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Collection « Les auteur(e)s classiques »

L'ÉGALITÉ DES CHANCES (1884)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Louis-Joseph JANVIER, L’ÉGALITÉ DES RACES. Paris : Imprimerie G. Rougier et Cie., 1884, 275 pp. Édition réalisée à partir d’un facsimilé réalisé par Google Livres, 2005.

[5]

L'égalité des chances.

Avant-propos

Les pages que l'on va lire ont déjà paru dans le numéro de la Revue de la Jeune France du 1er août 1883 et sous ce titre : M. Renan et l'Égalité des races : Bretons et Nègres.

Je les avais rédigées avec l'intention bien arrêtée de les mettre plus tard au service d'une idée politique.

Aujourd'hui, je sonne un coup de clairon pour convier la jeunesse haïtienne au grand combat de l'intelligence pour la lumière.

Les insurrections qui, l'an passé, ont [6] arrêté une nouvelle fois la marche en avant de la République haïtienne sont œuvres de politiciens monstrueusement pervers, lesquels, spéculant sur la cupidité ou ignorance des uns, comptant sur la sensibilité, la sentimentalité des autres, n'ont pas craint de mener leur pays à deux doigts de l’abîme.

Si la jeunesse haïtienne avait mieux compris ses intérêts médiats et immédiats, ses devoirs envers la patrie, si une éducation hautement civique, fortement politique, vraiment pratique éclairait, illuminait son cerveau, elle se serait levée en masse, l'année dernière, pour aller se mettre au service du gouvernement, pour aller l’aider à rétablir tordre, à redonner au pays la stabilité, la quiétude dont il avait besoin pour continuer de grandir ; les citoyens qui pouvaient tenir une plume alors eussent [7] pensé à la nation au lieu de songer à leurs parents, ils n'eussent point eu peur de donner des conseils, de défendre leur patrie calomniée, vilipendée, menacée ; et, ceux qui ne sont devenus des hommes que parce que le paysan haïtien a prodigué son or pour les faire instruire, n'eussent point renié sa cause pour embrasser avec ostentation de platitude celle de ses exploiteurs et de ses diffamateurs.

Plus on est ignorant, plus on est égoïste ; plus on cache au fond de son cœur de timides, d'envieux ou de lâches pensers ; plus on croit à la réussite des ruses enfantines et méprisables ; plus on prône l'excellence, l’infaillibilité du système des duplicités ignominieuses et viles ; plus on s'arrête avec complaisance aux compromissions humiliantes ; plus on excuse les honteuses capitulations de conscience, les [8] crapuleuses abjections morales ; plus on admet les renoncements ineptes ; moins on ose parler, agir pour le bien du plus grand nombre, pour l’honneur de tous.

Ceux qui veillent en ce moment aux destinées de la nation ont grande, très grande tâche à accomplir. Qu'ils comprennent leur mission ! Qu'ils se soutiennent de ne pas trop se presser et de ne pas se confier aux étrangers fallacieux ! Qu'ils se souviennent de ne pas s'endormir dans une sécurité fausse, dans une sécurité désarmée.

La terre restituée au paysan, il leur reste à instruire, à éduquer le paysan. Le suffrage universel sans ^instruction obligatoire, est en même temps une duperie et une arme à deux tranchantsi un immense malentendu et un instrument très dangereux entre les mains des partis politiques [9] d'un même pays. Chaque électeur doit savoir dans quel but il vote en faveur du candidat qui lui demande son suffrage.

Plus un pays est instruit plus il est florissant ; plus la sécurité y est assurée, plus il grandit vite ; plus il lit, plus il comprend que les luttes de la politique, nécessaires et fécondes lorsqu'elles sont pacifiques, deviennent stériles, ruineuses et même dégradantes lorsque ceux qui aspirent à gouverner le peuple ne veulent pas commencer par obéir aux lois, par s'incliner devant les décisions de l'opinion publique, par respecter la volonté de la nation clairement, nettement exprimée.

Pour toutes ces raisons, l'instruction doit être généralisée, obligatoire. Il faut que chacun connaisse tous ses droits afin de bien remplir ses devoirs.

Les naïfs et les intéressés n'ont pas [10] manqué de croire et de dire que le gouvernement reculait vers l'ombre lorsqu'ils ont lu, sur le Moniteur haïtien du 21 Juin 1884, dans une partie de l’Exposé général de la situation présenté aux Chambres, que quelques écoles rurales avaient été supprimées. C’est une reculade pour prendre élan. Elles ont été fermées provisoirement parce qu'elles ne pouvaient fonctionner d'une manière convenable, faute d'instituteurs assez instruits ou assez dévoués à la cause démocratique pour les bien diriger. Elles seront rouvertes sous peu et dans les conditions de viabilité les meilleures.

L'instruction supérieure, celle qui grandit tellement le citoyen qu'elle le force à ne montrer que de l’abnégation même devant l'ingratitude notoire, devant l’injustice avérée de ses compatriotes, celle qui lui permet de voir, de considérer, d'embrasser [11] les choses de haut, cette instruction doit être et sera particulièrement soignée. La nation peut se reposer en toute confiance sur le patriotisme éclairé de ses gouvernants.

La grande réforme, la primordiale, celle qui doit servir de base et de pivot, celle sans laquelle aucune autre ne peut être sérieusement réalisée les occupe et doit les occuper plus que toute autre. Ils la veulent mener à bonne fin, d'abord. La terre au paysan, c'est la clef de voûte de l'édifice de reconstruction, le ciment du système général, l'assise de granit sur laquelle on pourra tout bâtir, tout construire, tout échafauder. C’est l'évolution capitale. Toutes les autres suivront.

*
*     *

Un peuple a besoin d'un grand idéal [12] pour vivre, marcher, prospérer, rayonner.

Qui dit idéal dit programme.

Le programme de la Jeune Haïti [1] soucieuse de la dignité de la nation et de la race, est tel : Parler au nom de la race tout entière, dénoncer ses aspirations, proclamer ses idées, ses doctrines, revendiquer l'hégémonie morale jusqu'au jour ou on pourra agir en son nom.

Mon ami J.J. Chancy a conçu l’idée d'une bibliothèque démocratique haïtienne qui répondra à ce noble but. Je l'aide.

Nous ne partons pas pour l'inconnu. Nous savons où nous allons.

[13]

Voilà pourquoi je reproduis cette étude, et sous ce titre : Égalité des Races. Sous ce nouvel intitulé qui, d'ailleurs, fut le primitif, elle reste plus que jamais ce qu'elle était dans ma pensée au moment ou je la composai, il y ajuste un an : à la fois une étape stratégique et une première lumière.

Lis-Jos-Jver.

Paris, 4, rue de l'École-de-Médecine.

23 juillet 1884.

[14]



[1] Par ces mots, j'entends désigner tous les progressistes, jeunes et vieux, mais particulièrement les militants, ceux qui osent affirmer hautement leurs convictions nationales, qui font acte de foi en la patrie, qui croient en si destinée, en sa mission, qui mettent la main à l'œuvre d'expansion, qui collaborent & la politique d'apostolat.


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le lundi 3 juin 2024 11:19
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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