RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La dualité canadienne. Essais sur les relations entre Canadiens français et Canadiens anglais. /
Canadian Dualism. Studies of French-English Relations
. (1960)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre réalisé par Mason WADE, en collaboration avec un Comité du Conseil de Recherche en Sciences sociales du Canada sous la direction de Jean-Charles FALARDEAU, La dualité canadienne. Essais sur les relations entre Canadiens français et Canadiens anglais. / Canadian Dualism. Studies of French-English Relations. Québec: Les Presses de l’Université Laval, University of Toronto Press, 1960, 427 pp. Une édition numérique réalisée par Jacques Courville, médecin et chercheur en neurosciences à la retraite, bénévole, Montréal, Québec. [Autorisation formelle accordée le 1er août 2011, par le directeur général des Presses de l’Université Laval, M. Denis DION, de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]


[xxi]

La dualité canadienne.
Essais sur les relations entre Canadiens français et Canadiens anglais.

Canadian Dualism.
Studies of French-English Relations.

Préface

Mason WADE

Directeur, Institut d’Études canadiennes
Université de Rochester


L’OBJET DE CE VOLUME est d'étudier la coexistence des deux groupes culturels dominants dans le Canada d'aujourd’hui et, plus précisément, d'observer la manière dont les Canadiens anglais et les Canadiens français se comportent les uns envers les autres en tant qu'éléments d'un même ensemble national, et la manière dont les attitudes et les idéologies des deux groupes se sont réciproquement influencées. Le postulat sur lequel reposent ces essais est que ces deux groupes constituent la substance de la nation canadienne. D'autre part, on ne peut comprendre les comportements de chacun que si on les perçoit dans la perspective des relations d'un groupe avec l'autre. Notre préoccupation principale a été de déterminer jusqu'à quel point, dans l'histoire récente de la coexistence canadienne, il y a eu communication, adaptation réciproque, coopération, ou inversement, mésentente, friction, conflit, entre les deux groupes, Comme le Canada a été le résultat d'incessants compromis, le jugement ne peut pas être nettement tranché. La réalité canadienne a un caractère antinomique. En définitive, les deux questions fondamentales que nous tentons d'éclairer sont les suivantes : « Qu'est-ce que le Canada ? » - « Dans quelle mesure les Canadiens anglais et les Canadiens français ont-ils respectivement contribué à l'édification d'un Canada commun ? »

Les réponses à ces questions varient grandement selon les divers paliers de la vie nationale. C'est pourquoi nous avons cru sage de restreindre nos analyses aux domaines suivants qui nous ont semblé les plus significatifs : attitudes et idéologies collectives; religion et philosophie; droit; phénomènes démographiques; vie économique; vie ouvrière; vie politique. Par ailleurs, les données de la coexistence sont fort différentes dans la province de Québec et dans les autres régions canadiennes où vivent des groupes francophones. Nous avons donc consacré des études spéciales aux provinces maritimes, à l'Ontario et aux provinces de l'ouest. Pour fins de comparaison et de contraste, nous avons aussi inclus une monographie sur la Nouvelle-Angleterre où plus d'un tiers da la population d'origine canadienne-française d'Amérique [xxii] du Nord vit loin du foyer ancestral. Enfin, le moment ne semble pas encore tout à fait venu, au Canada, où quiconque puisse parler avec également de compétence et d'assurance du groupe anglais et du groupe français. Sur chacun des sujets fondamentaux, il existe deux modes différents de voir et de penser, l’un français, l'autre anglais. Nous avons cru réfléter fidèlement l'état de la pensée canadienne en faisant traiter chaque sujet par deux auteurs, l’un de langue anglaise, l'autre de langue française. Sur chaque problème on aura ainsi une double optique. Ces différences d'optiques elles-mêmes sont révélatrices des différences dans les idéologies en présence.

Si ce volume a le succès désiré, nous voudrions qu'il soit complété plus tard par un second volume qui traiterait, celui-là, des formes d'expression intellectuelle et artistique des deux cultures : éducation, littérature, beaux-arts, musique, radio et télévision. Jusqu'a une époque récente, il n'y a eu que très peu de communication réelle, en ces domaines, entre Canadiens français et Canadiens anglais. Il y avait des remparts plutôt que des rencontres entre les deux cultures. La situation contemporaine n'est guère différente de celle que décrivait Pierre Chauveau, en 1876, lorsqu'il comparait le Canada au fameux escalier du château de Chambord, construit de telle manière que deux personnes puissent monter en même temps sans se rencontrer et en ne s'apercevant que par intervalles. « Anglais et français, écrivait-il, nous montons comme par une double rampe vers les destinées qui nous sont réservées sur ce continent, sans nous connaître, nous rencontrer, ni même nous voir ailleurs que sur le palier de la politique. Socialement et littérairement parlant, nous sommes plus étrangers les uns aux autres de beaucoup que ne le sont les Anglais et les Français d'Europe [1] ». Mais, depuis la reconnaissance officielle de la dualité culturelle canadienne par le Rapport de la Commission Massey, les « deux solitudes » de jadis se sont davantage rapprochées l'une de l'autre. On reconnaît de plus en plus que si la culture canadienne doit résister à l'envahissement culturel américain, elle doit manifester son identité française et anglaise.

Ces essais n'ont pas la prétention de dire le dernier mot. Notre but a été de décrire un état social, de formuler de nouvelles hypothèses pour interpréter celui-ci a la lumière de nos connaissances actuelles, et enfin d'indiquer les secteurs où il faut poursuivre la recherche. Notre livre aura atteint son but si, justement, il stimule une étude plus approfondie des questions qu'il soulève. Dans le passé, tant les Canadiens français [xxiii] que les Canadiens anglais se sont étrangement abstenus d'observer de près la nature des rapports qui les unissent dans une symbiose nationale. Crainte de rompre un fragile équilibre ou conviction que le mieux est l'ennemi du bien ? Mais on a maintenant dépasse le stade de la traditionnelle « bonne entente » et de la politesse conventionnelle. Dans un Canada revigoré, les deux groupes semblent également désireux de se connaître d'une façon réaliste en vue d'une compréhension mutuelle authentique. Il est peut-être regrettable que, jusqu'à maintenant, ce soit le Canada français qui ait davantage été l'objet d'étude de la part d'observateurs anglophones. Mais il n'y a aucune raison pour que le Canada français soit l’unique objet canadien de curiosité scientifique. Des études par des Canadiens français sur le Canada anglais seraient fascinantes et enrichissantes. Grace à l'échange accru de professeurs et d'élèves entre universités françaises et anglaises, on peut prévoir que, dans un avenir prochain, l'héritage canadien sera l'objet d'enquêtes plus judicieuses et mieux équilibrées.

De telles enquêtes devront éviter la tentation de narcissisme à laquelle entraîne souvent une certaine tendance canadienne à l’examen de conscience stérile. D'ailleurs, il existe d'excellents modèles à imiter. Je songe en particulier a des études collectives récentes dont l'intérêt dépasse de beaucoup les frontières nationales, tels le symposium organisé en 1953 par la Canadian Westinghouse sur l'avenir du Canada et les deux symposia tenus en 1952 à l'Université Laval, l'un sur les répercussions sociales de l'industrialisation, l’autre sur les ressources naturelles [2] . Dans le dernier cas, on a retiré un immense profit d'un tour d'horizon permettant d'observer un même phénomène successivement dans ses perspectives mondiales, nord-américaines, canadiennes et régionales. Dans le cas précédent, pour évaluer les effets de l'industrialisation dans la province de Québec, on a fait appel aux lumières conjuguées de spécialistes canadiens-français, canadiens-anglais et américains. Lorsqu'il s'agit d'échanges culturels, beaucoup de cuisiniers ne gâtent pas nécessairement la sauce...

Un mot de la façon dont ce livre a vu le jour. Un comité spécial du Conseil de Recherche en Sciences sociales du Canada intéressé à l'étude de la dualité culturelle au Canada, ayant décide de publier un volume d'essais, m'invita à en assumer la réalisation. Il fallut mettre au point un plan général et une liste de collaborateurs. Ce plan et cette [xxiv] liste durent être plusieurs fois modifiés, tant par le comité lui-même que par suite des aléas qui guettent toute entreprise de cette nature. Les collaborateurs furent choisis à la fois pour leur compétence et pour leur faculté de vision au delà des frontières de leurs milieux respectifs. Étant donné que plusieurs professeurs et spécialistes canadiens de la génération qui nous précède ont souvent eu, dans le passé, l’occasion d'exprimer leurs vues sur les sujets que nous traitons, nous avons préféré choisir des collaborateurs plus jeunes dont les vues sont moins connues. Pour ma part, j'ai la conviction qu'il existe une différence marquée entre les attitudes de la génération précédente et celles de la génération actuelle. Cette différence reflète l'évolution rapide du sentiment canadien tout autant que la fusion graduelle du nationalisme canadien-français et du nationalisme canadien-anglais en une forme nouvelle de patriotisme canadien global. En outre, ce livre porte principalement sur le présent bien que, nécessairement, on ait fait appel au passe dans tous les cas ou il fallait récapituler la genèse des attitudes contemporaines. Le lecteur déplorera peut-être que nous parlions peu de l'avenir. Il comprendra cependant que l'observateur scientifique se refuse à jouer le rôle de devin. D'ailleurs, si l'on comprend bien le présent, on a toutes les raisons de laisser l'avenir à lui même. On notera enfin que chaque essai porte la date de sa composition. Cette façon de procéder tient au fait que la publication de ce volume a été différée par des retards inévitables dans une entreprise collective comme celle-ci. Elle permettra au lecteur d'évaluer chaque essai de manière équitable.

Les auteurs de ces essais n'ont reçu aucune directive. On a seulement demandé que chaque couple d'auteurs français et anglais se situe dans une même perspective. Chaque collaborateur a été libre de présenter et d'analyser son sujet comme il l'entendait. L'optique de chacun, en effet, est en elle-même révélatrice. La principale tâche du soussigné a été d'aiguillonner les collaborateurs, professionnellement absorbés par des tâches multiples, et de leur rappeler les échéances auxquelles, dans un moment de faiblesse, ils avaient librement consenti ... Il a aussi tenté, comme son mandat le demandait, de faire le bilan des essais, de dégager les analogies et les différences caractéristiques dans les attitudes des Canadiens anglais et des Canadiens français, et enfin d'indiquer dans quels domaines il faudrait poursuivre la recherche. Il a voulu jouer le rôle d'arbitre impartial, observant et jugeant de l'extérieur une scène de famille. Mais il a aussi voulu remplir ce rôle avec toute la sympathie que, à la suite de ses travaux [xxv] et de ses séjours dans les deux univers culturels canadiens, il continue d'éprouver pour les attitudes des Canadiens des deux groupes.

À M. Jean-C. Falardeau revient le mérite d'avoir fait les versions françaises des pages préliminaires et d'avoir révisé les textes français. Mlles Francess G. Halpenny et Jean C. Jamieson des Presses de l'Université de Toronto n'ont pas cessé de rendre d'utiles services au cours de la publication.

MASON WADE

Directeur, Institut d'Etudes canadiennes
Université de Rochester



[1] P.-J.-O. Chauveau, L'Instruction publique au Canada (Québec, 1876), p. 335.

[2] G. P. Gilmour, ed., Canada's Tomorrow (Toronto, 1954) ; Jean-C. Falardeau, éd., Essais sur le Québec contemporain ( Québec, 1953) [Livre disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.] ; G. Maheux, éd., Conservation des richesses naturelles renouvelables (Québec, 1953).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 24 novembre 2011 10:39
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref