EXTRAITS DES LETTRES ORIGINALES À LA BASE DES INSOLENCES LUS PAR M. JEAN-MARIE TREMBLAY.


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EXTRAITS DES LETTRES ORIGINALES À LA BASE DES INSOLENCES
LUS PAR M. JEAN-MARIE TREMBLAY – 2 OCTOBRE 2010
SALON DU LIVRE DU SAGUENAY-LAC-ST-JEAN

EXTRAIT 1 :

(lecture faite par Jean-Marie Tremblay)

            « Je suis véritablement un Frère Enseignant, quoique je ne  sois pas de l’espèce la plus pure.  Quant à expliquer pourquoi je ne signe pas mon nom véritable, qui est très sortable et qui a même grand air, dit ma mère, (…) c’est assez simple; j’ai commencé à fonctionner sous la raison sociale d’Un Tel, je dois continuer sous peine de dérouter mes ennemis; » (…)

[Mais] mon petit  frère Un Tel en or, mon petit lapin bleu, tu vas maintenant [nous] dire pourquoi tu écris des choses comme ça, et à la face de la province?

J’écris ces choses par charité. Et ne rigolez pas, s’il vous plaît. Pourquoi n’écrirais-je pas ces choses par charité?  Pourquoi n’aurais-je pas une étincelle de charité? Quelqu’un aime la musique et il le dit et personne ne rigole. Quelqu’un aime les ouvrages de Camus et il le dit et personne ne rigole. Il est bien possible que moi, j’aime  un peu les Canadiens Français, et que je cherche à leur parler. Je vis au bout du monde et je m’ennuie de parler à des hommes.

J’écris aussi pour bien établir qu’il est possible de dire ce que l’on pense. Pour bien établir que toute vérité est bonne à dire.  Mon idée à moi, c’est que nous sommes plus libres que nous ne le pensons : c’est pas la liberté qui manque, c’est le courage de prendre les libertés que l’on a.  Nous pleurnichons sur la liberté absente et nous n’avons même pas essayé la liberté. Nous sommes un peu comme le chien d’un conte de Jules Renard : nous flairons une chaine qui ne nous tient peut-être plus. Ici, je commets un canadianisme : tout d’un coup qu’on serait libres? » (Tiré de la lettre 7 et de la lettre 10)

EXTRAIT 2 :

Disons d’abord que « joual » est  une création heureuse. (…) Il y a proportion entre le mot et la chose : le mot est odieux et la chose est odieuse. Le mot décrit parfaitement la chose : parler joual, c’est précisément dire : joual, au lieu de : cheval. C’est parler comme on peut supposer que les chevaux parleraient s’ils n’avaient pas déjà opté pour le silence.

(…)

Je dirai maintenant que l’on ne peut pas comparer le cas du joual au cas du breton. Le breton était - est – une langue; en tout cas, un dialecte, i. e. un système de signes régis par une grammaire et une syntaxe. Le joual n’est pas un dialecte. Ce n’est même pas un argot, il y a une certaine créativité, une vigueur, une santé, que ne comporte pas le joual, ce que nous appelons le joual, nous les éducateurs. Le joual est une pure  omission, une pure démission, une pure absence, une maladie. Le joual, c’est le langage invertébré par excellence.

(Intervention de Luc : Deux exemples de joual :

1-    « ta mé tu là ? » pour « ta mère est-elle là? »;

2-    « Anna brayer ène shot » pour « elle en a pleuré tout un coup ». Fin de l’intervention).

Je veux bien que mes élèves disent : poudrerie, pour désigner une tempête de neige; une bordée de neige, bien que bordée soit un terme de marine; je ne me suicide pas quand ils disent débarquer de l’autobus ou embarquer dans le train, bien que débarquer ou embarquer doivent  rigoureusement ne se dire qu’en parlant de barque.

Parler joual [ce n’est pas cela. Parler joual], c’est massacrer la syntaxe et le vocabulaire, par pauvreté d’âme plus encore que par ignorance. » (Tiré de la lettre 3)

EXTRAIT 3 :

L’autre jour, je disais que la critique des sciences devrait être la partie principale du programme de philosophie des 12e années scientifiques du cours secondaire public. Quelques jours plus tard, je prenais connaissance de la liste officielle des manuels approuvés pour l’année scolaire 1960-1961. [ En lieu et place de cela, on nous farcit avec ] les Notions Essentielles de Philosophie, de Verhelst, le chanoine belge qui secrète de la philosophie pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. (…) Rien en critique des sciences, rien en sociologie. 

(…)

Ce serait un grand malheur que de priver nos élèves des 12e années de ces deux matières. Je sais par expérience que c’est dans ces deux matières que mes élèves de cette année ont puisé les notions les plus neuves, les plus éclairantes, les plus labourantes. Il n’est pas indifférent d’introduire ou non quelques idées critiques touchant les sciences expérimentales dans les cerveaux quiets de nos jeunes gens. La plupart d’entre eux, je le dis sans mépris, en toute objectivité, comme je le  leur  disais en pleine face pendant l’année, sont des Polynésiens téléphonant, pour reprendre la formule d’Alain (…) : tous sous le coup de foudre scientifique. Il faut introduire un peu de critique là-dedans. » (Tiré de la lettre 9)



Retour à la page des bénévoles Dernière mise à jour de cette page: le mardi 5 octobre 2010 10:49
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cegep de Chicoutimi.
 



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