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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

L’autre moitié du développement. À propos du travail des femmes en Haïti. (1986)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre du Mireille Neptune ANGLADE, L’autre moitié du développement. À propos du travail des femmes en Haïti. Port-au-Prince, Haïti: Les Éditions des Alizés & Erce, 1986, 261 pp. Préface par Andrée MICHEL. Une édition numérique réalisée avec le concours de mon épouse, Diane Brunet, bénévole, guide de musée retraitée du Musée de la Pulperie de Chicoutimi. [Georges Anglade nous a accordé le 28 mai 2009 l’autorisation de diffuser en libre accès libre à tous l’ensemble de ses publications ainsi que celles de son épouse, Mireille Neptune Anglade, dans Les Classiques des sciences sociales.]

[9]

L’autre moitié du développement.
À propos du travail des femmes en Haïti.


Préface

Dès le début de la Décennie de la Femme proclamée par l'ONU, cet organisme a invité les chercheuses du monde entier à étudier la situation des femmes les plus pauvres, catégorie sociologique jusqu'ici ignorée et méprisée dans les recherches universitaires. C'est cette tâche, que Mireille Neptune Anglade, aidée par une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, a remplie excellemment dans cet ouvrage sur le travail des femmes en Haïti. Elle y révèle une double maîtrise :

- maîtrise de l'information puisqu'elle situe son identification du travail des femmes dans le contexte de l'histoire d'Haïti, dans l'espace socio-économique du sous-continent latino-américain et dans le cadre de la spécificité de la situation haïtienne,

- maîtrise du contenu du thème traité puisqu'elle n'omet aucun aspect du travail des femmes, qu'il s'agisse du travail domestique non payé ou du travail marchand, salarié ou non salarié, la spécificité du travail des Haïtiennes étant liée au "contrat invisible de sexe", contrat par lequel les hommes abandonnent aux femmes certaines occupations professionnelles pour que celles-ci remplissent leurs tâches éducatives et de soutien économique du foyer.

Tout au long de cette étude, Mireille Neptune Anglade révèle également comment le travail des femmes enrichit les hommes dans une économie de pauvreté :

- les chefs d'entreprises industrielles peuvent payer à bas prix leurs salariés puisque le coût de la reproduction de la force de travail est abaissé par les très faibles marges de profit des vendeuses des vivres ;
[10]
- les paysans producteurs de denrées commerciales y trouvent aussi leur compte ;

- les époux ou les compagnons dans le système du placage, à défaut de plus-value marchande, en retirent "un profit" en services domestiques gratuits, en temps libéré pour les loisirs, pour le travail marchand ou pour une formation continue, etc.

L'un des constats les plus intéressants de la recherche de Mireille Neptune Anglade est celui de la prise de conscience de leur exploitation par les femmes haïtiennes : tout le monde n'a pas droit à la dignité humaine ("Tout le monde n'est pas monde" disent-elles), car ainsi que le signale l'auteur : "rien que survivre au jour le jour est une gageure souvent dégradante". Elle confirme ainsi la thèse de Georges Zeidenstein du Population Council, selon laquelle les femmes des pays pauvres, loin d'être attardées comme se l'imaginent les agents du développement, sont conscientes des obstacles à leur survie quotidienne. Un seul exemple illustre cette thèse dans l'ouvrage de Mireille Neptune Anglade : à Haïti comme ailleurs dans les pays de la périphérie, "la plupart des femmes exposées au risque de grossesses additionnelles tant en milieu rural qu'en milieu urbain, ne désiraient plus d'enfants ou étaient indécises", car elles comprennent très bien que plus elles auront d'enfants, plus leur charge de travail sera lourde, plus elles seront appauvries et moins souvent elles pourront envoyer leurs enfants à l'école. Les obstacles au développement ne sont donc pas les blocages dans l'intelligence des femmes, ils se trouvent avant tout dans les blocages extérieurs comme le souligne l'auteur : dans une économie héritée du passé colonial qui a ruiné l'agriculture, dans la soumission, jusqu'à la récente révolution, de l'État national aux intérêts du capital étranger et à un modèle unidimensionnel de développement. Ce sont ces blocages qui ont paralysé la création des services et infrastructures qui auraient pu répondre à la satisfaction des besoins fondamentaux des femmes dans le domaine de la nutrition, de la scolarisation, de l'hygiène et de la santé (absence quasi-totale de centres de santé). Le droit fondamental des Haïtiennes à la satisfaction des besoins essentiels et au contrôle de la procréation fait partie des "droits des humains" définis par les grandes organisations internationales (ONU, OMG, FAO, etc.) mais il requiert pour sa réalisation une révision des priorités du développement et la participation pleine et entière des femmes à la définition de ces priorités et aux mesures susceptibles de les mettre en œuvre. Le mérite, entre [11]

autres, de l'ouvrage de Mireille Neptune Anglade est de rappeler ces évidences - que le simple bon sens devrait imposer mais qui jusqu'ici ont été niées ou ignorées - non seulement aux spécialistes des recherches sur le développement mais à tous ceux et celles qui ont et auront à charge de sortir Haïti d'une situation d'extrême pauvreté où l'a plongé l'adoption d'un modèle de développement unidimensionnel, importé de l'Occident et basé jusqu'ici sur le mépris de "l'autre moitié du ciel".

Andrée Michel

Directrice de recherche au CNRS (Paris)
Groupe d'étude des rôles des sexes, de la famille
et du développement humain

[12]



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 18 mars 2021 10:22
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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