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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Relations internationales pour les managers. L’apport français des années 1990. (2014)
Introduction


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Bernard Sionneau, Relations internationales pour les managers. L’apport français des années 1990. Sous-titre: dans les années 1990, Internationalistes, Géographes et Economistes "atypiques" français ont fourni des clés indispensables à la lecture de notre monde et de ses fractures. Chicoutimi, Québec: Les Classiques des sciences sociales, 2014, 187 pp. Première édition. Texte inédit. [Autorisation formelle de l'auteur accordée le 25 mai 2014 de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales en libre accès à tous.]

Introduction

L’apparition de la discipline des relations internationales est, dans notre pays, relativement récente si l’on compare avec les Etats-Unis. Dans ce pays, elle se constitue en Science autonome après la Première Guerre mondiale [1]. En France, il faut attendre les années 1950-1960 pour lui voir prendre des marques étroites entre la Science Politique et le Droit. Jusqu’à aujourd’hui, cette production n’a pas (à notre connaissance) été sollicitée pour compléter la formation des managers français à la lecture du monde, une formation organisée essentiellement autour des Sciences Économiques et de Gestion [2].

Quelques précisions doivent être apportées ici concernant le déploiement français de la discipline des Relations Internationales.

Lorsque l’on confronte la production française et la production américaine, trois remarques s’imposent : tout d’abord, la recherche française en relations internationales est fortement marquée par  une approche juridique et institutionnelle ; ensuite, à l’inverse de la démarche américaine, peu d’auteurs français parmi les fondateurs tentent le pari de la théorisation ; enfin, jusqu’au début des années 1980, un certain nombre d’auteurs choisissent de développer une interprétation marxiste du milieu international.

On peut essayer de répertorier les principaux axes de recherche retenus par les fondateurs sous les intitulés suivants (tout en précisant que les problématiques retenues par les auteurs inscrits sous une même rubrique peuvent être différentes) : les approches sociologiques des relations internationales avec R. Aron [3] et M. Merle [4] ; les approches juridiques et institutionnelles avec C.A Colliard [5], P. Reuter et J. Combacau [6] ; les approches empirico-descriptives avec C. Zorgbibe [7] et P. Moreau-Defarges [8] ; les approches historiques avec P. Renouvin et J.B.Duroselle [9] ; et pour finir, les approches marxistes avec P.F. Gonidec, R. Charvin et A. Marouani. [10].

Deux auteurs français, parmi les pères-fondateurs de la discipline en France, ont été retenus pour introduire ce propos sur la discipline des Relations Internationales en France. Il s’agit de R. Aron et M. Merle. Ces deux auteurs dont les problématiques diffèrent, mais que nous avons choisi de réunir sous la même rubrique de la « Sociologie des relations internationales »  occupent en effet une place particulière dans le champ disciplinaire que nous examinons. R. Aron appartient au courant « réaliste » des relations internationales et il est l’un des premiers à avoir introduit et fait connaître en France les travaux américains dans ce domaine. Il est également l’un des rares auteurs à avoir, comme M. Merle, investi dans le domaine de la théorie et de la sociologie conceptuelle. M. Merle quant à lui peut être rangé dans le courant des auteurs « pluralistes » et il s’est distingué en proposant une analyse globale et systémique des phénomènes internationaux [11].

Leurs ouvrages majeurs s’imposent toujours aujourd’hui comme des « classiques » avec, malgré tout, une différence de taille : organisée autour du face à face soviéto-américain, dans un monde dominé par les relations interétatiques et soumis au risque majeur d’apocalypse nucléaire, la problématique de R. Aron  a moins bien vieilli, victime  de la disparition de l’Union Soviétique, de l’essor de la « mondialisation » et du recul (provisoire ?) de la guerre comme mode de règlement des différends entre les grandes puissances. A l’inverse, celle de M. Merle, dans son effort initial pour éviter de dissocier affaires intérieures et extérieures et pour intégrer l’étude des flux transnationaux dans la problématique des relations internationales, reste une source d’inspiration pour théoriser la scène mondiale et ses risques induits. Ce dernier facteur a guidé un autre choix : celui d’accorder plus de place à l’exposé de la problématique de M. Merle, qu’à celle de R. Aron  (un choix que d’autres chercheurs contesteront), dans la mesure où elle a alimenté notre réflexion théorique et méthodologique sur l'appréhension de la « dynamique mondiale et du risque-pays [12] ».

Après avoir exposé les problématiques de ces deux fondateurs de la discipline des relations internationales en France et fait ressortir leurs préoccupations par rapport aux risques internationaux, nous enchaînerons par une présentation détaillée de plusieurs auteurs venus des relations internationales mais aussi de la géographie et de l’économie. Réalisés dans le courant des années 1990, les travaux de B. Badie et M.C Smouts [13], ceux de Z. Laïdi [14], de P. Moreau-Defarges [15], de M. Beaud [16], d’O. Dollfus [17], de M.F. Durand, J. Lévy et D. Retaillé [18], et ceux de F. Chesnais [19], partagent  en effet plusieurs points communs : tout d’abord, celui de se féconder mutuellement (la plupart des auteurs font références à leurs travaux respectifs qui se complètent) ; celui, ensuite, d’avoir pris du recul par rapport aux paradigmes dominants et d’avoir fait apparaître leurs limites ; celui d’avoir fourni, également, un certain nombre de clés d’analyse qui paraissent essentielles pour faire évoluer, en les combinant, la lecture des relations internationales et des risques-pays. Terminons en indiquant que ces travaux contiennent tous des éléments (systémique, jeux d’acteurs, incitation à la pro-activité) qui font de la prospective stratégique un complément « naturel » à leur « opérationnalisation ».



[1] Cf. sur ce point, M. Dusclaud et B. Sionneau, "Théories Américaines des Relations Internationales : Aux Origines des Controverses et des Paradigmes Fondateurs", Revue d'Histoire Diplomatique, n°4, 2012, pp. 373-413.

[2] Le "risque-pays"  concerne le risque lié à l'enjeu que représente pour tout agent économique un engagement sur un ou plusieurs "territoire(s) d'opération(s) extérieur(s)". Mais il concerne aussi, et de façon peut-être moins traditionnelle, le risque lié à l’enjeu que représente, pour divers pays, la présence souvent indispensable d’investissements étrangers sur leur territoire ("risques pour les pays", in B. Sionneau, Risque-Pays et Prospective Internationale : Théorie et Application (à la République Socialiste du Viêt Nam), Thèse de Doctorat du CNAM, Paris, 2000, p.1. LIEN.

[3] R. Aron, Paix et guerre entre les nations, Pris : Calmann-Lévy, 8ème édition, 1984 (1ère édition, 1962).

[4] M. Merle, Sociologie des relations internationales, Paris : Dalloz, 4ème édition, 1988 (1ère édition, 1974).

[5] C.A Colliard, Institutions des relations internationales, Paris : Dalloz, 9ème éditions, 1990 (1ère édition, 1960).

[6] P. Reuter, J. Combacau, Institutions et relations internationales, Paris : Thémis, Presses Universitaires de France, 4ème édition, 1988 (1ère édition, 1980).

[7] C. Zorgbibe, Les relations internationales, Paris : Thémis, Presses Universitaires de France, 3ème édition, 1983 (1ère édition, 1975).

[8] P. Moreau-Defarges, Les relations internationales dans le monde d’aujourd’hui, Paris : Editions STH, 4ème édition, 1992 (1ère édition, 1981).

[9] P. Renouvin, J.B Duroselle, Introduction à l’histoire des relations internationales,  Paris : Armand Colin, 4ème édition, 1991, J.B Duroselle, Tout empire périra : théorie des relations internationales, Armand Colin, 1992 (1ère édition, 1981).

[10] P.F Gonidec, R. Charvin, Relations Internationales, Paris : Précis Domat, Montchrestien, 1981 ; R. Charvin, A. Marouani, Les relations internationales des Etats socialistes, Paris : Thémis, Presses Universitaires de France, 1981.

[11] Pour une précision sur ce que nous entendons par paradigmes "réaliste" et "pluraliste" des relations internationales, cf. M. Dusclaud et B.  Sionneau,  op. cit. En résumé, en mettant l’Etat au centre de la réflexion sur l’international, les auteurs réalistes vont marquer de façon décisive la discipline des relations internationales aux Etats-Unis. Un seul paradigme est capable, à partir des années 1960 de concurrencer sérieusement cette interprétation : c’est le paradigme « pluraliste » des relations internationales. Les chercheurs dont les travaux peuvent être regroupés sous ce libellé estiment que les relations internationales ne correspondent pas au modèle conflictuel et interétatique du paradigme réaliste. Ils font remarquer que d’autres forces (supranationales, transnationales ou sub-nationales) s’imposent sur  la scène internationale et tendent à limiter la marge de manœuvre des Etats en pesant directement sur leurs politiques publiques.

[12] Cf. B. Sionneau, "Une Théorie du Risque-Pays" (Ière Partie), Géoéconomie n°18, été 2001, pp. 145-176 et "Une Théorie du Risque-Pays" (IIème Partie), Géoéconomie n°19, automne 2001, pp. 159-196. Cf. aussi, Bernard Sionneau, Risque-Pays et Prospective Internationale : Théorie et Application (à la République Socialiste du Viêt Nam), op. cit.

[13] B. Badie, M.C. Smouts, Le retournement du monde, Paris : Presses de la FNSP, Dalloz, p.1992.

[14] Z. Laïdi, « Sens et puissance dans le système international », in Z. Laïdi (sous la direction de), L’ordre mondial relâché,  Paris : Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques,  2ème édition, 1993 ;  Z. Laïdi, Un  monde privé de sens, Fayard, 1994.

[15] P. Moreau-Defarges, La Mondialisation : Vers la fin des frontières ?, Paris : Dunod, 1993.

[16] M. Beaud, « A partir de l’économie mondiale : esquisse d’une analyse du système-monde », in  J. Bidet et J. Texier (sous la direction de), Le nouveau système du  monde, Presses Universitaires de France, 1994 ; M. Beaud, Le basculement du monde,  Paris : La Découverte, 1997.

[17] O. Dollfus, « Le monde est un chaos qui se déchiffre », Affiches de la géographie,  « La géographie - situer, évaluer, modéliser ». Grands colloques de prospective, Ministère de la Recherche et de la Technologie, Novembre 1990 ; O. Dollfus, L’Espace Monde, Paris : Economica, 1994 ; O. Dollfus, La nouvelle carte du monde, Paris : Presses Universitaires de France, 1995.

[18] M.F. Durand, J. Levy, D. Retaillé, Le monde : espaces et systèmes, Presses de la FNSP, Dalloz, 1992. Pour un complément d’analyse, on lira également, D. Retaillé, « L’impératif territorial », in B. Badie et M.C. Smouts, « L’International sans territoire »,  Cultures et Conflits n°21-22, Printemps/Eté 1996, p.21-40 ; J. Levy, « Espaces-monde, mode d’emploi », in J. Bidet et J. Texier (sous la direction de), Le nouveau système du monde, Paris : Presses Universitaires de France, 1994.

[19] F. Chesnais, La mondialisation du capital,  Paris : Syros, 2ème édition augmentée, 1997.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mardi 27 mai 2014 12:39
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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