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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Examen thématique de l'apprentissage des adultes.
Pédagogie et apprentissage des adultes. État des lieux et recommandations
. ” (2001)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Sylvie Chiousse, Examen thématique de l'apprentissage des adultes. Pédagogie et apprentissage des adultes. État des lieux et recommandations. OCDE, 2001, 213 pp. [L'auteure nous a accordé son autorisation le 16 avril 2020 de diffuser toutes ses publications en libre accès dans Les Classiques des sciences sociales.]

[11]

EXAMEN THÉMATIQUE
DE L’APPRENTISSAGE DES ADULTES.
Pédagogie et apprentissage des adultes.
État des lieux et recommandations.

Introduction

UN CONTEXTE DE MASSIFICATION
DE L’ENSEIGNEMENT


Si la formation initiale est encore considérée comme étant le principal moyen « d'éducation [1] » de l'individu, le système de formation continue et de stages prend, depuis quelques décennies, de plus en plus d'ampleur et concourt au processus de massification de l’enseignement.

Les évolutions sociales (plus de temps libéré du travail, une attention particulière portée à l'amélioration des conditions de vie), les changements économiques (plus de temps de travail imparti à la formation, la mondialisation des échanges – avec la nécessaire « mise à niveau » que demande cette ouverture sur l’extérieur [2]) et les mutations dans l'entreprise sont quelques-uns des facteurs qui concourent à un contexte général de massification de l'enseignement. Les tendances actuelles dans l'entreprise visant à la polyvalence des salariés, à la délégation de pouvoirs et au travail en équipe créent les besoins d'un personnel toujours plus qualifié, ayant acquis de nouvelles techniques et des compétences particulières dans toute une série de domaines très divers, notamment celui de l'information et de la communication – qui s'immisce également dans la vie quotidienne. Pour faire face à tous ces changements, les besoins d'apprentissages nouveaux et de réactualisation des connaissances se font de plus en plus sentir pour toute une frange de la population, voire même pour toute la population – les jeunes comme les plus âgés, les peu scolarisés comme les hauts diplômés - et deviennent parfois inéluctables.

Vœu pieux ou processus au long cours, les projets de life long learning, l’éducation et la formation tout au long de la vie, peuvent répondre à ces demandes nouvelles – ou tout au moins plus pressantes. Encore faut-il que l'individu ait les moyens d'y recourir et que la formation proposée lui apporte effectivement la plus-value attendue. Ce que l’on entend par « moyens de recourir à la formation » ne se décline pas uniquement en éléments économiques – bien que ceux-ci aient leur importance. Il faut aussi que l'individu soit motivé pour apprendre, qu'il ait le sentiment d'avoir quelque chose à y gagner – que cela s'exprime en mieux-être et dans la perspective d'une meilleure insertion ou reconnaissance sociale dans le cadre d'une formation librement choisie hors de toute [12] directive professionnelle – ou que cela puisse prendre la forme d'une promotion ou du projet d'acquérir un travail plus enrichissant (dans tous les sens du terme) lorsque la formation envisagée se développe dans le cadre de l'entreprise par exemple.

Si la formation continue concerne aujourd'hui aussi bien une population active déjà en poste et souhaitant se spécialiser que des individus visant seulement un développement personnel, il faut noter qu'elle prend de plus en plus la forme d'un secteur de services aux entreprises [3] (exemple de la France, encadré 1). Entre l'un et l'autre publics (individu et entreprise), les demandes et les formes que doivent prendre cette formation seront différentes. Aussi, les capacités et aptitudes des individus qui recourent à la formation sont très diverses. De même, les attentes sont différentes. Les entreprises et administrations commanditaires, si elles envisagent le développement de l'individu, formulent essentiellement, elles, leurs demandes en termes de résultats à atteindre et de performances à accomplir.

*

Encadré 1.

Des politiques et des stratégies régionales différentes

Le secteur de la formation des adultes s’est beaucoup développé ces dernières années et répond à des choix politiques, économiques, sociaux et culturels. De nombreux systèmes de formation sont apparus. Ces choix et les systèmes qui en résultent sont déterminés par l’histoire, les données géographiques, économiques, sociales et politiques de chaque pays suivant les problèmes auxquels ils doivent faire face – en termes de restructurations, de lutte contre le chômage et l’exclusion, etc.

Dans la plupart des pays de l’Union européenne, comme dans les pays de l'OCDE, l'apprentissage des adultes en cours de vie a pris de plus en plus d'ampleur. Certains pays ont même un ministère réservé exclusivement à la formation (qu’elle soit appelée « professionnelle », « continue » ou « des adultes »). C’est le cas, en l’occurrence, de l’Allemagne, alors que la France n’en a qu’un secrétariat d’État couplé aux droits des femmes. D’autres pays, après avoir fortement misé sur l’éducation des adultes, commencent déjà à n’y voir plus que de la (re)qualification professionnelle. C’est notamment ce que l’on trouve au Québec où d’importantes innovations sont lancées pour développer les services d’éducation – ou d’extension de l’enseignement – pour les adultes dans les années 60-70.

Les années 80, tout en se positionnant comme une décennie d’institutionnalisation de l’éducation des adultes, entame un tournant (la commission d’étude sur la formation des adultes est créée en 1980) mais ce sont de plus en plus des associations professionnelles qui s’occupent alors de ces apprentissages pour les adultes. Le gouvernement réduit les budgets alloués pour l’éducation des adultes – y compris en ce qui concerne l’alphabétisation. La formation professionnelle passe du ministère de l’Éducation à celui de la Main-d’œuvre et de la Sécurité du revenu. L’économie devient la préoccupation majeure, l’éducation des adultes est d’abord identifiée au marché du travail et les buts [13] poursuivis sont désormais beaucoup plus ceux d’une formation (professionnelle) plutôt qu’une éducation pour combler les lacunes d’une instruction insuffisante.

L’entrée en vigueur en 1990 de la loi imposant aux entreprises de consacrer 1% à la formation du personnel accentue encore plus l’ancrage de la formation de la main-d’œuvre en dehors des milieux éducatifs.

En France en 1995, la formation continue des adultes constitue un secteur économique dont le budget avoisine les 135 milliards de francs, fait vivre un peu plus de 32 600 dispensateurs de formation. L'État, commanditaire, employeur et formateur structure toujours fortement cette micro-économie, même si les organismes privés accueillent désormais 4 stagiaires sur 5 et réalisent environ 80% des recettes.

Tous les pays ne sont pas à la même enseigne et les budgets alloués à l’apprentissage des adultes sont plus ou moins importants. La population qui en bénéficie est également très différente d’un lieu à l’autre – plus ou moins formée, plus ou moins motivée (pour diverses raisons et en fonction des dispositifs mis en place). Les priorités sont aussi différentes : dans certains cas, c’est l’épanouissement personnel qui est mis en avant, dans d’autres (voir l’exemple du Maroc), c’est l’intérêt de l’entreprise et de l’économie qui est prioritaire, et l’intérêt personnel de l’individu est secondaire.

La participation à l’éducation et à la formation des adultes est inférieure en Irlande, par exemple, à la moyenne de l’OCDE. En outre, la moitié des adultes irlandais – de 25 à 64 ans – n’a pas achevé sa scolarité secondaire (le taux de réussite est de 60% pour l’ensemble de l’OCDE). La massification de l’enseignement et les nouvelles qualifications universitaires risquent de laisser de plus en plus à la traîne les adultes qui n’ont pas mené à terme leur scolarité secondaire et ceux qui ne poursuivent pas des études supérieures (Wagner, 1998).

Un nouveau programme – à long terme – portant sur « Les espaces de rénovation et les leviers de changement » a été initié en 2000 au Maroc. Il concerne à la fois l’éducation et la formation et s’adresse à toute la population et notamment aux moins formés et aux analphabètes. En ce qui concerne les adultes, si on reconnaît – entre les lignes parfois – l’intérêt porté à l’apprentissage à des fins personnelles (mieux-être, reconnaissance sociale) c’est en priorité la formation du travailleur qui est privilégiée et son adaptation au travail en vue d’un meilleur rendement de l’entreprise (dans la perspective de la mondialisation). Ainsi, comme le stipule l’article 52 : « la formation continue est un facteur essentiel pour répondre aux besoins en compétences des entreprises et les accompagner dans le contexte de la globalisation des économies et de l’ouverture des frontières, en permettant l’adaptation et le développement des qualifications, suivant les évolutions technologiques et les nouveaux modes de production et d’organisation. Elle contribue à assurer la compétitivité du tissu productif, favorisant ainsi la préservation de l’emploi et l’accès à de nouveaux métiers et améliore, par voie de conséquence, les conditions économiques et sociales des apprenants.

[…] article 56 : « Le système de formation continue sera articulé autour de la logique du marché, seule capable d’accompagner de manière dynamique les besoins en compétences des entreprises.

[…] article 58 : Il convient alors de renforcer la dynamique d’investissement dans les ressources humaines au sein des entreprises et de sensibiliser les individus de leurs droits et de leurs devoirs en matière de formation continue ».

Cette réforme du système de formation continue au Maroc consiste donc essentiellement à accompagner les besoins des entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises, dans les secteurs considérés comme stratégiques. Il est prévu de faire participer chaque année « au moins 20% des travailleurs, employés et fonctionnaires à des actions de formation continue » - ce qui, de toute façon, constitue en soi un progrès dont la population pourra bénéficier même si l’intérêt premier est celui de l’entreprise.

[14]

[Voir Atchoarena (1995), Caspar (1996), Cedefop Info (2000), COSEF (1999), Dessaint et Boisvert (1991), Jarvis (1992), NESC (1999) et le site www.raapfa.qc.ca (regroupement des associations d’andragogues et de professionnels de la formation des adultes) notamment].

*


Cette massification de l'enseignement, après la période strictement scolaire [4], mérite que l'on s'y intéresse de plus près, que l'on tente d'en découvrir les tenants et les aboutissants pour mieux en comprendre le phénomène, ses mécanismes et ainsi pour mieux pouvoir répondre à ces besoins de formation.

La tâche est ardue et le champ d'investigations et de pratiques à cerner est vaste – tant les confusions sont grandes encore entre les différents concepts et leurs pratiques. La frontière entre l'éducation, l'instruction ou la formation des enfants et des adolescents et celle des adultes n'est pas vraiment bien définie finalement. De même que la distinction qu'il peut exister entre ce qui relève du savoir ou de la connaissance de ce qui renvoie plus à des capacités ou des aptitudes et ce qui est plus du ressort de la compétence ou de la performance par exemple… et ce n'est pas tant le vocabulaire qui nous manque – quelle que soit la langue utilisée – que la clarté d'esprit suffisante pour faire la part entre les concepts et les phénomènes ou pratiques auxquels ils renvoient [5] (annexe 1).

Les différents termes relatifs à l'enseignement ou l’apprentissage posent donc problème quant à leur usage. A cette difficulté, s’ajoute l'apparition de nouvelles notions – à connotation psychologique - telles que « l'apprenant », le « médiateur », « l'éducabilité » qu’il faut également maîtriser. Et l’on trouve de même une certaine dérive ou utilisation plus connotée accordée à certains substantifs : on parle beaucoup plus facilement aujourd’hui de « formateur » plutôt que d’instructeur en matière d’apprentissage des adultes – tout comme on préfère le terme d’enseignant à celui de « maître » lorsqu’il est question des plus jeunes. Ces choix ne sont évidemment pas neutres et confortent – et/ou se conforment - aux nouvelles directives des pédagogies mises en œuvre (Sections 1.2. et 1.3.). [15] Il devient alors assez malaisé de s’entendre sur les termes à utiliser et de distinguer « à bon escient » ce à quoi ils renvoient… à moins de considérer qu’il n’y a pas de différence entre la formation, l’éducation, l’apprentissage et que les pratiques d’enseignement pour les enfants se retrouvent à l’identique pour les adultes, ce qui ne saurait – ou tout au moins ne devrait pas - être tout à fait le cas (Sections 1.1. sqq).

Quel que soit l’âge de l’individu et la forme que prend l’apprentissage, la structure apprenante est généralement composée d’un sujet apprenant, d’un objet d’apprentissage et d’une situation d’apprentissage, ce que nous aborderons successivement dans les sections 2 et 3 de ce rapport, avant de tenter d’en dégager un bilan et des recommandations particulières (Section 4).

Les évolutions économiques, sociales, managériales conduisent à une massification de l’enseignement. On privilégie désormais les possibilités de « formation tout au long de la vie » selon la formule maintenant consacrée. Diverses politiques se mettent en place de manière assez disparates pour faire face à ces besoins de plus en plus émergents et toujours plus pressants d’apprentissage – d’où une certaine confusion dans les dispositifs mis en œuvre, une grande hétérogénéité des publics amenés à y faire appel et les attentes des uns et des autres.
Ces disparités doivent être prises en compte.

[16]


[1] Voir Lexique en annexe 1 pour des essais de définitions des différents termes utilisés dans ce champ comme éducation, formation, apprentissage, instruction…

[2] Voir l’article 52 du Programme de réforme de la formation continue au Maroc, encadré 1.

[3] Voire une véritable économie de service « où se développent une logique client-fournisseur, des normes de qualité, complétées par des procédures de certification et des comportements de concurrence » (Caspar, 1996).

[4] Le processus de massification de l’enseignement ne concerne pas exclusivement la période scolaire. Cette massification touche aussi largement la période post-scolaire et donc les adultes : le développement des services de formation continue en témoigne et c’est ce dont il est question ici.

[5] Clarifier les termes à utiliser et les éléments ou concepts qu'ils regroupent ou recoupent demanderait sans doute un chapitre entier… et demanderait sans doute aussi d'entrer dans des considérations plus techniques qu'il est peu nécessaire de développer ici. Nous renvoyons donc en annexe 1 pour un glossaire – succinct – des termes les plus fréquemment employés.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 30 mai 2020 10:47
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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