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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

L'individualisme démocratique et le projet souverainiste ” (1994)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir de l'article de M. Joseph-Yvon Thériault, sociologue, Département de sociologie, Université d'Ottawa, “L'individualisme démocratique et le projet souverainiste ”. Un article publié dans la revue Sociologie et sociétés, vol. 26, no 2, automne 1994, pp. 19-32. Montréal: PUM. [Autorisation accordée par l'auteur le 22 août 2004]

Introduction

Pourquoi, se demande Charles Taylor (1992, pp. 45 et ss.), les nations doivent-elles se transformer en États? Deux réponses, dit-il, peuvent être extirpées de l'histoire politique de la modernité. La première prétend «que la souveraineté est la condition de l'autonomie gouvernementale républicaine» (p. 61). L'humanisme moderne affirme que l'individu a une «vie meilleure s'il fait partie d'un peuple libre autonome» (p. 47). L'autre réponse soutient que l'intégration à un groupe est essentielle à la réalisation de soi. Ainsi, chez les romantiques et leurs successeurs, les communautés linguistiques qui sont «pour les modernes un pôle essentiel d'identification» doivent avoir les moyens politiques de faire respecter et de développer leur identité communautaire. En résumé, donc, les nations doivent se transformer en États soit par désir démocratique, soit par désir identitaire.

L'argument démocratique, nous dit Taylor «ne s'applique pas au Québec» (p. 65). Et, en effet, à moins d'opter pour la thèse radicale de l'oppression ou de l'aliénation nationale, il faut accepter l'évidence que le régime politique québécois et canadien remplit les conditions de l'autonomie gouvernementale. Les Québécois et les Québécoises sont les citoyens d'un «peuple» libre et autonome. Leur régime politique est même l'une des plus vieilles démocraties du monde. Le Québec n'est pas, comme le disait Marcel Rioux dans La Question du Québec et comme le croyaient les indépendantistes au début des années 1960, «la plus vieille colonie du monde». Plus personne aujourd'hui, d'ailleurs, ne soutient sérieusement une telle affirmation. Le projet souverainiste québécois ne peut être assimilé à une situation coloniale où l'exigence de la citoyenneté passe nécessairement par la rupture avec l'oppresseur et la création d'une nouvelle république.

Pour Taylor, le désir d'indépendance politique au Québec ne peut se comprendre sans faire référence aux besoins d'identité et de reconnaissance que fait naître l'existence historique d'une communauté linguistique minoritaire francophone en Amérique du Nord. Le désir identitaire reste au cœur de la question du Québec.

Si cette analyse est juste, et nous pensons qu'elle l'est, comment alors poser la question de la démocratie et du projet souverainiste? Autrement dit, si le projet souverainiste ne peut pas, comme le disait encore récemment Denis Monière (1992) dans L'Indépendance, se réduire à une question de souveraineté populaire, comment alors articuler, dans une même problématique, le désir démocratique et le désir identitaire? Cette question est d'autant plus pertinente qu'une longue tradition, comme on le sait, voit dans les luttes identitaires, et principalement celles liées à l'affirmation nationale, un projet anti-démocratrique (1).

De telles interrogations méritent à notre avis d'être sérieusement prises en compte. Elles posent de vraies questions tant à la société québécoise qu'à la modernité démocratique. Elles ne sauraient, comme le laisse entendre Taylor, être résolues par la simple affirmation que le désir d'identité nationale dans le Québec contemporain se réalise en même temps qu'une acceptation par le Québec français des idéaux libéraux de la modernité (2). Il est insuffisant de reconnaître la coexistence au sein de nos sociétés de valeurs propres à l'individualisme démocratique et au communautarisme, il faut aller plus loin et tenter de saisir leur articulation historique. C'est seulement à la lumière de telles interrogations qu'il est alors possible de se demander sous quelles conditions l'arrimage entre un projet de souveraineté nationale et un projet démocratique est assuré de durer.

Je me propose d'analyser ce rapport entre démocratie, souveraineté et identité en m'intéressant à la façon dont on a interprété les rapports qu'entre-tient le Québec avec la modernité. Ce prisme sociologique me semble particulièrement intéressant dans la mesure où l'affirmation d'une identité québécoise, autour des années 1960, a été interprétée comme une avancée de la société québécoise dans la modernité. D'autre part, la modernité, comme on le sait depuis Tocqueville, est indissociable de l'individualisme démocratique. Ces deux processus (affirmation d'une identité collective et individualisme démocratique) apparaissent à plusieurs égards antithétiques, et c'est pourquoi leur mise en rapport est susceptible de nous éclairer sur les conditions d'articulation entre le projet de souveraineté nationale et la démocratie.


Notes:

(1) Nous pensons certes dans le contexte québécois à la critique du nationalisme au nom de son fondement antidémocratique formulée par Pierre Elliot TRUDEAU dans Le Fédé-ralisme et la société canadienne-française (1967) et reprise récemment lors du débat référendaire dans Ce gâchis mérite un non (1992). Nous pensons toutefois aussi à des critiques plus fondamentales se réalisant au nom du constructivisme moderne (SOSOE, 1992) ou d'une théorie émancipatrice de la démocratie (HABERMAS, 1987). Nous avons développé cette question plus longuement dans THÉRIAULT (1993), «Le droit d'avoir des droits».

(2) «Les forces internes du Québec qui ont toujours lutté pour une société libérale l'ont emporté», nous dit TAYLOR (1992, p. 182). C'est pourquoi le «doute» sur les valeurs libérales au Québec n'est plus fondé dans les années 1990.

Retour au texte de l'auteur: Joseph-Yvon Thériault, sociologue, Université d'Ottawa Dernière mise à jour de cette page le Dimanche 22 août 2004 19:03
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue.
 



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