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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Alexandre PÉTION devant l’humanité. Alexandre Pétion et Simon Bolivar (1864)
Table des matières


Une édition électronique réalisée à partir du livre du Docteur François Dalencour, Alexandre PÉTION devant l’humanité. Alexandre Pétion et Simon Bolivar. Haïti et l’Amérique latine. Et EXPÉDITION DE BOLIVAR par le Sénateur Marion Aîné. Port-au-Prince, Haïti, chez l’auteur, 1929, 131 pp. Une édition numérique réalisée avec le concours de Pierre Cabrol, bénévole, Docteur en droit privé, Maître de conférences de Droit privé à l’IUT Michel de Montaigne Bordeaux 3 (France). Une édition considérablement enrichie par les notes explicatives de Pierre Cabrol ajoutées au texte du Dr Dalencour. Une édition réalisée à partir d'un facsimilé de la Bibliothèque nationale de France, Gallica.

[7]

Alexandre Pétion devant l’Humanité

Avant-propos

Ce petit opuscule n'était simplement qu'une conférence que je devais prononcer tout d'abord à la Havane et dans d'autres villes de Cuba, au même moment où devait siéger la sixième Conférence Pan-Américaine [1] aux mois de janvier et de février de cette année, et ensuite dans plusieurs villes de toute l'Amérique Latine. Des circonstances indépendantes de ma volonté m'en ont seules empêché. J'étais convaincu que ces nations pourraient s'intéresser davantage à Haïti, en touchant du doigt la psychologie des faits glorieux qui constituent un fonds commun à l'Histoire d'Haïti et à l'évolution des républiques latino-américaines. Dans ce contact, je pensais qu'il fallait éviter tout ce qui revêt un caractère politique trop accentué pouvant donner lieu à des divergences de vues. Je garde toujours, cette conviction, et je ne crois pas m'être trompé, eu égard à la marche des événements depuis ce court espace de temps.

Du reste, c'est une constatation banale que pour intéresser sérieusement et vivement les autres, il ne fait pas bon de parler seulement de soi et de ses souffrances, car il est éternellement vrai que mal d'autrui n'est que songe. On provoque plus d'intérêt, plus de sympathie, quand on dit aux autres des faits auxquels ils ont été mêlés, et nous aussi. La solidarité, une solidarité agissante s'éveille alors spontanément...

Mais, pour bien rendre compte de l'évolution de ma pensée sur ce sujet si passionnant, je dois dire que tout d'abord j'avais pensé à faire un article de revue, une mise au point, en lisant le compte rendu de l'inauguration à Paris aux Buttes-Chaumont des « Avenues Simon Bolivar [2] et Général San Martin [3] », au cours de laquelle plusieurs discours solennels furent prononcés qui ne firent pas la moindre mention du geste fraternel du grand Haïtien qui fut le protecteur de Bolivar [4] et lui permit de connaître la gloire du triomphe final. L'Histoire en mains, on peut dire sans ambages, sans crainte d'aucun démenti, que sans le secours donné si généreusement par Pétion [5], — Simon Bolivar eût été un vaincu, donc un oublié, un méconnu.

Ce fut donc à Paris, la conspiration du silence autour du nom d'Alexandre Pétion, qui fut pourtant celui qui permit cette apothéose à Bolivar. C'est un crime contre l'Histoire qu'on n'a pas le droit de dénaturer, c'est une déloyauté envers la mémoire de Simon Bolivar qui, de ses propres mains, a écrit que « Pétion est l’auteur de la liberté dans l’Amérique du Sud », c'est une injustice révoltante à l'égard de la mémoire de Pétion dont on veut ensevelir la gloire.

J'ai pensé qu'il fallait redresser cette injustice, j'en ai fait un devoir patriotique inéluctable. J'écrivis le titre et les sous-titres que je n'ai plus modifiés. Je pris des notes. Accaparé par d'autres travaux, j'abandonnai momentanément mon entreprise civique... [8] Aussi, quand se présenta pour moi la perspective de partir pour la Havane, l'idée de convertir mon article en conférence, en quelque chose de vivant, pour provoquer une attention bienveillante, pour créer une sympathie agissante à l'égard des souffrances de ma patrie, cette idée me traversa l'esprit comme un coup d'éclair, et je me mis à l'œuvre... - Le travail était fait... Mais des contrariétés indépendantes de ma volonté m'empêchèrent de partir… Qu'importe ! L'œuvre était créée, il ne faut pas la laisser périr...

Donc, ne pouvant pas prononcer de vive voix ma conférence, afin de créer un de ces mouvements d'opinion et de foule qui conquièrent un auditoire, un pays, avec d'autant plus de facilité qu'on dit la vérité — je suis obligé de me résigner à la faire lire, à faire connaître ma pensée à travers une forme moins vivante, moins animée, moins passionnante...

Dans la vie on fait rarement tout ce qu'on veut, encore moins ce qu'on pense, on fait seulement ce qu'on peut, étant donné les innombrables forces adverses qui paralysent inexorablement la volonté la plus décidée.

Je fais pour mon pays tout ce que je peux. Hélas ! C'est bien peu, en regard de tout ce que je voudrais faire ! C'était pour moi une douloureuse anxiété finissant par une douce joie de pouvoir mettre Alexandre Pétion dans le cadre fleuri et élevé où il mérite d'être placé au point de vue de l'Histoire universelle et relativement à l'Humanité entière.

Cette conférence, devenue ce petit opuscule, devait être mon passeport d'Haïtien dans les pays que j'avais l'intention de visiter. Il peut aussi être le passeport de tout Haïtien qui va à l'étranger et qui n'aura qu'à le présenter à quiconque pour qu'au nom d'Alexandre Pétion dont tous nous sommes les descendants, il soit l'objet du respect auquel il a droit comme Haïtien…

Aussi, j'ai décidé d'en donner une édition anglaise et une édition espagnole.

Port-au-Prince, janvier 1928       Dr François Dalencour [6]

P.S. Malgré l'indifférence générale, je me suis décidé à prononcer à Port-au-Prince et à Jacmel une série de quatre conférences historiques, parmi lesquelles la première était celle que je devais lire à la Havane sur Pétion et Bolivar ; elle a été lue au Port-au-Prince, à Parisiana, dans la matinée du dimanche 18 mars 1928, cette lecture dura deux heures ; à Jacmel, au Club Excelsior, elle a été scindée en deux parties qui ont été lues la première dans la matinée du dimanche 29 avril 1928, et la seconde dans la matinée du mardi 1er mai, fête patronale de Jacmel.

Au cours de la lecture de mes conférences, j'ai dû élaguer beaucoup de passages, afin de ne pas être trop long.

Les trois autres conférences étaient des chapitres de mon Histoire du Droit haïtien, que j'ai lus à Port-au-Prince les dimanches 25 mars, 15 avril et 22 avril 1928 ; à Jacmel le dimanche matin 6 mai et le lundi soir 7 mai 1928.

Je profite de cette occasion pour remercier encore très chaleureusement tous mes amis de Port-au-Prince et de Jacmel.

Dr F. D.

Mai 1928



[1] Note des Classiques : le panaméricanisme prône le développement de relations et de coopérations, dans le domaines politique, économique et social, entre les Etats d’Amérique, pour tirer parti du fait qu’ils ont des intérêts communs. Ces détracteurs lui reprochent d’avoir été un instrument au service de la politique d’hégémonie nord-américaine. Le panaméricanisme s’est traduit par la création, en 1890, de l’Union internationale des Républiques panaméricaines, à laquelle a succédé, en 1948, l’Organisation des Etats américains. L’Union internationale des Républiques panaméricaines a organisé des Conférences panaméricaines.

[2] Note des classiques : une rue Bolivar avait été créée dès 1880, dans le prolongement de l’ancienne rue de Puebla. L’auteur fait ici référence à sa transformation, en 1926, en avenue Simon Bolivar. Il est amusant de noter qu’elle se trouve dans le bien nommé « quartier du combat (19e arrondissement de Paris).

[3] Note des Classiques : ancienne route Fessart-Secrétan, renommée en 1926 Avenue du général San Martin. José de San Martin (1778/1850) est l’un des héros des guerres d’indépendance sud-américaines. Mort en exil en France à Boulogne-sur-Mer, il y fut inhumé dans l’une des chapelles de la crypte de la basilique Notre-Dame de l’Immaculée Conception. Transférés en 1861 dans le cimetière de Brunoy, toujours en France, ses restes ont finalement été rapatriés le 28 mai 1880 à Buenos Aires, ou ils reposent dans la cathédrale. En France, une rue de la ville d’Evry porte également son nom et la municipalité de Boulogne-sur-Mer lui a érigé une statue et consacré un musée.

[4] Note des Classiques : Simon José Antonio de la Santisima Trinidad Bolivar y Palacios, dit Simon Bolivar, ou El Libertador (1783/1830), général et homme d’Etat vénézuélien, acteur majeur des guerres d’indépendance sud-américaines.

[5] Note des Classiques : Alexandre Sabès, dit Alexandre Pétion (1770/1818), l’un des « pères fondateurs » d’Haïti, avec Toussaint Louverture, Dessalines et Christophe. En 1816, il fonde le plus ancien lycée de Port-au-Prince, qui porte son nom, tandis que le fort Alexandre, qui défend la ville, honore sa mémoire au travers de son prénom. Haïti a également créée la ville de Pétion-Ville, ainsi que des places et avenues Pétion-Bolivar, et un mausolée, attenant au palais présidentiel, à la gloire d’Alexandre Pétion et de Jean-Jacques Dessalines. Le billet de 500 gourdes et la pièce de 5 gourdes, enfin, sont ornés de son effigie.

[6] Note des Classiques : François Stanislas Ranier Dalencour (1880/1956), intellectuel haïtien, médecin de formation, mondialement connu pour ses travaux sur la médecine tropicale, fondateur du « Journal médical haïtien », ardent patriote également connu pour ses prises de position en faveur de la liberté, notamment pour son ouvrage de 1947, couronné par l’Académie des Sciences Morales et Politiques de Paris, « La philosophie de la liberté comme introduction à la synthèse humaine ».


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 27 octobre 2023 14:05
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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