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Collection « Les auteur(e)s classiques »
Une édition électronique réalisée à partir du texte d'Emmanuel Mounier (1905-1950), “Faut-il refaire la Déclaration des Droits ? Projet d’une Déclaration des Droits des personnes et des collectivités.” Un article publié dans la revue Esprit, 13e année, 1er décembre 1944, pages 118-127. Une édition numérique réalisée par Pierre Palpant, pré-retraité, Paris, bénévole. Extrait. 1. Les États sous‑signataires reconnaissent l’autorité sur les individus et sur les sociétés d’un certain nombre de droits attachés à l’existence de la communauté humaine. Ces droits ne dérivent ni de l’individu ni de l’État. Il n’existe pas d’individu isolé. L’État est le gardien, il n’est pas le créateur du droit. 2. Ces droits ne se présentent jamais à nous qu’engagés dans des sociétés concrètes ou exprimés dans des droits positifs. Mais ils ne sont jamais épuisés par ces expressions. Loin d’en tenir l’autorité, ils la leur donnent. Loin d’en recevoir leurs limites, ils les leur dictent. 3. Ils ont une double racine : 1° La fin directrice de toute société est le bien des personnes qui la composent ; le but de toute organisation sociale, la mise en œuvre des meilleurs moyens pour élever chacun au libre choix, à l’action responsable, à la communauté voulue. Le pouvoir qu’une société détient sur ses membres a pour limites absolues l’espace nécessaire à chacun pour poser librement les actes essentiels de son destin et pour apporter aux sociétés dont il relève le profit de son initiative. 2° Les personnes humaines vivent et se développent normalement au sein des communautés naturelles où elles sont placées : famille, nation, communauté de travail, groupements d’affinités ou de croyances. Abstrait de ces communautés, l’individu n’est rien, séparé d’elles il s’étiole ou subvertit le milieu. Il n’est appelé à s’écarter d’elles ou à s’y opposer que pour les dépasser et les récréer plus vivantes. 4. Les communautés et les personnes ont entre elles des rapports de coordination et des rapports de hiérarchie. Seuls, les premiers ne donneraient qu’une société fragmentaire, les seconds, une société figée. La vie sociale est faite de leur concurrence. 5. L’État est à la fois un pouvoir et une administration au service de cet équilibre. Il protège l’indépendance des personnes contre la tyrannie toujours menaçante des groupes, et, la vie des communautés contre l’anarchie toujours renaissante des individus. Au delà, il abuse de son pouvoir. Un organisme indépendant des États et composé de magistrats inamovibles est habilité pour juger de ces abus et dénouer souverainement les conflits qu’ils entraînent. Il définit les crimes d’État.
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