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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Les Annales de bambou.
Tablettes chronologiques du Livre écrit sur bambou (1841-1842)
Introduction


Une édition électronique sera réalisée à partir du texte de TCHOU-CHOU-KI-NIEN, Les Annales de bambou. Tablettes chronologiques du Livre écrit sur bambou. Traduits et annotés par Edouard BIOT (1803-1850). Article paru dans le Journal asiatique : 1841, T. 12, pp. 537-578, et  1842, T. 13, pp. 203-206 et 381-431. Reproduit en fac-similé sur le site  Gallica de la B.N.F. Une édition réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris.

Introduction

B20. — TCHOU-CHOU-KI-NIEN, Annales de bambou,
traduits et annotés par Édouard BIOT.

L’ouvrage qui porte ce nom est une ancienne chronique qui fut trouvée, l’an 284 de notre ère, dans un tombeau des princes de Weï, aux envi-rons de Weï-hoeï-fou du Ho-nan boréal. Les deux premiers caractères, Tchou-chou, signifient Livre de bambou. Les deux autres, Ki-nien, signifient Mémoires ou Tablettes par années. L’ouvrage était écrit sur des planchettes de bambou desséché, comme on écrivait en Chine avant la découverte du papier, attribuée à Moung‑tien, sous le règne de Thsin-chi hoang. De là lui vient le nom de Livre de bambou, Tchou-chou. Son nom complet peut se traduire ainsi : Tablettes chronologiqùes du livre écrit sur bambou.

Ces tablettes présentent un abrégé de l’histoire chinoise, depuis Hoang-ti jusqu’à l’an 299 avant notre ère. Les années de chaque règne y sont comptées, et celles de l’avènement de chaque souverain sont marquées des caractère du cycle de 60 : mais il n’est pas sûr que cette notation n’ait pas été ajoutée par ceux qui furent chargés d’expliquer le texte primitif. Ce texte était écrit en an-ciens caractères. Plusieurs endroits étaient effacés et rongés des vers. On déchiffra ces vieux caractères au moyen des catalogues de comparaison déjà dressés pour identifier les anciens caractères avec ceux qui étaient alors en usage. Après un long examen, le Tchou-chou fut reconnu pour une an-cienne chronique écrite avant le règne de Thsin- che-hoang : Gaubil, Traité de chronologie, page 114, dit que

« le Tchou-chou passe pour avoir été écrit par les historiens ou annalistes du royaume de Weï, dont la capitale était, ou la ville actuelle Weï-hoeï-fou, ou très voisine de cette ville.

Dans les dernières pages du Tchou-chou, les noms de divers cantons sont cités comme dépendants du pays des auteurs de cet ouvrage, qui les appellent ngo (notre) ; et, d’après l’identification de ces localités avec les noms actuels, on en conclut que les rédacteurs du Tchou-chou étaient effectivement du royaume de Weï.

Deguignes le père a inséré des extraits du Tchou Chou dans ses Additions à la traduction du Chou-king par Gaubil. Deguignes s’est servi du Tchou-chou, ainsi que du Kang-mo, pour intercaler entre les faits cités par le Chou-king une sorte d’abrégé des traditions anciennes, généralement adoptées en Chine. Naturellement il a passé beaucoup de phrases du texte, et il a terminé ses extraits à l’an 697 avant notre ère, où s’arrête le Chou-king, tandis que le récit du Tchou-chou continue encore pendant quatre siècles. J’ai pensé que cette ancienne chronique, qui a eu beaucoup de célébrité en Chine, méritait d’être connue autrement que par des extraits, et je l’ai traduite en entier.

Le Tchou-chou est particulièrement remarquable comme étant le seul ouvrage ancien qui présente une chronologie régulière et complète pour les premiers temps de la Chine. En effet, Sse-ma-thsien ne donne, pour les deux premières dynasties, que le dénombrement des règnes ou successions de rois, qu’il appelle générations, et il n’y a, comme on le sait, aucune chronologie régulière dans le Chou-king. La chronologie régulière du Tchou-chou fut donc accueillie avec beaucoup de faveur à l’époque où l’on découvrit ce livre, et elle fut regardée comme irrécusable par les lettrés qui vivaient sous les Tsin et sous les Thang. Mais ensuite un examen plus attentif a montré que cette chronologie présentait elle-même de graves incertitudes pour les anciens temps.

On sait que la base la plus sûre de la chro-nologie ancienne repose sur la concordance des époques des éclipses solaires notées dans l’histoire, avec celles que le calcul déduit de la théorie des mouvements du soleil et de la lune, aujourd’hui parfaitement connue. D’après cela, la chronologie certaine de l’histoire chinoise ne remonte pas p.540 au-delà de l’année 776 avant J. C., dans laquelle eut lieu l’éclipse solaire citée par le Chi-king, éclipse dont la vérification paraît incontestable. Les Chinois eux-mêmes prennent pour première époque certaine de leur chronologie la première année de la fameuse régence Koung-ho, qui correspond à l’an 841 avant J. C., et n’est antérieure que de soixante--sept ans à l’année de l’éclipse du Chi-king. Sse-ma-thsien et le Tchou-chou sont d’accord depuis cette époque fondamentale. Mais, si nous examinons la chronologie antérieure, nous trouvons que le Tchou-chou fixe à l’an 996 avant J. C. la douzième année de Khang-wang, deuxième successeur de Wou-wang. Or, Gaubil démontre dans son Traité de chronologie, 3e partie, page 125, que cette date ne peut concorder avec le texte du Chou-king, cha­pitre Pi-ming, où il est dit :

« A la sixième lune de la douzième année, jour Keng-ou, la clarté parut.

Selon tous les commentateurs, les caractères Keng-ou doivent ici s’appliquer au troisième jour de la sixième lune, douzième année de Khang-wang. D’après cette explication, et la succession des cycles de soixante ans avant J.-C. (Gaubil, Chronologie, page V de l’avertissement), ces caractères doivent fixer la douzième année de Khang-wang à l’an 1056 avant notre ère ; il y aurait donc ici soixante ans ou un intervalle d’un cycle entier à ajouter au Tchou-chou. Toutefois il faut observer qu’il y a du vague dans les expressions du chapitre Pi-ming.

Pour les temps antérieurs, toute l’ancienne chronologie chinoise dépend de la date de la célèbre éclipse rapportée dans le Chou-king sous l’empereur Tchoung-khang, 4e successeur de Yu. Le texte du Chou-king dit seulement :

« Au premier jour de la dernière lune d’automne, le soleil et la lune, dans leur conjonction, ne furent pas d’accord dans la division stellaire Fang. L’aveugle a frappé le tambour.

On connaît très bien les limites de la division stellaire Fang ; mais le Chou-king ne donne ni la date de l’année, ni même les caractères cycliques du jour. Le Tchou-chou place l’époque de l’éclipse à la cinquième année de Tchoung-khang, désignée dans son texte par les caractères Koueï-sse, et au premier jour de la neuvième lune d’automne, désigné par les caractères Keng-su. En calculant ces données à l’aide des Tables, pages V et 191 du Traité de chronologie chinoise, on trouve, comme Gaubil, que l’éclipse dut avoir lieu le 28 octobre 1948 avant J.-C. : seulement, comme la première lune de l’année des Hia était celle qui précédait immédiatement l’équinoxe vernal, la neuvième lune se trouve commencer à une époque avancée de l’an-née. Gaubil a rejeté cette date, en disant « qu’il était clair que l’éclipse ne put avoir lieu ce jour-là. » Mais, comme les Tables lunaires ont subi des rectifications considérables depuis le temps de ce missionnaire, il semblait utile que la possibilité d’une éclipse pour une année si bien désignée fût de nou-veau calculée.

En partant de la correction de 60 ans à faire au Tchou-chou pour la dynastie Tcheou, l’éclipse de Tchoung-khang serait reportée à l’an 2008. Cassini avait reconnu l’existence d’une éclipse considérable de soleil pour le  25 octobre de l’an 2007, et Fréret, négligeant la différence d’une année, avait adopté cette date pour celle de l’éclipse de Tchoung-­khang. Mais Gaubil a annoncé dans sa Chronologie, et M. Largeteau, adjoint du Bureau des longitudes, a vérifié, avec les Tables actuelles, que cette éclipse de l’an 2007 n’avait pu être visible en Chine. Gaubil, s’appuyant sur la computation généralement adoptée par les historiens chinois modernes, avait été conduit à penser que la cinquième année de Tchoung-khang était l’an 2155 avant J. C. ; et il avait trouvé pour cette année une éclipse visible le 12 octobre à la latitude de la cour présumée des rois de Hia (Chronologie, 3e  partie, page 245). Mais les Tables lunaires dont se servait Gaubil ont été rectifiées depuis lui, et M. Largeteau a constaté, sur la demande de mon père, que l’éclipse signalée par ce missionnaire pour l’an 2155 n’avait pu être visible en Chine. Mon père a rendu compte de ce travail dans le Journal des Savants, avril 1840.

Les astronomes de la dynastie Soui, le bonze Y-hang sous les Thang et plus tard le célèbre Ko-tcheou-king, au temps des Youen, ont adopté une autre époque. Ils ont conservé les caractères du jour et de l’année marqués dans le Tchou-chou, remontant trois cycles plus haut, ils ont trouvé p.543 pour le 13 octobre 2128 avant J.-C., une éclipse considérable, dont la date s’accorderait avec les ca-ractères du Tchou-chou. Le 13 octobre est, d’ailleurs, une époque convenable pour le commence-ment de la neuvième lune ; mais on devrait alors ajouter dans le Tchou-chou, outre la correction de soixante ans pour les derniers temps de la dynastie Tcheou, cent vingt ans pour la durée de la dynastie Chang : car il ne paraît pas à Gaubil que la chrono-logie de la dynastie des Hia, dans ce livre, doive subir aucune correction importante.

L’éclipse du 13 octobre 2128 a été calculée, en 1837, avec nos tables modernes, par un savant anglais, M. Rothman. Le mémoire de M. Rothman est imprimé dans les Transactions philosophiques de 1840, et le résultat de ses calculs confirmerait parfaitement l’opinion des astronomes chinois ; mais ces calculs ont été repris par M. Largeteau, qui y a reconnu une erreur évidente. M. Largeteau a constaté, tout au contraire, que l’éclipse du 13 octobre 2128 n’avait pu être vue en Chine, à la la-titude de 34 ou 35 degrés, qui correspond à la position approximative de la cour de Tchoung-khang. Il ne lui a pas paru non plus que le 28 octobre 1948 offrît de meilleures conditions.

Ainsi l’on reste dans une complète incertitude sur l’époque de cette fameuse éclipse de Tchoung-khang, et j’ai dû, pour la notation des années du Tchou-chou, reproduire simplement la succession régulière des cycles, telle qu’elle est marquée dans le texte, et sans y hasarder aucune correction.

Cet abrégé historique se divise en deux livres. Le premier contient les temps anciens depuis le règne de Hoang-ti, les dynasties de Hia et de Chang. Le second renferme l’histoire de la dynastie Tcheou, jusqu’à l’an 299 avant notre ère. L’auteur ou les auteurs ont pris le même point de départ que Se-ma-thsien. Comme lui, ils se sont servis évidemment des traditions du Chou-king et du Chi-king pour les principaux événements des anciens règnes. Ils ont fait aussi de fréquents emprunts au Koue-yu, au Tchun-thsieou et au Tso-tchouen, quoiqu’ils soient très concis sur les événements des VIe et Ve siècles avant notre ère.

J’ai traduit sur le texte de deux éditions appar­tenant à la Bibliothèque royale. L’une est dans le premier tome de la collection des Han et des Weï, intitulée Han-weï-thsoung-chou. La deuxième fait partie d’une autre collection intitulée Niên-i-tchoung-pi-chou, les Vingt et un livres secrets. Les premiers commentateurs de ces éditions ont écrit sous les Liang, au commencement du VIe siècle de notre ère.

J’ai traduit tout le texte principal. Je n’ai pas cru devoir traduire exactement tout le texte de deuxième ordre, formé des explications ou additions des commentateurs. Ces additions se compo-sent de fables sur les anciens temps, ou d’évènements extraits d’autres textes. J’ai tâché d’identifier, autant que possible, les noms des localités citées avec les noms actuels : Deguignes a presque toujours négligé cette identification dans ses extraits du Tchou-chou. Elle m’a été très facilitée par le vocabulaire de concordance des noms des villes que j’imprime en ce moment.

Il y a dans le T’chou-chou des passages que leur concision excessive rend très peu clairs. Le nombre n’en est pas très considérable dans le premier livre, qu’on lit assez aisément en s’aidant de quelque connaissance de l’histoire chinoise. Mais le 2e livre présente des difficultés sensibles en certains endroits, surtout vers la fin, où le texte manque à la date de plusieurs années, et où il semble quelquefois être défectueux. Malheureusement le commentaire des deux éditions que j’ai pu consulter n’éclaircit aucunement ces difficultés. Il est presque nul pour la fin du 2e livre, et ceci me méritera peut-être quelque indulgence, si mon travail doit être repris, plus tard, par des personnes aidées de commentaires plus développés.

La forme de la narration est généralement très­ sèche dans le Tchou-chou ; ce défaut se retrouve aussi dans d’autres ouvrages anciens très estimés en Chine, tels que le Tchun-thsieou, de Confucius, et les Pen ki, ou Mémoires historiques de Sse-ma-thsien sur les premiers temps.

Je finis en remerciant M. Stanislas Julien des excellents secours qu’il a bien voulu me donner, avec une extrême complaisance, pour vaincre toutes les difficultés que j’ai soumises à son examen. Si ma traduction ne semble pas trop imparfaite, c’est à lui que je le devrai.


Retour au livre de l'auteur: Tchou-Tchou-Ki-Nien Dernière mise à jour de cette page le Mercredi 06 juillet 2005 09:29
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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