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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

“ Le marxisme empirique dans les pays de l'ouest ”. (1979)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de Pauline Vaillancourt, “ Le marxisme empirique dans les pays de l'ouest *” in revue Les Cahiers du Socialisme, Montréal, no. 4, automne 1979, pp. 108-179.

Introduction
Le marxisme empirique, le positivisme et l'empirisme (1)


"To be a living vehicle of critical social theory and revolutionary practice, Marxism must be rediscovered and re-created by every generation." (Klare, 1972, p. 3). (2)


Nous étudierons ici le renouveau récent de la tradition empirique dans le marxisme occidental. Nous tenterons de situer ce courant dans l'histoire du marxisme, de le définir et de signaler les domaines les plus importants où son apport a été particulièrement significatif au cours des dernières années. Nous commenterons les principales limites de cette approche et nous nous intéresserons à l'évolution de la tendance marxiste empirique radicale. Nous nous interrogerons également sur les perspectives d'avenir du marxisme empirique.

Pour aborder le marxisme dans une perspective dynamique, dialectique, il faut le considérer dans son évolution. D'une période historique à l'autre, les tendances dominantes changent et le marxisme est soumis à cette loi.

On doit s'attendre à ce que le marxisme traverse des crises. Aujourd'hui confronté à des dissensions internes grandissantes et à des circonstances extérieures qu'il n'avait pas prévues, il doit faire face à des réorientations. Son déclin comme philosophie et l'essor nouveau de sa tendance empirique sont le reflet de ces phénomènes.

Avant d'aborder le marxisme empirique, définissons-le d'abord. Il se distingue du marxisme philosophique par son insistance sur le vérifiable, le concret, le quantifiable.

Marx et Engels dénoncent l'empirisme à diverses reprises, mais il faut noter qu'au XIXe siècle ce terme d'empirisme s'appliquait à des connaissances basées sur l'expérience des sens plutôt qu'à l'analyse scientifique ou aux méthodes expérimentales (voir Robert, Dictionnaire de la langue française, 1977). Aujourd'hui, le mot "empirique" signifie la connaissance acquise à travers l'étude scientifique des phénomènes concrets, et c'est dans ce sens qu'il est utilisé dans cet article. Le mot "empirisme", toutefois, en est arrivé aussi à signifier parfois de la recherche basée exclusivement sur des faits et des observations, et le refus de considérer les aspects théoriques et les implications politiques des résultats. Le positivisme logique et le behaviorisme sont souvent considérés comme étant en très étroite affinité avec l'empirisme entendu dans ce sans là. Ce genre d'empirisme rejette les analyses dialectiques de la société, affirme la neutralité de la recherche et nie l'interdépendance de la théorie et de la pratique. Superficiel, dépourvu de toute vision critique, historique et évolutive, cet empirisme de type libéral appartient à un courant dont "les explications mécanistes et les postulats métaphysiques sont inacceptables pour le marxisme" (Novali, 1968, p. 9).

Les marxistes critiquent à juste titre tous ces empiricistes statiques et abstraits les accusant de concentrer leur attention sur les "apparences" et de négliger "l'essence" de ce qui est étudié.

Revu par le marxisme, l'empirisme devient dialectique et historique, capable d'aller "au fond des choses, de se dégager de l'acceptation passive du statu quo dans le domaine des sciences ou au plan social, de faire progresser la connaissance au-delà de ses limites actuelles" (Ibid., pp. 141-144). L'empirisme marxiste n'est pas étroitement empiriste : il ne se borne pas à aligner des observations qui "parlent d'elles-mêmes". Il dépasse les apparences, se situe dans une perspective historique, conteste le capitalisme, ose même vérifier statistiquement certaines propositions marxistes.

Rejetant la neutralité, convaincu de la nécessité d’œuvrer en fonction de la classe ouvrière, le marxisme empirique prône énergiquement l'analyse objective de la réalité et s'oppose au cloisonnement des disciplines. Il vise à abattre les idéologies de la classe dominante et à formuler une théorie marxiste dynamique, vivante, qui lui servira dans la lutte quotidienne (Griffiths, Irvine et Miles, 1979, p. 366). Dans le monde universitaire, il s'efforce de promouvoir "des programmes de recherche étroitement inspirés non seulement des catégories mais aussi de la logique de la théorie marxiste" (3) (Wright, 1978a, p. 10). Cette dernière, pour lui, "doit susciter des propositions capables de donner lieu à une étude empirique de la réalité" (Ibid.). Le marxisme empirique est appelé radical lorsque ses préoccupations de recherche se doublent d'une attitude militante, active, soucieuse de la praxis (Agger, 1977).

On a défini le marxisme comme une idéologie révolutionnaire, une vision du monde, une philosophie critique et un système de pensée. Pour Birnbaum (1971a, p. 122), le marxisme est plus qu'une théorie, puisqu'il réalise la fusion de la théorie et des méthodes, dans son effort pour embrasser la réalité. Novak le définit par son objectif, qui est de dégager "des tendances régulières et d'en tirer des lois rendant compte des liens entre les réalités objectives en révolution" (1968, p. 147). Les marxistes empiriques rejetteraient sans doute les définitions du marxisme qui le mettent au-dessus de la science. Mais les définitions proposées par Birnbaum et Novak laissent place à la
recherche systématique, concrète que réclament les marxistes empiriques. De toute façon, ceux-ci verraient sans doute plus volontiers le marxisme comme une méthodologie, une approche, un système sociologique (Bottomore, 1975, p. 66), un guide alimentant des théories à tester, un réservoir de concepts et de catégories servant à l'observation et à l'interprétation. Castells le ramène à une "perspective" (1977, p. ix). D'autres marxistes empiriques soumettent qu'ils constituent potentiellement une science, comparable aux sciences naturelles (Szymanski, 1973, p. 27). Lefebvre se range à cet avis, mais précise que les sciences naturelles sont évolutives et reposent sur l'expérience concrète (1966, p. 47).

Suivant la définition que donne Bottomore, le marxisme empirique est positiviste, car il constitue :


"(an) approach to the social sciences which regards them as being essentially the same as the natural sciences, aiming at the formulation of general causal laws, resting their claims to valid knowledge upon the analysis of some empirical reality, not upon philosophical intuition, and thus asserting the unity of scientific méthode ; and which makes a sharp distinction between scientific statement and value judgments" (1975, p. 9).

Mais il ne s'agit pas du positivisme politiquement conservateur d'Auguste Comte ni d'un matérialisme mécanique ou vulgaire (Ruben, 1978). On ne retrouve pas ici non plus la prémisse positiviste suivant laquelle la théorie résulte de l'accumulation des faits ou de "la généralisation empirique de phénomènes réguliers ayant l'apparence de lois" (Wright, 1978a, p. 10). Il est admis que les statistiques, les données et la science ont des limites et sont soumises à l'erreur (Griffiths, Irvine et Miles, 1979, p. 371).

Notes:

1. L'auteur remercie Jean-Guy Vaillancourt, Pierre Birnbaum, Daniel Dos Santos, Faye Duchin, Phillip Ehrensaft, Belden Fields, Rianne Mahon, Georges Menahen et Goren Therborn qui ont lu le texte et apporté des suggestions utiles. Cette communication, dont la version originale anglaise s'intitule "The Renaissance of the Empirical Tradition in Western Marxism", a été traduite par Johanne Pichette et présentée au Congrès de l'Association internationale de Science politique à Moscou en août 1979. La recherche a été subventionnée en partie par la Fédération des Sciences Sociales du Canada
2. Les traductions des citations en anglais sont de nous (N.D.L.T.).
3. L'espace nous manque pour traiter adéquatement des aspects épistémologiques qui sous-tendent une approche marxiste empirique intelligente, matérialiste, positiviste, quantitative. Le récent ouvrage de Ruben (Marxism and Materialism, 1978) illustre fort bien la nouvelle perspective que l'on peut adopter à cet égard. Nous abordons ces questions de façon plus extensive dans un livre (en préparation) intitulé Marxism and Empirical Social Science Research.



Retour au texte de l'auteur: Pauline Vaillancourt Dernière mise à jour de cette page le Jeudi 26 juin 2003 16:42
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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