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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Les Éboulements, petit village et grands souvenirs (2000)


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de M. Marc-Adélard Tremblay, Les Éboulements, petit village et grands souvenirs”. Un article publié dans la revue L'Embarcadère, Revue de la Société littéraire de Charlevoix. Numéro hors-série, no 1, juillet 2000, pp. 6-7. [M Marc-Adélard Tremblay, anthropologue, retraité de l’enseignement de l’Université Laval, nous a accordé le 4 janvier 2004 son autorisation de diffuser électroniquement toutes ses oeuvres.]

Texte de l'article

Membre de la grande famille Tremblay, c'est avec plaisir que j'ai accepté d'être le président d'honneur de "Cap sur le troisième millénaire" dans Charlevoix. Alors s'est imposée à moi l'idée de parler d'un lieu qui a fortement marqué ma trajectoire de vie. Ce lieu, celui de ma naissance, Les Éboulements, possèdent en outre un lien direct avec le patronyme de tous ceux et celles qui contribuent à la parution de cet ouvrage. 

J'ignore si le fait que les membres d'une même grande famille-souche deviennent les auteurs d'un ouvrage collectif constitue en soi une première. Même si ce n'est pas un exploit qui paraîtra dans le livre des records Guinness, il a tout de même pour nous une résonance toute spéciale en vertu de la diversité des sources d'inspiration qui l'ont façonné et des affinités patronymiques qui nous rassemblent. 

Pour parier d'un lieu qui m'a fortement marqué, je devrais aussi parier de ceux qui l'ont habité et qui ont eu sur moi une influence prépondérante. Mais je devrai m'y soustraire faute d'espace, et de crainte d'empiéter sur le terrain de ma vie professionnelle. 

Ce lieu de mémoire occupe une place unique dans mon cœur, non seulement parce qu'il est celui qui me vit naître, mais surtout parce qu'il fut une continuelle source d'inspiration tout au long de ma vie. Je suis né un peu après le grand tremblement de terre de 1925. Ce dernier a tellement bouleversé mes proches et les gens de l'époque qu'ils ont cru à la fin du monde. J'eus aussi la chance inouïe que ma mère survive à la pandémie de grippe espagnole de 1918-1919 et retrouve toutes ses forces avant de me donner la vie. 

J'ai vécu jusqu'à l'âge de sept ans sur la ferme de mes grands-parents maternels. J'eus le bonheur de naître dans une famille élargie, de partager mes activités avec mes frères et mes sœurs, d'observer la variété des tâches domestiques de subsistance, de connaître l'ensemble des travaux de la ferme ponctués par les saisons et de recevoir les marques d'attention et de tendresse des adultes qui formaient la maisonnée. Il y a là tous les ingrédients nécessaires pour créer une enfance heureuse et conférer tout leur éclat aux souvenirs qui s'en dégagent. 

Mes parents durent émigrer à Montréal au début de la grande crise économique, en 1929, alors que l'élevage des renards de mon grand-père devint obsolète à la suite de la chute du prix de leurs peaux. Nous avons emménagé dans le quartier Rosemont où ma famille, en raison de son statut économique précaire, put cultiver un potager sur un terrain prêté par la ville de Montréal. À chaque été, de 1934 à 1940, je suis retourné sur la ferme de mes grands-parents et j'ai participé activement aux travaux de la ferme. C'est à ces séjours répétés que je dois ma motivation à poursuivre une formation universitaire en agronomie. Durant ces périodes de vacances scolaires, j'ai vécu de multiples expériences de travail et de loisir qui sont venus enraciner mon attachement à ce lieu. Je pense, entre autres, à la beauté des levers et des couchers de soleil, aux gestes de solidarité et de partage dont j'ai été le témoin et à tous les menus bonheurs du quotidien. 

Les lieux des Éboulements que j'ai fréquentés sont demeurés bien vivaces dans ma mémoire. Ce sont les champs où se cueillent les fraises sauvages et les framboises, mais aussi où se font les foins. Ce sont les espaces en bordure de la montagne où abondent les bleuets et qui voisinent les champs d'orge et d'avoine fauchés à la moissonneuse-batteuse. Ce sont encore les étroites bandes de terre qui longent les clôtures de cèdre, où poussent cerisiers à grappe et pommetiers. C'est la rivière du Seigneur où la truite foisonne, les berges du Saint-Laurent où la pêche à l'éperlan, la loche et la plie appesantit le bidon à dos du grand-père, ainsi que le Cap Martin, ce lieu resté mythique pour mes frères et moi. 

Surgissent aussi de ma mémoire le beurrerie du village où j'accompagnais parfois mon grand »père après la traite du matin, ainsi que le moulin à farine qui dégageait des odeurs aux parfums variés. Et que dire de l'étable de la bergerie, du fenil et de combien d'autres lieux dont les odeurs sont demeurées fortement imprégnées dans ma mémoire ? 

Grâce aux bons soins d'Alexis, un frère de mon père, en 1962 j'ai pu acheter une parcelle de ferme. La maison que ma femme et moi y avons fait construire en 1967 deviendra un lieu de rassemblement pour les membres de nos familles respectives, pour nos amis. Je concrétisais ainsi un rêve que je caressais depuis mon adolescence. Le style architectural de notre maison s'inspire du style provincial français de la maison où je suis né. L'aménagement du terrain autour de la maison nous a permis de cultiver des légumes en abondance. Combien de personnes avons-nous initiées à la traditionnelle soupe aux gourganes grâce à nos récoltes! Les surplus de production du potager ont fait la joie de nombre de visiteurs de passage et ont permis de financer les achats de semences. La maison étant spacieuse, nous avons pu y accueillir mes parents pour une quinzaine de saisons estivales. Les fêtes champêtres (épluchettes de blé d'Inde), excursions à la montagne, feux de la Saint-Jean sur les berges du Saint-Laurent, de nombreux méchouis ont permis des rassemblements et des rencontres mémorables. 

Mon attachement à mon patelin natal ne s'est jamais démenti. Il est tel que la famille possède déjà son lot au cimetière paroissial. Mon père et ma mère ainsi qu'un gendre décédé prématurément y reposent. un jour, que nous espérons le plus lointain possible, nous les rejoindrons dans ce lieu, non sans avoir profité auparavant des beautés et des largesses de la nature éboulmontaise. Rien n'est plus plaisant que de s'arrêter quelques instants après une journée de labeur et d'admirer, entre deux cordes de bois, le paysage de mer et de montagnes qui s'offre a nous.


Retour au texte de l'auteur: Marc-Adélard Tremblay, anthropologue, retraité de l'Université Laval Dernière mise à jour de cette page le vendredi 9 juin 2006 6:41
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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