RECHERCHE SUR LE SITE

Références
bibliographiques
avec le catalogue


En plein texte
avec Google

Recherche avancée
 

Tous les ouvrages
numérisés de cette
bibliothèque sont
disponibles en trois
formats de fichiers :
Word (.doc),
PDF et RTF

Pour une liste
complète des auteurs
de la bibliothèque,
en fichier Excel,
cliquer ici.
 

Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir du texte de Francine DESCARRIES et Louise VANDELAC [Professeures de sociologie, Département de sociologie, Université du Québec à Montréal]. “Présentation. L’engendrement du savoir”. Un article publié dans la revue Cahiers de recherche sociologique, no 23, 1994, pp. 5-24. Montréal: Département de sociologie, UQÀM. Numéro intitulé: “Critiques féministes et savoirs”. [Autorisation accordée par l'auteure le 19 décembre 2003].

“Présentation.
L’engendrement du savoir”



Nous semblons approcher d’une révolution redoutable dans l’histoire du savoir, où celui-ci, cessant d’être pensé, médité, réfléchi, discuté par des êtres humains, intégré dans la recherche individuelle de la connaissance et de la sagesse, devient de plus en plus destiné à être accumulé dans des banques de données, puis computé par des instances manipulatrices, au premier chef, l’État. 

Il ne faut pas éliminer l’hypothèse d’un néo-obscurantisme généralisé, produit par le mouvement des spécialisations, où le spécialiste lui-même devient ignare de tout ce qui ne concerne pas sa discipline, où le non-spécialiste renonce d’avance à toute possibilité de réfléchir sur le monde, la vie, la société, laissant ce soin aux scientifiques, lesquels n’en ont ni le temps ni les moyens conceptuels. Situation paradoxale que celle où le développement de la connaissance instaure la résignation à l’ignorance et où le développement de la science est, en même temps, celui de l’inconscience [1]. 

Ce paradoxe apparent où, au nom de la connaissance, les uns détournent le regard et les autres se voilent la conscience, n’est pas seulement l’effet d’une hyperspécialisation de savoirs qui, trop souvent, ont été coupés des enjeux de leur genèse et de leurs fins. Il témoigne davantage, dirait Baudrillard, de la liquidation par le Virtuel, du Réel, du Référentiel et de l’Altérité sous toutes ses formes [2]. Il témoigne, dirions-nous sur un autre registre, d’une prolifération généralisée d’un nouvel ordre de reproduction, obsessive production sérielle du même [3] ou plus justement de ses simulacres qui, réduisant toute forme d’altérité à de la « différence », envahissent non seulement tous les interstices du corps individuel et social (allant de la sexualité à la conception et jusqu’à la mort), mais également l’univers des relations, des communications et de l’information pour affecter de façon plus radicale et plus inquiétante encore notre faculté même de penser. 

Dans un monde où désormais nos doubles nous doublent littéralement, dans toutes les significations du terme « doubler [4] », et où pour paraphraser Baudrillard le monde est parfois converti aux hypothèses les plus délirantes [5], on a parfois l’impression que l’espace-temps de représentation nécessaire au déploiement de la pensée et le silence indispensable à l’émergence de la parole se rétrécissent et se chiffonnent à vue d’œil. 

Comme si non seulement les événements nous dépassaient, mais comme s’ils en venaient à incarner et à accomplir, dans « l’enfer de la réalisation inconditionnelle de toutes les idées, l’enfer du réel [6] », certaines des injonctions et des disjonctions majeures de la pensée scientifique occidentale. 

En cette fin de millénaire, marquée par le profond malaise des êtres qui sont devenus les objets de la double emprise techno-scientifique sur la mort et la vie, depuis les armes nucléaires jusqu’à la reproduction sérielle de vivant [7], le vertige ne porte donc plus seulement sur la survie ou la mutation de l’individu et de l’espèce humaine, mais touche à notre capacité même de penser. Le sensationnalisme qui enrobe l’« arti-ficialisation » et la manipulation croissante de la conception et de la mort des humains, pour ne prendre que ces exemples, ne peut en effet masquer qu’il s’agit là d’une véritable « mise en chair » de certaines des représentations réductrices et mécanistes constituantes des sciences modernes risquant de bouleverser les structures symboliques de la société. 

Bien que nous ayons toujours une conception anthropocentrique de la technique [8] et que nous soyons, ajoute Baudrillard, « en pleine illusion de la finalité de la technique comme extension de l’homme et de sa puissance, en pleine illusion subjective de sa puissance [...], aujourd’hui ce principe opérationnel est mis en échec par son extension même, par cette virtualité sans frein, outrepassant les lois de la physique et de la métaphysique. C’est la logique du système qui, l’emportant au-delà de lui-même, en altère les déterminations. En même temps qu’à un stade paroxystique, les choses en sont arrivées à un stade parodique [9] ». 

Ainsi, par un étonnant effet de boucle de la rationalité occidentale, nous pouvons désormais « incarner dans les structures du vivant des représentations précises et cohérentes concernant le destin biologique de l’homme, des animaux et des végétaux [10] » en fonction d’images et de symboles sous-jacents aux fondements de la rationalité scientifique moderne et à la nouvelle vision du monde traversée par les rêves les plus fous de contrôle et de maîtrise. 

L’aube du xxie siècle est en effet marquée par l’indifférenciation et la production sérielle et mutante du vivant, double mouvement de mécanisation et de transfiguration emmêlées, et véritable passage à l’acte scientifique risquant de transformer de façon irréversible les structures et les représentations du vivant et de ses rapports sociaux. En effet, ce mouvement de réification, d’instrumentalisation [11] et de mécanisation forcené, qui nous fait passer de l’ordre du symbolique à celui de la matérialité pure, entraîne un effritement symbolique, une espèce de « déperdition de sens [12] » affectant profondément nos représentations de l’être et du monde, et plus profondément encore les structures de pensée. Autrement dit, ne serions-nous pas littéralement « bouclés » par une certaine conception de la rationalité scientifique, « prétendant à travers ces transformations radicales du vivant en fonction de leur logique, non plus à un statut de vérité universelle, mais désormais de “réalité incontournable”, dont l’enjeu serait la dilution, voire la dissolution, par l’imaginaire à l’œuvre dans la biologie, des structures symboliques, traditionnelles et classiques encore vivantes et agissantes dans les sociétés occidentales [13] » ? 

Ainsi, dans le champ des technologies de reproduction, nous assistons, sous l’impulsion d’enjeux économiques et techno-scientifiques faisant muter la médecine elle-même [14], à des transformations sans précédent, voire à l’éclatement de concepts clés pour la constitution psychique des individus et l’ordre des représentations sociales, tels les concepts de temps [15], de mère [16], d’engendrement [17], d’être humain, de vie et de mort qui ont défini jusqu’ici les horizons de la pensée. C’est donc tout un univers de référence qui vacille et s’effrite dans cet « emportement de l’imaginaire », dans cette « fascination qui jouxte l’hypnose [18] ». 

À titre d’exemple, ce n’est pas que la mort qu’on tait comme pour la tuer dans l’acharnement thérapeutique, ou qu’on ouvre dans toute son ampleur dans l’expérimentation sur l’embryon — cette figure emblématique de « l’avant-vie de la mort » —, mais c’est la conception même de la vie et de l’humanité, c’est notre rapport au monde et à sa connaissance qui s’y jouent. Comme le souligne Foucault [19], à propos du rôle de la mort dans la constitution de la médecine moderne, « il restera sans doute décisif pour notre culture que le premier discours scientifique tenu par elle sur l’individu ait dû passer par ce moment de la mort ». À la fois symboliquement et matériellement, le cadavre a en effet servi d’instrument majeur au développement de la médecine occidentale, dont les métaphores irradient maintenant une société entière vivant sous l’emprise croissante du biopouvoir. Or il est désormais tout aussi décisif pour notre culture, et tout aussi impératif pour notre compréhension du monde, de retracer les entrailles de l’imaginaire, les fascinations ludiques et épistémophiliques, les ressorts économiques et sociaux par lesquels nous avons été collectivement emportés, pour avoir ainsi, en moins de vingt ans, déplacé le regard et l’intervention du risque de mort réel de l’individu au risque de mort de la génération que symbolise la stérilité ; pour avoir troqué le modèle du cadavre chaud pour celui de l’embryon glacé — voire cloné ou produit à des fins de recherches —, bref pour être passés de « la mort de l’après-vie » à « l’avant-vie de la mort », et cela au nom d’une prétendue maîtrise de la vie qui la réduit à un simulacre [20]. 

Nous en sommes donc à un bien curieux moment de l’histoire. Les effets les plus pervers de certaines disjonctions cartésiennes (maîtrise de l’homme sur la nature, séparation su sujet et de l’objet), traversant l’histoire des sciences occidentales et y dominant encore la pensée, menacent en effet littéralement de nous traverser corps et âme. Par un double mouvement de mécanisation du vivant, de biologisation [21], voire de « génétisation [22] » du discours social, nous semblons en effet voués à un univers généralisé de reproduction, ce qu’Harold Innis [23] semblait déjà avoir pressenti il y cinquante ans à travers ses analyses de la mécanisation des communications et du savoir. 

Cette impression de dilution de la pensée dans un contexte de passage à l’acte scientifique multipliant les transgressions en tout genre [24] n’est peut-être pas indifférent au déni d’Altérité sous-jacent au projet de maîtrise, voire de « viol », de la Nature, projet qui a orienté la constitution des sciences occidentales, ni à la mutation des figures de féminité associées à la Nature, qui de Nymphe offrant sérénité et paix et de mère féconde et nourricière ont basculé dans les représentations de forces déchaînées qu’il fallait contrôler et soumettre [25]. 

Rappelons que le savoir et ses institutions se sont largement constitués sur la base de l’exclusion, voire de la forclusion, des femmes, tant sur le plan symbolique que sur les plans social, politique, culturel et économique. Toutefois, l’intérêt d’une telle analyse n’est pas de préciser l’acte d’accusation — déjà suffisamment long pour justifier la pendaison — ni de repérer les modalités et les effets concrets de cette mise à l’écart pour les femmes, travail déjà largement amorcé [26]. Désormais, l’intérêt nous semble être davantage, du moins pour certaines d’entre nous, de tenter de comprendre les enjeux inconscients à l’œuvre dans la constitution d’un savoir marqué à l’origine non seulement par l’exclusion des femmes, mais plus profondément encore par le déni d’Altérité. 

Sans replier terme à terme le féminin et le masculin sur les sexes biologiques, ni réduire toute altérité au seul sexe, il convient néanmoins de rappeler, comme le fait la psychanalyste Monette Vacquin [27], que l’incarnation est, dans l’union sexuelle, le lieu même, voire le creuset, d’expérience, le modèle de toute altérité. En effet, souligne-t-elle, « l’incarnation dans l’union sexuelle n’est pas seulement un fait de nature : pour l’espèce humaine, cette union est le lieu même d’expérience de la différence [terme qu’il faut prendre ici davantage dans le sens de non équivalence et d’étrangeté] telle que chacun peut la vérifier tout au long de sa vie dans le vécu le plus sensible qui soit. [...] Concevoir l’acte par lequel un enfant est conçu signifie aussi faculté de comprendre [...] ». C’est d’ailleurs dans cet écart originaire, poursuit Vacquin, que plonge toute possibilité de pensée. D’ailleurs, ajoute-t-elle, « connaître n’est-il pas dans la Bible le mot unique qui désigne le rapprochement sexuel et l’appropriation d’un savoir ? » 

Or, en transformant ce modèle de toute altérité qui ancre notre origine dans le rapport à l’autre, en réduisant l’engendrement à l’acte, au regard et à la parole technico-médicale, l’être humain, écrit Vacquin, « ne déplace-t-il pas le lieu de son origine de l’a-maîtrise et de l’altérité pour le placer sous le signe de l’Emprise ? ». « Ce faisant, précise-t-elle « ce n’est pas seulement à sa façon de se reproduire qu’il toucherait, mais à sa capacité même de penser [28] ». 

Ce n’est donc pas un hasard si, profondément remuées par la radicalité des ruptures opérées, tant dans le social que dans l’imaginaire collectif, par ces projets de maîtrise et d’emprise sur la fabrication d’humains potentiels — vivant oscillant entre naître et n’être que matériel de recherche —, et étonnées par l’ampleur des moyens mis en œuvre pour l’accomplissement de ces pulsions quasi épistémologiques, bref ce n’est pas un hasard si, constatant combien ce nouvel ordre de reproduction nous renvoie une image de plus en plus désenchantée, diffractée de l’être et de l’engendrement, nous exigeons un véritable travail « d’archéologie du savoir » pour reprendre un thème cher à Foucault. 

Faute d’une critique épistémologique des fondements andro-centristes de cette société et faute de pouvoir penser et poser socia-lement une éthique de l’intégrité et de l’altérité, à partir notamment des métaphores corporelles et de l’expérience polysémique de la sexualité et de la maternité, les femmes ne risquent-elles pas en effet de glisser vers une assimilation totale au modèle masculin, et n’est-ce pas là, d’ailleurs, l’un des enjeux de l’inféodation de l’engendrement à l’économie et à la technique, voire sa réduction à l’ordre de la reproduction, nouvelle matrice idéologique et sociale [29] ? 

Ajoutons que l’Altérité, pour emprunter à Baudrillard, est du domaine du singulier, de l’incomparable, de l’inéchangeable, tant pour les hommes que pour les femmes devons-nous ajouter, alors que la production de la différence, caractéristique selon lui de la modernité, serait « cette liquidation de l’autre, doublée d’une synthèse artificielle de l’altérité, chirurgie esthétique radicale dont celle du visage et du corps n’est que le symptôme [30] ». 

C’est d’abord contre ce modelage incessant de tous les pores de la peau, des gestes et des pensées les plus intimes, c’est contre cette « différence » imposée, cette féminité construite et prescrite d’après un prétendument symétrique et complémentaire modèle masculin, que les féminismes du xixe et du xxe siècle se sont d’abord élevées. Or si le travail de déconstruction de tels modèles et les efforts d’émanci­pation et de libération de ce carcan du geste et de la pensée ont particulièrement marqué les dernières décennies, il n’est pas pour autant évident qu’une large partie de ces efforts ne soient pas piégés dans la même binarité de l’égalité et de la différence, qui, certes indispensables pour la vitalité et l’expression de chaque individu dans une société dite démocratique, sont non seulement insuffisantes, mais particulièrement inadéquates pour déconstruire les fondements et les dispositifs de l’exclusion et de la marginalisation et pour permettre à l’Altérité de réémerger... 

Pour dire les choses plus concrètement, même si nous assistons et participons à la fois, depuis des années déjà, et cela au prix d’incessantes batailles quotidiennes, à une spectaculaire augmentation de la présence de femmes dans la plupart des champs du savoir, les effets de cette exclusion originaire sont encore omniprésents. Omniprésents dans les possibilités concrètes d’insertion scolaire et professionnelle ; dans le rayonnement et la reconnaissance ; dans l’androcentrisme profond qui imprègne la plupart des disciplines, voire certains paramètres clés du discours scientifique et de la pensée contemporaine, ainsi que dans la prise en compte, encore tout à fait exceptionnelle des femmes, de leurs réalités et des rapports sociaux de sexes [31]. Mais l’omniprésence de ces effets d’exclusion agit peut-être d’une façon plus insidieuse encore sur les représentations mentales qui imprègnent la plupart des disciplines, représentations qui nous sont souvent profondément étrangères, voire inassimilables, à moins de faire totalement l’impasse sur notre expérience et de mettre notre identité en veilleuse. Or comment peut-on se poser en sujet du savoir quand on adopte inconsciemment une position de colonisée, qu’il s’agisse de féminité prescrite ou de son opposé aussi piégé, calqué sur une prétendue rationalité masculine ? 

Face à cette double impasse, pour reprendre l’expression de Bateson, bon nombre d’entre nous avons commencé à laisser surgir ce malaise sourd, cette question sans réponse, cet irritant agaçant à la surface de la conscience, qui nous fait mesurer soudain, au détour de telle phrase, ou dans la présentation de telle analyse, l’écart indicible des modalités mêmes de conceptualisation qui nous séparent d’un certain univers masculin, ainsi que notre résistance farouche à nous « engainer » dans des formulations parfois si profondément étrangères à nos propres expériences et représentations. Il est certes extrêmement difficile, pour des êtres socialisées dans le doute d’elles-mêmes, de comprendre que ce sentiment d’étrangeté et d’extériorité ressenti dépend peut-être moins d’elles que des découpages du savoir, des modes de conceptualisation et des métaphores corporelles à l’œuvre, et c’est souvent leur résistance encore muette qui leur sert de salutaire butée, leur permettant ensuite d’élaborer la critique et de créer. 

Ainsi, noyées depuis un siècle, et au nom de notre prétendue « nature », dans un univers domestique créé de toutes pièces — dans sa forme actuelle — par les sociétés salariales, il nous a fallu des décennies pour tenter de faire comprendre, mais sans succès évident, qu’on ne peut plus regarder l’économie à travers le seul regard de l’économie formelle. Et depuis, combien d’entre nous ont souligné l’urgence de regarder l’économie et la société sous l’angle de l’économie formelle et informelle (et surtout à travers ce verre grossissant du domestique), et donc de repenser ce découpage entre une sociologie du travail trop souvent confondue à l’emploi et une sociologie de la famille, vidée de son contenu de travail. Et si de telles analyses s’imposent avec urgence, c’est que nous sommes toutes et tous de plus en plus aveuglés par l’horizon de la marchandise, qui balaie littéralement de sa lumière crue et implacable les relations les plus fortes et les plus intimes, ainsi que l’ensemble des gestes, pulsions et sentiments, y compris nos façons d’engendrer et de mourir... Certes, il serait naïf de croire que l’analyse puisse servir d’antidote à ce mouvement général de réification, mais cela aiderait peut-être à ne pas accélérer le pas... 

Cet exemple particulier de l’économie, exemple parmi tant d’autres, n’a d’intérêt véritable que si les retombées concrètes de telles analyses permettent de transformer le paysage intellectuel et social et surtout d’élargir un tant soit peu l’espace d’Altérité [32]. Car il faut bien comprendre que ce qu’un certain nombre de femmes, et d’hommes aussi parfois, tentent de mettre en évidence, c’est l’impossibilité même de l’existence d’un sujet, qu’il soit masculin ou féminin, sans Autre. Et c’est également que l’Autre est irréductible à la « différence » et a fortiori à cet ordre généralisé de la reproduction, véritable mirage « mortifère » des sociétés techniciennes dans lequel nous semblons inexorablement nous enfoncer. Autrement dit, non seulement hommes et femmes doivent-ils de toute urgence sortir de cette caricature de la « différence », sous peine sinon d’être complètement dévitalisés, déshumanisés et désexués, comme le souligne Baudrillard [33], mais encore doivent-ils tenter de saisir les mécanismes mêmes de cette « liquidation de l’Autre », dont la liquidation du féminin et du maternel est à la fois exemplaire et symptomatique, mais dont les formes sont aussi multiples que redoutables [34]. 

Ce n’est peut-être pas un hasard que ce soient surtout des femmes qui, depuis une dizaine d’années, sont particulièrement attentives et critiques face à ces transformations radicales du savoir et du vivant. Pas un hasard non plus qu’elles soient parfois les plus lucides face aux institutions savantes qui, après les avoir si longtemps exclues, leur proposent d’assimiler un univers de connaissances élaboré, entre autres, sur le socle de leur forclusion, et de s’y assimiler en souriant. 

À la suite des textes profonds et prémonitoires comme celui de Mary Shelley [35] sur Frankenstein, des réflexions engageantes de Rachel Carson[36] sur l’environnement, des brillantes analyses éthiques, philosophiques et politiques de Simone Weil [37] et d’Hannah Arendt, et inspirées par l’imposante production littéraire et scientifique féministe des dernières décennies, ainsi que par divers courants d’analyse critique des sciences, bon nombre de femmes ont compris à quel point elles étaient les premières concernées par cette mutation du vivant. Concernées à la fois dans leurs relations les plus sensibles à la sexualité [38], dans leurs rapports aux hommes et aux femmes, aux désirs d’enfants prenant forme ou non, en elles, ou dans leur vie, aux enfants portés, allaités, sevrés et proches et lointains. Concernées également dans leurs relations souvent embarrassées ou conflictuelles à la médecine et dans leurs rapports aux enjeux théoriques, politiques et culturels des transformations de la techno-science, comme des rapports socio-sexués. Et c’est pourquoi Irigaray, O’Brien, De Vilaine et tant d’autres ont ressenti à ce point l’urgence de symboliser la sexualité et l’engendrement [39] et, ajouterions-nous, d’essayer de comprendre les enjeux symboliques de l’engendrement du savoir [40]... 

Le voile d’ignorance et d’inconscience évoqué par Edgar Morin, témoigne d’une crise profonde de société résultant entre autres d’un déni d’Altérité et de la mise en acte de représentations réductrices et mécanistes qui, à l’origine des sciences modernes, nous conduisent au propre comme au figuré dans un univers de reproduction effrénée et exponentielle, dont nous semblons avoir perdu et le fil et le sens... Seul peut-être un travail visant à dénouer, à déchiffrer certains des enjeux inconscients à l’œuvre dans la constitution de la pensée androcentriste peut permettre à l’altérité et à ce nouvel humanisme du féminisme, qui est l’un de ses éléments les plus fascinants et les plus porteurs, d’émerger enfin. 

*
** 

Si nous amorçons en ces termes l’introduction du présent dossier thématique des Cahiers de recherche sociologique c’est bien pour signifier d’entrée de jeu que la critique féministe des savoir, en ce qu’elle se fonde sur une approche des sciences de l’homme différente de la perspective androcentriste, se doit non seulement de replonger dans les racines les plus profondes, voire les plus inconscientes parfois, de la pensée occidentale, mais encore de s’interroger sur sa mise en acte dans tous les domaines du savoir, et notamment dans celui de la techno-science. Questionnement de la connaissance, exploration des sens originels, des mythes et des pratiques qui président à la constitution des rapports sociaux sexués, cette critique doit en conséquence s’inscrire dans un double mode de réflexion pour réconcilier le matériel et l’idéel [41] comme composantes interdépendantes et indissociables de la dynamique de ces rapports et de la façon de les comprendre et de s’y inscrire. 

C’est cette volonté même de déterrer les fondations tant matérielles qu’idéelles du savoir, des discours masculins et des projets sociopolitiques qui rend possible et légitime le projet épistémologique féministe, autrement dit qui lui donne sa cohésion. Une telle orientation trouve sa raison première dans l’intention de définir le féminisme comme un nouvel humanisme, l’objectif n’étant pas en soi de satisfaire à une curiosité intellectuelle ou de dénoncer le positivisme et la pseudo-neutralité des sciences, mais bel et bien de participer à l’entreprise émancipatrice que représente une plus grande démocratisation de la production de la connaissance [42]. Mais ce projet inclut aussi la question des stratégies et prend sa légitimité dans son potentiel de changement, dans la dynamique des rapports interpersonnels entre hommes et femmes comme dans celle de l’ensemble des rapports sociaux [43]. 

Il existe à l’heure actuelle un large consensus sur le fait que tout projet théorique féministe doive englober une perspective plus large et inclusive que ne le suggère ou ne le permet la seule prise en considération des rapports de sexes : le développement des théories et des pratiques féministes a démontré que le sexe-genre comme catégorie critique d’analyse ne peut être isolé, n’existe pas comme « influence unique ou solitaire », alors que l’identité sexuée ne peut se comprendre dans sa genèse ou son actualisation hors des médiations historiques complexes qui marque son interrelation avec les autres systèmes d’identification ou de hiérarchisation [44]. En cela, l’épistémologie féministe se révèle être un programme intégral et multimensionnel qui se doit d’émerger des seuls domaines des sciences humaines, des arts et de la littérature, où elle a d’abord été formulée, pour articuler dans sa réflexion l’ensemble des mécanismes matériels, idéels et symboliques à l’origine des représentations et des pratiques masculines, qui marquent tant l’expérience des femmes que celle des hommes. 

Si nous parlons ici de représentations masculines, que nous ne relions pas au seul sexe biologique masculin, c’est pour rappeler que l’ordre actuel du savoir occidental est profondément masculiniste [45]. Ces représentations portent déjà en elles-mêmes l’historicité d’une réalité sexuée et dominée par les structures particulières de pensée et d’accomplissement du sujet masculin, ces structures, comme les institutions qu’elles commandent, ayant été pour l’essentiel constituées sur la base de l’exclusion des femmes par la partie masculine de la société qui, dans une telle dynamique, s’est arrogé pouvoir et savoir. Et si c’est ce regard masculin, et certaines des métaphores corporelles dont il s’inspire, qui construit et détermine puissamment l’être féminin, sa compétence, son rôle, son affectivité et sa sexualité, celui-ci est par ailleurs plus difficilement repérable, « décodable » dans la mesure où il est donné comme lunettes universelles et qu’il n’existe pas, ou il en existe peu, d’autres connaissances pour le questionner ou « lui être opposées [46] ». 

C’est vraisemblablement cette univocité du regard, sa prégnance, voire sa surdétermination, qui expliquent largement que les contributions féministes à la production des connaissances continuent d’être encore ignorées par une grande partie des milieux intellectuels et scientifiques, alors même que l’émergence du sujet, l’examen attentif de la quotidienneté, l’analyse des dessous de l’économie et du politique, le travail de déconstruction du discours, la multidisciplinarité propres aux recherches féministes questionnent pourtant profondément le savoir et particulièrement le champ des sciences sociales. C’est peut-être aussi ce qui explique que l’espace occupé par l’épistémologie féministe demeure toujours périphérique : dans certaines disciplines, dans certains domaines de la techno-science notamment, les interrogations et les critiques soulevées par elles continuent d’être décrétées incompatibles avec le savoir masculiniste dit objectif et général parce qu’elles s’opposent à des traditions scientifiques qui les empêchent, lorsqu’elles ne leur sont par carrément hostiles, de s’imposer comme nouveaux modes de lecture ou d’interprétation du réel, de l’idéel ou du symbolique. 

Or c’est d’abord et avant tout pour permettre aux femmes d’assumer pleinement leur statut de sujet de la société et du savoir et problématiser leur expérience que les recherches féministes se sont multipliées au cours des deux dernières décennies. Axées sur l’action et initialement inspirées par la théorie des rôles de sexe, les premières se sont attachées à mettre en lumière diverses situations discriminatoires vécues par les femmes, en particulier dans les sphères de l’éducation, du travail et de la politique. Sur le plan théorique, ces recherches ont surtout contribué à imposer les femmes comme catégorie sociologique incontournable de toute analyse (et non comme simple variable descriptive !) pour mettre fin à la représentation tronquée de la société et des rapports sociaux entretenue par les sciences humaines et sociales et par les sciences exactes. 

C’est aussi pour élargir les brèches des mille et un gestes rebelles qui émaillent le quotidien de tant de femmes, et pour tisser la trame conceptuelle qui permettrait de repenser l’ensemble de leurs rapports et de se percevoir autrement qu’à travers les prismes déformants d’une féminité prescrite ou d’une pure assimilation au masculin, qu’ont pris forme d’autres recherches profondément articulées à la mouvance individuelle et collective des femmes. Face à cette mouvance, la finalité de la recherche féministe cesse d’être la seule quête d’informations ou la reconduction des intentions de dénonciation qui ont présidé à son émergence [47]. Pour dépasser les enjeux égalitaristes qui lui ont donné son coup d’envoi — de tels enjeux marqués du sceau de l’intégration conduisent trop souvent à une bête assimilation —, et pour comprendre le trop long silence, ou parfois le modelage du discours à l’andro-centrisme ambiant, historiennes, sociologues, politicologues, linguistes et psychologues se sont mises à la tâche. À partir de leur propre pratique scientifique, elles ont cherché à multiplier les regards et les lieux de réflexion et d’intervention et à faire la preuve qu’il n’est plus possible de concevoir le monde et de produire de la science en excluant les femmes comme sujets de l’histoire et du savoir et en évacuant les catégories de sexe comme catégories critiques d’analyse. 

Enfin, au cours de la dernière décennie surtout, la recherche d’unité dans les modèles d’interprétation et les stratégies féministes, qui avait souvent été posée jusqu’alors comme un enjeu sociopolitique important, sinon comme une nécessité stratégique, s’estompe, tandis qu’elle devient aussi de moins en moins possible. Les conceptions de l’égalité entre les sexes et celles des stratégies proposées pour y parvenir se multiplient [48] ; de nouvelles interrogations s’imposent. Les questions d’identité, de culture féminine et d’altérité [49], de même que les discussions sur le concept de genre [50] comme catégorie sociale en interaction avec les autres processus sociaux de marquage et de relation [51], occupent maintenant une large part de l’espace discursif. Reconceptualiser la maternité de manière positive, « déconstruire et renouveler les représentations culturelles et symboliques à partir des femmes et du féminin [52] », questionner et, plus largement, élaborer une théorie du sujet féminin qui ne serait pas appropriée par le masculin[53] sont au cœur des défis théoriques et analytiques à relever. Et si, à l’origine même des études féministes, se retrouvait l’intention des femmes de participer à l’écriture de leur histoire spécifique, comme à la réécriture de celle faite jusqu’alors par les seuls hommes, au fil des acquis, au moment où les questions, comme les connaissances s’accumulent, les femmes tentent de plus en plus de faire valoir, de faire reconnaître comme légitime leur propre regard sur l’histoire. C’est, en effet, largement à travers celui-ci, à travers les nouvelles voies de compréhension qu’il ouvre, qu’elles parviendront à transformer les projections masculines et leurs perceptions d’elles-mêmes et, du même coup, de certains pans de la réalité et de l’histoire. 

Bref, c’est largement à travers l’examen de l’histoire, mais aussi à travers celui de la philosophie, de la psychanalyse et de l’anthropologie, tant au sein qu’en marge du champ des études féministes, que les travaux d’épistémologie féministe s’engagent maintenant. De plus en plus, ils entreprennent la critique de l’éthique et des sciences, et notamment de la biologie, de la médecine et de la génétique, pour explorer plus profondément les représentations culturelles et symboliques qui y sont à l’œuvre. C’est dans un tel contexte également que ces travaux participent à la critique des notions de neutralité et d’objectivité en sciences comme illusion méthodologique et manifestent l’importance de la subjectivité et de l’expérience des scientifiques à toutes les étapes du processus de production des savoirs. 

La critique de la tradition scientifique, incluant la perception même de la tradition, a été, rappellent Alcoff et Potter [54], une des premières démarches épistémologiques majeures entreprise par l’épistémologie féministe. Inscrit dans un projet global de transformation des problématiques du savoir, ce travail se poursuit toujours pour maintenant faire sortir de l’ombre « la question du symbolique et de ses liens avec la dimension matérielle et l’historicité [55] ». Voilà sans doute ce qui explique qu’un certain nombre de femmes, qu’elles soient profondément impliquées dans le mouvement des femmes, ou bien qu’elles en soient indépendantes ou en marge, s’intéressent de plus en plus aux ressorts idéologiques et socio-historiques certes, mais également aux ressorts psychiques et inconscients de la constitution de ces savoirs. À travers le prisme d’un autre imaginaire, d’autres représentations des êtres et du monde, jaillissant à la fois d’une expérience radicalement différente de l’Autre, de l’Altérité, à travers la théorisation de certaines activités humaines fondamentales, comme l’engendrement et l’enfantement, trop longtemps noyés dans un naturalisme et un biologisme affligeants, et à travers également un retournement de perspectives qui leur permet d’observer le monde à partir des soubassements de l’histoire et de la société où on les a trop longtemps confinées — position par ailleurs privilégiée pour en observer littéralement les dessous —, ces femmes commencent à mettre à nu certains enjeux socio-sexués, voire les représentations et les pratiques masculines elles-mêmes. Pour repérer ces enjeux, les femmes engagées dans la critique épistémologique doivent dorénavant entretenir un dialogue avec plus d’une tradition analytique, avec plus d’un discours scientifique. De même, elles doivent prendre conscience de la nécessité de multiplier les ancrages théoriques, analytiques et disciplinaires pour interroger plus intensément les fondements mêmes des conditions de production et de légitimation des sciences et de leurs multiples effets sur les sociétés. 

Le présent dossier des Cahiers s’inscrit dans une telle réflexion. Reflet de la conjoncture intellectuelle et sociopolitique dans laquelle se déroulent les actuelles réflexions critiques des théoriciennes féministes, plusieurs questions complémentaires, sinon communes, se profilent dans les textes qu’il réunit, même si ceux-ci ont chacun un objet qui leur est propre et suggèrent divers axes d’observation. Ces questions participent directement à la quête du second regard que tente présentement de stimuler la critique féministe, tout en conservant un œil attentif sur la diversité et la multiplicité des problèmes affectifs, socio-économiques et politiques qui continuent de constituer le lot quotidien des femmes et de traverser les rapports hommes-femmes. 

Les thématiques retenues départagent en deux champs d’analyse distincts les contributions présentées ci-après, soit celui du féminisme comme mode d’appréhension du réel et stratégie politique constitutive des processus sociaux, et celui des rapports que les femmes entretiennent avec le champ scientifique et ses pratiques. Chacune cependant, selon sa propre logique critique d’investigation, se rallie à l’effort de transformation de la réalité sociale qui constitue l’enjeu premier et possiblement rassembleur, sinon unificateur, du projet féministe. 

Les unes, s’inscrivant dans le courant actuel de remise en question des interprétations féministes de la différence sexuelle et de la diversité entre les femmes, s’interrogent sur les possibilités du féminisme contemporain de construire son unité analytique et stratégique ainsi que sur l’importance du maintien de cette unité sur le devenir du féminisme comme projet et stratégie de changement (M. De Sève et C. St-Hilaire). Les autres, en soulevant la question de la participation des femmes dans les filières d’enseignement, où s’affirme la priorité accordée à l’enseignement des mathématiques et de la physique (M. Ferrand), en sciences (I. Lasvergnas), nous invitent à une réflexion sur les mécanismes symboliques et matériels de la sexuation à l’œuvre dans le champ scientifique, et plus précisément, dans le cas de la recherche de Michèle Ferrand, sur les mécanismes de construction sociale de l’inaptitude des filles à s’inscrire dans les filières scientifiques fortes. 

Politicologue, épistémologue et militante féministe, Micheline De Sève introduit sa réflexion sur le féminisme, l’action politique et l’identité par une question non équivoque. Le féminisme peut-il survivre à l’éclatement de la vision unitaire et homogène du mouvement des femmes ? À partir d’une position féministe stratégique, sans ambiguïté, elles ose se poser ouvertement ces autres questions « risquées » et souvent laissées en veilleuse : En raison de son relatif succès, le féminisme occidental a-t-il encore une raison d’être ? Si oui, peut-il représenter un pôle significatif de transformation sociale si, « les unes après les autres, les femmes désertent ce lieu de la différence de genre, susceptible de fonder une vision autre du monde » ? L’hypothèse de l’auteure : la sororité peut effectivement exister au-delà d’actions stratégiques exclusivement défensives. L’éclairage analytique qu’elle retient s’inspire d’une approche phénoménologique axée sur la valorisation des expériences de vie des femmes et de leur histoire partagée. Celui-ci l’incite à croire que le féminisme saura naviguer entre les « libertés individuelles et les aspirations collectives de femmes très différentes les unes des autres » et qu’il pourra échapper aux visées centralisatrices, de toute politique ou stratégie du consensus dans la mesure où il réussira à rallier les femmes autour de projets et d’actions politiques ponctuels susceptibles d’être menés en commun. 

La sociologue Michèle Ferrand nous présente les résultats d’une recherche sur le terrain qui permettent d’alimenter la réflexion épistémologique sur les marges de manœuvre des femmes dans leur rapport aux savoirs et à ses institutions. Pour l’auteure, il s’agit en l’occurrence d’analyser les rapports des étudiantes aux institutions du savoir et, en particulier, de poser le problème de leur exclusion de certains secteurs clés de l’enseignement scientifique en dépit de leur plus grande réussite scolaire dans la filière de l’enseignement général secondaire. Son article met en lumière certains des mécanismes de représentation et de reproduction qui, toujours centrés sur une différence sexuelle, sociale ou biologique, incitent les filles à s’exclure elles-mêmes et à justifier, ce faisant, l’arbitraire du clivage qui les tient toujours éloignées des filières les plus prestigieuses du savoir. 

Dans un autre registre, Isabelle Lasvergnas, sociologue et psy-chanalyste, nous convie à une réflexion sur les mécanismes de sexuation à l’œuvre dans le champ scientifique. Après avoir rappelé les quatre grands moments qui ont façonné la manière dont le débat sur l’exclusion et la marginalisation des femmes en science s’est organisé, elle nous propose de rompre avec ces manières traditionnelles et partielles d’envisager la sexuation de l’univers scientifique puisqu’elles laissent en suspens un certain nombre de dimensions fondamentales qui permettraient de traiter l’institution scientifique comme expression d’un ordre social prédéterminé. La science, postule-t-elle, est l’acte qui régit en dernière instance l’ordre des représentations et des savoirs dits supérieurs. Puisant aux apports de la théorie psychanalytique, elle nous propose en conséquence d’interpréter la science, « en tant que mode, lieu et corpus d’énoncés qui ont contribué à la fois à refouler la pensée d’une différence entre les sexes et à promouvoir un ordre “monothéiste” du même, organisé à partir d’un espace imaginaire phallologocentrique ». De cette lecture, l’auteure propose donc de faire émerger le corps comme lieu métaphorique porteur de la différence symbolique qui départage le rapport entre les sexes, alors même que la science occidentale se serait construite sur le déni de celle-ci. 

Finalement, la politologue Colette St-Hilaire s’interroge sur la capacité du féminisme contemporain d’intégrer la diversité de l’expérience des femmes dans la mesure où l’articulation des composantes de cette diversité, pourtant considérée « comme une richesse du mouvement », fait problème. En d’autres termes, elle se demande si le féminisme pourra penser et dire la différence sexuelle autrement que sous le mode de l’exclusion ou du « grand Récit ». Considérant la dynamique et les référents théoriques qui alimentent la problématique du féminisme global, souvent véhiculée dans les réseaux de la coopération internationale et des recherches sur le développement, elle s’interroge sur les capacités théoriques et pratiques de cette problématique de rétablir les solidarités entre femmes dans le respect des différences et des contextes sociaux et nationaux, et d’inscrire leurs luttes dans le terrain politique. Dans une réponse, qui ne manquera pas de susciter des réactions variées, elle cherche à engager « un dialogue entre les composantes modernes et postmodernes du mouvement des femmes », considérant que le projet du mouvement féministe mondial, qui présuppose l’existence d’un sujet collectif et cherche à maintenir son « unité organisationnelle », ne sera pas en mesure de tenir significativement et stratégiquement compte des différences et de tirer profit de la richesse de sa « multiplicité ». 

Bref, les contributions à ce dossier des Cahiers témoignent de certaines avancées et d’interrogations épistémologiques du féminisme sur lui-même et sur les rapports des femmes au champ scientifique et à ses institutions. En raison de l’étendue du champ d’analyse et de la complexité des réalités mises en cause, de même que des limites matérielles de la production d’un numéro de revue, nous sommes fort conscientes que les quelques contributions réunies ne peuvent en représenter qu’un survol, alors que plusieurs aspects de la critique féministe sont nécessairement restés dans l’ombre. Il demeure cependant que les questionnements et les pistes de réflexion explorés ici rejoignent le double objectif qui était le nôtre en pilotant ce dossier, à savoir : interpeller, à partir des apports de la critique féministe, les mécanismes de constitution du savoir et de ses institutions et témoigner également de l’ouverture de la critique féministe sur une analyse plus globale du social.

 

Francine Descarries et Louise Vandelac
Département de sociologie
Université du Québec à Montréal


[1] E. Morin, Science avec conscience, Paris, Fayard, coll. «Points/Sciences, 1990, p. 17.

[2] J. Baudrillard, Le crime parfait, Paris, Galilée, coll. «L’espace critique», 1995, p. 155.

[3] Cette obsession de la reproduction qui traverse les sciences modernes et ses modes mêmes de validation n’est-elle pas une véritable préfiguration idéelle de la reproduction artificielle qui s’accomplit certes dans l’ordre du vivant, mais également dans tant d’autres sphères?

[4] Du répondeur nous servant de double présence ou au contraire de doublure nous évitant d’être présents, comme l’évoque Baudrillard, aux doubles photos, télé, cinéma, vidéo et supports son en tout genre, jusqu’aux expérimentations de clonage d’embryons humains, vrillant davantage les profondeurs fantasmatiques du double.

[5] Dans le champ des technologies de reproduction, le délire est le lot quotidien. Outre tous les cas de figure médiatisés et «éthiquement» approuvés (ce qui n’est pas la moindre parodie de ce genre d’éthique), d’insémination avec sperme de défunt, de sélection du sexe pour compléter la famille, ou de troc «Je te produis des ovules et te les échange contre une fécondation in vitro» comme cela se pratique dans une clinique de Toronto. Et outre tous les cas de figure incestueux d’emmêlement des origines, allant de la concoction de sperme de deux ou trois géniteurs à l’enfantement d’une mère avec les ovules de sa fille ou l’inverse, en passant par ces cas de sœurs ou de jumelles faisant un enfant à leur sœur, ou récemment en Italie de cette sœur faisant un enfant à son frère avec les ovules de feue la conjointe de son frère, décédée depuis plus de deux ans... Bref, dans ce secteur, parler de délire et de transgression tient presque de l’euphémisme... Sur ces questions, voir : J. Testart (dir.), Le magasin des enfants, Paris, Gallimard, coll. «Folio Actuel», 1994, 507 p. (lère éd. : Paris, François Bourin, 1990, 338 p.) ; ainsi que G. Basen, M. Eichler et A. Lippman (dirs.), Misconceptions. The Social Construction of Choice and the New Reproductive and Genetic Technologies, Ottawa, Voyager Press, 2 vol., 1993 et 1995.

[6] J. Baudrillard, ouvr. cité, p. 147.

[7] Cette expression désigne notamment, en fécondation artificielle, la production massive d’ovocytes, par le biais de la stimulation ovarienne (jusqu’à quarante parfois), leur fécondation suivie du transfert dans l’utérus ou les trompes de trois, cinq ou même neuf embryons, obligeant souvent des réductions embryonnaires afin d’éliminer le «surnombre», alors que les autres sont congelés, donnés à un autre couple ou utilisés pour la recherche. Ces embryons «surnuméraires» au statut ambigu et incertain d’êtres potentiels ou de matériel de recherche nous renvoient plus largement à l’emmêlement, voire à l’abolition, des frontières entre espèces (animaux transgéniques, gestations inter-espèces, etc.). Voir entre autres, M. Tibon-Cornillot, Les corps transfigurés. Mécanisation du vivant et imaginaire de la biologie, Paris, Seuil, 1992 ; J.-C. Beaune, Les spectres mécaniques, Seyssel, Champ Vallon, 1989 ; L. Vandelac, «Pour une analyse critique des dispositifs d’évaluation scientifique, éthique et sociale des technologies de reproduction», Ruptures (revue interdisciplinaire en santé, département de médecine, Université de Montréal), vol. 2, no 1, 1995, pp. 74-101.

[8] G. Hottois, Le signe et la technique. La philosophie à l’épreuve de la technique, Paris, Aubier, 1984.

[9] J. Baudrillard, ouvr. cité, p. 105.

[10] M. Tibon-Cornillot, ouvr. cité, p. 19.

[11] À titre d’exemple, dans le cas de la fécondation artificielle, la réduction de l’engendrement à un acte technologique de prélèvement, de sélection, de congélation, de circulation et de mise en contact de gamètes contribue à un mouvement général de réification de l’autre et d’instrumentalisation, dont l’ultime expression est ce récent article, publié dans le New England Journal of Medicine, qui suggère d’extraire des ovules des ovaires de cadavres de femmes pour les faire maturer afin de produire des embryons destinés aux couples stériles, ouvrant ainsi la délirante perspective «mortifère» de concevoir des êtres de mères mortes... (M. Seibel, «Cadaveric Ovary Donation», New England Journal of Medicine, 1994, p. 796).

[12] Nous devons cette expression à Isabelle Lasvergnas qui, avec générosité et intelligence, a contribué à enrichir certains éléments de ce texte. Nous l’en remercions.

[13] M. Tibon-Cornillot, ouvr. cité.

[14] L. Vandelac, «Du redéploiement de la médecine à l’emprise du biopouvoir», dans L. Vandelac, F. Descarries, G. Gagnon et al., Du privé au politique : la maternité et le travail comme enjeux des rapports de sexes. De l’expérience de la maternité à l’enceinte des technologies de procréation, 57e Congrès de l’ACFAS, Publications GIERF/CRF, UQAM, octobre, 1990, pp. 243-263.

[15] Temps désormais figé par la congélation des embryons autorisant par exemple la naissance de jumeaux à des années de distance.

[16] Avec les contrats de gestation, les dons, ventes et trocs d’ovules, la maturation d’ovules à partir d’ovaires prélevés lors d’ovariectomies ou sur des cadavres de femmes, nous assistons à un véritable éclatement et morcellement de la maternité, si bien que pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, soulignait A.-M. de Vilaine, les humains qui partageaient jusqu’alors deux certitudes celle d’être nés d’une femme et celle de mourir, n’ont plus désormais que la certitude commune de mourir... Nous tenons ici à lui rendre un hommage posthume pour avoir été l’une des premières, des plus tenaces et des plus conscientes, à poser avec pertinence et acuité, tant dans ses textes que dans ses gestes, la centralité de la maternité dans la culture, dans l’inconscient collectif et dans le caractère souvent noué et quasi inextricable des rapports hommes-femmes. (Voir notamment A.-M. de Vilaine, «De l’oubli du don maternel au refus de reconnaître la dette à la mère», dans A.-M. de Vilaine, L. Gavarini et M. Le Coadic (dir.), Maternité en mouvement, les femmes, la re/production et les hommes de science, Paris, PUG, et Montréal, Saint-Martin, 1986, pp. 207-220.)

[17] Avec les technologies de reproduction, nous ne sommes déjà plus dans la conception sexuée et sexuelle d’un être singulier, inscrite dans l’emmêlement des généalogies des deux partenaires qu’est l’engendrement. En effet, chacun de ces éléments est plus ou moins désarticulé des autres ou mis en pièces, et la conception est progressivement réduite à un univers de reproduction glissant dans les sables mouvants de l’économie. (Voir L. Vandelac, «L’embryo-économie du vivant... ou du numéraire aux embryons surnuméraires», dans J. Testart (dir.), ouvr. cité, lère éd., pp. 117-139.)

[18] I. Lasvergnas, «L’unheimliche de la procréatique humaine», Trans, printemps 1993, pp. 107-125.

[19] Michel Foucault, Naissance de la clinique, Paris, Gallien/PUF, 1983.

[20] L. Vandelac, L’infertilité et la stérilité : l’alibi des technologies de procréation, thèse de sociologie, doctorat nouveau régime (Ph.D.), Paris, Université Paris VII, 1988. Sur la question du simulacre, voir J. Baudrillard, Simulacres et simulation, Paris, Galilée, 1981, 236 p.

[21] P. Achard, A. Chauvenet, E. Lage, F. Lentin, P. Neve et G. vignaux, Discours biologique et ordre social, Paris, Seuil, 1977.

[22] Cette expression est d’Abby Lippman (L. Vandelac et A. Lippman, «Cartographie et séquençage du génome humain, questions d’éthique et d’évaluation sociale des technologies», dans Le génome humain, une responsabilité scientifique et sociale, actes du colloque «Cartographie et séquençage du génome humain : la responsabilité scientifique et sociale», ACFAS 1991, Presses de l’Université Laval, 1992). Pour en comprendre davantage sa signification sociale, voir entre autres R. Hubbard et E. Wald, Exploding the Gene Myth, Boston, Beacon Press, 1993, 198 p.

[23] Intellectuel canadien-anglais dont on célébrait en 1994 le cinquantième anniversaire de la mort, il fut l’un des principaux penseurs dans le champ des communications et représenta une source majeure d’inspiration pour McLuhan. Parmi ses nombreux ouvrages, soulignons entre autres The Bias of Communication, Toronto, University of Toronto Press, 1951, 226 p. Voir également le texte de la conférence de L. Vandelac, «De la mécanisation des communications et du savoir à la mécanisation du vivant...», conférence intitulé «Media and the Public : Three Solitudes?», pronpncée dans le cadre du colloque en hommage à H. Innis, «Intellectual Practice for the New Century : Interdisciplinary and Critical Studies», tenu à Montréal en octobre 1994, Université Concordia (actes du colloque sous presse).

[24] Un seul exemple suffira. Aux États-Unis, récemment, un homme célibataire qui s’était fait faire un enfant par une femme dans le cadre d’un contrat d’enfantement a battu cet enfant à mort. Comble de cynisme ou d’inconscience, des promoteurs de tels contrats en ont conclu qu’il faudrait donc désormais donner à ces pères, manifestement pris en plein délire d’auto-reproduction narcissique... d’«art parental».

[25] Nous avons supprimé, au dernier moment, un long passage d’une dizaine de pages explicitant davantage cette hypothèse que nous formulons dans les termes d’un «matricide symbolique». Un tel développement impliquait en effet un univers de référence impossible à condenser dans l’espace restreint de cette introduction. Sur ces questions voir, entre autres, C. Merchant, The Death of Nature : Women, Ecology, and the Scientific Revolution, New York, Harper and Row, 1980, et «Mining the Earth’s Womb», dans J. Rothschild (dir.), Machina Ex Dea, New York, Pergamon Press, 1983 ; et B. Easlea, Science and Sexual Oppression : Patriarchy’s Confrontation with Woman and Nature, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1981 ; E. Fox Keller, «The Gender/ Science System : Or, is Sex to Gender as Nature is to Science?» Hypatia, A Journal of Feminist Philosophy, vol. 2, no 3, Dallas, University of Texas, automne 1987, pp. 37-49 ; R. Bleir, Feminist Approaches to Science, New York, Pergamon Press, The Athene Series, 1986, 211 p. ; D. Haraway et J. Simians, Cyborgs and Women, The Reinvention of Nature, New York, Routledge, Chapman and Hall, 1991, 287 p. ; L. Irigaray, «Le sujet de la science est-il sexué?», Les temps modernes, no 436, 1982, p. 960-974.

[26] La littérature socio-historique dans ce domaine est déjà très riche, de même que celle portant plus spécifiquement sur la critique féministe des sciences. Parmi les nombreuses auteures, voir entre autres E. Fox Keller, Reflections on Gender and Science, New Haven et Londres, Yale University Press, 1985, 193 p. ; et S. Harding et M. B. Hintikka (dir.), Discovering Reality : Feminist Perspectives on Epistemology, Metaphysics, Methodology, and Philosphy of Science, Dordrecht, D. Reidel, 1983.

[27] M. Vacquin, «L’amère victoire», Autrement, no 90, mai 1987, pp. 148-158.

[28] Ibid., pp. 151-152.

[29] L. Vandelac, L’infertilité et la stérilité : l’alibi des technologies de procréation, ouvr. cité.

[30] J. Baudrillard, Le crime parfait, ouvr. cité, p. 161.

[31] Il suffit de porter attention aux références bibliographiques des auteurs masculins, y compris dans les champs du savoir ou sur les questions particulièrement travaillées par des intellectuelles pour constater à quel point ils ignorent ou refusent de rendre compte de ces contributions.

[32] C’était déjà, en 1980, le fil rouge de l’article de L. Vandelac, «Et si le travail tombait enceinte?, Essai féministe sur le concept travail» (Sociologie et sociétés, vol. 13, no 2, pp. 67-82), dont l’aspect subversif, pourtant évident dans l’absurdité même du titre, ne semble guère avoir été saisi. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[33] J. Baudrillard (Le crime parfait, ouvr. cité), et surtout le chapitre intitulé «Le chômage technique du désir», p. 175-183.

[34] Voir ibid., et particulièrement le chapitre sur l’indifférence et la haine, pp. 197-205.

[35] Fille de Mary Wollstonecraft, l’une des premières féministes anglaises, auteure, à la fin du xviii, de Vindication of the Rights of Women, Mary Shelley a écrit à dix-neuf ans Frankenstein, roman visionnaire des forces déjà à l’œuvre dans la volonté de maîtrise du vivant. Voir à ce propos le très beau livre de Monette Vacquin Frankenstein ou les délires de la raison, Paris, François Bourin, 1989.

[36] Auteure de Silent Spring, Rachel Carson est considérée comme l’initiatrice, voire la figure marquante, des débuts du mouvement écologiste. Voir à ce sujet l’excellent livre de Patricia H. Hynes, The Recurring Silent Spring, New York, Pergamon Press, The Athene Series, 1989.

[37] Auteure notamment de La pesanteur et la grâce, paru en 1947, cette brillante philosophe a notamment témoigné de son horreur de la violence. Voir également S. Weil, Écrits de Londres et dernières lettres, Paris, Gallimard, coll. «Espoir», 257 p. Son œuvre a profondément inspiré des penseurs comme Michel Serres et René Girard.

[38] Les quelque cent millions de femmes excisées ou infibulées témoignent de l’horreur la plus manifeste et la plus quotidienne de cette production de la «différence» sur le modèle de la symétrie.

[39] Voir, L. Irigaray, Éthique de la différence sexuelle, Paris, Minuit, 1984, 199 p ; et Sexes et parentés, Paris, Minuit, 1987, 221 p. ; M. O’Brien, The Politics of Reproduction, Boston, Routledge and Kegan Paul, 1981 (version française parue aux Éditions Remue-ménage, Montréal, 1986 ; A. Rich, Naître d’une femme. La maternité en tant qu’expérience et institution, Paris, Denoël/Gonthier, 1980, 297 p., etc.

[40] L. Vandelac, «Les savoirs sur l’engendrement à l’engendrement du savoir...», dans L. Vandelac, F. Descarries, G. Gagnon et al. ouvr. cité.

[41] M. Godelier, L’idéel et le matériel, Paris, Fayard, 1984.

[42] L. Alcoff et E. Potter, «When Feminisms Intersect epistemology», dans L. Alcoff et E. Potter (dir.), Feminist Epistemologies, New York, Routledge, 1993, pp. 1-14.

[43] F. Descarries, «Les études féministes... Nouveaux savoirs, nouveaux pouvoirs», Sextant, no 2, 1994, p. 19-32.

[44] J. Scott, «Genre : une catégorie utile d’analyse historique», Les Cahiers du GRIF, 1987, p. 125-153 ; L. Alcoff et E. Potter, art. cité ; M. De Sève, «Women Political Action and Identity», dans L. Colin et M. Mendell (dir.), Culture and Social Change, Montréal, Black Roses Books, 1992, p. 128-139 ; T. De Lauretis, «The Essence of the Triangle or, Taking the Risk of Essentialism Seriously : Feminist Theory in Italy, the U.S. and Britain», dans N. Schor et E. Weed, The Essential Difference, Bloomington, Indiana University Press, 1994, pp. 1-39.

[45] B. Ehrenreich et D. English, Des experts et des femmes, 150 ans de conseils prodigués aux femmes, Montréal, Éditions du Remue-ménage, 1982.

[46] E. Grosz, «Sexual Difference and the Problem of Essentialism», dans N. Schor et É. Weed, ouvr. cité, pp. 82-97.

[47] Nicole Laurin-Frenette, «Présentation : Les femmes dans la sociologie», Sociologie et sociétés, vol. 12, no 2, pp. 3-18. [Texte disponible dans Les Classiques des sciences sociales. JMT.]

[48] H. Dagenais, «Méthodologie féministe et anthropologie : une alliance possible», Anthropologie et sociétés, vol. 11, no 1, pp. 19-44 ; F. Descarries et S. Roy, Le mouvement des femmes et ses courants de pensée : essai de typologie, Ottawa, Les Documents de l’ICREF, no 19, 1988.

[49] F. Collin, «La même et les différences», Les Cahiers du GRIF, hiver 1984, pp. 7-17 ; L. Irigaray, ouvr. cité, Paris, Minuit, 1984 ; I. Lasvergnas-Grémy, «La trace du féminin dans la pensée? Quelques échos des débats contemporains sur l’altérité», Cahiers de recherche sociologique, vol. 4, no 1, 1986, p. 115-137 ; et J. Flax, «Postmodernism and Gender Relations in Feminist Theory», Signs, vol. 12, no 4, pp. 621-643.

[50] J. Scott, art. cité.

[51] A.-M. Daune-Richard et A.-M. Devreux, «Rapports sociaux de sexe et conceptualisation sociologique», Recherches féministes, vol. 5, no 2, 1992, pp. 7-30.

[52] L. Vandelac, «Les études sur les femmes, les féminismes et les rapports de sexes : les enjeux et la passion du savoir», Chaire d’étude sur la condition des femmes, 2e éd. répertoire des cours «Femmes, féminismes, rapports de sexes», offerts en français par quatorze universités canadiennes, Québec, Université Laval, 1990-1992, p. 7-11 ; L. Vandelac, «Les études sur les femmes, les féminismes et les rapports de sexes : les enjeux et la passion du savoir», art. cité, p. 8.

[53] M. Haicault, «La Doxa de sexe, une approche du symbolique dans les rapports sociaux de sexe», Recherches féministes, vol. 6, no 2, 1993, pp. 7-20.

[54] L. Alcoff et E. Potter, art. cité.

[55] M. Haicault, art. cité.


Retour au texte de l'auteur: Roch Denis, sociologue québécois Dernière mise à jour de cette page le dimanche 4 mars 2007 14:57
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



Saguenay - Lac-Saint-Jean, Québec
La vie des Classiques des sciences sociales
dans Facebook.
Membre Crossref