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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

“L'ANTHROPOPHAGISME” DANS L'IDENTITÉ CULTURELLE BRÉSILIENNE. (2009)
Préface


Une édition électronique réalisée à partir du livre de Joséane Lucia Silva et Pierre Cabrol, “L'ANTHROPOPHAGISME” DANS L'IDENTITÉ CULTURELLE BRÉSILIENNE. Paris: L'Harmattan, Éditeur, mars 2009, 200 pp. Collection: “Pouvoirs comparés” dirigée par Michel Bergès, professeur, Université Montesquieu de Bordeaux. Une édition numérique réalisée par Marcelle Bergeron, professeure retraitée de l'enseignement à l'École polyvalente Dominique-Racine de Chicoutimi. [Autorisation accordée par l'auteur et le directeur de la collection “Pouvoirs comparée”, Michel Bergès, le 16 avril 2011 de diffuser ce livre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[7]

Préface

QUESTION D’IDENTITÉ


Par Pierre Cabrol
Maître de conférences associé
IUT Michel de Montaigne Bordeaux 3

Favoriser le développement d’une réflexion sur la problématique du questionnement identitaire, comme le fait l’Association pour la Promotion des Identités culturelles (Apic), paraît aujourd’hui essentiel au développement harmonieux des sociétés contemporaines. Le travail mené par Joseane Lucia Silva, montre, s’il en était besoin, qu’une telle recherche peut être également passionnante !

Un travail sur l’identité culturelle est presque toujours le prolongement d’un questionnement identitaire personnel. Les recherches universitaires, achevées et en cours, de Joseane Lucia Silva, n’échappent pas à cette règle. Au-delà de résultats stimulants par leur originalité et les pistes nouvelles qu’ils ouvrent, ses travaux n’en ont que plus de valeur de par la rigueur et la distanciation dont elle a su faire preuve : rigueur dans les choix effectués, notamment en termes de problématique et de méthodologie ; distanciation dans l’évaluation et l’interprétation des résultats. Son travail, marqué au sceau de l’interdisciplinarité et d’une grande accessibilité, doit intéresser, en sus de la communauté universitaire, toute personne curieuse de mieux connaître la société brésilienne ou soucieuse de réfléchir sur le questionnement identitaire.

[p. 8]

Née au Brésil, Joseane Lucia Silva a acquis la nationalité française, tout en conservant, grâce à la législation de son pays natal, la nationalité brésilienne. Elle est donc franco-brésilienne. Cela veut-il dire qu’elle est à la fois française et brésilienne ? Ou, au contraire, ni l’une, ni l’autre ? Ou un peu des deux ? Pour la connaître un peu, et pour avoir beaucoup appris à son contact, je dirais, de prime abord, les deux. Pleinement française et pleinement brésilienne. Sans préférence, ni hiérarchie. Le Brésil est son pays natal, son pays de cœur. La France est le pays dans lequel elle vit. Son pays d’accueil. C’est aussi le pays qu’elle s’est choisi, et qui l’a adoptée. Son pays d’esprit. Le Brésil l’a façonnée. La France l’a transformée… Bref, elle doit pour partie au Brésil et pour partie à la France d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Et il lui serait sans doute difficile, voire impossible, de discerner, entre ses deux mondes, une influence dominante dans l’élaboration de son identité culturelle. Une telle interrogation lui paraîtrait en tout cas, à coup sûr, dépourvue d’intérêt [1].

Chaque être humain est doté d’une personnalité unique et indivisible. En ce sens, l’identité d’une personne est avant tout processus d’individualisation, prise de conscience de ce qui la différencie des autres. Mais l’identité est aussi identification par le sentiment d’appartenance à un groupe. Elle peut alors prendre des formes diverses, selon le critère d’appartenance retenu : nationale, ethnique, culturelle… En son sens large, l’identité réside dans le sentiment d’appartenance à une culture, c’est-à-dire dans l’adhésion, consciente ou non, à un ensemble de comportements et de valeurs caractérisant un groupe social. Est-il possible d’avoir plusieurs identités culturelles ? C’est ce qu’affirme Joseane Lucia Silva. C’est ce qui lui permet de se sentir «  française », sans renier pour autant son identité brésilienne première, au sens d’originelle.

Son positionnement, subtil, distingue toutefois entre ce premier niveau d’affirmation, justifié en termes d’expression d’une revendication personnelle constructive, et la réalité, nécessairement plus nuancée. Joseane Lucia Silva n’ignore pas que deux identités culturelles ne peuvent coexister sans s’interpénétrer, sans s’influencer mutuellement, et ce, même lorsque l’une d’entre elle [p. 9] prend le pas sur l’autre. Elle a montré – ce n’est pas le moindre intérêt de son ouvrage – que cette absorption, qu’elle qu’en soit la forme, ne s’opère jamais sans transformation, la culture en apparence colonisée, voire phagocytée dans des cas extrêmes, transmuant subtilement la culture dominante ou conquérante, et orientant ainsi l’évolution de celle-ci.

Au niveau individuel, la transformation permanente des cultures s’avère génératrice de décalage. L’exilé qui demeure quelques années loin de son pays natal n’évolue plus au rythme du changement de celui-ci et éprouve de ce fait, lorsqu’il y retourne, un sentiment de déphasage. Compte tenu de la rapidité de l’évolution de nos sociétés, ce décalage se produit plus rapidement que ne s’effectue l’acquisition de la culture du pays d’accueil, opération nécessairement de longue haleine, de par les apprentissages, voire les apprivoisements, qu’elle nécessite. Il s’ensuit une période de flottement, un « entre-deux » pendant lequel le migrant, émigré ou immigré selon le regard qui se porte sur lui, éprouve le sentiment angoissant de l’éloignement de sa culture d’origine, sans ressentir encore la certitude rassurante de son intégration pleine et entière à sa nouvelle communauté. Il doit alors lutter pied à pied contre ce sentiment déstructurant de déculturation, voire cette perte de repères, pour trouver le point d’équilibre nécessaire à la construction de sa nouvelle identité culturelle, et prendre ainsi petit à petit conscience de la richesse qui est la sienne de par la diversité de ses acquis.

C’est probablement ce qui a conduit Joseane Lucia Silva, consciemment ou non, à s’interroger sur les éléments constitutifs d’une identité culturelle, au travers de ses travaux d’histoire de l’art, qu’il s’agisse de l’analyse de la genèse et du développement de l’un des concepts structurants de l’identité culturelle brésilienne, l’« anthropophagisme », ou de l’étude du cheminement personnel d’un artiste de premier plan ayant joué un rôle dynamique dans la construction de cette identité, le peintre Candido Portinari.

Même si elle n’en a pas eu forcément pleinement conscience dès le début, la problématique du questionnement identitaire se trouve au cœur de la recherche menée par Joseane Lucia Silva. Son apport à l’état des connaissances sur la notion d’identité cul-[p. 10] turelle s’avère ainsi très important. Sans déflorer le sujet, il convient simplement de souligner ici, outre la mise en valeur de la complexité des mécanismes de gestation du sentiment identitaire individuel, en relation notamment avec la notion d’éloignement dans l’espace et dans le temps, l’intérêt des analyses effectuées par Joseane Lucia Silva quant aux concepts structurants d’une identité culturelle et quant à la capacité de ceux-ci à être combinés avec des trajectoires individuelles pour contribuer à la naissance d’une « identité culturelle ».

Si la complexité des phénomènes étudiés interdit d’en tirer des conclusions simples et définitives, cet ouvrage met en lumière, non seulement la diversité des mécanismes de constitution d’une identité culturelle, mais aussi certains des moteurs de celle-ci. Ces travaux ont débouché, dans le cadre d’une thèse de doctorat, sur une seconde phase de recherche visant à mesurer, à travers l’étude de la Biennale d’Art internationale de São Paulo depuis ses origines, l’évolution des influences entre l’art français et l’art brésilien, notamment dans sa confrontation avec les apports de l’art nord-américain [2].

En attendant, non sans impatience, de pouvoir goûter aux fruits des recherches en cours de l’auteur, je suis heureux de pouvoir présenter au lecteur les résultats de la première phase de ses découvertes. Celles-ci, je l’espère, nourriront le débat concernant les relations entre France et Brésil et inciteront un nombre croissant de chercheurs à s’y intéresser.



[1] Hors le cas d’éventuelles incompatibilités, l’intégration ne passe pas, pour elle, par une logique de conflit impliquant la renonciation à l’identité culturelle d’origine, mais par un libre choix d’adhésion à l’identité culturelle du pays d’accueil.

[2] Le ministère des Affaires étrangères français a, à juste titre, choisi de relever l’intérêt de ce travail en cours en faisant de l’auteur du présent ouvrage, Joseane Lucia Silva, une lauréate du Réseau français d’Études brésiliennes (Refeb) pour l’année universitaire 2005-2006.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le dimanche 25 mars 2012 19:46
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur de sociologie retraité du Cégep de Chicoutimi.
 



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