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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Claude Savary, “D’un malaise dans la culture savante. Destin de la philosophie dans la culture québécoise.” Un article publié dans la revue Questions de culture, no 1, sous la direction de Fernand Dumont, pp. 113-130. Québec : Institut québécois de recherche sur la culture (IQRC), 1981, 190 pp. Numéro intitulé : “Cette culture que l’on appelle savante.”

[14]

Questions de culture, no 1
“Cette culture que l’on appelle savante.”


D'UN MALAISE DANS LA CULTURE SAVANTE

Destin de la philosophie dans la culture québécoise

Claude Savary

La culture savante est, de plusieurs manières, juge de l'« autre » culture. Elle est souvent en même temps un regard sur elle-même et sur l'ensemble de la culture. Partant de jugements que la philosophie a portés sur elle-même, on s'aperçoit qu'on peut les comprendre et saisir l'état général d'une culture en rapportant ces jugements au pouvoir et à l'imaginaire de la société.

[113]

D’un malaise
dans la culture savante
.

Destin de la philosophie
dans la culture québécoise
.”

par
Claude SAVARY

professeur au département de Philosophie,
Université du Québec à Trois-Rivières.


1. Introduction
2. La problématique de « l'histoire de la philosophie au Québec »
3. De l'état de nos mythes
4. Du pouvoir
5. Philosophie (pensée) et culture
6. La culture savante et ses mises au point


1. Introduction

Une exploration des significations de l'idée de « culture savante » nous conduit d'emblée vers un complexe de traits cognitifs et volitifs. Par ailleurs, dans cet examen, la « culture savante » nous apparaît aisément, à l'intérieur de l'ensemble culturel, comme une instance autoritaire et impérialiste, objet de suspicion et de contestation. Je ne suis pas en désaccord avec une telle réflexion. Je voudrais cependant ici prendre une autre direction et esquisser une analyse qui repose sur deux hypothèses. La première suppose que la constitution de la culture savante est indissociable de l'instauration et de l'affirmation d'un certain pouvoir. La seconde, que la problématique de « l'histoire de la philosophie au Québec » peut recevoir de l'application de la première une interprétation utile. Il s'ensuit que dans une société globale (ou qui se veut telle) on devrait trouver dans la « culture savante » une pensée qui possède un pouvoir. Et alors que la réflexion qui est résumée au début tend à doter ce fait d'un coefficient négatif, en celle-ci le fait est positif. Ajoutons, pour illustrer la chose, que ce lien entre savoir et pouvoir, et sa nature positive, nous en constatons la présence instructive dans les travaux de Georges Dumézil sur l'idéologie des trois « fonctions ». Ce qu'il recherche chez les Indo-Européens, c'est une structure sociale qui rencontre trois besoins « ... qui sont en effet partout l'essentiel [...] le pouvoir et le savoir sacrés, l'attaque et la défense, l'alimentation et le bien-être de tous [1]. »

[114]

2. La problématique
de « l'histoire de la philosophie au Québec »


Mon propos, dans ce qui suit, a rapport à la doctrine du savoir dans une société [2]. Il se relie à un étonnement devant le fait suivant : d'une façon constante, depuis plusieurs décennies, on se penche sur notre passé philosophique pour faire un constat d'improductivité. Et malgré que l'on puisse faire des listes de livres et d'articles, une fois ceci fait, le constat est réitéré [3]. On en vient à se dire qu'il ne s'agit finalement pas d'un problème concernant le passé lui-même (ni, comme on le verra, le présent) mais la conscience que nous en avons, aussi bien quand nous faisons le constat d'improductivité que quand nous faisons des listes. La nature de cet état de conscience devient un peu manifeste lorsque l'on s'aperçoit que ces listes que l'on fabrique n'empêchent pas le constat d'improductivité et que l'on s'acharne à les refaire de la même manière. Sans que cela soit remarqué, on ne s'entend pas quelque part à propos de ce qui est philosophique. Un coup d'œil sur cette ambivalence nous permet d'apercevoir un peu le fond du problème et nous en trouvons une illustration éloquente dans un débat qui n'est pas très éloigné de nous. Dans une intervention intitulée « Une de perdue, aucune de retrouvée. À propos de l'écriture philosophique au Québec », Georges Leroux [4] laisse entendre qu'il y a cette improductivité ; Claude Panaccio [5] lui réplique qu'il y a « frénésie de production textuelle » et, une fois de plus, on trouve de nombreuses indications. Cependant, et c'est ce qui signale l'ambivalence, on réalise rapidement que les deux auteurs ne parlent pas de la même chose. Dans le premier cas, l'attention est sensible à ce que nous appellerons le « milieu », à l'existence d'un système, d'un ensemble organisé ; dans l'autre, elle saisit plutôt les objets qui sont présents à la vue.

Ce que de tels débats laissent transparaître c'est que nous sommes constamment à la recherche de textes, de publications qui seraient philosophiques, que nous sommes parfois obsédés par une essence du philosophique [6] alors qu'ailleurs ça ne semble pas être un problème : philosophie [115] et histoire de la philosophie sont des domaines où l'on situe sans difficultés une variété de textes et de styles. Par exemple, une histoire de la philosophie française englobe des auteurs aussi différents que Pascal, Canguilhem, La Mettrie, Rousseau, Renouvier, etc.

Cela dépend, bien sûr, non seulement de l'état de notre conscience présente, mais aussi des caractères antérieurs de notre philosophie et de la situation de la société globale — et de la situation de la pensée dans cette société. À propos de notre état de conscience, revenons à cette obsession de l'essence du philosophique. On ne se surprend pas de trouver Auguste Comte dans une histoire de la philosophie française. Je me suis un jour demandé pourquoi, dans ces listes que dressent nos bibliographes, — ou, peut-être, faudrait-il dire compilateurs —, on n'a jamais mis, par exemple, Edmond de Nevers [7] ? On peut en découvrir une explication si on analyse cette obsession. Cette fixation est symptomatique d'une insuffisance de notre histoire intellectuelle, de l'inexistence pour nous d'une sphère de la « pensée [8] ». Voilà, en réalité, ce qu'est la préoccupation de Georges Leroux dans l'intervention mentionnée plus haut, bien qu'elle soit formulée au moyen de notations concernant les difficultés d'édition, l'absence de lecteurs, le peu de discussion, etc. Le philosophique habituellement identifié et inventorié par nos historiens [9] et bibliographes serait alors ce qui se présente ostensiblement ainsi, en rapport avec une norme officielle et idéologique [10] [116]et en pièces détachées, autant les unes des autres que de l'ensemble. Ce qui en résulte, c'est une pensée par procuration pour ceux qui ont à l'utiliser ou pour ceux qui voudraient en faire l'histoire. Or agir par procuration, notons-le car nous serons ramenés à ce thème, c'est agir « sans intervenir en personne, en s'en remettant à un autre, à d'autres du soin d'agir, de penser... à sa place ». (Grand Robert) Ce philosophique relève d'une mémoire superficielle et un malaise empêche d'en saisir la signification. De plus, il se dresse comme une barrière devant nous-mêmes. Et ce qui manque, ce ne sont pas des livres et des articles mais un milieu. La stature d'Edmond de Nevers ne se compare pas à celle de Comte. Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Il est question de voir que pour nous la pensée fait problème, qu'il y avait peut-être ici et là des germes et des incitations propres à l'engendrement d'un milieu, et qu'il serait utile, pour le présent, de transgresser les inventaires et ce qu'on a coutume d'y mettre.

3. De l'état de nos mythes

Je voudrais proposer une manière d'expliciter cette idée selon laquelle pour nous la pensée fait problème. Je le ferai d'abord en tirant profit de quelques commentaires déjà faits à propos de notre philosophie. « Nous avons, écrivait Jacques Brault, vécu notre moyen âge avant notre antiquité [11]. » Que faut-il entendre par là ? Qu'il y a une évolution naturelle de la pensée qui pour nous a été inversée. Mieux encore, que nous n'avons jamais connu d'antiquité. On peut donner plusieurs sens à ces énoncés. Pour la présente réflexion, comprenons que l'on veut dire que notre culture n'a pas connu de phase mythique. Pas que nous n'avons pas de mythologie, mais que l'on conjecture que nos mythes ne furent pas constituants et structurants comme ils le seraient dans une culture bien portante [12].

Afin d'évoquer en quoi il y a problème, prenons comme exemple ce mythe de « l'âme française ». On le croise beaucoup dans notre écriture. Entre autres, chez de Nevers, ce pré-sociologue et idéologue [13]. J'avoue y avoir plus souvent qu'autrement distingué le bruit agaçant de quelque sermon, une pesante qualité, plutôt qu'une substance, une « forme culturelle » [117] dans laquelle la vie se manifeste. Ce que cela peut illustrer c'est que nos mythes, dans leur histoire, reçurent une destination qui les métamorphosa en freins alors qu'ils sont communément des impulsions. Je viens de toucher à un aspect de l'infortune d'un mythe. Le sens de cette infortune demeure obscur. Il ne sera pas inutile de le rattacher à autre chose. Il se peut justement qu'il se soit rapidement transformé en élément spéculatif et compulsif dans notre « idéologie unitaire » (sur laquelle nous aurons à revenir), nommée tantôt « pensée sociale de l'Église », tantôt « idéologie clérico-nationaliste [14] ». Situation peu confortable pour un mythe, si celui-ci doit être « plastique » et non « spéculatif » (C. Ramnoux). En outre, comment ne pas voir qu'un tel mythe, même et déjà chez Edmond de Nevers, fait partie d'une structure compensatoire de défense et de repli. Bien qu'il y ait eu là une « impulsion à penser » (F. Dumont), plutôt que d'être vécu, au plan psychologique, comme une instigation, cela fut disposé en nous comme le principe d'un réflexe de peur et comme la marque d'une situation honteuse.

Un de nos mythes, de plus, a-t-il jamais été collectif ? Je veux dire : si jamais de nos mythes ont perduré comme manifestations de nous-mêmes, c'est-à-dire comme expressions non suspectes, comme le seraient les idéologies en tant que rationalisations et névroses, quelques-uns ont-ils fait l'unanimité ? Ou encore : ce mythe de l'âme française a-t-il pu être celui de tous ? On soupçonne que l'on doit en douter, vue l'ambivalence séculaire quant à notre identité : Canadiens français, Canadiens, Québécois, Américains ? Le discours d'Edmond de Nevers est déjà à cet égard très instructif. Une phrase désigne le « peuple canadien-français » comme une entité distante [15]. Un peu plus loin, l'auteur le recouvre en le subsumant sous un nous : « Nous avons obtenu toutes les libertés possibles » (p. 81). Quelques lignes plus bas, ce nous, d'abord canadien-français, s'applique aux Canadiens, dans un contexte où le Canada est tantôt cette entité distante, tantôt nous-mêmes :

Au moment où nos vainqueurs célébraient le centenaire de la conquête, le Canada [...] jouissait d'une prospérité jusqu'alors sans exemple dans notre histoire [...]

De 1850 à 1860, la population du Canada s'est accrue [...] À l'époque où nous avons obtenu de l'Angleterre notre constitution définitive, nous étions le peuple le plus prospère du monde [16].

Mais, que signifie cette référence au collectif ? Elle se rattache à ce qui a été indiqué plus avant au sujet d'un problème relatif à ce qui a reçu diverses appellations : « histoire de la pensée », « sphère de la pensée », [118] « milieu ». Elle suppose, encore ici, qu'une facette de ce problème est susceptible d'être mise en évidence si on constate que notre culture est lacunaire du point de vue de sa mythologie collective. Et, pour le moment, en relation avec le problème décrit, elle insiste pour circonscrire la situation par une considération théorique plutôt qu'en se rapportant à l'empirie. Donc, nous pensons qu'il y a dans une culture bien portante des mythes partagés et que cela a fait et fait pour nous difficulté.

Il y a quelque chose d'élémentaire dans cette idée qu'une culture implique des mythes partagés. Mais, si ce qui est élémentaire est souvent ce qu'on ne remarque pas, une explicitation peut alors être bénéfique. Deux idées sont présentes ici. D'abord qu'il y a une spécificité culturelle, c'est-à-dire que par cultures on entend toujours des réalités discrètes et empiriques [17] que, par ailleurs, la science ne cherche pas à dissoudre (au sens de « détruire [18] »). Ensuite, que ces réalités qui conditionnent et provoquent l'apparition des systèmes de signification [19] sont constituées de mythes dont la fonction est « de signifier la signification [20] » et qui sont nécessairement collectifs. Mais cet aspect n'est qu'un corollaire du premier. Car si une société possède sa consistance et sa spécificité, ce ne peut être que parce que les parties sont reliées et participent au même ordre, à la même réalisation empirique [21]. Ce que l'on peut encore illustrer et caractériser par diverses considérations. Par exemple, c'est justement la dimension collective qui fait dans l'analyse de Barthes que le vin soit un mythe :

[...] croire au vin est un acte collectif contraignant ; le Français qui prendrait quelque distance à l'égard du mythe s'exposerait à des problèmes menus mais précis d'intégration, dont le premier serait justement d'avoir à s'expliquer, [...] la société nomme malade, infirme ou vicieux, quiconque ne croit pas au vin : elle ne le comprend pas (aux deux sens, intellectuel et spatial du terme). À l'opposé, un diplôme de bonne intégration est décerné à qui pratique le vin : savoir boire est une technique nationale qui sert à qualifier le Français, à prouver à la fois son pouvoir de performance, son contrôle et sa sociabilité. Le vin fonde ainsi une morale collective, à l'intérieur de quoi tout est racheté... [22]

« ... malade, infirme ou vicieux... ». Rejoignant les idées de ce texte connu, mais dans un propos d'ensemble très différent, Lévi-Strauss nous décrivait les « conduites individuelles normales » et arguaient qu'elles « ne sont jamais symboliques par elles-mêmes... », qu’elles ne sont que les « éléments à partir desquels un système symbolique, qui ne peut être que collectif, se construit [23] ». Autre façon de signaler instamment que le mythe [119] est collectif. Et qu'en sera-t-il de conduites — ou de mythes — qui ne seraient pas collectives ? Rapportons une conclusion de l'analyse de Lévi-Strauss :

La santé de l'esprit individuel implique la participation à la vie sociale, comme le refus de s'y prêter [...] correspond à l'apparition des troubles mentaux [24].

Le sens qui prévaut ici est que la santé de l'individu « implique la participation à la vie sociale ». Peut-on en inférer qu'il est aussi entendu que cette santé suppose l'existence de la vie sociale ? Cela me semble évident. Une chose ne va pas sans l'autre. Il n'y a pas de vie sociale sans mythes partagés. Et cette vie est aussi bien celle de l'ensemble que celle des individus.

Nous disposons d'une abondante littérature d'incitation qui pourrait copieusement illustrer l'espèce d'« hibernation affective », le vide social et historique qui sont évoqués dans ce qui précède [25]. Cette même littérature appelle aussi une « parole » qui « aura poussé des racines dans notre terreau » (J. Brault) de même qu'une attention « au terreau largement idéologique » (F. Dumont) qui nous précède et nous constitue. Elle témoigne également de nos ambivalences, de nos malaises en de notre histoire et de nos symboles [26]. D'une réalité négative, j'ai exposé l'envers positif qui se dessine dans une considération théorique. Le contraste entre réalité et théorie incite à percevoir que ce qui nous manque est ce par quoi s'édifie communément la conscience historique, de grandes images structurantes que l'on peut d'une manière sûre habiter en imagination, et collectivement. De ce point de vue, l'histoire « n'est donc jamais l'histoire [120] mais l'histoire-pour [27] ». Par ailleurs, ce qui est réclamé dans une telle quête du mythe, c'est la présence de schèmes doués d'une « efficacité permanente [28] ».

4. Du pouvoir

« Nous n'avons jamais pensé par nous-mêmes ! » Formule maintes fois répétée pour exprimer ce qui vient d'être examiné dans un autre domaine, puisque nos mythes n'auraient jamais été suffisamment universels et fastes, n'auraient pas eu ces caractères qui donnent à la pensée possession d'elle-même, pouvoir sur l'histoire et prise sur le présent. Pourtant, ainsi que nous l'avons vu au début, nous avons bien une « philosophie », comme en font foi des listes. Et nous avons aussi beaucoup d'institutions (d'enseignement) qui lui ont servi de support. Mais ce que j'ai appelé l'obsession du philosophique, tout autant que la référence spontanée aux institutions (« La philosophie au Québec est demeurée remarquablement collée à son support institutionnel ; cela entraîne que son histoire doit passer par celle des institutions [29]. ») me semble être une autre manière de se distraire de l'inexistence pour nous d'une sphère de la pensée et des causes de cette inexistence. Le diagnostic posé par Jean-Paul Brodeur, bien qu'il fasse voir un aspect du problème, le détache de la situation globale et en simplifie l'explication, s'il faut comprendre pourquoi nous n'avons jamais pensé par nous-mêmes [30]. Pour esquisser une nouvelle voie dans l'analyse de cette question, je partirai d'une thèse concernant une période de l'histoire de nos idéologies, thèse qui en mesure l'apolitisme [31].

[121]

Ce que l'on prétend dans cette thèse c'est que nos idéologies furent, par la force des choses (de l'histoire), limitées au domaine des idées abstraites et séparées. Cela correspondait à un intérêt — de survie — de la société globale, renforcé par celui du clergé. La conséquence en fut que notre « pensée », notre vie « idéelle », se développait, fermée sur elle-même, à distance du « politique ». Edmond de Nevers en témoigne, lorsqu'il indique que les luttes politiques sont terminées, que nous avons atteint notre état politique parfait :

Les qualités brillantes que nos pères ont déployées pour défendre le sol de la patrie et conquérir les libertés constitutionnelles, nous n'avons presque pas songé, depuis qu'une paix absolue nous est assurée, à les utiliser dans un autre champ d'action, dans la culture des arts de la paix. Les uns, cédant à leur penchant invincible pour la lutte, se sont jetés avec ardeur dans les guerres puériles des partis, les autres se sont ralliés au culte exclusif de Mammon.
…………………………….
Notre nationalité résisterait à l'oppression, elle succombera par la tolérance, si nous ne nous hâtons pas d'ouvrir des champs nouveaux, à l'activité des esprits, à l'ardeur des tempéraments [32].

Notre situation politique est, pour le moment, aussi favorable qu'elle peut l'être [33].

On sait aussi qu'en même temps il s'est appliqué à stigmatiser nos mœurs politiques — patronage, politicaiIlerie, « speechomanie » — et l'ampleur du phénomène [34].

Une incapacité politique fut peut-être voilée par une double appartenance, ainsi que cela apparaît ici et comme je l'ai laissé entendre plus haut. Quant à l'impuissance économique, elle fut sans doute plus clairement éprouvée comme telle et transmuée en puissance symbolique et idéologique. Il n'en reste pas moins que, pour les deux, il faudrait analyser l'ensemble de la situation, nuancer les jugements et jauger certains complexes. Par exemple, se demande Serge Gagnon, « ... pourquoi donc Errol Bouchette et monseigneur Louis-Adolphe Pâquet partageaient-ils des vues [122] contradictoires sur la répartition des secteurs économiques au début du siècle [35] ? » En effet, en ces années, si l'« ultramontanisme » se manifeste bruyamment, on discerne de plus en plus une « ouverture » vers l'économie, un « libéralisme » diffus et latent dans la conscience sociale. À qui sera attentif, non seulement aux idéologies dominantes, mais aussi à celles qui étaient refoulées ou en gestation ainsi qu'aux structures socio-économiques, notre « pensée » paraîtra moins abstraite et aussi moins monolithique qu'on a coutume de le croire. Si monseigneur Pâquet pouvait écrire : « Notre mission est moins de manier des capitaux que de remuer des idées... », on peut suspecter que cela avait un rapport avec une situation globale et que certains parlaient de « manier des capitaux ».

Mais une perception dévalorisante du politique — et de l'économique — quelquefois un délaissement de ces fonctions, ont eu pour contrepartie une survalorisation de l'idéologique. Pour faire voir une zone de problèmes, mentionnons que la fonction du politique — selon une définition « libérale » — est de promouvoir et de développer le bien-être général de la société. Et rappelons l'expression de G. Dumézil pour décrire la première des trois fonctions que toute société met en œuvre : le « pouvoir et le savoir sacrés ». Ajoutons-y celle-ci : « Le premier est l'administration souveraine, en liaison directe et intime avec le sacré [36]. »

Revenons maintenant à la thèse de Bélanger. Le monopole des représentations par une classe cléricale supposait, au niveau même de ces représentations, un freinage et une anémie du politique. Une ouverture de ce côté aurait impliqué une perte de pouvoir symbolique pour cette classe. D'autre part, elle aurait été dangereuse pour une société dont le salut paraissait pouvoir dépendre exclusivement de fins idéales. Nous étions condamnés à une action sans pensée et à une pensée sans action. Le seul pouvoir réel d'une telle société était celui de l'idéologie [37], et la conjoncture faisait qu'aussi bien au sein de cette société qu'en celui de son idéologie le domaine de la puissance politique, de l'« administration souveraine » ne pouvait se poser, être engendré et s'autonomiser [38]. Dans les termes de l'anthropologie de la connaissance de l'École de Francfort [39], les circonstances furent telles que seul un intérêt « émancipatoire » put se déployer. Cet intérêt social dont relèvent les fins et la puissance (chah : puissance au sens de « ce qui oriente ») fut ici sans étais et sans ancrages [123] dans un intérêt « herméneutique » et dans un intérêt « technique ». Ce qui importe dans la mesure où l'orientation et le développement historiques des collectivités et des cultures dépendent des interprétations et des critiques propres à une herméneutique qui, de son côté, a recours aux informations positives à propos des régularités de l'environnement naturel et social, informations qui sont le fait de l'intérêt technique.

On profitera aussi d'autres façons d'un examen de la situation à partir de nos idéologies. D'une part, en relation avec la thèse à laquelle nous nous sommes référés, il est commun de penser que les idéologies ont une forte teneur politique, comme cela ressort de l'ensemble de la littérature sur la question, qu'elles sont des discours guidés par un rapport étroit au monde et à l'action [40]. On peut alors se demander si nos idéologies, avant qu'elles commencent à se donner « un enracinement historique » (F. Dumont), à l'occasion de la Crise économique des années 30, ne participaient pas plus d'une vision tragique du monde que d'une vision idéologique [41]. On sera également conduit vers une étude de nos idéologies en relation avec la récapitulation d'un imaginaire collectif et la constitution d'une pensée. Cela apparaît déjà dans ce qui précède, par la référence aux mythes et au terreau idéologique. Le rapport au pouvoir se comprend si l'on reconnaît que dans une société, lorsque le sommet réflexif de l'instance culturelle (les générateurs de signification) est mobilisé par des attitudes de repli, de fuite, de désaveu de l'entourage, il ne se confronte pas aux objets réels. La pensée qui se refuse ainsi à éprouver le monde, à le faire valoir, ne peut s'y incarner ; elle ne peut alors elle-même être engendrée à la façon d'une réalité sociale et historique et générer un milieu qui en soit l'assise et l'aliment [42].

5. Philosophie (pensée) et culture

Partant d'un problème relatif aux perceptions que nous avons de notre « philosophie » et de son histoire, j'ai tenté de montrer comment il pouvait être rattaché à notre mythologie collective et à la posture de nos idéologies et du pouvoir dans l'évolution sociale. Je reprendrai maintenant la question au moyen de quelques notations rapides concernant le rapport de la pensée à la culture, notations qui sont autant d'approches à élaborer et à essayer.

5.1. Après avoir longtemps perçu la science comme un dépassement du monde, comme une œuvre de raison surplombant la nature et la culture, nous la reprenons quelque peu pour la resituer dans la culture. Souvent, pour en mesurer le choc sur les cultures ; aussi, pour y reconnaître, en plus d'un contenu théorique, la source d'une importante modification de nos [124] rapports avec la nature de même qu'un phénomène intérieur à la culture, c'est-à-dire une pratique culturelle, un moyen par lequel les hommes tentent de trouver une forme de cohérence intellectuelle. Ne serait-ce qu'à cause de ces affinités et de cette symbiose avec la culture, il s'avère approprié de ménager une place, dans l'aménagement concret d'une culture et dans nos réflexions, à tous les aspects de la science [43].

Par ailleurs, un enracinement plus diachronique de la science dans une culture, sa détermination par la communauté scientifique constituée, et plus profondément encore, l'hypothèse qui veut que certains aspects des théories de même que les mutations majeures soient liées à des intuitions qui viennent de la culture (Kuhn), tout cela indique d'une autre manière que l'exercice, le développement et la compréhension de la science doivent aussi être rapportés à l'état de l'entour culturel.

5.2. On peut considérer la « philosophie » d'une façon analogue. Je me limiterai ici à deux remarques :

5.2.1 Une pensée se rattache à une tradition historique de même qu'à une problématique sociale ; elle n'est pas sans liens multiples avec un univers d'idées, d'émotions et de métaphores qui remonte vers le passé de la société. Une thèse aussi générale et aussi forte vaut peut-être facilement pour une philosophie ancienne. C'est effectivement celle que Francis M. Cornford a explicité dans nombre de travaux concernant la pensée grecque [44]. Cependant, à l'autre bout de la philosophie, on la trouve applicable — partiellement du moins — à nul autre que Rudolf Carnap, qui est couramment perçu comme un philosophe révolutionnaire, comme l'anti-métaphysicien par excellence. Dans Der logische Aufbau (La construction logique du Monde), il conçoit que la « nouvelle philosophie » s'est développée pas à pas à partir de l'ancienne. L'ouvrage se construit directement en relation aux travaux de ceux qu'il appelle « les métaphysiciens » et qu'il critique vertement par ailleurs. Arne Naess [45] note que bien peu de philosophes créateurs ont fait autant de références positives à des penseurs de leur propre génération et de générations antérieures, les considérant quelquefois comme des précurseurs et des guides : Avenarius, Franz Brentano, [125] Cassirer, Dilthey, Husserl, Meinong, Natorp, Nietzsche, Scheler, Windelband, etc. [46] Qui ne voudrait d'un tel héritage, d'un tel « milieu » ?

5.2.2. Ma deuxième remarque se situe dans le prolongement de la première. Elle en reprend une partie pour ensuite présenter des aspects de notre situation et faire ressortir un contraste.

Si sa position dans une histoire et une tradition fait que « tout système de philosophie est unique [47] », ce terrain commun — qui est un « milieu », une « sphère de la pensée », de même qu'un « enracinement historique » impliquant une « dimension collective [48] » — est ce qui peut faire que la philosophie est une controverse. Ce qui est manifeste à cet égard, c'est que la pensée se développe en se plaçant par rapport à une autre.

En rapport avec certains traits de cette vue d'ensemble, il est passablement étonnant de constater comment les choses ont été perçues ici. Jean Racette, dans un texte publié en 1967 [49] traitant de la relation entre la culture et la philosophie, après avoir fait une description juste mais générale et abstraite de notre situation historique et sociale, se met à la recherche d'une philosophie appropriée. Malgré qu'on ait ici une référence à la [126] culture (p. 78-79), il s'agit encore de la décrire de haut, à distance, et de lui trouver une philosophie. La quête est terriblement détachée (p. 78-81) et achève de nous définir en nous orientant vers une tradition exogène. Une fois de plus, nous sommes approchés de loin et placés ailleurs : nous sommes, sans médiations internes et explicites, renvoyés à saint Thomas, Blondel, Bergson, Teilhard, Mounier, etc. En lisant Racette, il me semble que l'on comprend ce que disait Brault (en 1964) : « ... les philosophes d'ici, en prônant un simulacre de philosophie, en enseignant un micmac innommable, loin d'être des libérateurs, furent des désorienteurs [50] ». Il y a bien « simulacre » en ce sens qu'il ne pourrait s'agir que d'une simulation, d'une apparence qui se donne pour la réalité ; et un « micmac », car de telles propositions, on en aura autant qu'il y aura de points de vue sur ce qu'est notre culture et sur ce que sont nos besoins. Comment ne pas être désorientés ?

Partant d'une conception de notre culture faite d'énoncés irréels et apodictiques [51] — « Nous ne saurions admettre que tout soit relatif et qu'il n'y ait aucune valeur personnelle, aucun absolu » ; « Nous croyons à la transcendance de l'esprit et nous ne saurions nous accommoder de l'empirisme et du positivisme... etc. » — et multipliant les propositions de traditions toutes faites que l'on supposera nous être adéquates, il est bien difficile de voir sur quel terrain commun nous pourrions nous situer. Par conséquent, si la conscience se pose en s'opposant, on ne voit pas comment nous pourrions nous définir dans cette absence de lieu et d'objets. Aussi bien individuellement que collectivement.

Donc, notre milieu, nos paradigmes, seraient encore à construire à partir d'impulsions originelles et originales. Reprenant la distinction commune entre contexte de la découverte et contexte de la justification, et concédant volontiers que la seconde constitue un achèvement, je ne surprendrai personne en soutenant qu'elle repose sur la première. C'est aussi de cela qu'il a été question ici : nous avons été, de plusieurs manières, confinés aux justifications, sans découvertes.

6. La culture savante et ses mises au point

Après un tel parcours, reconsidérant le nombre et la variété des contenus touchés de même que tout l'outillage mental qui a été manipulé, je ne puis que ressentir qu'il était quelque peu téméraire d'aborder ainsi un tel domaine en si peu d'espace. Mais, je l'avais signalé d'entrée de jeu, il s'agissait d'ouvrir un chantier. Par ailleurs, pour l'instant, en ce qui a trait à la poursuite d'une telle entreprise d'explication, d'interprétation et [127] de fabrication d'instruments, qu'il suffise de noter que si sa continuation est désirée, il faut se soumettre au rythme singulier de l'histoire et la juger indissociable des états des autres éléments de la structure sociale [52]. Ce sont, je crois, des enseignements que l'on peut tirer d'Edmond de Nevers. Souvenons-nous que ses réflexions sur notre situation et notre culture furent publiées à Paris en 1896 et que ce n'est qu'en 1964 que l'ouvrage fut édité ici. Ces enseignements, cette entreprise, Hermas Bastien les consignaient ainsi dans un texte paru en 1969 :

Le patriotisme d'Edmond de Nevers ne se paie pas de mots. Il a confiance dans notre avenir, mais à condition que nous poursuivions notre ascension. Seuls les idéalistes farfelus ne se rendent même pas compte que nous n'avons pas encore réalisé la dixième partie du programme que nous a tracé l'écrivain ; ce qu'il nous propose sur le plan politique, économique, culturel peut occuper notre peuple pendant plusieurs générations [53].

On peut me concéder, en outre, que mon propos avait bien comme objet une « doctrine du savoir », une histoire de la réflexion. En ce sens, il s'agissait d'une œuvre de culture savante. Je reprendrai maintenant les étapes de mon développement pour faire ressortir ses principaux traits.

Un certain nombre de choses se dégagent de l'analyse. Tout en faisant œuvre de culture savante, j'ai bien le sentiment d'avoir constamment examiné un objet qui est lui aussi de cette culture, qui en fait partie, qu'il se nomme philosophie ou pensée. Or ce qui est remarquable, c'est qu'au cours de ce cheminement, à chaque pas, la pensée, dans cette réflexion, a sans relâche relié ses objets au concret, à quelque aspect déterminé de la culture, et qu'elle a elle-même pris pour objet et pour pierre de touche ce que l'on suppose que la culture est concrètement et radicalement.

Le problème de départ ne se pose pas en fonction de quelque définition abstraite ou d'une théorie de la philosophie. Il naît, bien sûr, à la suite d'un regard qu'on dira subjectif. On n'oubliera pas que ses objets le sont également. Ces objets sont des jugements portés sur des corpus ou textes dont on mesure la valeur ou la pertinence. Et ce qui est finalement évalué, ce n'est pas l'existence ou l'être de la philosophie, mais sa présence et son enracinement. Si on y regarde de près, les remarques concernant l'improductivité, que l'on pourrait prendre pour des imputations d'inexistence totale, visent plutôt l'irrelevance des productions, leur manque d'originalité ou leur fragmentation, et des lacunes du milieu qui vont jusqu'à supposer une pure et simple inexistence sociale et historique de ce milieu. Lorsqu'il s'agit des problèmes de la philosophie, nous sommes donc, dans le savoir de la culture savante, renvoyés à des phénomènes culturels, à l'histoire, aux classes, à la société globale. Nous le sommes encore lorsque, partant de ces problèmes, et toujours dans la [128] culture savante, nous recherchons des explications à ces problèmes et des solutions. On se réfère alors à la collectivité, à sa cohésion, à ses mythes, à ses idéologies, à son pouvoir.

Force est de constater que dans tout ce malaise qui travaille la culture savante, dans tous ces efforts qu'elle déploie pour se comprendre et se constituer, le renvoi au concret ou à ce qu'on appelle le vécu [54] est toujours là. Il l'est d'autant plus que le malaise se fait plus radical. On le trouve aussi bien lorsqu'il s'agit de justifier une philosophie en place, un ordre établi alors que notre idéologie unitaire s'était développée en retrait et en opposition, que lorsque l'on part à la recherche de ces traditions extérieures qui seraient conformes à notre culture : on se reporte toujours à celle-ci, bien qu'elle soit définie et décrite par des mots et des concepts plutôt qu'approchée et sentie. Enfin, lorsqu'on désavoue ces tentatives, lorsqu'on en suspecte les intentions, lorsqu'on en conteste la pertinence, on se rapproche plus que jamais de nos mythes et de leurs mésaventures, de notre terreau idéologique, de notre littérature, pour prescrire qu'il s'agit bien là de la source et du fondement et qu'on ne requiert rien de moins qu'un enracinement et un ancrage dans le monde. Par ailleurs, ce que l'on peut tirer de cela, c'est l'hypothèse que pour nous et au cours d'une brève histoire, la philosophie ne s'est jamais encore constituée comme savoir mais comme expression de situations et comme critique de ces expressions. En outre, nous devrons départager ce qui, dans ce rôle critique, dépend de la situation et ce qui relève de l'universalité de la philosophie.

Comment regagner enfin quelque peu l'idée de culture savante ? S'il est admis que la culture est un processus de réflexivité et que les arts, les sciences, la philosophie sont autant de configurations d'une région qui en explicite et en manifeste un premier niveau, et qu'en plus elle s'y réfère et y est opposable de plusieurs manières, on comprendra, si c'est par un tel processus que s'engendre la culture savante, que c'est bien un aspect de cela que nous avons décrit. En effet, nous avons fait voir que dans une société, une sphère de connaissance et d'action se perçoit comme problématique ; en cela même une autonomie lui est conférée. De plus, en cette sphère, des jugements sont portés quant à la pertinence et quant à la vérité de divers discours. Ceux-ci sont par ailleurs rapportés au monde, à la réalité, à une culture, à l'existence.

Ce qui est aussi interrogé, au-delà du statut particulier de la philosophie, c'est la pensée dans son rapport à la culture. Une question abrupte peut résumer ce propos : comment la culture devient-elle pensée ? Non pas en supposant que toute pensée — dans une société — doive surgir de la culture mais, parce que celle-ci doit en être et en demeurer le support premier, l'élément incitateur et le ressort. Il serait malheureux de s'abstenir [129] de ce qui vient d'ailleurs, ou d'en mésuser, ou d'en être accablés. Nous avons tout ce qu'il faut pour qu'il n'en soit pas ainsi. Il suffit que nous nous appliquions à notre expérience, à notre prise sur le monde, à notre pratique, et que ce qui vient d'ailleurs y soit fondu. C'est peut-être alors que le savoir ne serait plus séparé du pouvoir, la pensée de l'action, et que grâce à un terrain commun les consciences pourraient partir des mêmes objets réels, s'opposer et constituer ainsi un milieu *.

[130]



[1] Voir Georges Dumézil, la Religion romaine archaïque, Paris, Payot, 1966, p. 168 ; aussi, Georges Dumézil, l'Héritage indo-européen à Rome, Paris, Gallimard, 1949, p. 241-242.

[2] C'est délibérément que j'emploie le terme « doctrine » mais sans lui donner son sens maintenant le plus habituel — pour nous — de ce qui est figé et profondément tranchant et prescriptif. J'aurais pu parler d'épistémologie ou de théorie ; le premier mot me paraît actuellement équivoque, le second, trop abstrait. J'utilise « doctrine » pour signaler qu'il est ici question d'abord d'un intérêt pour le savoir ainsi que de l'ouverture d'un chantier. Ce mot présente aussi l'avantage de nous reporter à un précédent historique (la philosophie allemande et notamment Fichte) et d'indiquer d'entrée de jeu les dimensions idéologiques de l'entreprise, autant au sens primitif de « science des idées » qu'à celui de représentations suspectes, ou encore à celui, possiblement positif, de rapport à la pratique. Sur ce point, on trouvera quelques indications sur les rapports entre « doctrine » et « idéologie » dans Dupré, Encyclopédie du bon français dans l'usage contemporain, Paris, Éd. de Trévise, 1972, t. Il, au mot « idéologie ».

[3] On peut le constater en lisant l'étude récente de Louise Marcil-Lacoste : « l'Essai en philosophie : problématique pour la constitution d'un corpus » (à paraître prochainement dans Archives des lettres canadiennes : l'Essai).

[4] Dans le Bulletin de la Société de philosophie du Québec, vol. 1, n° 3, p. 27-33.

[5] Au même endroit, p. 34-36.

[6] Voir les débats, hésitations, ambivalences et tergiversations que rapporte Louise Marcil-Lacoste dans l'étude citée.

[7] Edmond Boisvert dit de Nevers (Baie-du-Febvre près de Nicolet, 1862 — Central Falls, Rhode Island, 1906). Dans l'Avenir du peuple canadien-français, (Paris, Jouve, 1896 ; réédition avec préface de Claude Galarneau, Montréal/Paris, Fides, 1964), il analyse notre histoire économique, politique et intellectuelle et désigne les faiblesses dont notre pensée est accablée. Son ouvrage manifeste constamment une perception implicite des relations entre l'économique, le politique et l'intellectuel. Pour une vue d'ensemble, voir l'excellente présentation de Claude Galarneau, Edmond de Nevers, essayiste. Suivi de textes choisis, présentés par Claude Galarneau. Cahiers de l'Institut d'Histoire, n° 2, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1960.

[8] Situation qui, comme le laisse entendre la référence à un « état de conscience » est abordée ici sous sa face « subjective ». Voir aussi, à ce sujet, J.-P. Brodeur parlant de nos constats d'improductivité : « ... ce constat désigne plutôt un état de notre conscience qu'une stérilité réelle ». (« Un colloque sur l'histoire de la pensée québécoise », dans Bulletin de la Société de philosophie du Québec, vol. 1, n° 3, p. 21-26 [à la page 26].) En rapport avec ce glissement proposé de la « philosophie » vers la « pensée », on pourra trouver éloquent que Claude Panaccio, en présentant le recueil intitulé Philosophie au Québec, (Montréal, Bellarmin), 1976, ait noté (p. 15), en se référant par ailleurs à diverses contributions, que parler de « la pensée au Québec » (« comme Fernand Dumont »), plutôt que de philosophie « ... eût été [...] faire preuve de trop d'ambition ». — Sur le problème de fond, je renvoie encore à J.-P. Brodeur signalant que « la philosophie au Québec n'a peut-être jamais réussi à se penser sans honte comme savoir et comme théorie ». (Voir « Quelques notes critiques sur la philosophie québécoise », dans la Philosophie et les savoirs, Montréal, Bellarmin, 1975, p. 245.) Relativement à cette question, dont nous sommes à examiner certains aspects, on peut constater qu'il y a déjà des textes et des interrogations multiples. On ne peut évidemment pas ici les mentionner tous et toutes ni nous attarder à ce que nous rapportons.

[9] Il importe de mentionner une exception : R. Houde, Histoire et philosophie au Québec. Anarchéologie du savoir historique, Trois-Rivières, Éditions du Bien Public, 1979.

[10] Au sens où l'idéologique et l'« officiel » se confondent et comportent une distance, un décrochage par rapport à la « véritable réalité » : cf. G. Balandier, Sens et puissance, Paris, P.U.F., 1971, p. 47 ; F. Dumont, les Idéologies, Paris, PUF, 1974, p 121, 175 et « le Projet d'une histoire de la pensée québécoise », dans Philosophie au Québec (sous la dir. de C. Panaccio et P.-A. Quintin), Montréal, Bellarmin, 1976, p. 37-44.

[11] Jacques Brault, « Réponse à une question », Livres et auteurs canadiens 1961, p. 77 ; texte repris dans Y. Lamonde, Historiographie de la philosophie au Québec (1853- 1970), Montréal, HMH, 1972, p. 142-146 (à la p. 145).

[12] Le mythe est ici entendu comme « ... une construction complexe que l'homme habite en imagination, une grande image structurante qui sert d'armature à son édification. [...] C'est l'homme qui se construit en accrochant les affections de « son âme » aux articulations du mythe ». (Clémence Ramoux, « Âme, mythe de l'occident », dans la Psyché, Nouvelle Revue de psychanalyse, 12 (1975), p. 13.) Ce titre — et l'article — est tout à fait révélateur si on le met en contraste avec ce que connotera pour nous l'idée d'âme.

[13] Voir J.-Charles Falardeau, « Antécédents, débuts et croissance de la sociologie au Québec », dans la Sociologie au Québec, Québec, P.U.L., 1975, p. 138.

[14] Sur cette idéologie, voir J.-C. Falardeau, op. p. 140-141 (avec d'abondantes références).

[15] « Ainsi donc, de 1763 à 1867, le peuple canadien-français n'a pas d'histoire économique proprement dite. » (Edmond de Nevers, l'Avenir du peuple canadien-français, Montréal/Paris, Fides, 1964, p. 80).

[16] Ibid., p. 81. [je souligne] Pour l'analyse de ce problème, voir Jean Bouthillette, le Canadien français et son double, Montréal, L'Hexagone, 1972 ; aussi F. Dumont, « Le projet d'une histoire de la pensée québécoise », dans Philosophie au Québec, Montréal, Bellarmin, 1976, p. 35, qui mentionne de tels faits de sens dans une perspective analogue à celle que j'adopte ici.

[17] Lévi-Strauss, la Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 173 ; le Cru et le cuit, Paris, Plon, 1964, p. 346-347.

[18] La Pensée sauvage, p. 327.

[19] Voir J. Courtès, « Nature et culture dans les « Mythologiques » de Cl. Lévi-Strauss », Centra Internazionale di Semiotica e di Linguistica, Documents de travail et prépublications, I, série D, 1971, p. 1.1.

[20] Lévi-Strauss, le Cru et le cuit, p. 346.

[21] Voir la Pensée sauvage, p. 173.

[22] R. Barthes, Mythologies, Paris, Éd. du Seuil, 1957, p. 75-76.

[23] « Introduction à l'œuvre de Marcel Mauss », dans M. Mauss, Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1950, p. XVI-XVII.

[24] Ibid., p. XX. Voir, dans le même sens, G. Devereux, Ethnopsychanalyse complémentariste, Paris, Flammarion, p. 111-129. Un rapprochement intéressant peut se faire entre ces considérations théoriques et l'interprétation qu'Hubert Aquin fournissait de sa situation : Voir : « la Fatigue culturelle du Canada français », dans Liberté, 23 (1962), p. 299-325.

[25] Je me permets de renvoyer à un article dans lequel j'ai traité de cette « hibernation » et de ce vide ; voir « Communication sociale et communication historique : identité de l'historicité et de la sociabilité », dans la Communication (Actes du XVe Congrès de l'ASPLF), Montréal, Éditions Montmorency, 1971, p. 353-358. Sur la littérature en question, on trouvera des indications dans G. Bergeron, le Canada français après deux siècles de patience, Paris, Seuil, 1967, p. 132 et suiv.

[26] Parmi tant d'autres, je cite quelques lignes d'un poème qui fait état de ces divers malaises :

…………………………

Je suis fille de l'exil

indigène de la douleur

…………………………

ne riez pas de moi ne riez pas

l'âme percluse d'ancêtres

je vieillis de mère en fille

comme l'apatride mère patrie

ô nation nomade sauvageresse

……………………………….

boitillant de siècle en siècle

la morsure du temps au talon

………………………………

avec ton passé glorieux en loques

………………………………….

éternelle déportée de toi-même

(Michèle Lalonde, « la Mère patrie », in

Poèmes 70, Montréal, L'Hexagone, 1970.)

[27] Lévi-Strauss, la Pensée sauvage, p. 341 : « Ce qui rend l'histoire possible, c'est qu'un sous-ensemble d'événements se trouve, pour une période donnée, avoir approximativement la même signification pour un contingent d'individus qui [...]. L'histoire n'est donc jamais... »

[28] Voir Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Plon, p. 231. Il fait remarquer (au même endroit) : « Rien ne ressemble plus à la pensée mythique que l'idéologie politique ». (Ce qu'il faut rapprocher de ce que l'on dira bientôt de nos idéologies.)

[29] G. Leroux, « Présentation » de Y. Lamonde, Historiographie de la philosophie..., p. 12. Pour un outillage plus raffiné, dans lequel l'analyse des « concepts » et des « croyances » d'une société de même que de ses compulsions, apparaît plus fondamental que celle de ses institutions, voir E. Gellner, « Concepts and Society », dans Emmet & Maclntyre (édit.), Sociological Theory and Philosophical Analysis, Toronto, MacMillan, 1970.

[30] « Se concevant avant tout comme une pratique de l'enseignement et accaparée toute entière par sa tâche de monnayer un conformisme, la philosophie a été assez rapidement reconnue comme institution — où on s'est vite aperçu des services qu'elle pouvait rendre — mais elle ne s'est jamais réalisée comme connaissance. » (J.-P. Brodeur, « Quelques notes critiques sur la philosophie québécoise », dans la Philosophie et les savoirs, Montréal, Bellarmin, 1975, p. 245.) Il y aurait peut-être intérêt à replacer le fait de « monnayer un conformisme » et les « services qu'elle pouvait rendre » dans le contexte de l'histoire et de la société globale.

[31] V. André-J. Bélanger, l'Apolitisme des idéologies québécoises. Le grand tournant de 1934-1936, Québec, PUL, 1974 ainsi que « les Idéologies et leur désert politique » dans Dumont, F. Hamelin, J. Montminy, J.-P. (dir.), Idéologies au Canada français 1930-1939, Québec, PUL, 1978, p. 29-39 ; la thèse n'a pas manqué de susciter critiques, intérêt et attention : voir J. Rouillard, de « l'Apolitisme des idéologies québécoises », in Livres et auteurs québécois 1974, Québec, PUL, 1975, p. 288-290, L. Dion, Nationalisme et politique au Québec, Montréal, HMH, 1975, p. 18 et suiv. ; S. Gagnon, « l'Histoire des idéologies québécoises : quinze ans de réalisations », Histoire Sociale — Social History, 9, 17 (1976), p. 17-20 et F. Dumont, « les Années 30 : la première Révolution tranquille », dans Idéologies au Canada français 1930-1939, p. 1-20 (à la p. 10). Cette thèse offre ici un intérêt double. D'une part, en relation avec le domaine général du savoir, elle stipule qu'il y a une certaine impuissance du savoir et de la pensée (l'apolitisme de nos idéologies) ; d'autre part, comme dans le cas de notre perception de la pensée (philosophie), on peut lui opposer l'existence de multiples institutions (partis) et même de discours.

[32] L'Avenir du peuple canadien-français, Montréal/Paris, Fides, 1964, (Paris, Jouve, 1896) p. 16-17.

[33] Ibid., p. 29. Un peu plus loin (p. 82), on trouve cette phrase singulière : « Réconciliés maintenant avec notre situation de vaincus, le dernier obstacle à notre complet développement disparaissait. » Je note, car on ne le sait pas toujours, — et je fais grâce des renvois —, que de Nevers — et c'est aussi mon sentiment — est habituellement perçu comme un de nos meilleurs essayistes, un de nos plus perspicaces observateurs.

[34]    Ibid., p. 92 et suiv. Voir F. Dumont et G. Rocher dans « Introduction à une sociologie du Canada français », dans la Société canadienne-française (études choisies et présentées par Marcel Rioux et Yves Martin), Montréal, HMH, 1971, p. 195.

[35] S. Gagnon, « Art. cit. », p. 19.

[36] G. Dumézil, « l'Idéologie des trois fonctions dans quelques crises de l'histoire romaine », dans Latomus. Revue d'études latines, XVII (1958), p. 430.

[37] « ...une société qui, depuis longtemps, accordait au pouvoir de l'idéologie une importance d'autant plus grande qu'elle n'en possédait guère d'autre... » (F. Dumont, loc. cit., p. 9).

[38] On pourra objecter que les travaux de Dumézil s'appuient sur l'étude de sociétés fort anciennes dont la structure diffère de celle des sociétés modernes. Je me contente de signaler qu'il fait l'application à ces dernières : voir la Religion romaine archaïque, Paris, Payot, 1966, p. 168. D'autre part, dans notre analyse, il faudrait aussi considérer les difficultés de la bourgeoisie. La situation globale dépend de la puissance de l'idéologie et de la faiblesse de la bourgeoisie.

[39] Voy. G. Radnitzky, Contemporary Schools of Metascience, Chicago, Regnery, 1973, p. 196-203. (Première édition : Akademiförlaget, Göteborg, Suède, 1968.)

[40] Voy. A. W. Couldner, The dialectic of ideology and technology. The Origins, Grammar and Future of Ideology, Toronto, Macmillan, 1976, notamment, p. 67 et suiv.

[41] Sur cette « vision tragique », voir le troisième chapitre de l'ouvrage cité de Gouldner : « Surmounting the Tragic Vision : Generic Ideology as Idealism ».

[42] Pour un exemple de ce que le refus et la fuite peuvent produire comme rationalisation, voir l'étude de Philippe Reid, « la Croix, 1923-1924 », dans Idéologies au Canada français 1900-1929 (Dumont, Hamelin, Harvey, Montminy, dir.), Québec, PUL, 1974.

[43] Là-dessus, quelques indications : la Science et la diversité des cultures, Paris, PUF/ Unesco, 1974 ; J. Ladrière, les Enjeux de la rationalité. Le défi de la science et de la rationalité aux cultures, Paris, Aubier/Unesco, 1977, I. Prigogine et I. Stengers, la Nouvelle Alliance. Métamorphose de la science, Paris, Gallimard, 1979, notamment l'introduction.

[44] Je renvoie à Thucydides Mythistoricus, Londres, Arnold, 1907, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1971 ; From Religion to Philosophy. A Study in the Origins of Western Spéculation, Arnold, 1912, New York, Harper, 1957 (voir l'étude d'Émile Bréhier, « Une nouvelle théorie sur les origines de la philosophie grecque », Études de philosophie antique, Paris, PUF, 1955, p. 33-43) ; et The Unwritten Philosophy and Other Essays, Cambridge University Press (1950), 1967, notamment le texte intitulé « The Unwritten Philosophy » (1935).

[45] Arne Naess, Moderne filosofer, Stockholm, 1965 ; traduit en anglais par A. Hannay, Four Modem Philosopher : Carnap, Wittgenstein, Heidegger, Sartre, Chicago et Londres, 1968, 1969, p. 6-7.

[46] On pourra trouver l'ensemble des sources dans l'édition allemande ou encore dans l'édition anglaise : R. Carnap, The Logical Structure of the World, trad. Rolf A. George, Londres, RKP, 1967, p. 347-355.

[47] Cornford, The Unwritten Philosophy, p. 30.

[48] La nécessité impérieuse que je fais valoir depuis le début — en insistant sur un manque — on la trouve ici affirmée à propos de la solution d'un autre problème. Je cite donc assez longuement ce texte qui présente plusieurs aspects de la situation que j'ai décrite. Parlant des efforts infructueux faits par N. Wiener pour « vendre » la technologie, Gilbert Simondon les commente ainsi : « Les tentatives que l'auteur a faites auprès des dirigeants syndicaux l'ont rempli d'une amertume qui fait songer à celle de Platon disant ses déceptions dans la Septième Lettre. Or, on peut essayer de découvrir entre la compréhension des techniques et la force qui dirige les groupes humains une médiation bien différente de celle qu'envisage Norbert Wiener. Car il est difficile de faire que les philosophes soient rois ou les rois philosophes. [...] La véritable médiation entre la technique et le pouvoir ne peut être individuelle. Elle ne peut être réalisée que par l'intermédiaire de la culture. Car il existe quelque chose qui permet à l'homme de gouverner : la culture qu'il a reçue ; c'est cette culture qui lui donne des significations et des valeurs ; c'est la culture qui gouverne l'homme, [...]. Or, cette culture est élaborée par la grande masse de ceux qui sont gouvernés ; si bien que le pouvoir exercé par un homme ne vient pas de lui à proprement parler, mais se cristallise et se concrétise seulement en lui ; il vient des hommes gouvernés et y retourne. Il y a là une sorte de récurrence. » (Du mode d'existence des objets techniques, Paris, Aubier, 1969, p. 150.) De manière à faire sentir certaines corrélations et à proposer des directions pour des réflexions ultérieures, je rappelle ce texte de Brault : « Ce philosophe, nous le côtoyons actuellement, il naîtra demain. Vous et moi, tous, nous pouvons faciliter ou entraver sa tâche ; c'est le rôle du « milieu ». Et pour éviter que les amateurs de sens littéral ne me taxent de messianisme, j'ajouterai que ce philosophe, à mes yeux, est plutôt une espèce de personne morale et représente tous ceux qui ont ici charge de parole et pouvoir de nommer. Puisque le langage est la maison de l'être. » (« Réponse à une question », Livres et auteurs canadiens 1961, p. 77 ; dans Lamonde, Historiographie..., p. 145-146.)

[49] « De quoi s'inspire la philosophie au Canada français », chapitre VI de Thomisme ou pluralisme ? Réflexions sur l'enseignement de la philosophie (Essais pour notre temps, n° 8), Paris/Bruges, Desclée de Brouwer, Montréal, Bellarmin, 1967, p. 73-85. Ce texte avait déjà paru dans la revue Dialogue en 1964.

[50] Dans « Pour une philosophie québécoise ». Parti pris, 2, 7 (1965), p. 11 ; repris dans Y. Lamonde, Historiographie..., p. 173-181 (à la p. 175, où l'on trouve « ...micmac innombrable... »).

[51] Assez curieusement l'auteur reconnaît que l'on doit philosopher à partir de ce que l'on est et que, dans notre cas, on ne le sait que difficilement : « Faute d'avoir une idée suffisamment exacte de ce que peut être la culture des Canadiens français, leur « climat préphilosophique », il est malaisé d'expliquer leurs positions philosophiques. » Mais cette idée, que l'auteur emprunte et entérine, réduit déjà le problème à une simple affaire de connaissance.

[52] Ce qui ressort notamment des travaux du Cercle linguistique de Prague. Voy. Thomas G. Winner, « Some Fundamental Concepts Leading to a Semiotics of Culture », dans Semiotica, 27, 3 (1978), p. 75-82 ; Jacques Berque retire une idée semblable de son expérience du Maghreb : « Le progrès sera total ou ne sera pas. » (« Logiques plurales du progrès », dans Diogène, 79 (1972), p. 26.)

[53] Hermas Bastien, Ces écrivains qui nous habitent, Montréal, Beauchemin, 1969, p. 30.

[54] L'évocation du « vécu » est certes souventes fois facile et sans signification. Ce n'est pas le lieu pour en faire une phénoménologie et une analyse. Je me contente de citer ces quelques lignes de Berque : « La rationalité réduite à l'instrumental a fait faillite. L'un des traits de notre époque est la revanche du vécu, ou de l'appétit de vécu contre la rationalité de plus en plus abstraite... » (La Science et la diversité des cultures, Paris, PUF/Unesco, 1974, p. 151.)

* Mes collègues Roland Houde et Claude Panaccio ont lu une première version de ce texte et m'ont fait d'utiles suggestions. Je les en remercie.



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le mercredi 19 avril 2017 18:01
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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