Marc-Adélard Tremblay (1922 - )

Compte rendu. “C.F. MacRae, ed., French Canada Today.
Report of the Mount Alllison, Summer 1961.
Summer Institute, Sackville, N.-B.,
Mount Allison University Publications, no 6., 114 p.”.

Un article publié dans la revue Recherches sociographiques, vol. 3, no 3, septembre-décembre 1962, pp. 388-389. Québec: Les Presses de l'Université Laval.

Cette publication contient l'ensemble des communications qui ont été présentées lors d'une session d'études tenue à l'université Mount Allison à l'été 1961. Ce colloque portait sur le Canada français dans ses relations avec le Canada anglais de l'est du Canada. Dans sa conception, ce congrès était fort ambitieux : on y a abordé des thèmes aussi divers que la nature du dualisme canadien, le profil des valeurs acadiennes, les changements dans le rôle de l'Église, la signification des nationalismes canadiens-français et l'évolution de l'expression artistique.

Parmi les titulaires de communications, on relève des hommes politiques influents tels les honorables Louis Saint-Laurent, Jean Lesage et Louis Robichaud et des spécialistes dont la réputation n'est plus à faire dans leurs disciplines respectives tels que le Révérend Père Clément Cormier, c.s.c., et les professeurs Léon Dion, Arthur Tremblay et Mason Wade. Malheureusement, ce clivage entre l'homme politique et le spécialiste des sciences humaines, entre l'homme d'action et l'homme de recherche, transparaît dans l'orientation des communications et allait tenir séparées les perspectives des uns et des autres. À notre sens, il aurait fallu prévoir une conférence qui eût fait la liaison entre ces deux orientations, afin de constater si les réflexions théoriques de ceux-ci s'incorporent dans les programmes d'action de ceux-là.

Compte tenu de cette déficience, facilement explicable d'ailleurs, ce congrès se situe à un carrefour, c'est-à-dire à un moment où les Canadiens d'expression anglaise s'interrogent sur les dynamismes nouveaux qui font leur apparition au Canada français et à l'instant où les relations anglo-françaises au Canada se reformulent non seulement à partir de critères d'égalité juridique mais aussi en tenant compte de réalités politiques, économiques et sociales qui s'affirment de plus en plus dans le Québec plus particulièrement. Les transformations profondes et rapides qui deviennent de plus en plus apparentes dans les structures sociales du Canada français semblent inquiéter nos concitoyens de langue anglaise. Ils s'interrogent sur le sens véritable de cette nouvelle prise de conscience et sur les répercussions qu'elle aura sur les structures canadiennes dans leur ensemble.

Cette préoccupation n'est peut-être pas aussi formellement explicitée dans l'introduction de l'ouvrage. Elle devient vite évidente à la liste des invités - ils sont presque tous des Canadiens d'expression française - et aux thèmes particuliers qu'ils abordent. Soulignons quelques contributions qui me semblent plus intéressantes.

Le premier ministre Lesage, dans son discours inaugural, tente de définir l'esprit nouveau de l'administration québécoise dans ses politiques internes et canadiennes. Il insiste sur le fait que les Québécois sont prêts à jouer pleinement leur rôle dans la Confédération et à retirer tous les bénéfices de leurs droits en tant que partenaires égaux, sans toutefois s'aliéner les autres Canadiens ni s'isoler des grands courants de la vie canadienne. Quant aux politiques internes du gouvernement Lesage, elles s'appuient sur les besoins prioritaires du Québec, soit le développement des richesses naturelles, la démocratisation de l'enseignement à tous les niveaux et l'application de mesures destinées à accroître le bien-être.

Le Père Cormier essaie de définir les éléments traditionnels valorisés par les Acadiens, à savoir : la fidélité à la foi catholique et à la langue française ; un patriotisme antagoniste, mais romantique ; l'isolement du Québec ; et une intention plutôt théorique de coopérer avec les Anglais. Si aujourd'hui encore les Acadiens continuent à se définir par rapport à leur langue et à leur foi, leur sens patriotique a acquis une dimension nouvelle. Les jeunes élites se rattachent au passé, bien sûr, mais elles élaborent des plans d'avenir qui supposent la collaboration des Canadiens français et des Canadiens anglais des provinces de l'Atlantique.

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Dans son exposé, Mason Wade cherche à montrer qu'il y a deux Canadas français (le Québec et l'Acadie) liés à deux destins historiques différents. L'analyse de l'historien Wade entre en contradiction avec celle du Père Cormier.

Claude Ryan, de son côté, analyse l'évolution des structures et des idéologies religieuses au Québec soulignant, en particulier, l'importance de plus en plus grande du laïcat dans les affaires de l'Église.

Les changements qui se produisent dans les structures scolaires sont fort bien mis en lumière pour le Québec par Arthur Tremblay (adjoint du ministre de la jeunesse) aux quatre paliers suivants : J'enseignement et le personnel ; les programmes d'étude ; le financement de l'instruction ; et les structures administratives. Quant aux problèmes posés par la formation scolaire des Acadiens au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, ils sont nombreux et épineux comme le soulignent le père Francis Bourque et Rémi Chiasson.

Deux autres articles méritent d'être brièvement commentés : ce sont ceux d'Adélard Savoie et de Léon Dion qui définissent les principaux éléments des nationalismes acadien et canadien-français. Savoie, par exemple, montre que la survivance acadienne est due à une prise de conscience nationale. Il souligne que l'Acadie a un rôle dynamique à jouer dans la diffusion et la promotion des valeurs de la civilisation française. Léon Dion, pour sa part, élabore une définition du nationalisme canadien-français en tenant compte de son fondement, de ses diverses expressions et de sa signification profonde. Analysant, plus en détail, ses manifestations contemporaines, Dion démontre que ce nationalisme est pluraliste, c'est-à-dire, qu'il s'inspire de plusieurs sources et qu'il poursuit des objectifs multiples. Le nationalisme canadien-français est en train d'acquérir un nouveau visage, de prendre des formes nouvelles qui rendent plus difficile la mise en application intégrale du pacte confédératif de 1867.

Ce colloque a eu le mérite de permettre à quelques représentants de l'élite canadienne-française de définir une fois de plus les principaux changements qui se produisent dans les structures institutionnelles et dans les mentalités du Canada français et de montrer comment ceux-ci imposent de nouveaux cadres et de nouvelles exigences aux relations anglo-françaises. Il est regrettable que nous n'ayions aucune indication sur les réactions de l'auditoire anglais. On se demande alors dans quel esprit le message canadien-français a été reçu.

Marc-Adélard TREMBLAY

Département de sociologie et d'anthropologie,
Université Laval.