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L’idéologie et les stratégies de la raison.
Approches théoriques, épistémologiques et anthropologiques.
Présentation
“La pensée devant l’idéologie.”
Par Claude SAVARY
professeur de philosophie, Université du Québec à Trois-Rivières
Les problèmes rattachés au terme « idéologie » et à son usage sont tellement nombreux et désespérants qu’on en vient à se demander pourquoi il y a encore des auteurs qui l’utilisent. Il n’est pas rare d’en rencontrer qui refusent de l’employer. Par ailleurs, on se dit souvent qu’il ne faut plus en parler mais, comme s’il y avait là quelque nécessité, voilà qu’il en est toujours question. À cet égard, on n’en a peut-être jamais autant discouru que depuis qu’on a prophétisé la fin de l’idéologie. Il n’est pas étonnant que la chose soit aussi déroutante. On peut le comprendre en jetant un coup d’œil sur l’histoire de ses emplois. De Destutt de Tracy à Marx, le sens du terme subit un renversement complet. Et que Napoléon Bonaparte et Chateaubriand apparaissent comme des « précurseurs » de Marx ne facilite pas la compréhension des choses [1]. On pourrait croire qu’avec Marx un sens assez définitif avait été donné au mot. On sait qu’il n’en est rien. Entre Marx et les formulations contemporaines, par exemple, chez Claude Lefort et Alvin W. Gouldner [2], on assiste à un nouveau renversement : le phénomène est redevenu plutôt positif ; il est dissocié de la religion et il perd sa qualité d’élément éternel de la société : la société primitive n’en connaîtrait rien [3]. Dira-t-on pour expliquer ce changement et dissoudre cette difficulté qu’il s’agirait là d’une conception « bourgeoise » ? On sera alors bien en peine pour montrer ce que fait Lénine dans la tradition marxiste. On peut donc comprendre ce que nous mentionnions au début : on en vient à la conclusion qu’il ne faut plus [10] utiliser un tel terme ni parler d’une telle chose. Mais on a déjà dit qu’on n’y parvenait pas : ce qui peut s’illustrer par ce fait extrême qu’un article sur l’idéologie commence en énonçant que la chose n’existe pas [4] !
Les phénomènes qui viennent d’être évoqués mériteraient une analyse poussée. Ils ne sont mentionnés ici que pour introduire une perspective dans laquelle peuvent se comprendre les textes qui composent ce recueil. Une perspective que l’on peut résumer par deux intentions : s’attaquer à la confusion et dédramatiser le problème [5]. La première s’inspire d’une remarque de Chaïm Perelman disant que la philosophie peut se définir comme une discipline se proposant l’étude systématique des notions confuses [6]. La seconde mise sur le fait qu’une partie de la confusion et des problèmes est entretenue par ce qui est notoire à propos de l’idéologie, à savoir la teneur émotive, polémique, souvent fortement « politique » des discours qui en traitent. De là l’idée qu’en variant les approches, en examinant le sens de la question de l’idéologie dans diverses traditions, en considérant différents contextes qui ont recours à la notion d’idéologie, on pourra aller vers une « explicitation » du concept [7] et le dégager de ses charges émotives.
Dédramatisation et clarification sont deux objectifs qui se rencontrent. Plusieurs traits des textes offerts ici les visent. Ceux-ci ont été regroupés en trois sections qui témoignent de la variété des approches. Ceux de la première se caractérisent par un effort théorique soit pour présenter une tradition (ou se sortir d’une impasse), soit pour examiner un usage particulier du terme ou de l’idée. Ceux de la deuxième se livrent à l’analyse de trois manières de parler d’idéologie dans la science ou à propos de la science ou de l’épistémologie (métascience). Une troisième propose des études dans lesquelles l’idéologie joue un rôle explicatif. On remarquera, par ailleurs, en lisant certains de ces textes, que l’on y parle quelquefois rarement d’idéologie. Il y a là une absence que l’on pourrait être tenté de rapporter à des tendances notées au début de cette présentation. Mais il ne s’agit pas de la même chose : on ne dit pas qu’il ne faut pas parler d’idéologie ou que ça n’existe pas, mais plutôt qu’il faut en parler autrement. Cela me semble être un signe de santé, s’interpréter de deux façons et dépendre de la perspective qui a orienté nos recherches. Une telle attitude relève [11] d’une part d’un travail épistémologique qui veut que dans l’étude systématique d’un phénomène et dans l’explicitation d’un concept on en vienne à fabriquer et utiliser des sous-concepts au moyen desquels on peut améliorer notre représentation du réel et éventuellement abandonner la notion dont on était parti. Dans ce cas, le dessein de s’éloigner des difficultés et des embûches propres au contexte polémique peut ajouter sa pression à la tendance naturelle de l’épistémologie. Il y a plusieurs années déjà, Arne Naess et ses collaborateurs, dans un ouvrage presque jamais cité depuis [8], après avoir procédé à un examen approfondi de l’histoire de la notion et de sa situation en sciences humaines, avaient suggéré qu’il serait préférable de formuler de nouveaux concepts pour la remplacer. D’autre part, cela découle de la constatation (que l’on trouvait aussi chez Naess) du fait que le discours sur l’idéologie est trop chargé émotivement et que, répétons-le, en parler différemment aidera à y voir plus clair [9].
Ces deux points de vue, qu’il y a surcharge émotive et l’intérêt qu’il y a à passer à l’examen des éléments, à l’analyse, sont passablement bien illustrés par un récent ouvrage de Régis Debray. Pour le faire voir rapidement, j’en cite quelques extraits :
- ... le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait jamais élaboré n’est pas l’« histoire » mais l’« idéologie »...
- ... Le retournement de l’outil de démystification en mythologie monstrueuse reconduit le discours politique à l’animisme, et ses auteurs du statut de rhéteur à celui de sorcier. C’est à cet ultime stade d’abstraction spéculative que la notion d’idéologie fétichisée commence de révéler sa double fonction d’exorcisme et de censure.
- ... L’idéologie en revanche transmue ses medecine-men en médiums, mixtes de croisés et de possédés, en proie à une contre-fureur vengeresse. Celui qui veut vous faire passer la fièvre a la fièvre. Comme si l’exorcisme ajoutait au maléfice.
- ... Frémissement double : la révélation joue comme inculpation. Rien de didactique ni d’analytique. (...) inspirer la honte plutôt que la réflexion, (...) évoquer par l’image plutôt qu’expliquer par des raisons...
- ... L’admonestation « idéologique » présente une contradiction formelle, entre l’énergie de l’expression et la paresse de la démonstration [10].
[12]
On constate que les deux intentions (clarifier et dédramatiser) ont toujours tendance à voisiner et à se rejoindre. La confusion appelle l’analyse, la dédramatisation invite à une distanciation, une thérapeutique qui donne sur une méthode [11].
Voilà esquissé un contexte qui permet de situer, dans leur ensemble, les écrits qui vont suivre et de les rapporter à un champ homogène. Par ailleurs, il est indubitable que chacun d’eux possède sa vie propre, peut recevoir d’autres prolongements. D’autre part, nul doute que ce « contexte », ce « champ homogène », doit faire l’objet de discussions et de recherches.
Venons-en maintenant à un aperçu des travaux que nous présentons et, brièvement, à ce champ en voie de constitution et dont nous trouvons ici des pièces. Pour commencer, un texte qui, un peu comme ceux que nous évoquions au début de cette présentation, peut envelopper un refus de parler d’idéologie : « Contre les théories de l’idéologie » de Nicole Laurin-Frenette. Mise en cause instructive des théories métaphysiques de l’idéologie. Plutôt que de toute théorie de l’idéologie ? À première vue, en tout cas, il semblerait que toute théorie soit en cause. Cependant, ne s’avère-t-il pas qu’on ne peut éviter d’y revenir ? L’« autocritique » qu’on nous enjoint d’entreprendre (p. 33) n’est-elle pas un retour vers l’objet qu’on veut nous faire voir autrement et une ouverture vers une interprétation ? En lisant Nicole Laurin-Frenette comme Debray on se prend à croire en la pertinence d’une herméneutique de l’idéologie. Cependant, l’auteure veut ici aussi attirer notre attention sur la structure de causalité, celle de la « relation entre objet, événement et sujet... » qui meut subrepticement les théories de l’idéologie et est peu examinée.
C’est justement ce problème de causalité que veut, parmi d’autres, éclairer Claude Panaccio dans une recherche portant sur la précision, la minutie et la formalisation dans la pratique du langage. Il vaut la peine de le noter ici, on s’en aperçoit souvent et cela ressort du texte de Nicole Laurin-Frenette, le problème de la théorie de l’idéologie est pour une bonne part dans le langage dans la mesure où la confusion se relie à une lutte pour l’appropriation du mot, à une offensive « intéressée » pour lui donner son sens. À cet égard, au moins [13] deux choses sont visées par Claude Panaccio : sortir des « rhétoriques vaseuses » (p. 39) et préciser la causalité que l’on veut faire valoir, de manière à ce que, entre autres choses, on sache bien de quelle thèse ou hypothèse il s’agit ou, comme le demande Laurin-Frenette, qu’on puisse scruter les « relations et configurations qui s’établissent entre ces formes, ces objets, ces lieux [12] ». Notons enfin que pour engager son entreprise de clarification, orienter la recherche vers une hypothèse (ou théorie) féconde, parce qu’empiriquement significative, Panaccio, comme la chose est courante en science, procède en proposant une définition stipulative [13].
À l’occasion de son étude, Panaccio mentionne, en rapport avec l’analyse des discours, l’utilité d’une « sémantique matérialiste » où l’on disposerait « d’une procédure explicite pour reconstituer les propositions (c’est-à-dire le sens des phrases) à partir des occurrences linguistiques matérielles...22 (p. 52). Partons de cette allusion à la sémantique pour proposer que le champ homogène dont nous parlions pour circonscrire la question de l’idéologie et lui fournir un lieu d’intelligibilité peut se concevoir comme une pragmatique, c’est-à-dire à la fois comme un cadre dans lequel les discours sont situés et regroupés [14] et comme une problématique des langues naturelles et artificielles (constructed language (Carnap) ou language System) ainsi que des règles auxquelles des langues obéissent. À cet égard le discours « métaphysique » dont parle Laurin-Frenette, le discours « spontané » dont parle Panaccio, sont pris comme deux langues « naturelles » qu’il s’agit de « désambiguïser » et dont il s’agit de débusquer les règles ; dans les deux cas le travail se fait pour aller vers une langue artificielle et construite : le premier des deux cas nous donne un exemple de ce que serait l’idéologie pour la pensée critique, le second pour la tradition du positivisme logique. Quant aux deux autres, ils nous indiquent ce qui en est de l’idéologie pour des écoles prises telles que constituées. Et comme on le constate par la présentation de Roberto Miguelez (« Le Phénomène de l’idéologie dans la perspective interprétative »), il est loin d’être toujours question d’idéologie dans cette tradition. Voilà en tout cas un exemple de ce que nous rapportions au début de cette introduction : il y a des cas où l’on préfère ne pas parler de la chose [15]. Et l’on peut partir de cette « absence » pour [14] s’interroger sur sa signification et ses conséquences. Par ailleurs, des questions intéressantes apparaissent, si l’on remarque ici les relations de voisinage et d’opposition entre « idéologie », « culture » et « visions du monde ». Avec cela contraste le courant examiné par Alfred Dumais (« L’Herméneutique et l’idéologie »). On constate que dans cette tradition parente de l’autre, l’idéologie n’est plus dans les marges ou à l’extérieur mais au cœur de l’entreprise. Représentation de l’oscillation aperçue dans l’ensemble de la littérature ? Il y a souvent deux pôles : à l’un l’idéologie est une obsession ; à l’autre, une absence. Pour l’herméneutique, il est nécessaire de la déchiffrer aussi bien en relation avec la « compréhension de soi-même » qu’avec la lutte pour le pouvoir. Ici comme chez Laurin-Frenette, l’idéologie me semble être un problème « intérieur » (pour ainsi dire « intrasubjectif ») avec lequel on doit se battre. Dans les deux autres cas, il s’agit de quelque chose d’extérieur : extérieur à la problématique dans le cas de la tradition interprétative (chez Miguelez), extérieur au sujet dans le cas du positivisme logique (chez Panaccio) où l’attention est centrée sur un problème de langage.
Si dans les deux premiers textes les discours analysés sont pris comme des langues naturelles, dans les deux suivants, ils sont présentés comme des langues construites [16]. Il faut admettre que si cette dichotomie est méthodologiquement commode pour se représenter les positions des discours les uns par rapport aux autres, elle est problématique s’il s’agit de l’employer pour distinguer un discours selon sa nature (naturel ou construit). Quoi qu’il en soit, dans tous les cas que nous avons ci-haut, le discours sur l’idéologie est pris comme un langage-objet et dans chacun de ces cas on développe un métalangage qui tente de préciser comment parler de l’idéologie en général.
Quant à l’unité des trois textes qui viennent ensuite (dans la deuxième section de ce livre), elle dépend de deux traits : a) ils portent sur l’idéologie dans la science ; b) ils mesurent la légitimité et le sens précis des énoncés qui disent qu’il y a idéologie dans la science (ou dans la métascience). Les deux premiers portent sur un langage-objet qui soutient qu’il y a idéologie dans la science et ils l’analysent pour en montrer les [15] failles ; le troisième s’adresse aussi à un langage-objet : des écrits divers sur les notions d’« idéologie scientifique », d’« influence », sur l’historique dans lequel le savant s’insère, et il tente de circonscrire en quel sens il peut être empiriquement significatif de parler d’une relation entre science et idéologie. Ces trois articles renvoient à des classiques sur la question (par exemple, Jean-Marc Lévy-Leblond, Hilary et Steven Rose ; Kuhn, Feyerabend, Popper ; Canguilhem, Koyré). Ce qui est examiné, c’est tantôt le sens et la portée de l’idéologie de la non-neutralité de la science (Lacharité), tantôt le sens et la portée de l’idéologie de la relativité de l’épistémologie et de son caractère prescriptif (Nadeau), tantôt certains événements historiques qui donnent à penser que la science ne peut se définir sans relation avec des éléments hétérogènes (Guédon).
Notre premier texte (Laurin-Frenette) suggérait d’abandonner les grandes « spéculations » pour tenter de comprendre « ce que dit l’idéologie », « de quoi (elle) parle », pour s’intéresser à « des discours de l’idéologie », à des « champs de ces discours », à ses « lieux » (voir p. 29). On doit admettre que, chacune à leur façon, ces trois contributions de la section II s’occupent systématiquement de telles questions. On peut voir d’une manière analogue celles de la section III, bien qu’il ne s’agisse pas d’analyses de discours mais de situations. Braybrooke analyse une situation (celle du travail) dans laquelle l’idéologie joue un rôle crucial. On peut dire qu’il s’agit de l’idéologie de la rationalité et du progrès (p. 172) ou de l’idéologie de la science et de la technologie et on pourra y rattacher des questions soulevées plus haut relativement, par exemple, à la causalité de l’idéologie (Laurin-Frenette et Panaccio). On pourra aussi se demander si l’attitude dont parle Braybrooke peut se formuler comme une « attitude propositionnelle » (Panaccio) et s’il est possible d’identifier des agents empiriques, ou encore s’il s’agit de ce que Dumais conçoit comme une de ces « idéologies qui donnent encore une orientation à notre action » (p. 77). Nous avons donc encore un de ces « lieux » dont parle Laurin-Frenette et il est chez Braybrooke l’objet d’une minutieuse analyse : le travail en tant que lieu où se font sentir les « effets » d’attitudes qui sont rattachées à une idéologie, à une mentalité [17]. Quant à Georges François, en rapport avec le même problème, il poursuit le [16] questionnement, mais le rend plus épineux, se demandant si la contradiction que relève Braybrooke n’est pas dans le travail lui-même plutôt que seulement dans la pensée. Ce qui ramène notre attention au lieu qui était exploré.
Le texte qui fait suite, celui de Marcel Fournier (« Science, culture et société au Québec. L’Entrée dans la modernité ») nous présente une description de l’évolution récente du Québec et il éclaire son propos en y voyant la présence (ou l’« influence », ou une certaine « causalité ») de l’idéologie que l’on a appelée la modernité. La direction prise dans la transformation de la société est perçue comme une « réalisation » de cette idéologie. Par ailleurs, de multiples aspects de cette transformation, de cette direction, sont analysés : dans les classes sociales, dans l’activité économique et professionnelle, dans les modes de vie, dans la culture et la science, etc. Et deux plans sont simultanément visés : celui d’une « réorientation idéologique » et celui du « changement au niveau même du rapport à la réalité » (p. 221), le deuxième paraissant bien avoir priorité sur le premier, de telle sorte qu’il ne s’agit pas d’une espèce de causalité « magique » de l’idée ou de l’idéologie.
Enfin, ce qui suit invite à mieux considérer diverses postures de la pensée devant l’idéologie. Celle qui s’interroge pour mettre au clair ce qui se dit dans les discours sur l’idéologie et dans l’idéologie, celle qui cherche en quoi l’idéologie trouble ou sollicite la science, celle qui cherche à faire voir l’idéologie dans la réalité *.
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NOTES
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[1] Sur cette période dans l’histoire du mot, voir M. SIMON, Comprendre les idéologies, Lyon, Chronique sociale de France, 1978, pp. 9-12 et J. LARRAIN, The Concept of Ideology, Londres, Hutchison, 1979, pp. 17-18. La question des « précurseurs » se présente également avec des variantes, par exemple : Hans BARTH (Wahrheit und Idéologie, Zurich, 1945, réédité en 1961, traduction anglaise, Truth and Ideology, Berkeley, University of California Press, 1976) accordait une attention particulière à Francis Bacon ; depuis quelques années on s’intéresse à Machiavel, comme chez Claude LEFORT (Les Formes de l’histoire. Essais d’anthropologie politique, Paris, Gallimard, 1978) et chez J. LARRAIN (op. cit.).
[2] Voir A. W. GOULDNER, The Dialectic of Ideology and Technology. The Origins, Grammar and Future of Ideology, Toronto, Macmillan, 1976.
[3] Voir A. W. GOULDNER et notamment P. CLASTRES, « Les Marxistes et leur anthropologie », in Recherches d’anthropologie politique, Paris, Seuil, 1980, pp. 157-170.
[4] Comme c’est le cas dans P. VEYNE, « L’Idéologie selon Marx et Nietzsche », in Diogène, n° 99 (1977), pp. 93-115.
[5] Notons que se référant à certains des textes et certaines des recherches présentés ici, et à d’autres qui ne le sont pas, D. LETOCHA parlera de « l’école de Trois-Rivières » (cf. « Le trop dit, le dit, le mal dit et le non dit dans le discours althussérien sur l’idéologie », dans Philosophiques, IX, 1 (1982), p. 75. En faisant allusion au colloque où furent présentés et discutés la plupart des textes qui font suite, elle rappelle ces deux intentions (pp. 65 et 75).
[6] Ch. PERELMAN, « Idéologie ou Philosophie des Lumières ? », dans L’Idéologie des Lumières, Revue de l’Université de Bruxelles, 1972, 2-3, p. 131.
[7] Ce qui rendrait possible, au cours d’une étape ultérieure, un dialogue entre diverses traditions ou usages.
[8] A. NAESS et al., Democracy, Ideology and Objectivity. Studies in the Semantics and Cognitive Analysis of Ideological Controversy, Oslo et Oxford, 1956, p. 171. Voir l’usage que j’en ai fait dans une étude critique : C. SAVARY, sur La Conviction idéologique par Colette Moreux, dans Dialogue, XIX, 4 (1980), pp. 632-642. On peut considérer l’approche de Naess comme appartenant à la tradition du positivisme logique et c’est une des seules contributions que l’on rencontre à l’intérieur de ce mouvement. Plus loin, dans notre section I, Claude Panaccio se réclamera de Naess et de cette perspective.
[9] On peut alors se demander si dans ces transformations « idéologie » ne désigne pas de moins en moins un concept possible et de plus en plus un phénomène, un objet, et si on n’essaie pas de développer un langage pour en parler.
[10] Voir R. DEBRAY, Critique de la raison politique, Paris, Gallimard, 1981, pp. 81, 90, 93, 95, 99. Toute la première section de l’ouvrage (« Logique de l’apparence », pp. 81-167) traite de la question de l’idéologie.
[11] R. DEBRAY (op. cit., p. 113) en vient à se référer à George DEVEREUX et à son ouvrage intitulé De l’angoisse à la méthode. Je note que dans l’étude critique déjà citée je renvoyais à Devereux (p. 642, note 19).
[12] Pour illustrer son propos par un exemple d’un énoncé logiquement mal formé, Panaccio écrira : « Le nombre deux est une des causes de la Révolution française » (p. 42). Debray procédera d’une manière analogue. Après avoir signalé la nécessité de distinguer quantificateur existentiel et quantificateur universel, comme un problème, pour en illustrer un autre il utilise les énoncés suivants : « Le nombre deux est bleu » et « Ces pommes sont des espions » (ibid, p. 106). Comme quoi il y a là des problèmes de langage.
[13] Signalons en passant qu’une démarche analogue est ailleurs jugée périlleuse. On allègue que le danger qu’occasionne une définition stipulative peut être évité s’il y a un langage ordinaire mais ce langage n’existe pas dans le cas de l’idéologie : voir le « Postcript » de The Form of Ideology. Investigations into the Sense of Ideological Reasoning with a View to Giving an Account of ils Place in Political Life (sous la direction de D. J. MANNING), Londres, Allen & Unwin, 1980, p. 114.
[14] Ce cadre est très large dans la mesure où la pragmatique peut être considérée comme la science exhaustive du langage (comme la semiotics de Pierce et Morris ou la « sémiologie » de Saussure). Mais ce cadre est significatif et pertinent en relation avec l’idéologie dans la mesure où celle-ci est saisissable comme discours et dans la mesure où la pragmatique se spécifie dans l’étude des rapports entre locuteurs et interlocuteurs (cf. L. APOSTEL, « Syntaxe, sémantique, pragmatique », in Logique et connaissance scientifique (sous la direction de Piaget), Paris, Gallimard, 1967, pp. 290-311 ). Il nous faudrait parvenir à une sémiologie (ou pragmatique) régionale dans laquelle on placerait des sous-ensembles (comme ici) : a) approches théoriques ; b) sur l’idéologie dans la science ; c) analyses de situations ; etc. Entreprise qui présente par ailleurs de nombreuses difficultés qu’il n’y a pas lieu d’aborder ici. Pour un aperçu des problèmes internes à la grille, voir H. H. LIEB, « On subdividing semiotic », dans Pragmatics of Natural Languages (sous la direction de Y. BAR-HILLEL), Dordrecht et Boston, Reidel, 1971, pp. 94-119.
[15] On peut aussi se référer aux indications qu’on trouve chez F.W. REMPEL, The Role of Value in Karl Mannheim’s Sociology of Knowledge, La Haye, Mouton, 1965, pp. 18-20, chez W. STARK, The Sociology of Knowledge. An Essay in Aid of a Deeper Understanding of the History of Ideas, Londres, R.K.P., 1967, pp. 146 sq., chez BERGER et LUCKMANN, The Social Construction of Reality, New York, Doubleday, 1967, pp. 12-123.
[16] Sur cette distinction, voir GREIMAS et COURTÉS, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de ta théorie du langage, Paris, Hachette, 1979. Elle ne va cependant pas toujours de soi.
[17] Lorsque l’on replace l’idéologie dans l’histoire et dans des situations, lorsqu’on la comprend par le biais des attitudes, elle nous paraît souvent se rapprocher de ce que dans d’autres contextes on appelle « mentalité ». Sur une convergence récente de l’historiographie marxiste (« idéologies ») et de l’histoire des mentalités, voir Michel VOVELLE, Idéologies et mentalités, Paris, Maspero, 1982.
* Grâce au soutien du fonds FCAC et de l’Université du Québec à Trois-Rivières (Fonds institutionnel de recherches), des recherches collectives sur l’idéologie ont pu être menées au département de philosophie de l’Université du Québec à Trois-Rivières pendant cinq ans. On trouvera ici une partie du résultat de cette aide.
En outre, des contributions du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, de la Société de philosophie du Québec, de l’A.C.F.A.S. ainsi que de l’U.Q.T.R. ont permis l’organisation sur la question d’un colloque interdisciplinaire d’échanges et de discussions. La plupart des textes ici présentés en proviennent, remaniés et complétés après l’événement.
Que tous ces organismes soient remerciés de leur appui.
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