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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

L'afflux des réfugiés politiques au Canada: les enjeux socio-politiques (1988)
Problématique


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de M. Marc-Adélard Tremblay, L'afflux des réfugiés politiques au Canada: les enjeux socio-politiques. Rome: Centre académique canadien, 15 décembre 1988, 57 pp. [M Marc-Adélard Tremblay, anthropologue, retraité de l’enseignement de l’Université Laval, nous a accordé le 4 janvier 2004 son autorisation de diffuser électroniquement toutes ses oeuvres.]

Problématique

Jusqu'à ces dernières années, le Canada a été considéré comme un pays d'accueil pour les réfugiés politiques par son ouverture et son sens humanitaire. Depuis 1986 surtout, l'arrivée en grand nombre dans des conditions inhabituelles de revendicateurs du statut de "réfugié politique" au sens où l'entend la Commission sur les réfugiés de l'ONU [1], a suscité chez les Canadiens de toutes les couches sociales des sentiments contradictoires d'acceptation comme de rejet. Les réactions négatives ont pris de l'ampleur au fur et à mesure que la population devînt de mieux en mieux informée, par la voie des journaux, de l'arrivée récente de nouveaux contingents de réfugiés cherchant pour la plupart à améliorer leurs conditions de vie dans un pays "aux ressources illimitées". On a vite mis en relief que la venue de ces nouvelles catégories de réfugiés, appartenant de surcroît aux minorités visibles, était patronnée souvent par des vendeurs d'illusion qui en retiraient des profits financiers considérables en faisant miroiter toutes sortes de promesses irréalistes. Aussi trouvait-on d'ingénieuses modalités pour les faire arriver en grand nombre, sans passeport, aux aéroports, a différents postes de la frontière américaine, aux ports d'entrée du Canada de l'Est et de l'Ouest. Il y aurait en ce moment de 60 à 70 mille réfugiés en attente d'un statut régulier. Comme ils ne peuvent obtenir de permis de travail durant cette période d'attente, ils doivent vivre d'assistance sociale et travailler au noir pour combler leurs maigres ressources financières. Fort heureusement, ils bénéficient des autres mesures sociales et sanitaires. Les pressions populaires pour mieux contrôler l'entrée des réfugiés politiques et bloquer la venue de réfugiés économiques selon des voies anormales furent telles que le gouvernement du Canada a sanctionné en juillet dernier deux lois - la Loi C-84 et la Loi C-55 - qui entreront en vigueur vraisemblablement en janvier 1989. La Loi C-84 "vise à dissuader les passeurs et les immigrants clandestins en augmentant les peines pour les contrevenants. Elle augmente le pouvoir de détention de l'Immigration et crée une nouvelle infraction. Aider ou encourager quelqu'un à venir au Canada sans papiers adéquats" (Carole Beaulieu, Le Devoir, 22 juillet 1988). La Loi C-55, pour sa part, réforme "le processus de reconnaissance du statut de réfugié". C'est cette dernière loi qui a soulevé le plus d'opposition au Sénat et chez les groupes religieux et humanitaires qui défendent les intérêts des réfugiés qui trouvent ces lois injustes et indûment excessives. Cette dernière loi, en particulier, restreint les droits des revendicateurs du statut de réfugié dans la mesure où ils ne peuvent plus choisir leur avocat et ne disposent plus d'un droit d'appel une fois le jugement prononcé sur le caractère justifié de la demande. Si celle-ci ne l'est pas, ils sont reconduits automatiquement dans un pays jugé "sûr". Une nouvelle en provenance de la Presse canadienne en date du 5 décembre dernier annonce qu'Ottawa envisage la mise en application, dans un proche avenir, d'un plan visant à accélérer l'étude des dossiers en attente qui permettrait la rapide expulsion de près de 28,000 réfugiés appelés "illégaux". Les autres dossiers pourraient être réglés dans les trois prochaines années (40,000) [2]. Comment comprendre cette fermeture soudaine du Canada et le peu de sensibilité qu'il manifeste à l'endroit des réfugiés ? N'était-il pas reconnu jusqu'à maintenant pour son ouverture à l'altérité, son aide aux pays les plus démunis de la planète et son souci de respecter les droits de l'homme ? Pour comprendre la situation critique dans laquelle se retrouvent les réfugiés politiques au Canada et au Québec en particulier, il faut se référer à trois séries de facteurs qui peuvent servir d'éléments significatifs dans un modèle général d'application :

 

a) la nature des modèles migratoires depuis le milieu du XlXe siècle et les diverses idéologies qui les ont fondés et justifiés ;
 
b) les politiques gouvernementales en matière d'immigration et les attitudes des Canadiens vis-à-vis les minorités culturelles ; et
 
c) l'évolution du multiculturalisme au Canada et les enjeux socio-politiques qu'il comporte pour les deux principales composantes ethniques du pays.

 

Cette perspective générale nécessite une opérationnalisation qui se déploie selon trois axes. Une analyse historique qui reconstitue les différentes vagues d'immigrants et des besoins qu'ils visaient à satisfaire. Une reconstruction de la globalité où sont mis en relief les fondements idéologiques de l'immigration, les législations qui ont visé à en assurer la concrétisation dans des pratiques institutionnelles, administratives et interculturelles et les représentations sociales de la population vis-à-vis les immigrants reçus et les réfugiés politiques en attente d'un statut définitif leur accordant le droit d'asile au Canada. Une analyse stratégique qui énonce les enjeux en présence, les acteurs en place et les ressources dont ils disposent, leur position dans la structure du pouvoir et les atouts qu'ils peuvent utiliser pour influencer les autres acteurs et la population et les résultats probables de leurs actions et pressions sociales. Ce paradigme doit également tenir compte des dynamismes qui sont opérants et des transformations qu'ils suscitent dans la structure sociale comme dans les systèmes de valeur et les comportements.

 

Mon propos se déroulera en cinq temps. Une première section traitera de la mosaïque canadienne, son anatomie et ses problèmes. Une seconde examinera les idéologies et les représentations sociales. La troisième partie effectuera une analyse critique des législations et politiques multiculturelles. Une quatrième section sera consacrée aux conditions de l'intégration sociale. En dernier lieu, nous accorderons une place privilégiée aux différents enjeux socio-politiques reliés aux réfugiés politiques dans l'espace québécois. La conclusion posera un diagnostic d'ensemble.


[1] "Toute personne qui "en raison d'une peur bien fondée de la persécution pour des raisons de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social ou à une tendance politique particulière" se trouve exilée de son pays et ne peut ou craint de ne pouvoir y retourner". Cité dans Irving Abella, Encyclopédie du Canada, Tome 3, 1987 : 1655.

[2] Il semble hors de question que le Canada accorde l'amnistie générale à tous les réfugiés en attente de statut.


Retour au texte de l'auteur: Marc-Adélard Tremblay, anthropologue, retraité de l'Université Laval Dernière mise à jour de cette page le jeudi 8 juin 2006 9:08
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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