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Collection « Les auteur(e)s classiques »

Raymond Brugère, Veni, Vidi Vichy... et la suite. Témoignages (1940-1945). (1953)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Raymond Brugère, Veni, Vidi Vichy... et la suite. Témoignages (1940-1945). Les Éditions Deux rives, 1953, 207 pp. Une édition numérique réalisée par Michel Bergès, bénévole, directeur de la collection “Civilisations et politique”.

Veni, Vidi Vichy…  et la suite.
Témoignages (1940-1945).

Introduction

Avec huit ans de recul, je me décide à livrer Veni, Vidi Vichy au public. Un tour de force d'éditeur — je le dois à Gaston Calmann — avait permis que ce livre, écrit sur le vif, parût malgré la pénurie de papier dès les tout premiers jours de septembre 1944. Le tirage en avait été de cinq cents exemplaires hors commerce. J'étais alors Secrétaire Général aux Affaires étrangères. Il m'aurait déplu de mêler le crédit que pouvaient me valoir mes toutes passagères fonctions au lancement d'un ouvrage qui, dans ma pensée première, n'était d'ailleurs pas destiné au public.

Malgré son caractère confidentiel et privé, cette déposition sans apprêt n'en a pas moins été lue par de multiples personnes, tant amies qu'inconnues, tant étrangères que françaises. Divers ouvrages faisant autorité s'y réfèrent. Parmi eux je cite : La Vérité sur l'Armistice, de mon très regretté ami Albert Kammerer, La France a sauvé l'Europe, du Président Paul Reynaud, Our Vichy Gamble, de W.L. Langer. Tout se présente donc maintenant comme si ces notes, où n'entre rien d'autre qui ne soit d'observation directement personnelle, pouvaient, comme je le souhaitais d'ailleurs, être appelées à servir d'utile recoupement à de plus approfondis témoignages. Je me trouve ainsi amené à les mettre ouvertement à la disposition de ceux qui par la suite s'adonneront à l'étude des comment ? et des pourquoi ? de cette dure épreuve pour l'amour-propre national que fût et restera le régime de Vichy.

À cette considération s'en ajoute une d'opportunité. Pour reprendre une des rares paroles à retenir de Pétain, Chef d'État, les Français ont vraiment la mémoire courte. Certains, par les temps qui courent, en abusent et ont par trop tendance à tirer argument d'aspects déformants de ce qu'il est convenu d'appeler [8] la Résistance pour en altérer la nature essentiellement noble et désintéressée. Ils pensent bien à tort pouvoir du même coup réhabiliter ce qui ne saurait l'être. Mon témoignage contre eux aura, à tout le moins, le mérite de n'avoir été influencé par aucun écrit antérieur, par aucune consigne de parti, par aucune considération de milieu ou de carrière. J'ai mené mon combat en isolé. Ayant vécu la quasi totalité de ma vie administrative à l'étranger au milieu de compatriotes qui n'étaient comme moi que Français, je n'ai jamais appartenu à la moindre coterie politique. Durant mes quelques années de fonctions à Paris, j'avais servi avec une égale aisance, et de très près comme membres de leur cabinet, Poincaré, Millerand, Briand. S'ils avaient appartenu à la même lignée nationale, rien certainement ne m'eût opposé à ceux qui, avec la complicité, consciente ou inconsciente, de 569 parlementaires contre 80, se sont emparés du pouvoir à la faveur de la débâcle. En tant que fils d'ancien généralissime, je puis bien ajouter que mon ascendance militaire m'eût plutôt incliné vers eux puisqu'ils avaient eu l'habileté ou l'audace de mettre à leur tête celui qui faisait alors uniquement figure de « vainqueur de Verdun ». Il ne pourra pas davantage être dit que je me sois laissé influencer par l'appel du 18 juin ; mon télégramme de démission est de la veille. Par la suite, je ne me suis affilié à aucun groupe ni réseau dit de résistance. On cherchera en vain mon nom dans le ridicule numérotage d'ancienneté que se sont attribué les Français Libres.

Par ce qu'il implique de négatif, le terme de résistance se trouvait au surplus si peu approprié aux sentiments qui m'animaient qu'il n'est pas venu une fois sous ma plume dans Veni, Vidi Vichy. Je viens en me relisant d'en faire l'inattendue constatation. La résistance n'est, par définition, qu'un refus de céder et n'évoque tout au plus qu'une action « contre » ; elle perd de ce fait — et c'est hélas ! ce qu'on a vu — toute signification et tout objet lorsque ce contre quoi on « résiste » s'effondre. Or c'était d'une lutte continue, d'une affirmation de foi et d'enthousiasme, d'une résurrection, d'un « Risorgimento » qu'il s'agissait. La libération du territoire n'était qu'une étape. Celle-ci à peine franchie, trop des [9] nôtres, trop de ceux dont il avait été fait des responsables, se sont assis, pour ne pas dire couchés, sur le bord de la route à l'ombre de leurs routines et de leurs aises.

Il y eut là pour notre pays un nouveau drame à la naissance duquel j'ai assisté en bonne place. En épilogue à cette réédition de Veni, Vidi Vichy, j'en esquisse, par ce que j'en ai connu, les contours. C'est la partie neuve du livre. Rien dans mon jugement n'avait à être changé au reste. Seule d'infimes retouches de rédaction y ont été apportées.

La Rivière, le 25 août 1952.

[10]


Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 31 janvier 2021 14:40
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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