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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

SAVOIR ET POUVOIR. Philosophie thomiste et politique cléricale au XIXe siècle. (1972)
Avant-propos


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Pierre Thibault, SAVOIR ET POUVOIR. Philosophie thomiste et politique cléricale au XIXe siècle. Thèse de doctorat soumise à la Sorbonne le 25 février 1970, sous la direction du professeur Henri Gouhier. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 1972, 252 pp. Collection : Histoire et sociologie de la culture, no 2.Une édition numérique réalisée par Réjeanne Toussaint, Chomedey, Laval, Québec. [Autorisation formelle accordée le 7 décembre 2009, par le directeur général des Presses de l’Université Laval, M. Denis DION, de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

Avant-propos


Ce livre sur le thomisme est d'abord un règlement de compte. Les Québécois de plus de trente ans ne s'en étonneront pas. Pour les plus jeunes et les éventuels lecteurs étrangers, je me permets d'évoquer ici, pour mémoire, un climat philosophique qu'ils n'ont sans doute jamais connu.

Nos esprits étaient assujettis au moule dès l'entrée à l'école. Des années durant, un catéchisme péripatéticien y façonnait à tel point nos catégories que, plus tard, en classe de philosophie, nous avions l'impression du « déjà vu » en abordant le thomisme.

L'enseignement secondaire des petits séminaires et des collèges était couronné par deux années de philosophie où l'on consacrait une dizaine d'heures par semaine à l'exégèse d'un manuel thomiste. Nous y apprenions, ce que nous étions déjà tout disposés à accueillir comme une évidence, que les philosophes non thomistes n'avaient pu être que débiles ou pervers. Les manuels, « rationalistes », s'en tenaient en général au premier diagnostic. L'Index se chargeait d'accréditer le second ; à compter de Descartes, peu de philosophes y avaient échappé.

Inébranlablement assis sur le sens commun et le catéchisme, consacré par la triple infaillibilité magistrale, sacerdotale et pontificale, l'univers aristotélo-thomiste a été pour de nombreuses générations de Québécois l'univers « naturel et évident ».

Il y avait bien quelques failles qui pouvaient faire douter, à l'occasion, de la solidité de cet édifice. Ainsi, dans leurs efforts pour se donner un aspect plus moderne, les manuels accusaient parfois des divergences importantes, en particulier au chapitre de la connaissance.

D'autre part, le véritable traumatisme que constituait pour nous le contact avec Bergson, dont les livres nous étaient parfois accessibles, avait des effets profonds et contagieux ; le « clos », le « figé », le « sédimenté » et le « pétrifié » avaient pour nous un sens parfaitement univoque.

[XXII]

Enfin, nous soupçonnions qu'il existait en France des catholiques non thomistes. Cela ne laissait pas de nous étonner, faisait naître en nous de secrets espoirs, et passait au compte d'une certaine bonhomie de l'Église à l'égard de sa frondeuse fille aînée.

Dans les facultés de philosophie, on commentait Aristote et saint Thomas, on réfutait Descartes et Kant. Le positivisme ne faisait pas peur ; il était à la fois étranger et familier. Le contexte anglo-saxon lui assurait une sorte d'apprivoisement et, surtout, sa problématique empiriste et historiciste s'enracinait en terrain connu.

Pour la même raison, on faisait une bouchée du marxisme, ramené pratiquement à l'opuscule de Staline sur le Matérialisme dialectique. Les plus raffinés s'intéressaient timidement à l'entreprise de récupération théologique des nouvelles ontologies ; existentialisme, phénoménologie et, à travers elles, hégélianisme perçu comme un marxisme noble. Les plus ingénus flirtaient avec Bergson, puis Teilhard.

Au fond, entre un Thomas d'Aquin hiératique et un Teilhard de Chardin chatoyant, il n'y avait rien. Les quelques philosophies qu'on acceptait de considérer dans ce long intervalle étaient abordées en contresens, dans un esprit sereinement précartésien.

Ce n'était donc pas seulement la philosophie critique qui était ainsi escamotée, c'était toute la philosophie réflexive, donc toute la philosophie classique et, partant, tout ce qui s'était par la suite défini par rapport à elle. Cela s'appliquait a fortiori au marxisme.

Une anecdote fera peut-être mieux voir la nature paradoxale de ce blocage.

Vers 1964, dans la foulée de l'oecuménisme conciliaire, monsieur Paul Ricœur faisait la tournée de nos Facultés de philosophie. Il donnait ce jour-là une conférence sur le procès intenté à la conscience par Nietzsche, Marx et Freud. Son exposé ne suscita que des applaudissements protocolaires, sans commentaires ni questions.

Dès que la séance fut levée, des conversations animées mais discrètes se mirent à fuser parmi les auditeurs. Elles avaient toutes le même sens ; on était consterné que personne n'ait jamais appris au conférencier ce qui était évident pour tout le monde ici, à savoir que la voie du cogito en philosophie était sans issue, qu'il ne valait pas la peine de s'en occuper. On l'avait appris, non pas des Nietzsche, Marx et Freud, mais dans le père Gredt et chez Jacques Maritain. L'explication de l'innocence à cet égard d'un maître aussi éminent parut finalement toute simple ; il était protestant.

[XXIII]

La philosophie réflexive n'avait jamais eu d'existence, ici, même à titre d'objet historique. Le « réalisme catholique » occupait le terrain, et lui niait a priori toute légitimité. Il s'ensuivait que non seulement ses diverses formes historiques, mais toutes les démarches postérieures qui s'étaient définies contre elle, apparaissaient futiles et surfaites.

La principale conséquence de ce régime était de nous rendre l'histoire de la philosophie parfaitement inintelligible. À partir de Descartes, tout effort pour lui trouver un sens se heurtait au troublant mystère de l'invincible aveuglement de la philosophie moderne, véritable « pathologie de la raison humaine ».

De cet aveuglement, nous étions providentiellement préservés, à notre insu, depuis le 9 septembre 1879. Ce jour-là, un mois après la promulgation de l'encyclique Aeterni Patris par Léon XIII, l'Université Laval avait décidé - elle allait bientôt le prescrire à toutes les maisons d'enseignement qui lui étaient affiliées - de se conformer rigoureusement aux directives du pape, et de n'utiliser dorénavant comme manuel que celui du dominicain Zigliara, sur lequel on allait calquer le programme.

Les temps changent. Ne suffirait-il pas maintenant de dire que, comme Dieu chez Auguste Comte, le thomisme est « parti sans laisser de question » ?

On ne règle son compte au passé qu'en en rendant compte. Cela peut aller jusqu'à l'obsession. Je crois bien que ce fut mon cas. Et l'origine de ce livre.

*
*     *

Parmi les nombreux lieux communs qui avaient cours sur la restauration du thomisme, il en est trois, principalement, dont mes toutes premières recherches devaient me révéler la fragilité. Le premier impliquait la représentation d'un thomisme permanent, identifié à la philosophia perennis dans le catholicisme. Saint Thomas aurait opéré la synthèse des Pères et de la scolastique, et sa pensée aurait dorénavant été adoptée à]'unanimité dans l'Église. Elle aurait seulement souffert d'une certaine désaffection au début du XIXe siècle, à la faveur du relâchement post-révolutionnaire et d'un engouement passager pour les philosophies à la mode. Léon XIII n'aurait fait que la relancer par un acte officiel.

Aussi mon propos initial était-il seulement d'examiner comment ;'encyclique Aeterni Patris, par laquelle le pape Léon XIII avait ordonné en 1879 le retour au thomisme, avait pu avoir tant d'efficacité dans les milieux catholiques.

[XXIV]

La découverte qu'à l'aube du siècle dernier le thomisme était complètement disparu de la scène depuis un demi-siècle, qu'il était positivement proscrit, ici et là, depuis deux siècles, et qu'en 1830, à Rome, les autorités ecclésiastiques jugeaient encore prudent de juguler toute tentative de le ressusciter, renversait complètement cette hypothèse.

De point de départ qu'elle devait être pour ma démarche, l'encyclique de Léon XIII se présentait dorénavant comme le point d'arrivée d'une enquête qui allait devoir porter sur l'origine et la signification d'une opération dont je commençais à entrevoir l'ampleur.

Le deuxième lieu commun que j'ai dû bientôt rectifier était une conséquence du précédent. J'avais prévu, s'agissant du thomisme, devoir m'occuper surtout de dominicains et, par une sorte de chauvinisme culturel, de dominicains de langue française. En décidant d'aller aux sources de la renaissance thomiste, je m'aperçus que je changeais non seulement d'époque, mais aussi d'ordre et de langue. Non seulement Léon XIII n'avait fait qu'officialiser un mouvement né un demi-siècle auparavant, mais c'était en Italie et non en France que l'essentiel s'était joué et, non pas chez les dominicains, mais au sein d'une poignée de jésuites politisés et longtemps marginaux.

Enfin, il est un troisième lieu commun auquel son caractère obvie en même temps que des intérêts évidents avaient toujours assuré une adhésion unanime ; la question du thomisme relevait essentiellement de l'apologétique et concernait le langage de la théologie dogmatique. À l'encontre de cette opinion, il m'est vite apparu que, dans la fortune ou l'infortune du thomisme, ses implications politiques avaient eu plus de poids que ses incidences dogmatiques. Autrement dit, que ses seules incidences dogmatiques ne permettaient pas de comprendre son histoire.

D'abord, les dates importantes de la renaissance du thomisme étaient à elles seules éloquentes ; 1815, 1830, 1848, 1859, 1870. Les rapprochements avec le traditionalisme et le positivisme, inévitables, allaient dans le même sens, y compris le ralliement de la plupart des thomistes français autour de Maurras au début de notre siècle.

Par ailleurs, la répression des premières velléités thomistes par les autorités romaines au début du XIXe siècle semblait bien tenir à des raisons d'opportunité politique, qui n'étaient pas sans rapport avec la proscription sporadique de cette école depuis deux siècles. Seule, enfin, cette dimension politique permettait de comprendre l'intérêt extraordinaire qu'allait porter à cette doctrine le pape Léon XIII, à la vérité si peu philosophe.

[XXV]

C'est seulement dans l'absolu que le sens commun a toujours tort. Contre des préjugés plus sophistiqués ou régionaux, il a souvent raison.

De même que j'hésiterais à croire qu'un individu puisse embrasser le martyre au nom d'une version de la procession des personnes divines par simple paresse mentale, de même, je n'arrivais pas à concevoir qu'un appareil aussi raffiné que l'Église romaine ait pu miser sa respectabilité intellectuelle pendant des siècles, et jusqu'en pleine époque contemporaine, sur l'hylémorphisme aristotélicien par simple inertie bureaucratique.

Étant donné l'énergie qu'il avait mobilisée pendant près d'un millénaire, le péripatétisme catholique devait bien avoir une signification et une fonction essentielles, au-delà de son discours explicite.

Il fallait donc trouver la structure significative de la doctrine ; recouper entre eux les indices fournis par la polémique, surtout entre proches, qui pousse les protagonistes dans leurs derniers retranchements et permet d'entrevoir les noyaux essentiels de leur discours ; puis, recouper ces indices avec ceux que fournissait l'histoire politique et sociale. Dégager en même temps genèse et structure, signification et fonction.

Cette démarche m'a laissé aux prises avec de nouvelles questions. Elle m'a néanmoins fourni l'amorce d'une réponse à celles que je me posais initialement.

La réapparition du thomisme en plein XIXe siècle constituait un exemple rare de la restauration, pour ainsi dire à froid, de ce que les sociologues depuis Marx appellent une idéologie. Le thomisme offrait une conception du monde génialement formalisée dont la vocation était de maximiser le pouvoir sacerdotal en désarmant subtilement les instances intellectuelles et politiques qui pouvaient prétendre rivaliser avec lui. Son discours se situait quelque part entre une vision du monde implicite et syncrétique, et un discours programmatique explicitement politique.

Ce type d'objet - la philosophie comme savoir idéologique - relevait d'un concept de l'idéologie, tributaire du marxisme, dont les articulations internes, aujourd'hui encore, ne sont guère fixées. Il renvoyait à une problématique qui cherche toujours sa formulation adéquate.

*
*     *

L'Église romaine constitue sans doute une expérience historiquement unique d'institutionnalisation à la fois économique et proprement politique d'un « pouvoir spirituel ». Cette singularité justifie à la fois, de notre part, beaucoup d'intérêt et une grande prudence, quant aux hypothèses que son étude pourrait servir à éprouver.

[XXVI]

Sous l'Ancien Régime, son clergé formait un « ordre » tendu vers le maintien ou la restauration de son hégémonie. Au-delà de la tourmente révolutionnaire, il s'est reconstitué comme quasi-classe en cherchant à se redonner une stratégie propre, à la faveur d'alliances d'abord tactiques et conjoncturelles, hésitant quant au mode d'insertion de son ambition hégémonique dans la nouvelle structure sociale. Les plus perspicaces parmi ses membres, ceux qui avaient le sens de l'histoire, virent dans l'effritement de l'Ancien Régime davantage une occasion à saisir qu'une alerte à parer.

Le rapport interne, de structure, que l'épisode du néo-thomisme rend manifeste entre les gnoséologies théologiques et l'aspiration cléricale à l'hégémonie et, surtout, dans le détail et à l'intérieur de l'univers clérical, entre les théories de la connaissance et les stratégies diverses, proclame son essence idéologique ; le savoir y est discours de légitimation.

La restauration du thomisme en plein XIXe siècle offre l'avantage de mettre à nu le mécanisme idéologique qui est à l'œuvre derrière l'identité de structure entre théories de la connaissance et stratégies socio-politiques, ; l'élaboration (production-sélection) d'un univers symbolique (conception du monde, formalisée en philosophie) en fonction d'une stratégie qui y trouve sa « théorie » et moins un masque, dont elle n'a cure, qu'un costume.

Ce processus a pu affleurer à la conscience sacerdotale parce qu'il se déroulait dans une institution culturelle ayant sa propre base économique, formellement politisée depuis un millénaire, et dont le caractère sacré de ses intérêts protégeait l'innocence.

Au sein d'une intelligentsia fiduciaire du pouvoir symbolique et, à ce titre, sociologiquement apatride et vouée à traduire le politique en éthique, la typologie des philosophies, dont les théories de la connaissance forment le noyau critique, coïncide avec l'éventail des stratégies du « pouvoir spirituel ». Les théories de la connaissance sont des théories du pouvoir.

Il me semble qu'il y a là une hypothèse de travail pour l'étude des idéologies, abordées par leur noyau philosophique ; ce qu'on pourrait appeler leur statut excentrique. S'agissant du rapport entre idéologies et classes, ce rapport ne s'établirait pas d'abord entre stratégies de classe et idéologies, mais entre stratégies de classe et stratégies d'intellectuels, entre stratégies des fractions des unes et des autres.

La pratique à laquelle renverrait immédiatement un système idéologique relèverait d'une stratégie d'intellectuels qui est toujours, virtuellement, [XXVII] une stratégie du « pouvoir spirituel ». Le rapport des idéologies aux classes n'aurait pas à être (ou ne pas être) spontané ou transparent.

C'est l'existence de telle ou telle constellation de groupes d'intérêts intellectuels, la place qui leur est faite, institutionnelle ou pas, comportant plus ou moins d'autonomie apparente ou réelle, et permettant de rendre compte des possibilités stratégiques qui s'offrent à eux ; c'est l'existence de telle ou telle fonction intellectuelle et la structure des pratiques intellectuelles possibles qui en découle, qui relèveraient de l'analyse des stratégies de classe et, au-delà, de celle de la formation sociale.

La résurrection du thomisme au XIXe siècle est un cas extrême et, à ce titre, méthodologiquement ambivalent, qui montre qu'un discours idéologique peut surgir et se faire une place tout en n'ayant, à la limite, aucun sens par rapport aux impératifs idéologiques des classes dominantes, et être perçu par elles comme une énigme troublante et une aberration.

Il ne prend son sens que lorsqu'on emprunte la voie indirecte qui consiste à mettre en rapport les grandes stratégies proprement politiques de classe et celles, toujours plus ou moins corporatives, des groupes d'intellectuels. Ce n'est pas d'abord l'idéologie mais la stratégie des idéologues qui s'articule à celle d'une classe. C'est le statut des idéologues qui relève de la structure sociale.

Ainsi, le néo-thomisme, proscrit sous l'Ancien Régime, a été tout au plus une idéologie d'appoint, à peine tolérée, dans la société bourgeoise. L'alliance politique a été tardive, tactique et fragile entre l'Église et les pouvoirs bourgeois. Les stratégies étaient virtuellement conflictuelles ; les idéologies l'étaient d'emblée.

À l'opposé se situerait le cas du couple humanisme-positivisme dans l'université bourgeoise, où les stratégies corporatives sont homologues à celles de la classe dominante (« reproduction élargie » des élites par promotion charismatique ou technocratique), de sorte que l'idéologie peut paraître surgir immédiatement d'une stratégie de classe, alors qu'elle exprime d'abord et immédiatement celle de deux fractions de l'intelligentsia dont l'alliance est historiquement liée à celle de deux fractions de la classe dominante ; dont les pratiques, bien rodées, servent simultanément leurs intérêts propres et ceux de la classe dominante.

Les idéologies philosophiques expriment directement - masquent directement - les stratégies des intellectuels. Le rapport de ces idéologies aux classes, primordial, est un rapport second ; à la limite, un rapport de récupération. Le fait que ces philosophies se présentent toujours comme la source - la légitimation dernière - des idéologies socio-politiques avec lesquelles les classes dominantes ont un rapport plus manifestement [XXVIII] instrumental, joue un rôle analogue à celui des gnoséologies théologiques dans l'Ancien Régime. La légitimité d'une classe dominante passe par la légitimité de ses intellectuels, dont la théorie de la connaissance est l'idéologie propre.

L'émergence d'une classe suscite des idéologues dont la fonction et les intérêts sont tels que, par une sorte d'harmonie préétablie, leur discours de légitimation propre (leurs intérêts) génère les idéologies socio-politiques qui conviennent (leur fonction).

*
*     *

Dans l'immédiat, j'espère que ces pages pourront apporter une contribution indirecte à l'effort actuel de l'historiographie québécoise portant sur le siècle dernier. Au-delà de notre histoire religieuse et philosophique, elles pourraient éclairer notre histoire politique.

L'Église canadienne a joué un rôle essentiel dans ce que nous appelions naguère notre « survivance ». Ce rôle comportait un délicat jeu de balance ; assurer la soumission au pouvoir établi, bien qu'il fût étranger et hérétique, en exigeant de lui en retour qu'il tolère la survie de « la langue, gardienne de la foi ». Gardienne, surtout, du monopole culturel sur les masses qui permettait justement aux clercs de tenir le pouvoir civil en respect.

La puissance de l'Église canadienne tenait à un subtil dosage dans la poursuite de ces deux objectifs, à première vue contradictoires. On comprend qu'elle ait embrassé éperdument le thomisme pontifical. Il avait pour vocation séculaire, non seulement de les concilier, mais de les conjuguer.

Mai 1972.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le samedi 4 décembre 2010 8:10
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi.
 



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