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Collection « Les auteur(e)s classiques »

La famille canadienne-française, sa force, ses faiblesses.
Le paysan de Saint-Irénée, hier et aujourd’hui
(1931)
Introduction


Une édition électronique sera réalisée à partir du livre de Léon Gérin (1863-1951), [sociologue et économiste canadien-français], “ La famille canadienne-française, sa force, ses faiblesses. Le paysan de Saint-Irénée, hier et aujourd’hui. ” (1931). Un article publié originalement dans la Revue trimestrielle canadienne, no 19, mars 1932, pp. 35-63. Texte d'une conférence prononcée le 24 octobre 1931, à l'Institut pédagogique de Montréal. Un article reproduit dans La société canadienne-française. (pp. 45-67) Études choisies et présentées par Marcel Rioux et Yves Martin. Montréal: Éditions Hurtubise HMH, ltée, 1971, 404 pp.

Introduction

Dans une première communication, le 10 octobre dernier, je vous indiquais un fait dont il faut d'abord tenir compte dans toute étude du milieu social: sa décomposition spontanée, pour qui l'observe de près, en groupements organiques, c'est-à-dire en organes répondant à des besoins essentiels, permanents de notre vie en société. Ces groupements organiques, vous disais-je alors, se répartissent en douze ou quinze classes, dont les plus fondamentales sont la famille et l'atelier de travail.

Et j'ajoutais: tout groupement organique se résout en six éléments constitutifs, qui sont le personnel humain qui le compose; la fonction (ou les fonctions) qu'il remplit; les moyens d'existence dont il dispose en vue de remplir plus ou moins efficacement son rôle social; le mode d'existence qui en résulte pour les membres du groupe; les phases d'existence ou d'évolution par lesquelles est passé le groupement et qui ont influé sur sa manière d'être ou d'agir; enfin, ses rapports divers avec les autres groupements organiques qui lui sont associés ou superposés; en d'autres termes, sa situation, son importance relative dans le complexus de la vie sociale.

De prime abord, tout cela a dû vous paraître bien sommaire, bien abstrait, et sans doute ne s'est représenté que de manière vague à votre esprit. Cependant, le groupement social organique, par tous ses éléments constitutifs, tombe sous les sens, et se trouve dès lors parfaitement observable dans des conditions propices à l'application des procédés ordinaires de la connaissance: l'analyse, la comparaison, la classification.

Aussi, en vue de vous aider à débrouiller la confusion que présente à l'observateur novice le milieu social même le plus simple, vous ai-je suggéré deux procédés pratiques d'emploi relativement facile par toute personne douée d'esprit de suite et de volonté: 1) la monographie de famille ouvrière, échantillonnage en couche profonde; s'aidant à l'occasion de 2) l'enquête sociale, vue d'ensemble, plus rapide, plus embrassante, mais aussi plus superficielle et qui ne saurait se passer entièrement du recours à la monographie.

Vous m'invitez maintenant, - et c'est beaucoup d'honneur, - à vous parler de la famille canadienne-française, de ses éléments de force ou de faiblesse; et cela me fournit une excellente occasion de faire sous vos yeux l'essai des principes posés dans ma première conférence, de mettre à l'épreuve la méthode d'observation dont je vous ai proposé l'emploi. Car si ces principes sont justes, si cette méthode d'observation monographique est féconde, l'étude concrète d'une famille ouvrière, surtout dans un pays comme le Canada français, resté le château fort pour ainsi dire de la famille, devrait éclairer d'un jour très vif toute notre organisation sociale; à condition, toutefois, que l'échantillon ait été judicieusement prélevé, de manière à être représentatif du type le plus général.

Comment procéderons-nous au choix préalable d'un échantillon de la famille canadienne? Première condition, cette famille devra habiter la campagne; car le Canadien français est foncièrement campagnard. Deuxième condition, complémentaire de la précédente, le milieu rural où nous nous mettrons en observation ne devra avoir été que fort peu atteint par les influences émanant des centres urbains, par le contact avec le mouvement industriel et commercial. Troisième desideratum, qui n'est pas toujours facile de réalisation: les observations devront s'étendre sur un nombre d'années suffisant pour permettre l'analyse de la famille non seulement sous l'aspect statique, à l'état de repos, mais sous l'aspect dynamique, c'est-à-dire dans les péripéties de son existence, en train d'adaptation ou d'évolution.

À ces divers points de vue, je n'en connais pas qui réponde mieux aux exigences, ou dont l'étude soit plus suggestive que la famille rurale de Saint-Irénée, côte nord du Saint-Laurent, en aval de Québec, observée et décrite dès 1861 et 1862 par un adepte de LePlay, et dont à deux reprises, en 1920 et 1929, il m'a été donné de compléter et mettre à jour l'esquisse monographique.

Dans ce qui forme aujourd'hui le comté de Charlevoix, à 82 milles en bas de Québec, et dominant le fleuve, large ici comme un bras de mer, se campe au flanc du plateau laurentien, dans un horizon grandiose, la pittoresque campagne de Saint-Irénée. Par un beau jour de l'été de 1862, deux hommes grimpaient la pente raide et sablonneuse qui, du presbytère, sis à mi-côte, conduit au plateau.

L'un d'eux était prêtre, l'abbé Jean Mailley, fils d'un officier de garnison de Besançon, dans l'ancienne Franche-Comté, mais depuis deux ans exerçant les fonctions curiales dans cette paroisse canadienne du bas du fleuve. Son compagnon de route était un compatriote, M. Gauldrée-Boilleau, alors consul de France à Québec et qui plus tard, transféré à New-York et devenu baron du second Empire, devait disparaître de manière tragique dans la tourmente qui précipita la chute de Napoléon III.

Ils allaient rendre visite à un brave paroissien du curé Mailley, Isidore Gauthier, cultivateur, dont la solide maison de bois, mise en peinture blanche, avec toit et contrevents colorés en rouge, couronnait la haute falaise caressée par le vent piquant du nord-est et d'où le regard s'étend à perte de vue sur la nappe bleuâtre, tantôt immobile et tantôt moutonnante, de l'immense Saint-Laurent.


Retour au livre de l'auteur: Léon Gérin, sociologue et économiste canadien-français Dernière mise à jour de cette page le dimanche 4 février 2007 10:33
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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