, en particulier, n° 58, mai 1978, n° 91 octobre 1981, le supplément Éléments de réflexion sur les musées scientifiques et techniques, décembre 1981.

[46] Les jeunes scientifiques réclament la reconnaissance d'une fédération en se fondant sur une déclaration d'Einstein « tout cela est déposé entre vos mains comme un héritage, de manière que vous le recueilliez, que vous le vénériez, que vous le développiez et que vous le transmettiez un jour fidèlement à vos enfants... ». Evoquant les transformations possibles du monde vingt ans plus tard sur la base des découvertes d'alors, ils plaident pour leur participation, en tant que jeunes, au progrès des connaissances et à la prise en compte de l'exercice de leurs futures responsabilités d'adultes. Plusieurs scientifiques, à la tête d'organismes de recherche ou dans la mise en œuvre de la politique de recherche, ont fréquenté ces clubs, démonstration s'il en est de l'aspect formateur de la pratique d'activités scientifiques et techniques alliés à la réflexion et à l'engagement.

[47] Ce concept est difficile à définir sachant qu'il est utilisé selon des analyses différentes suivant qu'il s'agit de cerner des transformations dans le domaine artistique, celui de l'architecture ou de qualifier des changements sociétaux globaux. Son emploi renvoie surtout à la signification d'une rupture induite par le développement des nouvelles techniques, leur incidence sur les apports sociaux, les configurations culturelles, les systèmes de pensée et de valeurs.

[48] Cf. Pour une politique culturelle de la culture scientifique technique et industrielle. Ministère de la culture, direction du développement culturel, 15 juin 1984. La référence la plus souvent citée pour étayer cette thèse d'une nouvelle culture est Snow (C.-P.).  Les deux cultures. Paris, Pauvert 1984. Divers articles paraissent également dans les revues dont Esprit. Le numéro 10, d'octobre 1982 s'intitule « Vous avez dit culture technique ? ».

[49] Ce terme de « débloquer » fleurit dans de nombreux écrits d'origine institutionnelle ou à coloration politique affirmée. Faut-il y voir une reprise constante des thèses défendues par Michel Crozier dans plusieurs de ses ouvrages ?

[50] Cf. La politique culturelle, 1981-1985. Bilan d'une législature, rapport publié par le service information et communication du ministère de la culture.

[51] Pratiquement impossible à atteindre. S'il est réalisable d'envisager de recenser les opérations ayant une certaine visibilité, émanant d'institutions qui sollicitent des subventions, il s'avère quasiment illusoire d'ambitionner, d'inventorier des actions plus ou moins diffuses ou émanant de structures non répertoriées dans les milieux reconnus comme œuvrant dans ce domaine.

[52] Venant d'horizons syndicaux ou de mouvements ayant mis en doute les bienfaits de la science, tels la revue Impascience ou des groupes antinucléaires, ou des boutiques des sciences. Loin d'être homogènes et surtout anti-scientifiques, caricature qui en a été souvent tirée, ces courants mettaient beaucoup d'espoir dans l'ouverture de débats de société. Des historiens et/ou philosophes des sciences, également des scientifiques célèbres participent à ces mouvements.

[53] Le CAES, Comité d'action et d'entraide sociales prend particulièrement en main l'animation culturelle autour de la recherche et de ses applications.

[54] Cf. La presse de vulgarisation scientifique. - rapport du ministère de la culture, direction du développement culturel, service des études et recherches, mai 1985.

[55] Qui intervient au début des années 1970.

[56] L'une des motivations des physiciens pourrait être la légitimité de l'augmentation des crédits qui s'avère nécessaire, ce qui est parfois plus ou moins avoué...

[57] Montrer qu'ils sont des « humains » comme tout un chacun, démystifier leur image... préoccupent beaucoup ces physiciens qui, dans le style de mai 1968, se servent de tracts, confectionnent des panneaux rédigés au crayon feutre, organisent une partie de pétanque... Cf. notes de description de « Aix Pop » in Crozon (M) Heinich (N), Loustalet (C), Martin (A). L'animation culturelle scientifique et technique en France 1969-1980. Etude réalisée pour le compte du ministère de la culture par le GLACS (Groupe de liaison pour l'action culturelle scientifique), octobre 1983. Cette étude, bien que limitée selon l'avertissement des auteurs, demeure la seule assez fournie en renseignements sur les structures, les initiatives, les thèmes, les villes ou régions, concernant la situation de la culture scientifique et technique à cette période.

[58] Les conditions de la mise sur pied de ce premier centre sont décrites dans l'étude de M. Crozon, N. Heinich, C. Loustalet, A. Martin, étude déjà citée et dans Fayard (O). La communication scientifique publique. De la vulgarisation à la médiatisation. Lyon, chronique sociale, 1988.

[59] Cf. Les Cahiers de Galilée, no 50, 1983.

[60] Malecot (Y). Culture technique et aménagement du territoire : pour un réseau de centres régionaux. Paris, Documentation française, avril 1981.

[61] Le premier numéro, intitulé Technique et Culture comprend le programme du CRCT. Depuis, la revue paraît régulièrement selon des thèmes : santé, sport...

[62] Cf. de Noblet (J). Étude sur la situation de la Culture technique en France. Ministère de l'industrie, groupe éthnotechnologie, bureau national d'information scientifique et technique, mars 1979.

[63] La mise en chantier de ce projet donne Heu à de très nombreux rapports qui font la synthèse des divers points de vue de l'époque concernant la diffusion des sciences et des techniques. De la même manière que J. Eidelman a restitué l'histoire du Palais de la découverte, un tel travail mériterait d'être entrepris concernant la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, mettant notamment l'accent sur les réseaux scientifiques qui sont consultés à l'occasion, leurs divergences et leurs points d'accord. Certains de ces scientifiques considèrent d'ailleurs qu'ils ont perdu beaucoup de temps à élaborer des propositions dont il ne sera pas tenu compte, notamment concernant la conception d'outils pédagogiques relativement peu onéreux à fabriquer, souvent remplacés par des gadgets séduisant les jeunes visiteurs sur le mode ludique mais peu éducatifs.

[64] La mise en valeur des techniques n'est pas une priorité hexagonale. Le CNAM n'a jamais été, un tant soit peu rénové.

[65] Cf. Davallon (J). « Philosophie des écomusées et mise en exposition » in Davallon (J), (sous la direction de). Claquemurer pour ainsi dire tout l'univers. Paris, collections Alors, centre de création industrielle, centre Georges Pompidou, 1986.

[66] Rapports introductifs au colloque national de la recherche et de la technologie. Paris, ministère de la recherche, 1982.

[67] La réhabilitation de l'entreprise est alors à l’ordre du jour. L'animation de la vie sociale et culturelle à partir des lieux de travail a été supplantée par l'animation à partir des lieux d'habitat. Cette dernière symbolisait une coupure quasi radicale avec la vie culturelle organisée par le patronat au siècle dernier. La mobilisation autour de la politique économique remet à l'ordre du jour la culture d'entreprise fondée sur la reconnaissance des valeurs et des savoir-faire (qui deviennent de plus en plus de simples tâches d'exécution avec l'introduction massive des nouvelles techniques) liés aux activités de production. Cf. Les actes des premières rencontres nationales : Culture monde du travail. Ministère de la culture, maison de la culture du Havre, le Havre, 10-11-12 mai 1985.

[68] Après la Seconde Guerre mondiale, les écrivains scientifiques se réunissent dans le cadre de PUNESCO au sein de l'Association des écrivains scientifiques de France (AESF). Les comptes-rendus de leurs congrès montrent l'orientation par rapport à une science triomphante, capable de rattraper les retards, de résoudre le sous-développement du tiers-monde. Mais ces écrivains et journalistes scientifiques restent très attachés à une qualité littéraire de leurs textes, combinant l’élitisme, l'ascétisme. L'objectif est de légitimer d'abord la littérature scientifique dans la sphère de la littérature et non de vulgariser à tout vent. Dans les années 1980, les écrivains scientifiques mènent un combat soutenu pour se faire reconnaître au sein de la Commission nationale des lettres.

[69] Une partie de leurs travaux acquièrent une visibilité nouvelle avec les Journées internationales sur l'éducation scientifique organisées annuellement depuis 1979, à Chamonix, sous la responsabilité d'André Giordan et de Jean-Louis Martinand.

[70] Cf. Boltanski (L), Bourdieu (P). « La production de l'idéologie dominante ». Actes de la recherche en sciences sociales, no 2 et 3, juin 1976.

[71] Formule fort employée avec l'arrivée de Laurent Fabius comme Premier Ministre en 1984.

[72] Cf. Maitte (B). Les Centres de culture scientifique technique et industrielle. Paris, ministère de la culture, octobre 1985.

[73] Sont rénovés ou mis en chantier des musées automobiles (cf. Peugeot), de la coutellerie (Thiers), du textile (Lyon), des techniques fromagères (Normandie). L'ambition est d'exposer l'ensemble du patrimoine industriel, rural, maritime, aéronautique...

[74] Par économie, nous ne les récapitulerons pas ici mais peu de secteurs échappent à l'évaluation.

[75] Le qualificatif « industrielle » fut ajoutée à la demande de la MIDIST. Mais couramment il est omis.

[76] Ces diverses réflexions ont fait l'objet de quatre rapports de de Certeau (M), Giard (L). L'ordinaire de la communication ; Chombart de Lauwe (P.-H.). Espace et culture au travail ; Gérome (N), Rignault (B), Vallerant (J). Hommes, techniques et sociétés industrielles : Traces et identités ; Roqueplo (Ph), Cultila technique, auquel est joint Zeitoum (J) Création et technologies, Paris, ministère de la culture, éditions Dalloz, 1983.

La comparaison entre le contenu de ces rapports, en général critique à l'égard d'une vision technocratique des applications des sciences et des nouvelles techniques, des rapports sociaux, montrant que la communication est loin de se réduire à une simple instrumentalisation des échanges (M. de Certeau, L. Giard) et la prédominance des dispositions gestionnaires élaborées par la suite fait prendre la mesure de la vanité d'une quelconque prétention qui envisagerait de rompre avec les logiques productivistes. Il est vrai que se manifeste souvent un décalage entre les analyses sociologiques éclairant la situation d'alors et les propositions qui vont dans le sens d'un interventionnisme de l'État. Sans doute, au moins après toutes ces années une orientation a été respectée : l'engagement de l'État à développer la création artistique en utilisant les nouvelles techniques.

[77] Cf. Le dernier rapport d'activité de la MIDIST 1983-1984, ministère de la recherche et de la technologie n° spécial, juin 1985.

[78] Cf. Pour une politique culturelle scientifique et technique en milieu scolaire. Rencontres de Sèvres. Ministère de l'éducation nationale (MACCLR, DBMIST) et MIDIST, 7 et 8 juin 1982.

[79] Ces livrets édités dans les années soixante présentent souvent beaucoup de qualités pédagogiques. Ils traduisent un souci essentiel : motiver et enthousiasmer pour la découverte. Comme le faisait remarquer avec une certaine nostalgie un délégué régional de la jeunesse et des sports en Bretagne, ce n'était pas le « savoir tout fait » et « prêt à consommer » des publications actuelles.

[80] Un recensement des diverses associations a été réalisé par l'ANSTJ, Guide de la culture scientifique technique et industrielle pour le compte des ministères de la culture, de la recherche et de l'éducation nationale, juin 1986.

[81] Guiraudon (J.-C), Préaux (G), Serfass (A), Analyse 1983 du développement local d'activités scientifiques et techniques des jeunes durant leurs loisirs. ANSTJ, janvier 1984.

[82] Cf. le séminaire : Les jeunes et les activités scientifiques et techniques. Secrétariat d'État chargé de la jeunesse et des sports ; ministère de la recherche et de l'industrie (MIDIST) 27-28 janvier 1983.

[83] Cf. Évaluation du programme micro-informatique pour les jeunes, étude réalisée par ICS-conseils (Innovation-communications-structures) pour l'agence de l'informatique et le secrétariat d'État chargé de la jeunesse et des sports, novembre 1985 ; et Descolonges (M), Enel (F). Étude-bilan des animations micro-informatiques destinées à la jeunesse dans un cadre non professionnel Paris, ministère de la culture, Agence de l'informatique, ministère de la recherche, secrétariat d'État chargé de la jeunesse et des sports, Institut national d'éducation populaire, Commission nationale pour le développement des quartiers, avril 1986.

[84] En 1970, sous le gouvernement dirigé par Jacques Chaban Delmas, un programme de cent mesures est élaboré, comprenant quatre axes ; recherche et étude, information et éducation (souligné par nous), action concrète sur le terrain et action législative et réglementaire. Les travaux du club de Rome ne cessent d'alerter l'opinion sur les dégâts d'une croissance incontrôlée... Mais ce ministère qui connaît un renouvellement continu des ministres ou secrétaires d'État est peu pris au sérieux par le reste de l'administration et les forces économiques.

[85] Les Journées nationales d'études sur les parcs naturels régionaux. Lurs-en-Provence, septembre 1966, Paris, la Documentation française, 1967. À cette période deux questions animent les débats : des parcs pour les hommes ou des hommes pour les parcs ? Le parc d'Armorique inspire un chanteur breton fort connu dans les années 1970, Gilles Servat, qui dénonce l'« indianisation des Bretons assignés à résidence et à folklore du côté du Finistère ».

[86] Les interventions concernant la jeunesse lors du colloque de Lurs sont particulièrement remarquables par la dramatisation de la perte des valeurs chez les jeunes, à l'époque de la civilisation du plastique, de la futilité, de la « dénaturation » de la nature et de la morale... S'il fallait choisir entre la protection de la faune, notamment des chamois en voie de disparition et le bonheur de la jeunesse, il n'y a pas d'hésitation, l'amour de la nature étant censé faire retrouver une personnalité harmonieuse aux jeunes abrutis par la musique yéyé. C'est une sorte d'hymne au millénarisme bâti sur les vertus de la nature qui conduit au conservatisme social. Cf. Les Journées nationales d'études sur les parcs naturels régionaux, citées note précédente.

[87] Ces premières classes ont rencontré nombre de problèmes, obligées de camper parfois dans des équipements socio-culturels, de colonies de vacances, de loisirs ne respectant pas les normes de sécurité, problèmes loin d'être toujours résolus aujourd'hui.

[88] Est ainsi à signaler l'action de l'INSERM concernant la mise sur pied de clubs permettant la rencontre entre des chercheurs et des jeunes de 16à23 ans, lieux de réflexion et de prévention sur les problèmes de santé. Si le SIDA est un thème souvent retenu, sont également objet d'étude des thèmes comme le sommeil chez les lycéens...

[89] Le thème de ces réalisations est divers : santé, nouvelles techniques, à l'image des thèmes habituels retenus dans ce type d'expériences.

[90] Voici la liste

- l'ANSTJ (Association nationale sciences techniques jeunesse)

- les CEMEA (Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active)

- EEDF (Eclaireurs et éclaireuses de France)

- la Fédération Léo Lagrange

- la FFMJC (Fédération française des maisons de jeunes et de la culture)

- la FNFR (Fédération nationale des foyers ruraux)

- les FFC (Francs et franches camarades)

- la FOEVEN (Fédération des œuvres éducatives et de vacances de l'éducation nationale)

- les Guides de France

- l'ICEM (Institut coopératif de l'école moderne) —Jeunes et nature

- la LFEEP (Ligue de l'enseignement de l'éducation populaire)

- les Scouts de France

- la SAP (Société d'astronomie populaire)

- l'UFCV (Union française des centres de vacances)

- l'UNIREG (Union nationale des fédérations régionales des maisons de jeunes et de la culture)

À cette liste il faut ajouter le CRILJ : (Centre de recherche et d'information sur la littérature pour la jeunesse) et l'UNCPIE : l'Union nationale des centres permanents d'initiation à l'environnement.

[91] Le Palais de la découverte avait déjà expérimenté cette formule mais elle est restée limitée.

[92] Trois livrets ont été publiés donnant la liste des projets et diverses informations par le CIRAST (devenu en 1986 CIRASTI, c'est-à-dire international) : Premier rendez-vous mondial des sciences et de la jeunesse : 1985 ; les exposciences françaises, annuaire 1986. Nous développerons l'apport des exposciences ci-après dans la partie relative à la Bretagne.

[93] Cf. Laigneau (M). - « Le Festival de l'industrie et de la technologie — La Villette — octobre 1985, janvier 1986 » in Education scientifique et vie quotidienne, huitièmes journées internationales sur l'éducation scientifique, Chamonix, A. Giordan et J.-L. Martinand éditeurs, 1986.

[94] Expérience ayant fait l'objet d'une évaluation - Brenasin (J), Weil-Barais (A). Évaluation de l'impact de l'opération « Passeport pour la recherche » sur les représentations des élèves, à propos de la recherche, des chercheurs, de leur travail. Université de Paris VII, LIRESPT, 1987.

[95] Tours Eurêka jeunesse 1986, Carnet de voyage édité par le ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur, 1987.

[96] La science, le livre, les jeunes. Actes du colloque sur l'information scientifique et technique à destination des jeunes publié par le ministère de la recherche et de la technologie et le CNL. Lire pour comprendre, 1986. Le développement du livre scientifique est une préoccupation assez constante au niveau du ministère de la culture. Au sein du CNL (Centre national des lettres), est créée une commission « littérature scientifique ». Un rapport est également publié : Leduc (M). Rapport du groupe de travail sur l'édition scientifique, direction du livre du ministère de la culture, mai 1982.

[97] Compagnie internationale de consultation, éducation, média. Rapport d'une enquête sur l'acceptabilité, le marché et le lancement d'une revue destinée aux jeunes de 13 à 16 ans et traitant des activités scientifiques et technologiques, Paris, février 1983.

[98] Bayard Presse cible au maximum sa clientèle, selon les tranches d'âge avec Popi, pour les très jeunes enfants en passant par Pomme d'Api, Youpi, Astrapi, Okapi, pour aboutir à Phosphore, réservé aux lycéens, à caractère nettement scolaire.

[99] Lors du changement de titre fin 1987, certains lecteurs n'hésitent pas à écrire pour dénoncer cette perte d'originalité, Science et nature, pouvant se confondre avec Science et vie, Science et avenir...

[100] L'organisation de ce prix est particulièrement prise en main. Diverses classes lisent et classent les huit ouvrages retenus pour la sélection finale, selon trois critères : exactitude scientifique, ouvrage à caractère pédagogique mais non scolaire, production française ou francophone de l'année en cours. La décision finale appartient à un jury composé de spécialistes et d'éditeurs. En 1987, Galilée, le messager des étoiles de Jean-Pierre Maury, édité chez Gallimard, collection Découvertes, emporte le premier prix.

[101] Nous insistions déjà sur cet aspect dans notre article : Laigneau (M). « Un nouveau champ d'intervention : La culture scientifique, technique et industrielle ». Revue internationale de l'action communautaire, n° l5/55,1986.

[102] Cf. Fayard (P). La communication scientifique publique. De la vulgarisation à la médiatisation. Lyon, Chronique sociale, 1988. Dans cette problématique, il est possible de se demander si le ressort fondamental n'est pas de trouver des débouchés aux étudiants en communication, la médiation autour des sciences constituant un support « noble » et valorisant.

[103] Les recherches de Ph. Roqueplo vont particulièrement dans ce sens : Le partage du savoir, Paris, le Seuil, 1974, et les écrits postérieurs.

[104] Le lancement d'une nouvelle émission scientifique sur TFl, fin 1988 « Demandez la lune », coproduite par la Cité des sciences et de l'industrie est représentative d'un nouveau style pour intéresser des téléspectateurs. La clé d'entrée dans la science est l'« étrange », l'inexplicable, voire le paranormal. Le téléspectateur ne sait plus tellement s'il regarde une émission de divertissement ou une émission à prétention scientifique. Une mode d'ailleurs semble s'installer, mélangeant prestations de chanteurs ou d'acteurs et « informations » scientifiques. Si les émissions scientifiques ne font pas grimper l'audimat et s'il semble nécessaire que chacune d'entre elles se fabrique un style, certaines réalisations panachant tous les registres d'expression laissent des doutes quant aux conceptions que les journalistes ont des téléspectateurs ; sans doute le mépris domine-t-il !

[105] Une association, Expo Média, s'est spécialisée dans le recueil de recherches sur les expositions, tentant de publier régulièrement des Cahiers, prenant la suite des Cahiers de Peuple et Culture.

[106] Cf. Jacobi (D), Schiele (B) (sous la direction de) Vulgariser la science. Le procès de l'ignorance. Seyssel, éditions Champ Vallon, 1988. Cet ouvrage réunissant plusieurs contributions fait le point sur les diverses théories existantes.

[107] Avec la notion de « rupture épistémologique », Bachelard a souligné la discontinuité entre la connaissance commune et la connaissance scientifique. Cf. La formation de l'esprit scientifique. Paris, Vrin, 1949.

[108] Cf. La vulgarisation scientifique et son public, une enquête sur Science et Vie. Paris, CSE, EHESS, 1977.

[109] Conversations sur l'invisible de J. Audouze, M. Cassé, J.-C. Carrière, Paris Belfont, 1988, a connu dès sa sortie, un énorme succès. La presse s'est empressée de rapporter comment, pour épouser l'esprit du temps, inviter des astrophysiciens à sa table constituait une préoccupation d'importance pour les personnes désirant se faire remarquer. Les astrophysiciens sont en passe de supplanter les nouveaux philosophes, d'autant plus qu'ils manient aisément les réflexions philosophiques. Cf. Le Nouvel observateur, 9-15 décembre 1988.

[110] Le Monde diplomatique se fait régulièrement l'écho des enjeux sociétaux qui se greffent autour des sciences et des technique. Cf. en particulier, Des sociétés malades de leur culture, Manière de voir I, été 1987.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 18 juillet 2024 12:31
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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