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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

La dualité canadienne. Essais sur les relations entre Canadiens français et Canadiens anglais. /
Canadian Dualism. Studies of French-English Relations
. (1960)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre réalisé par Mason WADE, en collaboration avec un Comité du Conseil de Recherche en Sciences sociales du Canada sous la direction de Jean-Charles FALARDEAU, La dualité canadienne. Essais sur les relations entre Canadiens français et Canadiens anglais. / Canadian Dualism. Studies of French-English Relations. Québec: Les Presses de l’Université Laval, University of Toronto Press, 1960, 427 pp. Une édition numérique réalisée par Jacques Courville, médecin et chercheur en neurosciences à la retraite, bénévole, Montréal, Québec. [Autorisation formelle accordée le 1er août 2011, par le directeur général des Presses de l’Université Laval, M. Denis DION, de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]


[v]

La dualité canadienne.
Essais sur les relations entre Canadiens français et Canadiens anglais.

Canadian Dualism.
Studies of French-English Relations.

Avant-propos

Jean-Charles FALARDEAU

1958

Le livre que voici est l'épilogue d'une longue histoire. S'il fallait raconter au long cette histoire, c'est tout un autre livre qu'il faudrait écrire. Cette histoire nous reporterait plus de quinze ans en arrière, à un moment ou quelques Canadiens de bonne volonté, enthousiasmés par le dynamisme de la vie académique et la maturité croissante de notre pays, conçurent un vaste plan de recherche sur la dualité culturelle dans le Canada contemporain. Mais cette histoire aux débuts enthousiastes serait aussi celle d'une longue persévérance, de beaucoup d'efforts, d’échecs, de rebondissements. Elle ressemblerait à celle des Rois Mages dont la patience fut telle que, malgré toutes les adversités, une étoile apparue au-dessus de l'horizon vint, comme une récompense, confirmer leur foi initiale. Cette histoire serait surtout celle de la patience de la Fondation Carnegie qui a permis à notre aventure de se mettre en marche, de se poursuivre, et, finalement, de déboucher à la périphérie de la terre promise.

D'abord, un mot de la pré-histoire de notre entreprise. Comme je viens de le rappeler, un certain nombre d'universitaires canadiens, dans les années d'après-guerre, avaient le sentiment que notre pays était entré dans une période nouvelle de sa vie adulte. Le moment était venu d'étudier objectivement les facteurs de tout ordre grâce auxquels les deux grands partenaires de la nation canadienne, les Canadiens de langue française et les Canadiens de langue anglaise, étaient parvenus à accepter un modus vivendi relativement stable. Il serait important et bienfaisant de faire affleurer le vécu au niveau de la conscience, de façon à permettre une plus grande franchise et une plus grande liberté dans les conduites à venir. Au printemps de 1945, le Conseil de Recherche en Sciences sociales du Canada demanda à un comité spécial de déterminer, après enquête, si une telle étude était réalisable. Ce comité donna une réponse affirmative et un nouveau comite de trois membres, les professeurs B.S. Keirstead, A.R.M. Lower et moi même, fut constitué avec mandat de discuter et de préparer un plan d'enquête.

[vi]

Au printemps de 1948, la Fondation Carnegie accorda au Conseil de Recherche en Sciences sociales du Canada une généreuse subvention pour permettre l'exécution du plan de recherche que nous avions proposé. L'objectif essentiel de cette recherche était de dégager les caractères dominants de la dualité de cultures au Canada et de déterminer par quels moyens la nation canadienne avait dominé ses tensions internes. Notre ambition était de déceler les forces d’association et de dissociation dans la vie nationale. Dans ce but, nous avions circonscrit un certain nombre de champs d'enquête dont chacun semblait correspondre à une étape ou à un domaine caractéristique de révolution des relations entre Canadiens français et Canadiens anglais : l’histoire récente du «mariage de raison» canadien ; les conditionnements écologiques et démographiques des relations sociales; les institutions et les partis politiques en tant que cadres d’affrontement, de discussion et de compromis ; les processus de la vie économique ; les échanges socio-culturels et les conséquences psychologiques résultant de la distance sociale, des contacts et des tentatives de communication.

Tel était notre espoir. Mais nous avons constaté, pour notre compte, qu'il y a loin de la coupe aux lèvres. Ce qui se passa durant les mois, durant les années qui suivirent, ressembla davantage à une comédie italienne qu'à la symphonie minutieusement prévue. Quiconque a déjà tenté, surtout au Canada, d'amorcer une recherche sociale associant des spécialistes appartenant a des disciplines diverses imaginera facilement ce que furent nos avatars. Au surplus, notre tâche n'était pas simple car nous abordions de vastes domaines relativement inexplorés par la recherche sociale canadienne. Avec patience et diligence, nous sollicitâmes tous ceux dont nous jugions la collaboration nécessaire. Plusieurs répondirent à notre invitation. Un certain nombre de chercheurs se mirent au travail à notre appel. Avec d'autres, il fallut composer et accepter des compromis. Mais un trop grand nombre de ceux que nous avions souhaites comme collaborateurs étaient déjà absorbés par d'autres soucis ou d'autres champs de recherche. Le Canada académique, après tout, n'est pas si vaste, et le nombre des chercheurs n’est pas si élevé. Aussi nos archives contiennent-elles plus de compte-rendus de colloques et de discussions, plus de correspondance inquiète que de manuscrits achevés...

Malgré tous les obstacles, nous avons la satisfaction d'avoir inspiré plusieurs études originales de haute qualité, comme les monographies du professeur Nathan Keyfitz sur les tendances démographiques en milieux urbains, du professeur E. F. Beach sur les revenus des Canadiens [vii] de langue anglaise et de langue française, du professeur F. W. Gibson, sur l’histoire politique du Canada entre 1911 et 1930, l'excellente bibliographie de Monique Lortie sur les études ethniques au Canada. Durant ce temps, notre comité s'était adjoint de nouveaux membres : le regretté professeur H. A. Innis qui, depuis les débuts, avait joué pour nous le rôle de mentor ; M. John-E. Robbins, le discret magicien du Conseil de Recherche en Sciences sociales du Canada ; le R.P. Bernard Mailhiot o.p. et le professeur J.A. Corry. Celui-ci fut, par la suite, remplacé par deux nouveaux membres, le professeur Alexander Brady et le directeur des Archives nationales, M.W. Kaye Lamb. Six années s'écoulèrent ainsi, ponctuées d'arrivées et de départs, de démarrages et de retraites. A l'hiver de 1954, nous dûmes reconnaître que notre plan original était téméraire dans l'état actuel de la vie académique canadienne. Il fallait renoncer à notre vaste plan d'enquête et restreindre notre effort a une tentative plus modeste et plus immédiatement réalisable.

Nous décidâmes à ce moment de préparer un volume. Nous demanderions à des collaborateurs reconnus pour leur compétence de présenter, en de brèves synthèses, l'opinion qu'ils se font, à partir de leur expérience et des recherches existantes, des relations entre Canadiens anglais et Canadiens français. Une telle synthèse panoramique apporterait un éclairage nouveau sur le Canada contemporain. Elle clarifierait les données de la vie nationale. Elle mettrait à jour des questions nouvelles et, ce faisant, elle provoquerait peut-être, à plus ou moins brève échéance, les recherches en profondeur que nous avions en vue au point de départ. Nous eûmes la bonne fortune d'associer à ce nouveau projet l'un des plus érudits observateurs de la vie canadienne, le professeur Mason Wade. À notre demande, il accepta de diriger la préparation du volume. Ensemble, nous discutâmes le plan de l'ouvrage, le choix des collaborateurs, et il se mit a la tâche. Voici enfin, après quatre autres années, le résultat de notre effort commun.

Dira-t-on que la montagne a enfanté d'une souris ? Avant de juger l'ensemble de notre activité, il faudra tenir compte d'un autre fait. C'est grâce à l'influence directe ou indirecte de notre comité qu'ont été entrepris, dans plusieurs universités, dans plusieurs centres de recherche canadiens, des travaux d'un type nouveau portant sur un aspect ou l'autre de la dualité de cultures au Canada. Je veux mentionner seulement, parmi les plus importants : les recherches sur les composantes psycho-sociales des relations inter-ethniques poursuivies sous la direction du P. Noël Mailloux o.p. par l’Institut de Recherches [viii] en Relations humaines de Montréal ; l'enquête sur les perspectives culturelles de l’enseignement élémentaire canadien-français entreprise, depuis quelques années, par l'École de Pédagogie de l'Université Laval. A ces travaux de longue haleine il faut ajouter de nombreuses études subventionnées par le Comite psychologique et sociologique du Conseil de Recherche pour la Défense, en particulier celles des professeurs J.M. Blackburn et Andrew Kapos de l’Université Queen's, et les travaux exécutés pour le compte des Laboratoires médicaux du Conseil de Recherche pour la Défense par le professeur David N. Solomon et J. Jacques Brazeau. Ces recherches, a elles seules, justifient a posteriori l'existence de notre comité. Déjà, nous pouvons nous réjouir des ces résultats. Et peut-être aurons-nous encore de nouveaux motifs de satisfaction, dans l'avenir, au fur et à mesure que nous connaîtrons d’autres travaux qui nous doivent leur inspiration.

*    *    *

Je tiens, en dernier lieu, à souligner certaines remarques de l’excellente Préface de Mason Wade. Le sujet de chaque chapitre de ce volume est traité par deux auteurs, l'un de langue française, l'autre de langue anglaise. Nous avons estimé que la meilleure façon d'illustrer les similitudes et les différences entre les attitudes, les opinions et les idéologies des deux groupes culturels était de les faire analyser simultanément par des observateurs de chaque groupe. Chaque auteur s'est exprimé dans la langue de son choix et son essai est publé tel quel, sans traduction. Le lecteur canadien cultivé, d'où qu'il soit, est de plus en plus soucieux de bien connaître les deux langues officielles de son pays. Nous lui présentons un livre bilingue au vrai sens du terme.

L'image du Canada que nous présentons dans ces essais est celle d'un pays qui, dans la définition officielle qu'il donne de lui-même, inclut la dualité de cultures. Cette conception n'est peut-être pas encore partagée par un certain nombre de Canadiens qui rêvent d'un canadianisme intégral. Mais il faut être réaliste. Malgré la subdivision de notre pays en dix états provinciaux distincts, malgré la diversité de ses régions géographiques et économiques, malgré la diversité ethnique de sa population, malgré enfin la solidité de ses structures politiques transcontinentales, le grand fait de la vie canadienne est la coexistence de deux univers culturels, l'un français, l'autre anglais. Comme l'a écrit après beaucoup d’autres Malcolm Ross, «nous sommes depuis les débuts, et sans possibilité d’échapper à notre destin, une nation à double foyer». Cette dualité a déterminé la nature même du gouvernement [ix] canadien et les caractères de notre constitution. Elle sous-tend la vie nationale. Elle dessine les traits du visage sous lequel les autres peuples nous connaissent et nous reconnaissent. Nous souhaitons que dans ce livre, comme dans un miroir fidèle, on retrouve l'image de notre identité profonde.

En 1949, dans son discour présidentiel a la Societé royale du Canada, M. Gustave Lanctôt distinguait trois périodes caractéristiques dans l'histoire de la coexistence des groupes français et anglais au Canada depuis deux siècles : la période du rapprochement social et de la séparation politique, de 1760 à 1791 ; l'étape de l'influence mutuelle dans la vie politique, de 1791 à 1867 ; enfin, depuis la Confédération, la phase de l'interaction proprement dite, accentuée par la détente qui a suivi les années 1914-18 et par une communication plus intense entre les « élites » de chaque groupe. Il souhaitait que le Canada cessat d'être le pays de « deux solitudes » pour devenir, en exemple au monde, le pays de « deux fortitudes ». Peut-être sommes-nous déjà engagés dans cette nouvelle étape. Est-il téméraire d'espérer que ce livre, à sa façon, éclairera la route dans cette direction ?

JEAN-C. FALARDEAU

président, 1952-8

Comité pour l'étude des deux cultures,
Conseil de Recherche en Sciences sociales du Canada

Université Laval,

1958



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le jeudi 24 novembre 2011 10:35
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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