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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Marc-Adélard Tremblay, “Fernand Dumont, scientifique et homme de culture”. Un article publié dans l'ouvrage sous la direction de Simon Langlois et Yves Martin, L'horizon de la culture. Hommage à Fernand Dumont, chapitre 33, pp. 505-508. Québec : Les Presses de l'Université Laval et l'Institut québécois de recherche sur la culture, 1995, 556 pp. [M Marc-Adélard Tremblay, anthropologue, retraité de l’enseignement de l’Université Laval, nous a accordé le 4 janvier 2004 son autorisation de diffuser électroniquement toutes ses oeuvres.]

[505]

L’horizon de la culture.
Hommage à Fernand Dumont.

Huitième partie : Portraits et souvenances
Chapitre 33

Fernand Dumont: scientifique
et homme de culture
.”

Marc-Adélard TREMBLAY

Je suis particulièrement honoré de témoigner l'estime exceptionnelle que je porte à Fernand Dumont en tant que scientifique de renom international et homme de grande culture, mais aussi en tant que collègue et ami.

J'ai entendu parler de lui pour la première fois en 1949 alors que nous étions tous deux étudiants à la faculté des Sciences sociales de l'Université Laval, logée alors dans le modeste édifice de la rue de l'Université dans le Quartier latin. Déjà, à ce moment-là, il éblouissait ceux qui le côtoyaient, professeurs et étudiants, par l'étendue de ses préoccupations et de ses connaissances, l'originalité et la profondeur de sa pensée et sa façon toute personnelle d'assumer son statut d'étudiant. Sa trajectoire menant au baccalauréat ès arts avait été unique en son genre et je serais presque tenté de dire que celle suivie en sciences sociales reflétait tout aussi bien son talent pour les études, son autonomie dans le vaste registre de ses études et ses intérêts pour la théorie, l'histoire, la philosophie et les humanités. Déjà, à sa première année d'étude à la faculté, la direction facultaire de l'époque le promettait à une brillante carrière professorale à l'Université Laval. C'était une prémonition qui ne ressortissait pas de l'ordinaire étant donné les multiples talents de celui auquel elle s'adressait. Pour ma part, je nourrissais aussi l'ambition de devenir professeur à Laval un jour, mais je ne crois pas que cette aspiration était partagée par les professeurs qui me dispensaient leurs enseignements !

Lorsque je revins à Laval en octobre 1956 pour assumer des enseignements au département de Sociologie dirigé par Jean-Charles Falardeau, Fernand Dumont dispensait des cours à ce même département depuis 1955 après ses études en France et était, bien sûr, fort apprécié de ses étudiants. Malgré que certains d'entre eux éprouvaient quelque difficulté à bien suivre ses développements épistémologiques et ses réflexions sur certains courants de pensée dans sa discipline comme dans des [506] disciplines voisines – science économique, psychologie, philosophie, psychanalyse, théologie –, ils se sentaient tous obligés d'approfondir ses enseignements et étaient poussés à se dépasser.

Pour ma part, mon cheminement disciplinaire m'entraînait plutôt vers la méthodologie, la recherche empirique, l'anthropologie culturelle, les questions de santé et l'intervention sociale. Lorsque survinrent les grandes contestations étudiantes de la fin des années soixante (1968), je fus l'un de ceux dont le cours (« Éléments d'anthropologie » dispensé sur deux semestres) fut l'objet de contestation. Fernand Dumont, assumant à ce moment-là la direction du département de Sociologie et d'Anthropologie, eut à intervenir en ma faveur à l'occasion d'une réunion des étudiants qui suivaient ce cours. Je lui serai à jamais reconnaissant d'avoir affronté les contestataires pour répondre à leurs questions, d'avoir apaisé leurs insatisfactions et d'avoir placé à un échelon élevé le niveau de ma compétence anthropologique. C'est un geste qui témoignait d'une indéfectible solidarité à mon endroit et à l'égard des idéaux que nous poursuivions au département. J'aurais beaucoup à dire sur les autres contestations étudiantes qui menèrent à l'établissement du département d'Anthropologie en 1971. Qu'il me suffise d'affirmer que mon allégeance allait dans le sens de la position départementale. J'ai estimé à tort que l'autonomie de l'anthropologie était prématurée même si je n'endossais pas entièrement le paradigme intégrateur qui soutenait le statu quo au département de Sociologie et d'Anthropologie.

Fernand Dumont est, certes, parmi les professeurs chercheurs de l'Université Laval un des plus distingués dont la réputation et le rayonnement sont à caractère international. Cette reconnaissance est liée à la qualité de ses enseignements et de ses recherches interdisciplinaires, au caractère novateur et transcendant de sa pensée scientifique et de sa culture humaniste, à son engagement et à son leadership dans les différentes institutions scientifiques et professionnelles auxquelles il a été et est encore associé. À mon sens, les nombreux prix qu'il a reçus (à titre d'exemples, les Prix Molson en 1992, Léon-Gérin en 1990 et France-Québec en 1994) de même que les associations de prestige auxquelles il a été élu témoignent de ses qualités exceptionnelles d'intellectuel.

Le professeur Dumont a toujours été pour les différentes générations d'étudiants qui se sont succédé au département de Sociologie, par ses enseignements, ses travaux de recherche, ses conférences publiques et spécialisées, un guide sûr, un maître à penser dans le sens le plus fécond de ce terme. Il a su intégrer dans l'exercice de cette fonction, avec une rare habileté, les différents courants de pensée philosophique et empirique sur l'homme, la société et la culture tout comme il a su contextualiser ces traditions à la lumière de l'histoire, des visions théologiques, des structures politiques et des visions du monde des sociétés visées. Il a su motiver ses étudiants comme ses auditeurs par le caractère interdisciplinaire de ses analyses, la rigueur de sa démarche et l'originalité de ses interprétations. Tous celles et ceux qui ont suivi ses cours ou qui ont entendu ses exposés, que ce soit aux sociétés [507] savantes, à l'occasion de débats publics, ou au moment de sa participation à des émissions de radio ou de télévision, ont été impressionnés autant par les perspectives conceptuelles qui fondent les analyses de cet homme de science que par la justesse de ses jugements. L'ensemble de ses travaux de réflexion témoignent de cette vivacité de l'intelligence et de cette juste vision des événements et des situations.

Fernand Dumont a dirigé de nombreux étudiants dans leurs recherches personnelles et les a préparés à assumer des fonctions professionnelles importantes dans divers secteurs d'activité.

Il possède cette qualité d'être à la fois un scientifique et un homme de culture. Sa formation universitaire de même que la nature de ses recherches en sociologie et en histoire de la connaissance, en épistémologie des sciences humaines et sur les questions de culture et sur les idéologies font de lui un de nos intellectuels les plus brillants et les plus influents. Sa pensée possède cette qualité d'être profondément ancrée dans l'histoire des idées et des découvertes, mais aussi d'être attentive et sensible aux préoccupations de la société moderne en ce qui a trait aux fonctions de l'éducation, aux grandes mutations sociales, économiques, politiques et religieuses de notre temps, aux problèmes de société qui nous confrontent. Sa pensée est tout aussi à l'aise et tout aussi claire dans le champ de l'épistémologie que dans l'univers des problèmes de déstructuration sociale. Ses écrits reflètent ces deux sources d'inspiration et servent de phare à l'intelligentsia comme aux classes instruites. Fernand Dumont appartient à cette classe à part d'intellectuels qui possèdent une très vaste culture scientifique et littéraire (ses ouvrages et articles en témoignent largement) et qui savent, par leur façon de s'exprimer, rendre compréhensibles auprès de ceux qui s'interrogent le sens de la vie, la nature de la société et l'avenir de la culture.

Fernand Dumont est d'abord et avant tout un homme de réflexion et de recherche de nature théorique. Mais l'action ne lui répugne pas pour autant. Il a accepté avec discernement les fonctions de leadership et les engagements qu'il estimait importants pour la bonne renommée de sa discipline comme pour l'avancement et le progrès de la société québécoise, à laquelle il est si résolument attaché.

Cela s'applique tout aussi bien à la direction du département de Sociologie de Laval, à sa participation aux conseils de direction d'associations et de revues, à la direction de l'Institut supérieur des sciences humaines de Laval, à la présidence de l'Association internationale des sociologues de langue française, comme à la direction, dès sa fondation et durant dix ans, de l'Institut québécois de recherche sur la culture. Dans toutes ces instances, il a démontré le même engagement, il a déployé la même imagination créatrice et il a su diriger avec intelligence et doigté celles et ceux qui oeuvraient sous sa direction. Car même s'il est conscient de la valeur de ses idées, il est à l'écoute et est respectueux de celles des autres.

[508]

Voilà très brièvement exprimée la haute estime que je porte à ce collègue exceptionnel auquel j'ai été associé près de quarante années. Il a largement contribué à mettre en relief la qualité, c'est-à-dire la profondeur et la diversité des sciences sociales au Québec, au Canada et à l'étranger. C'est une gloire dont Laval particulièrement mais aussi le Québec tout entier peuvent s'enorgueillir.



Retour au texte de l'auteur: Marc-Adélard Tremblay, anthropologue, retraité de l'Université Laval Dernière mise à jour de cette page le lundi 1 mai 2017 19:45
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cegep de Chicoutimi.
 



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