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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

GESTAPO. L'organisation, les chefs, les agents, l'action de la Gestapo à l'étranger. (1940)
Présentation de l'édition numérique des Classiques des science sociales
par Michel Bergès


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Pierre Dehillotte, GESTAPO. L'organisation, les chefs, les agents, l'action de la Gestapo à l'étranger. Paris: Les Éditions Payot, 1940, 211 pp. Une édition numérique réalisée par Michel Bergès, bénévole, directeur de la collection “Civilisations et politique”.

Présentation
de l'édition numérique des Classiques des sciences sociales
par Michel Bergès


Pierre Dehillotte :
Un publiciste sans visage ?

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Par Michel Bergès

Professeur de Science Politique
à l’Université de Bordeaux


Comme si ce devait être le sort fatal de nombreux journalistes, même célèbres en leur temps, l’absence de sources caractérise la destinée posthume de Pierre Dehillotte, dans sa vie personnelle et professionnelle [1]. Contre vents et marées, quelques repères méritent d’être recherchés : il s’agit du seul ouvrage de sa vie, mais surtout, de la première synthèse sur la Gestapo en France.

À ce titre, édité en février 1940, ce livre constitue un apport à l’histoire politique sur le plan des relations de représentants de la presse en situation de dictature, comme de l’analyse empirique et théorique du nazisme proposée par l’auteur. Il rejoint ainsi dans les « Classiques des Sciences sociales », d’autres textes et sources de ce type présentés ou à venir dans la collection Civilisations et politique. Son apport méritait d’être préservé grâce aux 50 ans d’entrée « dans le domaine public » permis par un Canada libéral avec le Québec, face aux 70 ans de préservation dans l’Union européiste, cela dit au regard de tout impératif pédagogique.

D’emblée nous nous trouvons en présence d’un correspondant à l’étranger (Madrid, Berlin, Vienne, Prague, Varsovie …) d’agences de presse et de quotidiens investis successivement ou en parallèle, de tendance « droitière » : Le Salut Public de Lyon, catholique favorable au « ralliement », là dans son antenne de Paris où il débuta ; puis le très officiel Temps, suivi par le vieux Journal des Débats politiques et littéraires, avant de poursuivre ses fonctions dans des agences, tout en livrant des articles à divers quotidiens.

Freinant tout pointillisme, les détails que l’on eût aimé connaître manquent pour recomposer les étapes d’un destin partagé par maints de ses confrères. Ce qui permet de penser que la presse, bavarde sur les affaires du monde, cache des secrets internes sur celles qui la concernent.

Résultat : un nom, sans portrait ou photo, un « oubli » ultérieur ressemblant à une mort sans sépulture, bien au-delà – si l’on peut dire – d’une discrétion professionnelle obligée. Tentons tout de même d’en savoir un peu plus…

1. Repères biographiques :
une entrée  précoce, mais durable en journalisme


Une enquête sommaire révèle que Pierre Dehillotte est né le 10 février 1885 à Indre près de Nantes, et qu’il est mort dans le camp de concentration de Buchenwald près de Weimar [2], le 2 mars 1945 – ce qui a priori, vu le sujet traité par lui au tout début de la Seconde Guerre mondiale, pourrait constituer une piste quant à un éventuel engagement dans la Résistance [3].

Son père, Antoine-Ulysse Dehillotte (1851-1907), originaire de Bordeaux (avec des proches à Arcachon et Gujan-Mestras), époux d’Anne-Marie Courant (née, elle, à Tours en 1861), exerça en tant que médecin à Basse-Indre et fonda la clinique Jeanne d’Arc à Nantes. Le couple eut six garçons et deux filles (l’une d’elles et l’un d’eux, décédés en bas-âge). Le docteur mourut le 4 mars 1907 (« muni des sacrements de l’Église », avec des obsèques « sans fleurs ni couronnes » [4]).

Anne-Marie Dehillotte fut dès lors contrainte de gérer efficacement les biens communs. Son dernier fils Yves se révélant de santé fragile, elle acheta vers 1912 pour son « air marin » aux bords de la plage de La Baule, la Villa Saint-Christophe transformée en home d’enfants en 1913, aménagée progressivement en pension de famille (par l’architecte Art nouveau puis Art déco, le Nantais Ferdinand Ménard). Le 11 novembre 1914, Mme Dehillotte perdit au champ d’honneur l’avant-dernier de ses fils, Jean-Marie (médecin militaire). En 1920, décidée à faire fructifier ses acquis pour améliorer le sort de sa famille et de leurs proches, elle ajoutera une acquisition : la Villa Saint-François d’Assise – ancien centre de gymnastique suédoise – située à l’angle de l’Avenue des Pétrels à La Baule, transformée en pension gérée familialement.

En 1927, (peut-être au moment du décès de la fille de son fils aîné Pierre – le journaliste), elle acquit la Villa Sainte-Claire, édifiée à la place d’un terrain de tennis voisin. Cette mère prévoyante et attentionnée fit acheter pour ce dernier l’Hôtel du Vieux Moulin et son annexe (la Villa Géovonne). Mal lui en prit, car occupé par son activité de publiciste en poste à l’étranger, celui-ci, qui avait pourtant suivi des études de commerce, semble avoir eu du mal à concilier ses fonctions directionnelles et journalistiques. Il fut en tout cas contraint à une liquidation judiciaire en février 1931, suivie de la vente de la villa attenante. Cependant, sa mère lui confia en héritage, ainsi qu’à son autre frère, Antoine, la clinique Jeanne d’Arc, fondée par leur père. Donc, des biens à « suivre », complétant, mais aussi encombrant peut-être la carrière de l’aîné, Pierre (qui venait de perdre d’une maladie subite sa fille Éliane âgée de 9 ans, à la mi-août 1927).…

Signe néfaste du « destin », là encore, faisant fi de la providence divine invoquée par une foi héritée : à 82 ans, à son domicile, 1 Rue Thiers à Nantes, cette dame dévouée à autrui fut une des 1463 victimes du bombardement raté en grande partie de la ville par 147 forteresses B 17 de la 8e Air Force américaine, le 15 septembre 1943 [5].

La fratrie, d’aisance bourgeoise consommée, de forte socialisation catholique, se trouva ainsi frappée au cœur par les deux guerres…

Pierre Dehillotte, qui avait donc passé enfance et adolescence à Basse-Indre, Nantes et La Baule principalement, était entré sur concours le 1er octobre 1902, à 17 ans, à l’École supérieure de commerce régionale [6], bien préparé à la maîtrise des langues étrangères. À la sortie, son dossier de conscription le déclara sans circonvolutions littéraires « bon pour le service » [7], dressant ce profil :

« Cheveux châtain foncé, yeux gris, front ordinaire, nez moyen, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, taille 1m 81. »

L’armée l’incorpora aussitôt le 6 octobre 1906 comme simple soldat de 2ème classe au 65ème Régiment d’Infanterie à Nantes, puis au 11ème Escadron du train.

Après ses obligations, lui est circonscrite par les greffiers militaires la profession d’« employé de commerce ». D’après les rares informations indiquées, il aurait intégré quelque temps une usine familiale de capsules et de surbouchage « Ramondin » (créée en 1890 à Laguardia en Pays basque espagnol, installée à Tolosa, 21 rue San Francisco). En fait représentée par un parent (son oncle, semble-t-il), Pierre-Ferdinand Dehillote-Ramondin (apparenté à la famille créatrice de cette entreprise ?), résidant 11 rue Pomme-d’Or à Bordeaux, adresse de la filiale française [8].

Pourtant, et sans précision concernant son entrée en journalisme, peut-être  par relations, on le trouve dès 1911 « correspondant particulier » à Berlin du Salut Public, via l’agence parisienne de ce quotidien lyonnais qui distribuait dépêches et informations à diverses feuilles de province (sous la direction, depuis 1904, de son confrère Élie-Joseph Bois, nous le savons, et dans laquelle travailla un temps Albert Londres [9]).

Ainsi signe-t-il de son nom des « lettres d’Allemagne » audit Salut Public, consultables dans la collection complète numérisée grâce aux efforts de diverses institutions [10]. Les deux premières repérables datent des 4 et 18 décembre 1911, les suivantes, des 9, 20 janvier, des 5 et 29 février, du 20 avril, enfin des 4 et 6 juin 1912. Cela précisé, en sachant – comme dans le cas de son confrère Élie-Joseph Bois, ancien du Salut public de Lyon, lui aussi actif ensuite au Temps, puis rédacteur en chef du Petit Parisien de 1914 à 1940 – que les dates de signature ne livrent aucune indication sur celle de l’arrivée dans un journal. Elles obéissaient à des règles hiérarchiques et d’ancienneté assez variables : au gré de la publication selon les périodes, de celui des possibilités de promotion, en fonction de la combativité syndicale des personnels, comme au bon vouloir des chefs de rubriques et des directeurs, conseils d’administration et propriétaires des journaux concernés.

Dans une plaquette de presse annonçant le futur ouvrage de février 1940, Gestapo, on peut lire cette confirmation dans la préface de son confrère d’alors, Georges Suarez :

« Avant la guerre de 1914, il avait été pendant quatre ans le collaborateur de M. Comert, correspondant du “Temps” en Allemagne [11]. »

Mais le jeune journaliste allait peu après se trouver coupé soudainement de sa vocation initiale : mobilisé le 4 août 1914, il passa du 11ème au 9ème Escadron du Train le 1er juin 1916, fut promu brigadier le 16 août suivant, puis rejoignit la « section automobile » début janvier 1917 au 8ème du Train. Fait confirmé par ce laconique passage dans son ouvrage – preuve d’une discrétion par rapport au nationalisme d’alors, lié peut-être aussi à la mort d’un de ses frères au combat le 11 novembre 1914 :

« Le plus haut grade auquel m’ait appelé la confiance de mes chefs, au cours de la dernière guerre, est celui de brigadier dans un escadron du train des équipages [12]. »

Lors d’une permission de Noël, le 21 décembre 1916, Pierre Dehillotte épousa à la mairie et à l’église du Bouscat (près Bordeaux) en Gironde, Rose-Madeleine-Henriette-Marie Bergeon (née le 5 août 1889 à Bordeaux, d’un père banquier et d’une mère « sans profession », résidant rue Montesquieu près du Jardin Public) [13].

Démobilisé le 28 février 1919, son dossier militaire signale son affectation le 12 juin 1920 en tant que « réserviste » au 11ème Train-auto de l’État-Major. Les adresses, notées alors pour le suivi potentiel de tout courrier éventuel, signalent bien celle antérieure à Bordeaux (Rue Pomme d’Or), mais des nouvelles apparaissent : indication là de la reprise du métier de correspondant, cette fois en Espagne, toujours pour le quotidien Le Temps, dans une période qui s’étale de l’été 1919 à l’été 1932 environ. On le trouve installé à Lisbonne, puis, le 27 juin 1920, à Tolosa (Guipruzeva) en Pays basque espagnol (au site de l’entreprise mère Ramondin), et à Madrid, le 16 octobre 1920 (22 Paseo de La Castellane), avec un habitat parisien le 5 février 1923, signalé à Chatou (2 rue des Jardinets).

La date ainsi que les modalités du passage de Pierre Dehillotte du Temps au poste de correspondant du Journal des Débats à Berlin restent difficiles à préciser, de même que les circonstances de ce changement. Cependant son premier « papier » signé (par abréviation, puis avec son nom) au « JdD », date apparemment du 17 juillet 1932 [14]. Il restera dans ce poste à affronter la réalité du régime hitléro-nazi jusqu’à ce que son journal l’envoie (de façon exclusive ou temporaire) dans les capitales de l’Europe centrale et de l’Est (Varsovie, Vienne, Prague…), avant qu’il n’exerce les mêmes fonctions dans des agences.

L’on sait enfin que dans les dernières séquences de l’avant-guerre, Pierre Dehillotte servit de rédacteur et/ou de correspondant à l’agence Fournier, puis– à celle rattachée au Quai d’Orsay, Espace – sans avoir de traces écrites dans ce cas. Et l’on découvre des preuves plus tangibles sur le fait qu’ayant gagné la Riviera au moment de l’instauration du régime dit « de Vichy », il participa à la Résistance régionale dans le renseignement, semble-t-il, en relation avec des services ad hoc de renseignements.

À ce propos, apparaît de façon inopinée une incidente en termes d’image réputationnelle qui semble passablement en décalage par rapport à ses fonctions antérieures et à une socialisation professionnelle plutôt « droitière » – cela affirmé tout en restant prudent au regard de ses relations difficiles qu’il eut parfois avec les pouvoirs espagnols (dont Primo de Rivera, qui exigea son départ de Madrid en 1924) ainsi qu’avec des sentences délatrices – habituelles ! – de la part de l’Action française quant à son rôle de correspondant du Journal des Débats entre 1919 et 1932. Il s’agit de deux traces d’un prétendu basculement « dans le communisme », mieux, « dans l’espionnage en faveur de Moscou ». Qu’en fut-il précisément ?

2. Pierre Dehillotte, un « agent communiste » ?

Une telle « dérivation », preuve des « risques du métier », surgit d’abord dans un document inédit, issu des services du contre-espionnage français à travers l’interrogatoire d’un espion retourné par l’Abwehr (le renseignement allemand), à l’aspect a priori symptomatique.

Puis, quarante-six ans après, l’accusation de communisme réapparaît plus insidieuse et masquée à travers un bref passage de neuf lignes citant Pierre Dehillotte dans le contexte manichéen de la situation de la presse, de 1937 à la guerre, et dans un essai par ailleurs très contesté pour « falsification » sur de nombreux points par l’historiographie contemporaine, émanant d’un journaliste sulfureux, éditorialement parlant : Thierry Wolton [15].

Il ne s’agit donc pas ici d’un simple aparté.

Tentons d’aller plus loin dans la présentation des rares informations biographiques restantes concernant Pierre Dehillotte.

– La délation de l’agent Lemoine du Sr français,
transfuge de l’Abwehr


Premier élément à ce sujet : les archives du Service historique de l’Armée de Terre de Vincennes révèlent un document intitulé « Affaire Dehillotte », qui affirme, même assez vaguement, des liens du journaliste avec le communisme d’alors. Il s’agit d’un rapport du responsable du Contre-Espionnage français de 1936 à 1944, le colonel Paul Paillole, extrait d’interrogatoires en 1946 d’un membre important du Service de Renseignements français (Sr) depuis 1920, Rodolphe Lemoine, après sa trahison auprès de l’Abwehr.

Ce dernier, de son premier nom, Rudolph Stallmann, fils d’un bijoutier allemand d’origine juive, avait été naturalisé français. Marié, père de deux enfants, Lemoine était ce qu’on pourrait appeler un « espion d’affaires » en tous genres. Propriétaire également d’une concession d’or en Guyane, il développa des activités parallèles, dont tout un système particulier de trafics de « codes » diplomatiques ou appartenant à différents « Sr ». Depuis la guerre de 14, d’une santé délicate, mais tout en ayant profité de « la grande vie » liée à un monde interlope riche de voyages, de par son entregent international sous de nombreux pseudonymes (dont celui de « Rex »), ce passe-partout devint un des recruteurs d’agents les plus efficaces pour un Sr français qui ciblait prioritairement l’Allemagne [16]. D’où sa réputation d’éminence grise et de « plus grand espion européen » de l’époque, respecté, mais en conséquence, recherché par l’ennemi.

Ainsi fut-il repéré puis arrêté par l’Abwehr allemande début 1943. Après avoir passé de nombreux mois en tant qu’« hôte d’honneur » dans l’étage d’un hôtel parisien réservé à cet effet par ce service (en dehors du Sd – police politique du parti nazi, qui le connaissait et le traquait de son côté), il fut habilement retourné par les hommes de l’amiral Canaris. Puis ce dernier le fit relâcher « sous surveillance », avant d’accepter de le confier en finale au Sd concurrent, avec lequel il allait bambocher et trafiquer à nouveau ostensiblement à Paris. L’enjeu pour les services nazis étant de découvrir le traître qui avait livré à la France des informations sur la conférence secrète tenue par Hitler à la Chancellerie du Reich en présence des chefs des trois armes le 5 novembre 1937 précédent… Ce que l’Abwehr avait appris grâce au déchiffrement d’un télégramme de l’Ambassade française de Berlin transmis à Paris sur le sujet, repéré immédiatement, car son code diplomatique secret était connu des services allemands.

C’est en 1946, une fois arrêté outre-Rhin, après qu’il eut déversé à l’Abwehr ses souvenirs et dénoncé comme pour se décharger divers de ses agents et réseaux, que Paul Paillole put recueillir ses aveux, dossier par dossier. Le « jeu » avec l’Abwehr fut d’ailleurs directement à l’origine de l’arrestation près de Nîmes le 15 juillet 1943 du second personnage Drach, cité dans la note ci-dessous, adjoint et rabatteur de Lemoine, mort tragiquement à l’occasion.

Voici donc l’extrait de l’interrogatoire en question – seul document ici retrouvé parlant de la résistance de Pierre Dehillotte :

« À la fin de 1937 ou au début de 1938 Drach parla à Lemoine d’un de ses amis, un certain Dehillotte, français, journaliste, demeurant dans la banlieue parisienne, avec lequel il avait travaillé longtemps à Berlin.

Drach disait beaucoup de bien de Dehillotte. Ce dernier était militant communiste et agent de renseignements à la solde des Russes.

Lemoine fut intéressé par ce cas. Il demanda à Drach d’arranger un rendez-vous afin d’être présenté à Dehillotte.

Quelques jours plus tard à l’issue d’un déjeuner, Lemoine sachant que Dehillotte se rendait deux ou trois fois par semaine à l’Ambassade Soviétique de Paris, lui demanda s’il pouvait lui fournir quelques renseignements sur les Russes. Dehillotte refusa catégoriquement. Il prétendit que ses “amis” de l’Ambassade ne savaient absolument rien d’intéressant et que par ailleurs il serait trop dangereux pour lui d’espionner les Russes.

Après cette proposition Lemoine ne s’inquiéta plus de Dehillotte.

Quelques mois avant la déclaration de guerre il apprit que ce dernier revenait d’Afn (probablement du Maroc) où il avait été envoyé en mission par le Parti Communiste.

Lemoine, curieux d’obtenir quelques renseignements sur cette mission, invita Dehillotte à déjeuner. Celui-ci malgré d’adroites questions ne voulut rien dire, si ce n’est qu’il avait touché 15 000 francs.

Au début de 1942, Lemoine rencontra souvent Dehillotte sur la Riviera. À l’une de ces rencontres ce dernier lui demanda s’il ne lui était pas possible de le mettre en rapport avec un de ses amis qu’il savait être maire d’un village situé sur la frontière espagnole. Intrigué, Lemoine en demanda les raisons. Dehillotte lui dit alors qu’il avait besoin d’une filière pour transférer chaque mois des sommes importantes d’argent et de l’or, d’Espagne en France pour le compte du gouvernement anglais.

Lemoine déclare qu’il accepta cette proposition, à condition qu’il ait la preuve que c’était bien pour les Anglais, et non une affaire personnelle. Dehillotte aurait promis qu’il en serait ainsi.

Cette affaire d’après Lemoine n’eut pas de suite. Il ne revit (et pour la dernière fois) Dehillotte à Marseille que vers le mois de Novembre de la même année. Celui-ci lui dit que les Anglais s’étaient arrangés autrement et qu’il n’avait pas pu le prévenir.

Au cours des premiers mois de son interrogatoire à l’Abwehr, Lemoine fut interrogé sur Dehillotte. Il dit tout ce qu’il savait et proposa de reprendre contact avec lui (Voir cote).

Dans ce document Lemoine déclare aux Allemands qu’en reprenant l’attache avec Dehillotte, il pourrait faire découvrir un réseau de résistance, des dépôts d’armes, etc…

Interrogé sur ces déclarations Lemoine nous déclare que ces allégations étaient purement fantaisistes. Il pensait ainsi être remis en liberté pour être chargé de ces affaires.

S’il en avait été ainsi que serait-il advenu ? Il est probable qu’il soit exact qu’il ne savait rien, car à cette époque la résistance était embryonnaire. Les Allemands se sont certainement rendu compte du bluff de Lemoine, puisque dans son dossier il n’existe aucune trace de suites données à ces déclarations [17]. »


Après lecture de telles bribes d’informations, notons que  le repère de Lemoine à Marseille (l’hôtel Splendide) – indiqué en filigrane – avait été inopinément découvert par un agent de l’Abwehr qui, en novembre 1942, reconnut Lemoine de loin aux bras de son épouse sur la Canebière, mais sans l’aborder. Information révélée aussitôt au Sr par un agent double de pénétration aussitôt alerté. Paillole avait convoqué Lemoine pour cela à Marseille à trois reprises – en vain [18] –, car il était de priorité absolue de l’exfiltrer en tant que porteur de l’énorme secret du déchiffrement de la machine de cryptage Enigma (en relation avec le Sr polonais), qui s’avérera si décisive au moment de la guerre [19]. Cela précisé, même si Lemoine ne livra jamais l’information indiquant que le code allemand avait été décrypté à partir d’une copie conforme d’Enigma par les mathématiciens polonais.

Quoi qu’il en soit de la valeur des aveux justificatifs de l’interpellé après ce que Paillolle appelle lui-même son « odieux travail de dénonciateur »[20], les archives et les témoignages manquent cependant pour faire oublier les précautions d’usage face à de tels aveux…

Toutefois, deux révélations dudit rapport peuvent être approfondies sur des points importants ayant échappé à l’information même de l’agent Lemoine concernant Pierre Dehillotte, voire même à son seul informateur Drach.

Dans la note ci-dessus, deux éléments sont avancés :

– le premier par Lemoine :

« Quelques mois avant la déclaration de guerre, il [Drach] apprit que ce dernier revenait d’Afn (probablement du Maroc), où il avait été envoyé en mission par le Parti Communiste […]. Celui-ci malgré d’adroites questions ne voulut rien dire, si ce n’est qu’il avait touché 15 000 francs. »

– le second par Drach qui fait de Dehillotte un « militant communiste et agent de renseignements à la solde des Russes ».

Autant d’informations non sans liens avec les mythes habitant dans leur tête tels personnages, tant espions professionnels que réfugiés juifs communistes d’Allemagne émigrés en France…

Or, ladite mission au Maroc fut publique, d’autant qu’à cette date, Dehillotte travaillait pour l’Agence de presse Fournier (détail non signalé par Lemoine). Si l’on passe sur le fait que le Pcf avait des informations directes depuis le protectorat du Maroc, voire disposait de correspondants de son propre quotidien, L’Humanité, il ressort de surcroît que Pierre Dehillotte publia dans ladite période trois articles dans L’Ordre, journal de la droite modéré et patriote, fondé en 1929 par Émile Buré, anti-Franco, anti-Mussolini et anti-Hitler quant à lui. Ces faits ne semblent pas avoir été connus de Lemoine et de Drach. Ce qui, vu leur profil, montre que leurs informations n’étaient point infaillibles.

Les trois articles de Dehillote publiés dans L’Ordre, sont :

– le 5 mars 1938 : « La Légion étrangère traverse une crise. Comment Berlin et Rome essaient de désagréger ce corps d’élite »  (thème d’un « militant communiste » ?)

– le 12 mars 1938 : « Excitations à la rébellion en Afrique du Nord. Laisserons-nous longtemps les mains libres à la Propagande italienne et allemande ? » ;

– le 16 juillet 1939 : « L’énigme moscovite. Que vaut l’armée rouge ? Quelle serait dans un conflit un adversaire éminemment redoutable, affirme l’expert militaire allemand M. W. Just ».

Le dernier article sera en partie cité à travers quelques extraits dans la revue de presse de L’Humanité du lendemain, mais sans commentaires. C’est peut-être à partir de cette dernière « source » secondaire et partielle que Drach en tira ses propres conclusions ? Mais il ne dut point ouvrir l’article en question dans sa version originale.

On  peut lire en effet à la fin de l’article publié en première page dans L’Ordre, signé « Pierre Dehillotte » – marque évidente de confiance accordée par Émile Buré :

« “Nous sommes prêts, disent au monde les gouvernants soviétiques. Nous sommes armés de façon à pouvoir nous mesurer avec n’importe quel adversaire. C’est peut-être encore, en 1935, un slogan de la politique de défense destiné à répondre au jeu politique des forces extérieures et vraisemblablement ce sera une réalité et vraisemblablement après demain une menace”.

Quatre ans ont passé. Aussi ferons-nous de cette appréciation étrangère la conclusion de cette étude, au risque de passer pour défenseur trop enthousiaste de l’alliance franco-anglo-soviétique. Les renseignements qui étoffent ce rapide examen de l’armée rouge ne nous ont été fournis, ni par l’ambassade de la rue de Grenelle ni par les agents mystérieux du Komintern. Toutes les précisions données par l’auteur de ces lignes ont été puisées à des sources allemandes nationales-socialistes et particulièrement dans l’ouvrage de M. W. Just (Militär Macht Soviet-Union) qui a consacré dix années de sa vie à l’étude de l’armée rouge et de la politique soviétique. » [souligné par moi.]

C’est bien là l’ancien correspondant à Berlin du Journal des Débats de 1932 à 1938 qui parle en toute connaissance de cause, désignant une source d’origine nazie ayant inspiré son article, en relation aussi avec sa parfaite connaissance de la langue allemande ainsi que des problèmes du Troisième Reich

Sans anticiper sur le contenu de ces trois articles, on peut citer aussi ce passage final du second, portant sur l’immixtion nazie et fasciste italienne en Afrique du Nord pour influencer certains mouvements d’autonomisation arabes excités contre la France, ingérence dénoncée par Dehillotte qui en appelle à la vigilance du gouvernement d’alors et en particulier à celle du radical-socialiste Albert-Sarraut, président du Conseil couvert par le Grand-Orient de France :

« Au Maroc, en Algérie et en Tunisie, les agents allemands encouragent les indigènes dans leurs revendications et les poussent à se révolter contre l’autorité française. Les agents du chancelier Hitler sont d’autant plus difficiles à découvrir qu’ils sont plus soigneusement camouflés. Des émigrés qui passent pour de pitoyables victimes de l’hitlérisme sont souvent les propagandistes les mieux rétribués du régime qu’ils prétendent exécrer. Tel journaliste sans collaboration d’une feuille minable d’Europe centrale s’intéresse soudain passionnément aux revendications des jeunes Marocains ou à l’émancipation des indigènes dans les colonies françaises. Ceux-là sont des sujets plus dangereux que les agents de la troisième internationale dont nos nationalistes stigmatisent si souvent l’action néfaste.

Tous les émigrés allemands ne sont pas dignes de la sollicitude de nos pouvoirs publics. En les surveillant de près et en répondant par des expulsions aux demandes trop hâtives de naturalisation, le gouvernement servira prudemment les intérêts supérieurs du pays.

Des dispositions de police prises à temps, nous éviterons la pénible obligation de réprimer les armes à la main de nouveaux troubles à Casablanca, Fez et Tunis.

Nul n’en était, certainement, plus convaincu que le président Sarraut. »

Les passages indiqués attirèrent-ils l’attention de Drach, l’adjoint de Lemoine ? Cela semble peu probable, car s’il avait lu ces lignes, il aurait eu du mal à transformer Dehillotte en membre du Parti communiste ou même en agent de l’ambassade soviétique de Paris… Et il est vrai que Lemoine, qui rapporta les propos de Drach au colonel Paillolle, n’était pas à une « broderie » près en dehors des faits, après ses saute-moutons mnémoniques devant l’Abwehr comme devant son interrogateur du Contre-Espionnage français.

– Pierre Dehillote : une cible pour le chasseur de prime
anticommuniste anachronique et spécialiste de l’espionnite,
Thierry Wolton


Nous retrouvons le même sens de flottement informationnel dans neuf lignes d’un essai connoté de Thierry Wolton édité 46 ans après les faits, portant sur « le Grand Recrutement » de personnages divers à la solde des services secrets soviétiques. On peut lire ces neuf lignes uniques concernant  Pierre Dehillotte :

« Journaliste à l’agence Espace [… c’] est un ami de Pierre Comert, chef du service de presse du Quai d’Orsay, et par ailleurs l’homme qui a permis à Münzenberg de s’introduire dans les milieux radicaux à son arrivée à Paris. Simple coïncidence, peut-être. La conception que se fait Dehilotte de son métier de journaliste est, en tout cas, bien particulière. En décembre 1937 il aura maille à partir avec la police française pour avoir tenté de vendre (à un agent provocateur du Deuxième Bureau français) un document secret provenant du Conseil supérieur de la guerre [21]. » [Souligné par  moi.]

Évidemment, c’est peu… Le journaliste ignore que Dehillote et Comert se connaissaient depuis 1911, le second étant l’adjoint du premier, correspondant du Temps à Berlin. De même ignore-t-il l’information émanant des Archives du Shat non disponible à la communication en 1993. Wolton évoque en outre un fait détonnant par rapport aux « informations » de Lemoine et Drach – non pas du « 2ème Bureau » (sic), mais du Sr français. Sur un tel fait qui n’aurait pas manqué de « faire du bruit » sur la scène parisienne de cette séquence trouble de la découverte de complots avérés de toutes parts, aucune source n’est citée ici concernant la soi-disant intervention… de la police française, alors que – pour revenir à l’interrogatoire précité de Lemoine, Drach est en relation avec Dehillotte dans cette période de décembre 1937. Aucun rapport nominatif concernant le journaliste dans les archives de la Préfecture de Police et de la Sûreté générale (même dans celles « rapatriées de Moscou »), ni aucun écho dans l’ensemble la presse du mois en question ne fait état de ces faits présumés. Une précision cependant, estompée encore par Wolton.

Décembre 1937 ? On se situe là en plein dans l’affrontement entre les deux « Fronts » qui se partageaient politiquement le pays.

D’abord le « Front Populaire », attaqué de toutes parts à cette date, en particulier au Sénat, où diverses forces firent jouer à fond de façon concertée des relais de blocages  (notamment financiers) du programme mis en œuvre par une gauche unie après les élections victorieuses de mai 1936.

Et, dressé de tous ses moyens – même les plus sombres – contre le premier, un « Front National » aiguillé par une extrême droite activiste qui commença ce mois-là précisément avec le Csar (Comité secret d’Action révolutionnaire), à parsemer le pays d’une série d’assassinats, de bombes terroristes jusqu’au cœur de la capitale. Ces actes de violence préfiguraient bien, deux ans et demi plus tard, après la déclaration de guerre du 3 septembre 1939, puis la défaite suivie d’une immense débâcle, la politique de vengeance du second « Front » contre le premier (profitant de la présence de l’ennemi occupant le sol national !). Vengeance orchestrée par le régime dit « de Vichy » et ses affidés, arrivés au pouvoir d’État « par en haut » – en fait « par le bas » d’une trahison complaisante concoctée de longue date avec l’Allemagne nazie, selon diverses analyses de l’époque.

Cette fin de l’année 37 révèle ainsi l’ambiance dure et manichéenne en cours, mise entre parenthèses par des essais comme celui de Wolton. Dans ses développements plus larges que « le cas Dehillotte », ce dernier oubli de même que depuis septembre 1934, l’Urss était perçue par beaucoup, à droite (tels Émile Buré, André Géraud – alias « Pertinax » –, Henri de Kérillis, côté journalistes…) tout autant qu’à gauche (Geneviève Tabouis, Édouard Herriot, Léon Blum…), tel un rempart contre les dangers nazis et fascistes. « Dangers » incarnés eux aussi, de façon insouciante, sous forme de statues de cire de Mussolini et d’Hitler au Musée Grévin, vedettes « d’actualité », de même que dans les caricatures de presse avec pour effet pervers une habituation à leur présence, frôlant parfois, contre tout humour, une légitimation subreptice ou même, chez certains, comme un « appel » complaisant…

Quant à l’Urss, en voie d’officialisation internationale, présente au JO de Berlin du 1er au 16 août 1936, puis à Paris dans le cadre de l’Exposition universelle de mai 1937, n’était-elle pas déjà admise comme membre permanent du Conseil de la Sdn depuis septembre 1934 ? Alors même que le Japon en mars 1933, l’Allemagne en octobre 1933, l’Italie en 1937, en était sorties, et que les États-Unis, tournant le dos au Traité de Versailles, n’en faisaient étrangement pas partie ? De plus, un « pacte franco-soviétique d’assistance mutuelle » avait bien été signé le 2 mai 1935 à Moscou par le filandreux Pierre Laval, certains ministres ayant déployé inlassablement à sa suite une politique d’« entente franco-anglo-russe » dans une logique où l’on pouvait encore y atteler divers pays d’Europe centrale, qui risquaient d’être happés par les dictatures environnantes.

Décembre 1937 marque pourtant aussi une période où un pic de violence allait être atteint : l’on découvrait jour après jour, semaine après semaine, la gravité du complot dit de « la Cagoule » (émule fascistoïde du Klu-Klu-Klan américain). En raison des actes prouvés précités, on arrêtait ses leaders jusqu’au sein des plus hautes instances de l’armée autour même de Pétain. On découvrait des dépôts d’armes transportés clandestinement d’Allemagne nazie et d’Italie – là les résultats des enquêtes des Srpj mobilisés dans tous les départements par la Sûreté générale sont formels. On poursuivait divers responsables pour assassinats politiques dans des milieux dûment investis. Surgissaient même des listes de politiciens et de hauts fonctionnaires stratégiques à abattre. On révélait aussi les noms de « mécènes » (par exemple le duc Pozzo de Borgo) ou d’industriels (notamment les Michelins) finançant sans vergogne un coup d’État contre le régime.

Ce n’est pas seulement « les communistes » hantant l’esprit de Thierry Volton qui s’effrayèrent de ces faits, par souci de propagande. On peut lire par exemple, dans Paris-Soir des révélations livrées par des enquêtes journalistiques neutres, sous la houlette notamment d’un de ses rédacteurs principaux, Pierre Lazareff. Dans les mémoires (peu lues ou commentées !) de ce dernier, très au courant de ce qu’il appelle « le dossier secret des Cagoulards » dont un de ses amis et collaborateurs, Charles Gombault avait eu des révélations de la part du ministre de l’Intérieur Max Dormoy en personne, on découvre inopinément ces précisions sur l’atmosphère d’alors de complots et d’intrigues.

En particulier sur le rôle de l’ancien Président du Conseil et multiministre Laval, qui, tissant sinistrement sa toile depuis son éviction de la présidence du Conseil en janvier 1936, retournera au pouvoir pour le malheur de la France en juin 1940 – fait qui ne doit rien au hasard :

« Depuis un certain temps, l’attention des autorités avait été attirée par l’activité de MM. Michelin qui avaient transformé leurs usines de Clermont-Ferrand en un véritable grand quartier général pour une action illégale antidémocratique. La puissance des Michelin était telle qu’il semblait impossible de les mettre en cause. Ils avaient de grands intérêts directement et indirectement dans la plupart des grands journaux, des parlementaires étaient à leur solde et ils avaient un protecteur puissant en la personne de M. Pierre Laval qui considérait comme son fief la région de Clermont-Ferrand, son pays natal. La Sûreté avait de bonnes raisons de penser que les explosions de la rue de Presbourg avaient été machinées dans les usines Michelin [22]… »

L’atmosphère complotrice de cette période fut tellement tendue que l’on pouvait lire par exemple – pris au hasard – dans un hebdomadaire satirique aux orientations fluctuantes, mais aux 150 000 lecteurs potentiels, Le Cri du Jour du 4 décembre 1937, cette consécration d’une suspicion généralisée, dans tous les sens de l’échiquier politicien :

« La Police a été égale à sa mission : elle a su découvrir des dépôts d’armes, chez les adversaires de droite du régime républicain. L’opinion publique souhaiterait que l’on découvrît maintenant les dépôts d’armes faits par les Communistes. M. Paul Faure et M. Marx Dormoy auraient là une jolie revanche à prendre sur leurs frères ennemis. […] La police, lorsqu’elle a trouvé des armes, ignorait si ces armes étaient “communistes” ou “royalistes”. Les policiers ont le goût de la réussite, comme tous les corps de métier : ils ont été mis, par des accidents et des recoupements, sur la piste d'armes ; la piste a conduit à des réactionnaires. Si, demain, n’importe qui ou quoi les met sur la piste d’armes appartenant aux amis des citoyens Duclos et Gitton, les policiers n’hésiteront pas : ils courront au nid, quand ce ne serait que pour montrer leur talent à leurs chefs, et mériter les félicitations, avancements ou récompenses que leur vaut toute trouvaille importante.

Seulement, il est beaucoup plus aisé de découvrir des armes achetées par les réactionnaires que des armes achetées ou importées par les communistes.

Ceux-ci, en effet, n’ont qu’une source d’argent et un seul patron, le Komintern. Tandis que les réactionnaires recueillent leurs fonds un peu partout et travaillent en ordre dispersé. Avec les communistes, donc, il n’existe qu’un seul fil : il faut y mettre la main dessus. Avec les réactionnaires, les ficelles sont nombreuses : le travail des policiers est grandement facilité. De plus, si des puissances fascistes étrangères ont été ou étaient tentées, à un moment, de soutenir nos réactionnaires, y mettraient-elles le toupet, le cynisme, l’audace des Russes du Komintern, à chaque instant aidés par les agents diplomatiques de l’Urss et l’immunité diplomatique dont ils jouent avec un si parfait mépris des usages diplomatiques [23] ? »

Si la police ne découvrit pas de dépôts d’armes communistes, c’est qu’ils n’existaient vraiment que dans les imaginations ou des tenants du « Front national », ou de leurs sympathisants si dilués dans la société politisée d’alors.

 Insistant sur l’importance des rumeurs ainsi que sur les allures de « romans policiers » que prenaient celles-ci dans la tête de beaucoup d’habitants, mais aussi de journalistes, de fonctionnaires et de politiciens de la capitale, ledit Cri du jour ajouta :

« En ces jours que l’activité de nos polices remplit de révélations pittoresques, il faut signaler la floraison de renseignements et de rumeurs dont Paris a été le théâtre, à côté des faits communiqués à la presse par la Sûreté Générale, la Préfecture de Police, le Ministère de l’Intérieur et les magistrats instructeurs.

C’est exactement comme pendant la guerre où, à côté des communiqués officiels biquotidiens, il y avait les renseignements des cuisines, les tuyaux de la roulante, qui passaient de bouche en bouche, et dont plusieurs sont devenus de l’histoire.

Car il faut avouer que certains de ces bruits étaient vrais et furent peu après, ou plus tard, confirmés. D’autres étaient de simples exagérations, des embellissements de faits exacts…
Dans l’atmosphère de bataille où nous vivons, il convient de noter les plus curieux de ces bruits. Certains ont été rapportés par des quotidiens, sans être démentis ni confirmés par le Gouvernement.

De plusieurs autres le Gouvernement aurait quelque chose à tirer, quand ce ne serait que pour se garder de certains dangers possibles [24]… »

Dans un tel embrouillamini de jugements émotifs, comment, au regard de ses fonctions, des nécessités de ses enquêtes, des sujets abordés, ne pas faire de Pierre Dehillotte un « communiste » ou un « agent de Moscou » ?

Mais là, le très pressé Thierry Wolton n’a pas pris la peine d’ouvrir ni même de citer l’ouvrage de ce journaliste connu, la Gestapo (publié… en février 1940), ni de se rendre aux Archives pour tenter d’en savoir plus, ni d’appuyer ses assertions sur des sources avérées, ni surtout, de lire les articles de son « suspect » par principe, qu’il discrédite à souhait « en passant ».

Et concernant les journalistes de l’époque que Wolton met en scène en plus de Pierre Dehillotte (Pierre Comert, Émile Buré, Geneviève Tabouis, notamment), ce dénonciateur a aussi « oublié » que le système d’influence russe, effectif et multiforme dans cette période comme dans d’autres, eut en reflets compensatoires en quelque sorte, avec la même ampleur et continuité, des pratiques adverses identiques, menées sans vergogne par l’Italie fasciste, l’Allemagne nazie, mais tout autant par des démocraties alliées ou non comme l’Angleterre, les Usa, la Turquie, la Roumanie, et alii. Jeu ouvert, plus ou moins transparent en démocratie, et plus ou moins contrôlé par le pays recevant, peu regardant encore en décembre 1937…

Finalement, emporté par un anticommunisme obsessionnel, Wolton n’a fait que projeter dans son ouvrage ses représentations des années 1990, celles d’après la chute du « rideau de fer » sur des objets antérieurs. Démarche d’un anachronisme implacable, difficilement généralisable aux années 1937-1940, de toute évidence. Ceci dit sans parler de son approche empreinte d’un mélange d’incompréhension et de mépris par rapport à des Jean Moulin, des Pierre Cot et à bien d’autres, petitement caricaturés en « agents soviétiques », alors qu’il s’agissait de militants dressés tactiquement contre les dictatures proches …

Ce sur quoi – sous la plume de Pierre Vidal Naquet, Antoine Prost, François Bedarida, Alain Brossat…, et, en tête, celle du témoin Daniel Cordier secrétaire de Jean Moulin – l’histoire scientifique a critiqué unanimement ledit essayiste [25]. Concernant ce même texte où, en voletant au-delà de la réalité, Wolton a balayé d’un coup Pierre Dehillotte dans les égouts et les oubliettes de la politique, sans autre forme de « procès » (façon assez « stalinienne » dans le style, soulignons-le)…

Négligence d’autant plus dommageable pour aller plus loin que ce type d’enquête ne permet nullement pas plus que le document du contre-espionnage délivré par Paul Paillole, d’en savoir plus quant à l’ordinaire de la vie personnelle de Pierre Dehillotte, ou sur ses fréquentations professionnelles, ses amitiés, son engagement effectif dans le contexte si tourbillonnant de cette presse d’avant-guerre, certes échevelée, mais prise entre le marteau et l’enclume de deux réseaux qui s’affronteront dans la vengeance jusqu’à 1945, en définitive.

Cela, malgré une absence de précisions quant à son attitude et son engagement pendant l’Occupation, au sein de la Résistance sur la côte méditerranéenne. Il n’est pas impossible, là, d’ailleurs que, confirmée grâce aux recherches minutieuses de Madame Évelyne Castelli [26], l’arrestation de Pierre Dehillotte à la Villa-La Plage (Vallauris-Golfe Juan) le vendredi 23 juillet 1943, puis son sort tragique et sa déportation à la veille de la Libération de Paris, aient été la conséquence de la soumission du fameux agent Lemoine à la logique de l’Abwehr allemande.

La preuve en est fournie par deux documents explicites (retrouvés par Madame Castelli) qui montrent que l’arrestation reste liée à des aveux de Lemoine à cette date, fait précisé dans la note citée plus haut : c’est bien lui qui a désigné à l’Abwehr (qui, d’après Paillolle, n’avait pas encore confié le dossier de ce capitaine du SR français à la Gestapo à la date du 21 juillet 1943… l’auteur de l’arrestation étant pourtant présenté comme « de la Gestapo ») le nom de Pierre Dehillotte. Aussitôt arrêté, celui-ci fut confronté avec le traître du SR dans un premier temps, à Nice ou peut-être même à Marseille. Notons que le colonel Paillolle n’a pas cherché, semble-t-il, à savoir ce qu’était devenu Dehillotte. En tout cas, son extrait d’interrogatoire de 1946 fait apparaître que Lemoine, évasif, n’a pas parlé de ladite confrontation de juillet 1943 avec Dehillote, se contentant de faire croire que les Allemands n’avaient donné aucune suite à ses « révélations » contre le journaliste, alors qu’il leur a peut-être signalé, pour leur donner une fausse piste le déchargeant lui-même, que « ce Dehillotte était un agent communiste ». Ce qu'il insufflera comme fausse information – inconsciemment et comme un aveu ? – au colonel Paillole dans son interrogatoire de 1946.

On peut lire en effet, dans une note de renseignements du 22 juillet 1943 cette information :

« On signale de Vallauris que hier soir à 19 heures M. Dehillotte Pierre, ancien correspondant du “Journal des Débats” à Berlin, ancien rédacteur du “Temps” et ancien correspondancier de l’Agence Fournier à Berlin a été arrêté par un officier allemand se disant de la Gestapo.
Il était accompagné de deux italiens en civil. On croit que M. Dehillotte a été dirigé sur Nice [27]. »

Notons que l’officier allemand qui se présenta pour l’arrestation déclara être « de la Gestapo ». Cela confirme ce que dans une lettre ancienne, en réponse à diverses questions que je lui avais posées alors par écrit, Paul Paillole me répondit :

« Il est certain que la responsabilité de la répression de la Résistance est passée progressivement de 1942 à 1943 de l’Abwehr et de son agent d’exécution (la Geheime Feld Polizei) au RSHA. La Gestapo devenue l’agent d’exécution du SD a accentué la violence des actions répressives au fur et à mesure de l’importance prise par les Services de Renseignements clandestins et les Groupes de Résistance, et cela tout particulièrement à partir de 1943. Dans “Notre espion chez Hitler” on voit bien l’Abwehr dans l’obligation d’avoir recours au SD pour arrêter le “complice” de Lemoine, Drach. Sa fin, après une arrestation brutale, montre les extrémités auxquelles aboutissaient les interventions du SD. » (in Archives du Services historique de l’Armée de Terre, Fonds privé du Colonel Paul Paillole, 1 K 545, dossier 457, lettre de Paul Paillole à Michel Bergès, universitaire, sur la région bordelaise et affaire Oswald, 3 janvier 1986, 4 p.)

Précision donnée par un document complémentaire extrait des mêmes sources :

« Département des Alpes maritimes
Fiche de renseignement.

Nom : Dehillotte : Prénoms : Pierre
Né le : 5/2/1885 à Basse-Indre Département : Loire-Inférieure
Profession : Journaliste Nationalité : française
Domicilié : Villa de la Plage Golf-Juan Département : A-M
Situation de famille : Marié, 1 enfant
Nombre de personnes à charge : 2
Situation financière : Aisée
Services militaires : Ancien combattant 14-18
Motif de l’arrestation : Enquête en cours concernant le Capitaine Lemoine, Ollivier et compagnie.
Lieu de détention : Paris.
Autorité française intervenue :
À la date du :
Résultat de l’intervention :
Renseignements et observations complémentaires : un civil s’est présenté pour enquêter sur l’affaire de M. Lemoine, a prié Dehillotte de le suivre pour confrontation avec M. Lemoine. Une perquisition assez molle a été effectuée [28]. » [souligné par moi.]

On doit ajouter que l’ensemble des arrestations de la période 1941-1944 qui couvrirent l’espace régional, toucha encore des centaines de résidents résistants, et surtout de très nombreux réfugiés juifs dans le sud, de façon impitoyable et pour leur malheur, la plupart de ces derniers se trouvant jetés dans des convois de la mort vers Auschwitz, sans retour.

Pierre Dehillotte finit donc par être transféré de la Côte d’Azur à Paris, dûment interrogé, puis enfermé (où et par quel service, sinon à commencer vraisemblablement par l’Abwehr ?)…

Malgré les limites de la présente recherche, il est cependant confirmé qu’ensuite il fit partie du dernier convoi de trente wagons qui quittera la France le 15 août 1944, entassant dans des conditions inhumaines 2400 prisonniers de la Résistance chargés sur le quai des bestiaux de la gare de Pantin. Triste cortège qui déporta 546 femmes destinées à Ravenbrück, et 1654 hommes au camp de concentration de Buchenwald [29]. C’est là, près de Weimar – la ville de Goethe ! – qu’il mourut le 2 mars 1945.

Son nom est simplement apposé désormais sur deux plaques commémoratives : l’une au sein de l’église de Vallauris, dédiée aux « Enfants de la Paroisse morts pour la France » ; l’autre, personnelle, offerte par ses amis résistants à sa mémoire, au cimetière de Golfe-Juan [30].

Les souvenirs restent encore à recueillir à ce propos, afin de combler cette disparition sans sépulture et de vaincre l’oubli définitif de ceux qui ont su donner de la voix dans certains chapitres de l’histoire collective – ici, dans une des parts de celle-ci la plus sombre et inhumaine, pour tous les temps.



[1] Ces lacunes sont aggravées par l’impossibilité d’interroger la précieuse « histoire familiale », en raison de la disparition des proches et des amis, voire des enfants d’un couple qui perdit d’ailleurs de maladie subite une fille (Éliane Dehillotte) âgée de 9 ans en août 1927 (cf. à ce sujet, Le Temps du 19/08/1927, p. 5, fin de première colonne), mais qui, comme le laisse entendre la lecture de son ouvrage ci-après sur la Gestapo (cf. p. 47), eut aussi un fils, Gérard, né le 4 août 1921 (décédé en 2016), 4 Chemin de la Tremblède au Bouscat, près Bordeaux.

Malgré tout, on bénéficie de quelques éléments livrés sur le site de l’Hôtel La Baule-Sépia, propriété familiale édifiée selon, les vœux de la mère du journaliste, réalisé avec bonheur pour l’historien par Mme Mélanie Tartoué, de La Baule : URL.

Sans oublier les pistes aléatoires à suivre, dont, notamment, le livret militaire de l’intéressé, disponible dans la partie numérisée des Archives de la Loire-Atlantique. Mais il reste beaucoup de lacunes informationnelles et de recherches à effectuer encore, qui dépassent les limites de cette présentation.

[2] Camp de déportés politiques résistants, personnellement visité du temps de l’ancienne « République démocratique d’Allemagne » en 1968, ce qui m’a permis de toujours garder en mémoire ses terrifiants « crématoriums »…

[3] Cela dit, aucune autre source, même par recoupements « algorythmiques » ne permet d’en savoir plus… (dont les fichiers de la Légion d’honneur, de la Résistance, des ministères concernés, desquels le nom de Pierre Dehillotte est absent…).

[4] Le faire-part du décès du Docteur Antoine Dehillotte parut dans Le Phare de la Loire du 5 mars 1907.

[5] L’annonce est indiquée p. 4 du numéro du 22 septembre 1943 du quotidien régional Le Phare, le décès étant présenté comme « accidentel ». Sur les bombardements de Nantes des 16 et 23 septembre 1943, cf. l’article de l’Encyclopédie Wikipedia : URL.

[6] Cf. à ce sujet, le numéro du Journal officiel Lois et décrets du 21/10/1902 : année 34 n° 287, p. 6878 concernant les résultats aux examens des Écoles supérieures de Commerce agréées par l’État.

[7] Cf. sur le site numérique des Archives départementales de la Loire-Atlantique : URL.

[8] Rue où naquit et habita dans sa jeunesse mon propre père, Pierre Bergès, dans le quartier des Chartrons à Bordeaux (« signe du ciel » ?).

[9] Cf. notre étude, D’une France Libre à l’autre. Élie-Joseph Bois (1878-1941), ou l’art difficile du journalisme en « République », à paraître. On trouve lesdits numéros du Salut public de Lyon sur le site suivant, en collection intégrale : URL.

[10] Il s’agit d’une initiative heureuse de la Bibliothèque municipale de Lyon, de la Drac impliquée et de l’association Auvergne-Rhône-Alpes-Livre et Lecture.

[11] Notons que Pierre Comert fut nommé directeur de la section Information à la Société des Nations, de 1919 à 1932, avant d’être coopté ensuite au poste de directeur de la Presse du ministère des Affaires étrangères, au Quai d’Orsay.

[12] Cf. la p. 187 de l’ouvrage édité infra.

[13] Renseignements inclus dans la fiche d’État civil de Madeleine Bergeon aux archives de la Ville de Bordeaux du 5 août 1889, complétées en marge en 1916 et le 2 avril 1973.

[14] Les articles concernant l’Allemagne étaient aussi signés (depuis Paris ?) par Pierre Bernus (Bâle, 22 mai 1881-22 décembre 1951), fils de pasteur d’origine suisse, élève de l’École des Chartes de Paris, qui avait été, lui, antérieurement, adjoint puis correspondant du Journal de Genève à Paris, avant de se voir confier la rédaction d’articles de politique étrangère au Journal des Débats. Cf. à ce propos la note nécrologique de Jean Cordey, in Bibliothèque de l’École des Chartes, 1952, t. 110, p. 317-318, consultable sur le site : URL.

[15] Cf. Thierry Wolton, Le Grand Recrutement, Paris, Grasset, 1993.

[16] C’est Rodolphe Lemoine qui, avec les responsables des services compétents du Sr, en déployant tout l’art adéquat, « traita » le plus grand espion de la Seconde Guerre mondiale qui porta des coups terribles à Hitler : Hans-Théo Schmidt. Cf. à ce sujet l’ouvrage incontournable du Colonel Paillolle, Notre espion chez Hitler, Préface par Pr. Frédéric Gerdon, Paris, Nouveau Monde Éditions, 201, duquel sont condensées les informations évoquées ici.

[17] Ce dossier est tiré du « Fonds privé Paillolle » des Archives du Sr français, coté au Service historique de l’Armée de Terre « Gr 1 K 545 985 : Affaire Dehillotte ». Précisons que le rôle de Lemoine et de Drach est révélé dans les deux ouvrages suivants du colonel Paul Paillole, membre, puis responsable du Contre-Espionnage du Sr français : Services spéciaux (1935-1945), Paris, Robert Laffont, 1975, et Notre espion chez Hitler, op. cit.

[18] Cf. Paul Paillolle, op. cit.. Les avertissements pour lui éviter une arrestation lui furent donnés dès le 1er mai 1941 (cf. p. 174), puis fin février 1942 (cf. p. 188) –, enfin surtout, par ordre de Rivet et du commandant Perruche responsable du secteur « Allemagne » au Sr, dès la fin juin 1942. Paillole notifia à Lemoine de partir au plus tôt se réfugier à Alger. Mais ce dernier avait déjà outrepassé l’ordre de ne pas quitter Marseille (p. 189-190). S’entêtant à rester, il allait lui-même être alerté par l’arrestation sur place de son fils, Rolph-Guy, le 10 décembre 1942… par le Sd local, alors écarté de l’enquête menée par Canaris. Ce fait devint un moyen de chantage de poids pour l’Abwehr qui, l’ayant appris, mais surtout ayant compris de qui venait la fuite côté allemand à Berlin, put ramener Lemoine et son épouse à Paris, avec un statut d’« hôte d’honneur »… (cf. p. 193-194).

[19] De facto, c’est l’Intelligence Service qui récupérera au bout de la chaîne l’exploitation de la découverte depuis son site ultra-secret de Bletchley Park près de Londres – le rôle du travail des Sr français et polonais étant confirmé par l’historiographie ultérieure actualisée par le Pr. Frédéric Guerdon. Cf. de ce dernier sa préface à l’ouvrage de Paul Paillole, Notre espion chez Hitler, op. cit., p. 5-13.

Les avancées de l’historiographie internationale rappellent indirectement le caractère déformant du film grand public réalisé en 2014 par Morten Tyldum, Le Jeu de l’imitation (The Imitation Game) autour du travail de déchiffrement en question, notamment du mathématicien Alan Turing à Bletchley Park. Cette fiction fut critiquée pour ses nombreuses approximations et lacunes à sa sortie, par rapport à des films antérieurs sur le même sujet. Ce problème est exposé dans l’article ci-après de l’Enclyclopédie Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Imitation_Game.

[20] Paul Paillole, ibidem, p. 198.

[21] Thierry Wolton, op. cit., p.203.

[22] Cf. Pierre Lazareff, Dernière Édition, op. cit., p. 415-416.

[23] Cf. Le Cri du jour du 4 décembre 1937, p. 1-2, consultable sur le site Gallica de la Bnf.

[24] Ibidem, p. 8.

[25] Un examen critique de l’essai en question de Thierry Wolton est condensé dans l’article suivant de l’Encyclopédie Wikipedia sur le site : URL.

Sur ses déviations concernant les faits, frôlant la calomnie et la falsification sur divers points essentiels du rapport à la Russie, cf. notamment Pierre Pierre Vidal-Naquet, Le Trait empoisonné, La Découverte, 1993, 2002.

[26] Le site heuristique sur Internet réalisé par Madame Évelyne Castelli apporte là de très précieuses indications :

http://niceoccupation.free.fr/arrestations.html
http://niceoccupation.free.fr/population-arretee-resultats-commentes.html
http://niceoccupation.free.fr/les-registres-de-deportation.html

Ce travail accessible montre que dans un contexte régional où l’occupant italien fut très actif, des opérations répétées entraînèrent « l’arrestation de 1325 personnes dans la période du 11 novembre 1942 au 10 septembre 1943 ». Dont celle repérée (sans précision autre) par Madame Castelli du journaliste Pierre Dehillotte, ce à partir des documents administratifs analysés par elle aux Archives départementales des Alpes maritimes (registres 166 W7, 28W 74, 616 W 182, 166 W9). Les archives du camp de Buchenwald confirment aussi son décès, sans autre précision.

Pour des généralités concernant la période de l’Occupation dans la région de Nice, cf. l’article de l’Encyclopédie Wikipedia : URL.

[27] Source : Archives départementales des Alpes maritimes, 166 W 7.

[28] Source : Archives départementales des Alpes maritimes , 616 W 142.

[29] Sur les péripéties de ce convoi, stoppé le lendemain dans la plaine de Luzancy suite au bombardement d’un pont de la Marne par l’aviation britannique, cf. le rappel commémoratif suivant, lié à l’activité de mémoire du Comité du Mémorial de la Gare de Saacy-sur-Marne, dans l’article de Margaux Desdet du 16 août 2021 ; publié dans Le Pays Briard : URL.

[30] Sur les quelques indications concernant les plaques d’hommage en question à la mémoire de Pierre Dehillotte et de ses camarades morts pour la France, on peut consulter le site suivant: URL.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 24 septembre 2023 14:04
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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