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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Entre l’arbre et l’écorce: la recherche criminologique au Canada (1960-1985)” (1986)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du texte de M. Denis SZABO,  “Entre l’arbre et l’écorce: la recherche criminologique au Canada (1960-1985)”. Un article publié dans la revue Criminologie, vol. 19, no 1, 1986, pp 33-52. Numéro intitulé “Politiques et pratiques pénales. 25 ans de réflexion et d'action”. Centre international de criminologie comparée Montréal: Les Presses de l'Université de Montréal.

Introduction

Entre l’arbre et l’écorce:
la recherche criminologique au Canada (1960-1985)
”. **

 

The author describes the relationship that has been established over the past 25 years between university centres doing research in criminology and the Federal Government, pointing out both areas of agreement and as an expert and participant in the field, advocates a pluralistic type of collaboration between the University and the public authorities.

 

Qu'il est loin le temps où les maîtres de l'université, protégés par la bienveillance des Princes ou de l'Église, se livraient à la méditation sur les vérités éternelles cachées dans l'Univers, n'attendant que l'esprit du savant et la miséricorde divine, pour se révéler à l'intelligence avertie ! Les conflits entre la Révélation, la Foi, interprétées par l'Église, et la liberté de l'esprit, tendant à percer tous les mystères, et revendiquée tôt par des savants, jalonnent l'histoire de la science. La tendance du Prince à soumettre à ses intérêts et à son bon plaisir les travailleurs de l'esprit s'inscrit dans une chronique sanglante qui enregistre, finalement, la codification progressive des libertés académiques. Ces dernières se sont avérées, au cours de l'histoire, les précurseurs et les garants des libertés publiques dont elles demeurent solidaires jusqu'à nos jours. 

Les derniers chapitres de cette histoire très ancienne des rapports entre les maîtres du pouvoir de l'esprit et ceux du pouvoir temporel s'écrivent dans le dialogue entre savants atomistes et politiciens ou militaires, entre bio-éthiciens et généticiens, etc. Les sciences sociales ne constituent que des chapitres mineurs dans cette vaste problématique. Elles ne contribuent que comme notes infrapaginales à la chronique des relations et des conflits entre les Princes et la Science. Néanmoins, les sciences sociales appliquées, comme la criminologie, sont impliquées directement dans l'interface « gouvernement »-« université ». En effet, notre discipline fut créée par des médecins (tendances biologistes), des pénalistes (tendances sociologiques), des sociologues (tendances moralistes), qui ont tenté d'apporter les lumières de leur science à l'administration de la justice. 

Il en est ainsi de la criminologie clinique, branche de la criminologie calquée sur la médecine, en particulier sur la relation entre la recherche biologique et l'intervention clinique. Elle occupe un terrain qui, traditionnellement était dévolu au droit pénal. Il s'agissait de préciser le degré de responsabilité d'un accusé, l'imputabilité d'un crime à une personne qui en était reconnue coupable. Ensuite, on confiait aux cliniciens-criminologues la mise en oeuvre de programmes de resocialisation qui commençaient à figurer parmi les objectifs des peines, surtout celles privatives de liberté. 

Les relations entre médecins et juristes furent déterminées par leurs déontologies respectives. Cela entraîna, bien souvent, de véritables dialogues de sourds et une stagnation préjudiciable aux deux parties, sans parler de dommages qui en résultent aussi bien pour la société que pour la justice. Un coup d’œil sur l'histoire de l'expertise psychiatrique auprès des tribunaux quant à l'application des règles de McNaghton se passe de commentaires... (Voir Leyrie, M., 1977). 

Le problème s'est posé tout autrement quoique dans le même ordre d'idées, lors de l'irruption dans le champ pénal, d'une criminologie de la réaction sociale à la déviance et à la criminalité. En effet, l'inspiration philosophique et morale des sciences sociales s'est avérée plus complexe, plus composite que celle des sciences médicales. Outre la curiosité intellectuelle (pour les causes des phénomènes sociaux), le désir d'améliorer le fonctionnement et la qualité de la vie en société (réformisme politique et moral), il existe, surtout en sociologie, une préoccupation du changement social pouvant conduire à une rupture d'avec l'ordre des choses existantes. Une recherche du nouveau, de la solution alternative, de l'inédit, de la révolution fait partie intégrante de la tradition sociologique (utopisme, messianisme, millénarisme, etc.). Or, la sociologie, plus que la psychologie, la science politique ou l'anthropologie, a pris dans son collimateur, l'étude de la criminalité et du criminel, depuis l'avènement des sciences sociales. La tradition sociologique inclut ainsi, d'une manière explicite (ce qui n'est pas le cas ni de la médecine ni des autres sciences sociales), une tradition révolutionnaire. Celle-ci s'alimente du désir ou de l'acceptation de ruptures violentes en vue de la naissance de formes sociales nouvelles, plus satisfaisante pour l'épanouissement de la personne et la réalisation de la justice sociale. Cette tradition est à l'origine de bien des problèmes qui se posent lors de la collaboration entre la criminologie et les sciences de l'État. 

Sans un rappel de ces faits, on aura bien du mal à comprendre l'histoire récente des relations entre les pouvoirs publics et les chercheurs universitaires. En effet, la majorité des criminologues canadiens proviennent du champ des sciences sociales ; ce sont des sociologues. L'expansion de l'enseignement et de la recherche criminologique a coïncidé avec un intérêt accru de l'État pour l'acquisition d'une politique criminelle moderne, adaptée à la société de cette fin de siècle. D'ailleurs, ces criminologues-sociologues contribuaient de leur mieux à la révélation des contextes socio-culturels de la criminalité et de la justice. 

Ils participaient également aux débats concernant la détermination des priorités dans les réformes à entreprendre. Mais, au-delà d'un désir de connaître, de servir un idéal intemporel de savoir, les criminologues furent inspirés aussi par une idéologie politique, une philosophie morale et sociale. Celle-ci s'appuyait sur certaines forces sociales, elle s'opposait à d'autres forces. Notre discipline devenait, de la sorte, partie des enjeux politiques de la société. 

Il y a plusieurs classifications possibles de ces modes de penser qui commandent l'analyse scientifique. Envisager et replacer les faits, les événements dans le cadre d'un modèle conflictuel ou consensuel nous paraît probablement la plus féconde des démarches (Szabo, 1978). Mais, il y en a d'autres, tout aussi éclairantes. Toutes ces démarches,, cependant, visent à rendre problématique l'apport des recherches criminologiques à l'ordre politique. 

Cette ambivalence des rapports entre science et pouvoir, entre l'Université et l'État, entre morale et action se reflète dans la brève histoire que nous relaterons ici. L'existence d'un pays jeune, d'un État embryonnaire, d'universitaires, de fonctionnaires, de politiciens inexpérimentés quant aux règles non écrites qui président à leurs relations, sont autant de faits qu'il faut prendre en compte, si l'on veut interpréter correctement les faits relatés ici. Néanmoins, il s'agit là d'une histoire exemplaire car elle illustre, à la fois la possibilité très grande dans une société telle que la nôtre, d'interventions directes des sciences sociales dans la politique publique (public policy) comme ses limites, une fois que les groupes d'intérêts s'organisent et prennent conscience des enjeux révélés par les chercheurs. Nous avons examiné ses relations, systématiquement, ailleurs (Szabo, 1984). Ici, nous nous bornerons à analyser les relations entre la recherche criminologique universitaire et le gouvernement fédéral, en prenant comme exemple - à titre d'étude de cas - le développement des services d'aide à la recherche du ministère du Solliciteur général. Par la suite, nous tenterons d'identifier les problèmes que posent la production de la recherche (dans les universités) et leur utilisation - étroitement liées à leur financement - (par les pouvoirs publics). Nous conclurons par une série de suggestions pour améliorer le rendement de nos recherches tant par l'augmentation des connaissances (fonction scientifique) que pour améliorer l'utilité sociale de ces mêmes connaissances (fonction politique).


** Texte remanié d'une communication prononcée à Ottawa, le 5 octobre 1984, dans le cadre d'une conférence sur « La recherche en sciences sociales au Canada. Stagnation ou régénération : la création du savoir pour une société en évolution », organisée par le Conseil national des recherches du Canada et publiée ici avec sa permission.


Retour au texte de l'auteur: Denis Szabo, criminologue, Université de Montréal Dernière mise à jour de cette page le vendredi 18 août 2006 16:51
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur au Cegep de Chicoutimi.
 



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