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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Marc-Adélard Tremblay, Principales tendances des sciences sociales au Québec et au Canada”. Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Pierre Maranda et Marc-Adélard Tremblay, Arts et sciences : Canada 2001, pp. 74-77. Québec : Université Laval, 2001, 130 pp. [M Marc-Adélard Tremblay, anthropologue, retraité de l’enseignement de l’Université Laval, nous a accordé le 4 janvier 2004 son autorisation de diffuser électroniquement toutes ses oeuvres.]

Marc-Adélard Tremblay (1922 - 2014)

Principales tendances des sciences sociales
au Québec et au Canada
”.

Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Pierre Maranda et Marc-Adélard Tremblay, Arts et sciences : Canada 2001, pp. 74-77. Québec : Université Laval, 2001, 130 pp.

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Biographie de Marc Adélard Tremblay

Il est né aux Éboulements en 1922. Après ses études classiques, il obtint une licence en sciences agricoles (agronomie) de l’U. de M., une maîtrise en sociologie de Laval et un doctorat de Cornell University. Depuis 1994, il est professeur émérite de l'Université Laval où il a enseigné pendant près de 40 ans et fondé le Département d'anthropologie. Pionnier de l'anthropologie culturelle au Québec et au Canada, il s'est distingué par la mise sur pied d'équipes de recherche œuvrant sur le terrain dans plusieurs champs d'observation, soit anthropologie de la santé, méthodologie et application, ethnicité et autochtonéité, communautés rurales et changements socio économiques. Il a à son crédit 25 ouvrages et près de 200 articles et documents scientifiques qui ont été publiés au Québec, au Canada et à l'étranger. Il fut directeur associé de la Commission Hawthorn Tremblay sur les Autochtones (1964 1867), membre de la Commission canadienne des Affaires polaires (1991 à 1997) et membre de la Commission du Nunavik (1999 à 2001). Il a été président de nombreuses sociétés savantes, dont la Société royale du Canada à l'occasion du centenaire de sa fondation en 1982. Il est Officier de l'Ordre du Canada (1981), Grand Officier de l'Ordre National du Québec (1995), fut reçu dans l'Ordre International du Mérite de l'International Biographical Center et est lauréat de nombreuses distinctions dont le Prix Molson du Conseil des Arts du Canada. Il a reçu un doctorat honorifique de six universités canadiennes. C'est à la dimension internationale que se mesure la carrière du Professeur Tremblay et son profil biographique apparaît dans plusieurs prestigieux ouvrages de référence.

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Ma première remarque se rapporte à l'historique des sciences sociales au Canada et principalement au Québec. Les sciences sociales sont des jeunes sciences qui n'ont point encore réalisé leur pleine maturité. Il suffit de se rappeler qu'avant le milieu des années soixante la plupart des spécialistes de ces disciplines qui ont obtenu des doctorats ont dû s'inscrire dans des programmes d'étude à l'étranger, soit dans un des pays européens (Angleterre, Allemagne, France) ou encore aux États-Unis d'Amérique. À leur retour, pour la très grande majorité ce sont des hommes, ils ont été embauchés par l'une ou l'autre des universités canadiennes. À cette époque, les programmes d'étude comportaient des apprentissages dans plusieurs disciplines sociales telles que, entre autres, la démographie, l'économique, la géographie humaine, la sociologie, l'histoire politique du Canada, le droit du travail et l'éthique sociale. Les composantes disciplinaires des programmes d'étude en sciences sociales variaient d'une université à l'autre. Il y avait cependant un dénominateur commun : dans chacune d'entre elles l'apprentissage des étudiants était de nature générale de telle sorte que ceux-ci pouvaient entreprendre des carrières dans un très grand nombre de secteurs différents.

Avec l'accroissement graduel des effectifs étudiants dans les disciplines sociales et humaines dans les années soixante dans une grande variété d'objets d'étude, les programmes d'étude se sont spécialisés, à un rythme comparable. C'est ainsi qu'ont été entreprises des études rigoureuses à caractère empirique de plus en plus spécialisées dans les sciences sociales et humaines, non seulement au Canada, mais aussi dans un grand nombre de pays différents, ouvrant ainsi aux diplômés des carrières internationales. Dans la même période sont apparues les sociétés savantes, ayant leurs réunions annuelles et les revues disciplinaires correspondant à ces différentes spécialités. Le Conseil des Arts du Canada, organisme de financement de la recherche dans les arts, les humanités et les sciences sociales, s'était scindé quelques années auparavant, pour donner naissance au Conseil des Recherches en Sciences humaines, lequel devenait ainsi le seul organisme canadien de financement de la recherche dans les différentes disciplines humaines. Le Québec, a lui aussi établi dans les années soixante‑dix deux fonds de financement des recherches en sciences sociales : le FCAR et le CQRS.

La recherche en sciences sociales fut pour une très large part effectuée par les hommes jusqu'aux débuts des années soixante-dix alors que ceux‑ci ont énoncé et traduit dans des démarches d'observation pertinentes les grands principes sur lesquels devait reposer la transformation sociale du Québec, à savoir : la socialisation du risque, y compris les soins de santé et les différents services sociaux, la démocratisation de l'instruction, la nationalisation des richesses naturelles et le renforcement de l'identité culturelle. Les perspectives théoriques utilisées s'inspiraient surtout d'approches couramment utilisées en Europe et aux États‑Unis pour les disciplines correspondantes (des conceptualisations de nature historique, à caractère structurel-fonctionnel, à profil culturaliste, selon des visées générales, y compris les études monographiques. Mais à partir des années soixante‑dix principalement, deux nouvelles [75] perspectives se sont imposées et ont acquis un statut dominant en sociologie, en anthropologie et en science politique. Il s'agit du structuralisme lévi-straussien et du matérialisme historique. Mais en même temps est apparue une troisième approche, tout aussi critique que la précédente, à savoir la perspective féministe. Les femmes-professeures et les chercheures de carrière ont augmenté en nombre dans les différentes disciplines sociales durant les deux dernières décennies et leurs recherches se sont intéressées aux rapports hommes-femmes. Elles ont illustré que ces types de rapports dans le privé sont des rapports de pouvoir qui se reproduisent avec plus d'intensité encore dans la sphère publique. À partir de données concrètes, pour asseoir leurs démonstrations et leurs revendications, elles en sont venues à exiger la rédaction d'un nouveau contrat social qui consacrerait les grands principes de l'égalité et de l'équité entre les hommes et les femmes sans compromettre la solidarité qui doit exister entre eux. Cet intérêt de recherche sur le genre social allait dans les années suivantes susciter des études empiriques sur une kyrielle de groupes particuliers comme les handicapés, les homosexuels, les délinquants juvéniles et adultes, les marginaux et les sans abris, les drogués, les sidéens, les familles monoparentales et ainsi du reste.

Mais pour conduire ce genre d'études, plus restreintes, il a fallu en quelque sorte que le type de regard théorique à porter sur ces réalités se spécialise. D'autres perspectives théoriques sont apparues qui nécessitaient la formation d'équipes de recherche à caractère multidisciplinaire, inter-universitaire et même internationale dans certains cas. Ces équipes conduisent des études empiriques qui visent à faire avancer les connaissances mais aussi à assurer que les résultats ainsi acquis puissent être utilisés par les populations pour lesquelles elles ont été entreprises. On assiste alors à la naissance de partenaires sociaux dans l'actualisation de ces recherches par le rôle actif que jouent les agences et organismes sociaux ainsi que leurs clientèles. Par ce biais, s'accomplissent à la fois le progrès de la science et l'appropriation des connaissances ainsi acquises par les groupes, que nous pourrions appeler, défavorisés. Les enseignements dans les départements et écoles* deviendront à cette occasion plus spécialisés.

Si au début des sciences sociales, les méthodologies dites qualitatives se sont imposées, déjà dans les années soixante se trouvaient dans la plupart des départements de sciences sociales des spécialistes des méthodologies quantitatives qui dispensaient des enseignements en statistiques avancées, en microéconomique, et en sociologie quantitative pour mentionner ces exemples. Mais comme la plupart des recherches entreprises dans les années suivantes deviendront très complexes et multivariées, les équipes de recherche, pour la plupart, utiliseront, à la fois quantification et analyse qualitative, soit pour enrichir les résultats et rendre plus complètes les explications proposées, ou pour mieux démêler les fonctions spécifiques des variables indépendantes sur la variable au coeur de l'examen, et mieux préciser ainsi leurs interrelations dans l'apparition de phénomènes particuliers. Les modèles d'analyse utilisés permettront habituellement de conférer un sens et une portée aux comportements et aux attitudes exprimées par les sujets sous observation.

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Les équipes multidisciplinaires auxquelles nous faisions allusion plus haut se sont penchées sur des objets d'étude qui nécessitaient des rapprochements entre les sciences sociales et les humanités, entre les sciences sociales et les sciences de la santé et, finalement entre les sciences sociales et les sciences naturelles. Prenons quelques exemples qui illustrent ma pensée. Les études en sémiotique, par exemple, nécessitent la présence de chercheurs en provenance du secteur des humanités et de celui des sciences sociales. Les études dans le domaine de la santé mentale - qui ont été entreprises au Canada dans les années cinquante - ont exigé la participation de plusieurs disciplines sociales, médicales, psychologiques et psychiatriques. Aujourd'hui les études dans ce champ d'étude se sont multipliées au Québec et se rapportent à un très vaste éventail d'objets d'étude suscités à la fois par l'avancement technologique dans le champ médical et les questions d'éthique sociale qu'elles suscitent. Le rapport des sciences sociales aux sciences naturelles est plus récent mais tout aussi prometteur par les questions qui y sont soulevées : la protection de l'environnement, le développement durable, les impacts environnementaux de projets industriels d'envergure, l'aide technique aux pays en voie de développement, les organismes modifiés génétiquement, et combien d'autres études de toute première importance qui accompagnent les nouvelles découvertes et inventions dans ce très vaste secteur.

On assiste aujourd'hui, d'une part, à des efforts concertés de la part des départements disciplinaires en vue d'une formation plus générale et moins spécialisée. C'est le retour du pendule. Ce type d'apprentissage pluraliste permet une plus grande ouverture aux autres disciplines, à leurs concepts, à leurs outils d'observation et une meilleure insertion dans le milieu de travail choisi. D'autre part on remarque la création de réseaux de recherche et de communication sur Internet qui servent tout autant aux échanges des résultats de recherche qu'à l'établissement de collaborations dans des domaines particuliers. Les Autochtones sont devenus un champ d'étude auquel collaborent plusieurs disciplines sociales : l'histoire, l'archéologie, le droit, l'anthropologie, l'économique, la criminologie, les sciences de l'éducation, les sciences de l'administration. À l'échelle du Québec seulement, plusieurs milliers de travaux sont en voie d'être identifiés et intégrés dans des banques de données qui sont devenues des outils de référence incontournables. Plusieurs travaux de recherche sont directement accessibles sur Internet. Nous assistons donc à une revitalisation des sciences sociales, de ses paradigmes à caractère systémique et de ses méthodologies complexes d'une part, mais aussi par l'intérêt renouvelé de leurs promoteurs pour une utilisation des résultats de leurs travaux et par les rôles que ces sciences sont appelées à jouer dans tellement de nouveaux domaines différents.

Les ouvertures pour les diplômés sur le marché du travail sont également de plus en plus intéressantes en autant que leur formation demeurera de qualité. À ce propos, je me sens obligé de terminer sur une note pessimiste. Ce qui a pris près d'un demi‑siècle à construire, à l'échelle du pays tout entier, est en voie d'être démantelé par les restrictions budgétaires qui ont été imposées aux universités dans les dernières années et qui ont frappé durement les sciences humaines et sociales. Ce phénomène se produit au [77] moment même où les problèmes les plus importants auxquels la société toute entière fait face sont de nature sociale. Il y a matière à nous inquiéter sinon à nous engager résolument en vue de dénoncer avec vigueur les risques incalculables qui nous confrontent.



Retour au texte de l'auteur: Marc-Adélard Tremblay, anthropologue, retraité de l'Université Laval Dernière mise à jour de cette page le dimanche 10 mars 2019 13:07
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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