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Collection « Les sciences sociales contemporaines »

Une édition électronique réalisée à partir de l'article de Jean Eddy SAINT PAUL, “Pour une compréhension des pratiques religieuses en Haïti: une approche historico-sociologique de la laïcisation de la politique.” In revue Recherches haïtiano-antillaises. Vaudou, Santéria, Candomblé… Les pratiques religieuses dans la Caraïbe, 2007, pp. 13-29. Paris: L’Harmattan. [Autorisation formelle accordée par l’auteur le 3 septembre 2017 et reconfirmée le 5 février 2018 de diffuser cet article en accès libre dans Les Classiques des sciences sociales.]

[13]

Jean Eddy SAINT PAUL

Professeur-Chercheur Université de Guanajuato (Mexique)

Pour une compréhension
des pratiques religieuses en Haïti:
une approche historico-sociologique
de la laïcisation de la politique.”
 *

In revue Recherches haïtiano-antillaises. Vaudou, Santéria, Candomblé… Les pratiques religieuses dans la Caraïbe, 2007, pp. 13-29. Paris : L’Harmattan.

Abstract / Résumé [13]
Introduction [14]
Laïcité, Laïcisation et idéologies politiques [15]
L'État, les organisations de la société civile et la laïcité [17]
Approche historique et sociologique de la laïcisation de la politique en Haïti : perspective de longue durée des pratiques politico-religieuses [18]
Vaudou, État concordataire et laïcité [22]
Vaudou : définition, contexte d'émergence et fonctions culturelles, sociales et politiques [23]
Le Concordat de 1860 et la laïcisation de la politique [24]
Conclusion [26]
Références bibliographiques [27]

Abstract

Religion has its aim and its own external organization, as Hegel notes in Principes de philosophie du droit (quoted by R. Nisbet, 1993 : 283) : "son culte consiste en pratiques et en une doctrine ; elle a besoin pour cela d'avoir des biens dont elle soit propriétaire et de disposer d'individus voués au service de la communauté religieuse. La conséquence est qu'il y a un rapport entre cette communauté ecclésiastique et l'État. Ce rapport est aisé à déterminer : il est conforme à la nature des choses que l'État remplisse son devoir à l'égard de la communauté en lui accordant toute l'aide possible et en l'assurant de sa protection pour l'accomplissement de ses fins religieuses [...]"

Hegel, Principes de philosophie du droit, cité par R. Nisbet, 1993 : 283

Keywords : Religion practices, secularity, politics, voodoo, Haiti

Résumé

La religion a un objectif et une organisation externe propre : "son culte consiste en pratiques et en une doctrine ; elle a besoin pour cela d'avoir des biens dont elle soit propriétaire et de disposer d'individus voués au service de la communauté religieuse. La conséquence est qu'il y a un rapport entre cette communauté ecclésiastique et l'État. Ce rapport est aisé à déterminer : il est conforme à la nature des choses que l'État remplisse son devoir à l'égard de la communauté en lui accordant toute l'aide possible et en l'assurant de sa protection pour l'accomplissement de ses fins religieuses [...]"

Hegel, Principes de philosophie du droit, cité par R. Nisbet, 1993 : 283

Mots-clés : Croyances religieuses, laïcité, politique, vaudou, Haïti

[14]

Introduction

Il y a une manière vaudou, tout comme une manière santeria ou encore candomblé, d'habiter le monde. On mutile les croyances et le sens de l'existence de certains hommes quand on ignore ce fait. Le Vaudou, la Santeria et le Candomblé sont des systèmes de représentations ; c'est un ensemble de croyances symboliques qui, en vue d'habiter le monde, fait appel à une puissance publique capable d'aménager un espace pluriel favorable à leur cohabitation, à leur expression et à leur manifestation.

Notre réflexion, dans cet article, portera sur les croyances religieuses et la laïcisation politique en Haïti. Nous entendons examiner le rôle qui a été dévolu au vaudou dans l'univers sociopolitique haïtien. Nous adoptons de suivre les analyses de Pierre Bourdieu qui nous semblent offrir un cadre méthodologique pour comprendre comment le vaudou (le candomblé ou la santeria) peut habiter le monde religieux au même titre que le catholicisme et les cultes reformés. Nous tenterons de démontrer, partant des principes de la laïcité, que le comportement de l'État n'a pas toujours été, historiquement et sociologiquement, favorable à l'expression de la liberté de conscience des adeptes du vaudou en Haïti. Le pays a connu, en ce sens, un déficit d'une authentique puissance publique apte à promouvoir le bien commun, selon l'expression de Henri Pena-Ruiz (2003).

Le 8 décembre 1942, dans le contexte d'une campagne lancée contre le vaudou, Élie Lescot [1] prit la résolution de consacrer le pays à Notre Dame du Perpétuel Secours. Cette décision suscita un débat autour de la laïcité en Haïti. Quelques intellectuels, membres du mouvement littéraire Indigénisme, du parti communiste et du parti démocratique populaire de la jeunesse haïtienne (PDPJH), critiquèrent le gouvernement et plaidèrent en faveur de la mise en place d'une instance étatique capable de garantir le respect et la jouissance de la liberté religieuse et d'expression. Soixante trois ans après (le 23 juin 2005), le gouvernement de M. Latortue a décrété le 27 juin 2005, jour de la Notre Dame du Perpétuel Secours congé national. L'attitude de ce gouvernement a provoqué plusieurs réactions. La sociologue Sabine Manigat soulève dans un éditorial au journal "Le Matin", la question de la laïcité dans 'l'espace public'. Entendons le concept 'd'espace public' au sens de Habermas (1992), Turner (1994) et Zapata (2005). S. Manigat s'appuie sur les articles 30 à 30-2 de la constitution haïtienne pour condamner le comportement du gouvernement et plaide en faveur du respect de la liberté de conscience et de cultes. Elle exhorte les dirigeants à œuvrer pour la laïcité dans la République [2].

[15]

Le Professeur L. Gabriel Blot, pour sa part, sur un ton polémique a contrasté l'opinion de S. Manigat et a argué que depuis le 28 mars 1860 - date de la signature d'un accord entre le gouvernement haïtien et Vatican-Haïti est bel et bien une République concordataire et n'est guère laïque. Le Ministère de la Culture et de la Communication dans son bulletin "Réflexions pour l'avenir", publia un numéro spécial sur la Laïcité de la République qui prolongea la discussion. L'avantage de ces débats est qu'il offre plusieurs pistes de réflexion sur les croyances religieuses et la laïcité en Haïti. On peut, par exemple, s'interroger sur : le niveau de compatibilité ou pas entre laïcité et concordat, le degré de laïcisation de la politique en Haïti, le type de cohabitation existante entre les diverses religions et cultes, la séparation entre religion et politique, le niveau d'autonomie entre le religieux et le politique, le comportement historique de l'État haïtien en la matière, etc.

Pour bien comprendre l'enjeu de la question, nous suivrons, dans notre analyse, une perspective historico-sociale, une logique séquentielle qui permet d'imbriquer le passé dans le présent. Nous cernerons notre problématique à partir de trois moments historiques 1804-06 ; 1806-1860 et 1860-1942. Nous tenons à préciser que nous utiliserons cette périodisation comme pure stratégie méthodologique, une manière de faciliter la compréhension du sujet, mais cela ne veut pas dire que nous n'allons pas nous référer à d'autres moments de l'histoire. Car l'histoire, pour nous, se développe dans une logique séquentielle-dynamique et ne s'épuise pas dans les dates, les chiffres et les chronologies.

Laïcité, Laïcisation et idéologies politiques

La laïcité est un concept assez complexe qui demande beaucoup de précisions. Elle obéit à une logique et s'opère à travers un ensemble de principes. Le sociologue mexicain, R. Blancarte définit la laïcité comme :

Un régime social de coexistence, dont les institutions politiques sont essentiellement légitimées par la souveraineté populaire et non (plus) par des éléments religieux [...], la laïcité est centrée sur l'idée de la transition d'une légitimité octroyée par le sacré à une forme d'autorité provenant du peuple [...], la laïcité comme la démocratie, est un processus, davantage qu'une forme fixe ou achevée de façon définitive (Blancarte, in Baubérot, Wieviorka (dir.), 2005 : 248).

En plus des particularités que mentionne Blancarte, il faut préciser que la laïcité est un lent et long processus, s'inscrivant dans le temps, au cours duquel l'on dénote une certaine démythification et une désacralisation des [16] formes de légitimité institutionnelle, et procède à travers une séparation de sphères : "Église/État, Public/Privé, Individualité/Communauté, Foi/Loi, Religion civile/Religion théologique, Spirituel/Temporel" (Blancarte, 2005 ; Noël, 2005). En ce sens, la laïcité peut être envisagée comme un espace social de médiation et d'intermédiation entre les sphères publique et privée. La laïcité reconnaît, conditionne et respecte l'individualité de l'agent social :

[...] La laïcité est apparemment liée au libéralisme, à la démocratie, à la séparation de sphères entre le religieux et le politique, à la tolérance religieuse, aux droits humains, à la liberté de religion et de croyances, à la modernité politique, sans s'assimiler à aucune d'elles. Fonctionnellement, la laïcité est un régime de vivre ensemble conçu, par une société plurielle en vue de garantir le respect de la liberté de conscience (Blancarte, in Beuchot et Mardones, sous presse).

Cette dernière définition met l'accent sur la 'liberté de conscience', la 'séparation de sphères', ainsi que les fonctions sociopolitiques de la laïcisation. En vue d'approfondir la discussion, il faut ajouter que la laïcité est un espace de pluralisme politique, un reflet de la diversité religieuse, mais, n'est guère une idéologie anticléricale, ni une hostilité ou une persécution d'une religion donnée (Pena-Ruiz, 2001 : 11 ; Blancarte, in Beuchot et Mardones, sous presse). On peut aisément comprendre pourquoi les radicaux anticléricaux se sentent trahis par la laïcité. Car, elle implique une sortie d'un monde où la religion cesse d'être la matrice structurante de la vie sociale, mais ne signifie pas une sortie de la croyance religieuse (Gauchet, 1998 : 11). Ainsi, loin d'être une négation de Dieu, la laïcité résout le problème de la dichotomie disjonctive (Dieu/Homme) en le substituant par Nation/Agent. Elle implique, en synthèse, une séparation et non une élimination de sphères, permet une différentiation fonctionnelle entre le public et le privé, et aide à préserver au maximum la liberté de conscience telle stipulée dans le Statut de la Liberté Religieuse de Virginie (janvier 1786) aux États-Unis d'Amérique.

Vue sous cet angle, dans laïcisation, on peut dénoter une certaine forme de sécularisation institutionnelle, si nous entendons par cette notion, au sens de Karel Dobbelaere et Olivier Tschannen [3], c'est-à-dire, un processus par lequel la religion est un champ parmi d'autres, mais non la seule entité qui légitime et cimente le tissu social. Alors, elle peut être considérée comme une religion civile (Robert Bellah) où le civisme tend à se convertir en religion légitimatrice de l'ordre social.

[17]

 l'intérieur d'un ordre social, la laïcité favorise le vivre ensemble, aide à atténuer les conflits [4] et permet un traitement religieux égalitaire des agents sociaux. Dans cette mesure, la laïcité peut-être conceptualisée comme une stratégie démocratique. Tout comme la citoyenneté et la démocratie, la laïcité se développe à travers l'espace et le temps au moyen de tensions, de contradictions, de luttes, de réglementations et de consensus. Nous ne connaissons jusqu'à présent aucun régime laïc qui soit tombé du ciel. Les sociétés et les États ne naissent pas laïcs, mais le deviennent.

L'État, les organisations de la société civile
et la laïcité


Nous affirmons que la laïcité n'est pas un acte religieux, mais un processus éminemment politique dans lequel l'État-nation et les entités organisées de la société civile jouent un rôle important. Dans ce qui suit, nous partirons d'une analyse de la sociologie du pouvoir pour démontrer l'importance des agents institutionnels dans la laïcisation d'une société.

Peu de temps avant la révolution française, l'Abbé Sieyès dans son livre "Qu'est-ce que le Tiers-État ?" Décrit la nation comme :

[...] un corps collectif, l'association des individus mais qui se manifeste dans les corps constitués au sein du social. La nation, est un corps d'associés vivant sous une loi commune et représentés par une même législature. La loi de la République n'est que l'expression formelle de sa volonté : 'la nation seule peut vouloir pour elle-même, et, par conséquent, se créer des lois. Et l'État est la forme institutionnalisée de la nation [...] (Sieyès cité par Magnette, 2001 : 194).

Partant de ces idées, la laïcité peut être théorisée comme une activité liée aux obligations des États-nations, en tant que foyers d'identités collectives, de travailler dans le sens de la sociabilité et du vivre ensemble. L'État crée, à travers la laïcité, les conditions "idéales" à l'exercice des libertés individuelles sans que ces dernières empêchent la jouissance des libertés collectives. Mais, si nous sortions de ce cadre théorique général pour visualiser la laïcisation dans le contexte haïtien, à quel genre de réalité serions-nous confrontés ?

[18]

Approche historique et sociologique de la laïcisation
de la politique en Haïti : perspective de longue durée
des pratiques politico-religieuses


À Saint-Domingue, dès l'époque coloniale, les colons français utilisèrent tous les moyens qui furent à leur portée pour imposer le catholicisme comme la religion de la colonie. Les esclaves, de leur côté, dans leurs tentatives de résistance à la domination culturelle, pratiquèrent le marronnage et fuirent les plantations pour se réfugier dans les montagnes où ils purent observer le culte de leurs Ancêtres, à savoir le vaudou [5].

Dès les premières décennies de l'indépendance, il y eut des relations assez conflictuelles entre l'État haïtien et le Vatican, étant donné que plusieurs prêtres furent parmi les victimes du massacre des Français, survenu en 1805 (Hurbon, 2004). Comme l'un de nos arguments se rapporte au rôle de l'État dans le processus de laïcité, dans les pages qui suivent, nous analyserons comment, à certains moments historiques, l'action de l'État s'est inscrite dans le sens du respect des principes de la laïcité et comment, dans d'autres, l'attitude officielle n'a pas contribué au respect de la neutralité religieuse. À partir d'une étude de la sociologie du pouvoir, nous tâcherons de prouver que "la laïcité n'est pas liée à une idéologie politique spécifique. Elle peut exister dans le libéralisme, le républicanisme, le communautarisme, le néo-républicanisme ; tout comme elle peut fonctionner - de façon restrictive - dans des régimes monarchiques, despotiques et autoritaires".

Le gouvernement de Dessalines peut être un bon exemple pour illustrer notre argument. La constitution de Toussaint Louverture du 8 juillet 1801 fit, en statuant sur la liberté des cultes et de religions, du catholicisme la religion de l'État (Marinas Otero, 1968). Plus tard, le 1" janvier 1804 l'indépendance de Haïti accoucha d'un régime militaire, puisque le général Dessalines, leader de la révolution, fut nommé gouverneur général puis Empereur. Dessalines n'a été ni un démocrate ni un libéral ; ses pratiques ont permis de le classer dans la catégorie des despotes qu'a connus le pays. Mais, ici ce qui attire notre attention et que nous voulons faire ressortir, est - sans nul doute - le comportement de ce dernier vis-à-vis de la question religieuse. L'Empereur a dirigé le pays d'une main de fer. Sous son empire, Haïti fut dirigé avec une hyper-concentration du pouvoir. Les généraux placés à la tête des six départements administratifs et militaires du pays rendaient compte directement à sa Majesté Dessalines (voir J. Barskett ; T. C. Brutus ; G. Pierre-Charles, dans Johanna von Grafenstein, 1988 : 193-212). Le pouvoir fonctionnait sur la base d'un 'régime unitaire' pour reprendre [19] l'analyse de Juan Maiguaschca ; par contre, le caractère despotique et autoritaire du régime n'a pas empêché la mise en application d'un ensemble de mesures favorables au respect des principes de la laïcité.

Depuis l'acte de l'indépendance signé au Gonaïves, le 1er janvier 1804, l'on pouvait déjà noter que les héros de l'indépendance dans leur quête de fondation de la nation, priorisaient les questions objectives telles la "race", la langue, la communauté, le territoire sur les valeurs subjectives comme la religion. Dans ce document, ils ont adopté le nom générique Noir pour tous les individus vivant en Haïti, peu importe leur couleur de peau réelle. Mais, il fallait attendre la constitution de juin 1805 pour observer de manière exhaustive le comportement de l'État en matière de croyances religieuses. Contrairement à la constitution de 1801 qui n'évoquait guère la neutralité de l'État en matière de religions ; celle de 1805, pour sa part, mettait l'emphase sur certains principes cardinaux de la laïcité, tels : la liberté de conscience et l'individuation de la religion, le traitement égalitaire des citoyens, le respect et l'autonomie des religions. Eu égard à la question de cultes et religions, la constitution de 1805 stipule que "La loi n'admet pas de religion dominante. La liberté de cultes est tolérée et l'État ne pourvoit pas au maintien d'aucun culte ni aucun Ministre" (articles 50-52, dans Marinas Otero, 1968 : 127 ; Hurbon, 2004 : 137). Également, la Carta Magna dans ses dispositions générales relate que le "mariage est un acte purement civil et autorisé par le gouvernement [...]. Le divorce est autorisé dans les cas prévus et déterminés par la loi" (articles 14 et 15 cités par M. Otero, 1968 : 128).

Une succincte analyse de ces fragments permet d'avancer que dans l'État dessalinien, un ensemble d'efforts ont été déployés par les autorités en vue de transcender les différences ethniques, culturelles et religieuses, et d'établir dans le pays un État capable de traiter - dans une certaine mesure - de façon égalitaire les citoyens. Le mariage, par exemple, fut conçu comme un simple contrat civil et non conceptualisé comme un sacrement ; donc, la religion fut reléguée au niveau de la conscience, fait que nous baptisons comme 'privatisation' et 'individualisation'. L'on est même arrivé à affirmer qu'entre 1804 et 1806, c'est-à-dire sous le gouvernement dessalinien, il y a eu les premières tentatives de construction de l'État-nation [6] (Manigat cité par Chevalier, 1999 : 581-582).

[20]

En d'autres termes, le régime impérial s'est doté d'instruments en vue de créer une communauté et un ordre politique autonome non colonisé [7] par une religion spécifique. Donc, le caractère despotique du régime n'a pas empêché la mise en application d'un ensemble de principes de la laïcité. Mais, comme nous l'avions dit, la laïcité est un processus, et en tant que tel peut connaître des progressions et des régressions. Il ne s'agit pas d'un processus linéaire ; de préférence, il se développe sous la forme d'une spirale. Ensuite, la laïcité, en vue de son épanouissement, a besoin de l'existence d'un Estado-para-la-nación, au sens de O'Donnell, c'est-à-dire un État jouissant d'une crédibilité acceptable, doté d'un système légal effectif et capable d'intervenir comme foyer d'identité collective. En d'autres termes, un État capable d'assurer et de maintenir l'unité et la cohésion nationale suivant les idées de E. J. Hobsbawn.

Sans entrer dans les détails, nous notons qu'en Haïti de 1807 à 1860 (plus loin, nous justifierons pourquoi nous nous sommes arrêtés, pour le moment, à 1860), il y a eu un croissant et constant intérêt du politique pour contrôler les religions. Le catholicisme a été, dans une large mesure, traité comme une religion d'État. En ce sens, au cours de cette période, le comportement des représentants de l'État a rendu difficile la laïcisation. De la sorte, la logique d'opération et de fonctionnement de l'État a empêché la création d'un ordre sociopolitique favorable à la vie collective harmonieuse entre les Haïtiens, indépendamment de leurs croyances religieuses. Les gouvernements de Christophe (1807-1820) et de Pétion (1807-1817) ont adopté le catholicisme comme religion officielle de l'État, tant au niveau de la Constitution de 1807 élaborée sous Pétion, qu'à travers celle promulguée par Christophe. La première affirme :

La religión católica, Apostólica y Romana es la religión del Estado. Será, al igual que sus Ministros, especialmente protegida (artículo 35). Si en lo sucesivo se introduce alguna otra religión no podrá impedirse a nadie, si se ajusta a las leyes, ejercer el culto religioso de su elección (artículo 37, en Mariñas Otero, 1968: 134).

Alors que la seconde nous dit :

La religion Católica, Apostólica y Romana es la única reconocida por el Gobierno. Se tolera el ejercicio de las demás, pero no públicamente (articulo 30). El Estado no provee en absoluto el mantenimiento de ningún Ministro de la Religion ; pero la ley fljará los emolumentos y retribuciones acordado a su ministerio (articulo 32, en Mariñas Otero, 1968 : 154).

[21]

En ce sens, il n'y avait pas eu une séparation entre État et Église ; le respect du principe de non intervention de l'État dans la sphère de la religion fut saboté. Les gouvernements haïtiens ont fait de la religion Catholique une religion officielle, hégémonique vis-à-vis des autres formes religieuses et les ont poussé à devenir marginales et subalternes. La plupart des lois élaborées entre 1807 et 1859 revêtaient un caractère exclusiviste puisqu'elles favorisaient une religion au détriment des autres.

Il n'y a eu ni désacralisation de la religion officielle ni autonomie entre celle-ci et l'État. Mais, comme nous l'avons vu, la laïcisation ne signifie pas une sortie de la croyance, son existence repose plus sur l'autonomie réciproque de la religion et de la politique que forcément sur une séparation entre État et Église. Dans cette optique, il est plus correct de parler de degré et/ou niveau de laïcisation. Dans le contexte haïtien du dix-neuvième siècle, l'on peut dire que la sacralisation du catholicisme, n'a pas empêché l'existence d'un restreint pluralisme religieux. Le Roi Henri 1er (H. Christophe) a toléré la présence de Etienne de Grellet et de John Hancock, missionnaires de la Société des Amis (Quakers) ; et, ce fut sous le gouvernement de Pétion que John Brown et James Catts, missionnaires de la Société Wesleyenne, débarquèrent en Haïti. Henri 1er, contrairement à Pétion, ne s'est pas engagé à maintenir économiquement les Ministres religieux. Plus loin, une analyse des constitutions politiques élaborées à partir de la décennie de 1840 permet de soutenir qu’il y a eu un processus de sécularisation institutionnelle qui s'y dessinait. Les Chartes de 1846, de 1849 et de 1859 ont mis l'emphase sur la sécularisation institutionnelle à travers le culte aux aïeux/héros nationaux et n'ont fait aucune référence explicite à la question religieuse" (Otero, 1968 : 230-258).

Une première conclusion est que "nous devons concevoir la laïcité comme un processus réversible, s'inscrivant dans une dimension spatiotemporelle. Un processus qui a besoin de séparation et d'autonomie fonctionnelles des champs politique et religieux. Nonobstant, la laïcité peut se développer avec ou sans la séparation entre État et Eglise. Le caractère des régimes politiques influe sur le degré de laïcisation de la société, mais, la laïcité n'est pas accolée à une idéologie politique précise, elle peut exister tant dans des monarchies constitutionnelles que dans des Républiques libérales et démocratiques".

Nous venons de voir qu'entre 1804 et 1859, le catholicisme a été la religion dominante, fonctionnant comme religion-aune et religion de l'ancien maître ; cependant, au cours de la période analysée, il n'y a pas eu de manière explicite et constante une chasse aux autres religions. Bien que, à côté du catholicisme, elles occupassent l'arrière plan dans l'univers socio-religieux. Toutes les religions étaient tolérées, il n'y a pas eu une [22] prohibition de la liberté de conscience et de cultes. Mais, à partir de 1860, date de la signature du concordat entre l'Église Catholique et le Saint-Siège, on allait assister à une redéfinition des relations entre État et Église en Haïti. Le concordat allait apporter des préjudices au vaudou et aux autres pratiques religieuses du pays, tels la franc-maçonnerie et les cultes protestants. Les prélats de l'Église - avec la complicité implicite, et quelques fois explicite, des dirigeants haïtiens - se sont organisés de manière à ce que le vaudou ne puisse habiter l'univers religieux du pays, et ceci même de façon subalterne.

Vaudou, État concordataire et laïcité



[...] Il n'y a presque point d'action humaine, quelque particulière qu'on la suppose, qui n'en prenne naissance dans une idée très générale que les hommes ont conçue de Dieu, de ses rapports avec le genre humain, de la nature de leur âme et de leurs devoirs envers leurs semblables. L'on ne saurait faire que ces idées ne soient pas la source commune dont tout le reste découle [...] (Tocqueville, De la démocratie en Amérique, T2 : 29).

En Haïti, le massacre des français a provoqué de grands conflits entre l'État et le Vatican. Ce dernier a refusé d'envoyer des prêtres dans le pays et a mis beaucoup de temps avant de reconnaître ceux qui étaient ordonnés en Haïti. La cité du Vatican est l'un des États qui a mis plus de temps avant de reconnaître l'indépendance du nouvel État caribéen. Alors que, parallèlement, tout au cours du XIX*™ siècle, les différents chefs d'État haïtiens ont usé de diverses stratégies pour obtenir du Saint-Siège la reconnaissance officielle de cette partie de l'île (Desmangles, 1992 : 44). Par contre, durant cette période les différends qui opposaient l'État et le Vatican ont favorisé un certain développement du vaudou. Pourtant, cette pratique partagée entre diverses couches de la société n'a jamais pu bénéficier d'une reconnaissance véritablement officielle. Le vaudou fut décrié tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays. Présenté comme une hérésie, une sorte de cannibalisme, il fut projeté comme une pratique peu décente, pour ne pas dire indécente. En adhésion au cadre problématique de ce numéro, nous sommes d'avis que la compréhension des croyances et pratiques religieuses inconsidérées, telles le vaudou, le candomblé, la santeria et autres, passe par un autre mode d'étonnement, de nouvelles formes d'interrogations et de nouveaux outils épistémologiques. Notre réflexion s'inscrit dans cette logique. En vue d'examiner si le vaudou est une religion ou une pratique magique, nous le définissons, ensuite, nous précisons son contexte d'émergence ainsi que le rôle qu'il a tenu dans l'univers socioreligieux haïtien. Cette stratégie permettra une meilleure compréhension des relations entre État et Église au niveau de la société haïtienne, surtout après la signature du Concordat de 1860. 22

[23]

Vaudou : définition, contexte d'émergence
et fonctions culturelles, sociales et politiques


Débuter notre argumentaire par la négation peut être une stratégie pour comprendre le vaudou. Nous tenons, en ce sens, à signaler que le vaudou n'est pas une religion orgiastique et animiste ; ni une forme de cannibalisme, ni un culte au serpent, ni une religion démoniaque. Le vaudou est une religion populaire pratiquée par de larges couches de la population haïtienne au même titre que le candomblé du Brésil, la santeria de Cuba et le dopkwe de Dahomey. L'adhésion au vaudou passe par un processus d'initiation et les adeptes savent à quoi ils s'engagent "sa k ap pose nan manmèl bèf la" [8]. C'est avec raison que Petit-Monsieur Lamartine affirme "comme toute religion, le vaudou présente un côté exotérique ouvert au grand public et un côté ésotérique, réservé seulement aux initiés" (Lamartine, 1992 : 249) [9].

Le vaudou est une religion héréditaire des cultes des aïeux africains et est un système de croyances religieuses en vigueur à Saint-Domingue depuis l'époque coloniale. Il s'opère à travers un mélange de cérémonies, de cultes et de rituels où la "musique, la transe, le théâtre, la médecine, la magie et l'invocation des divinités" s'entremêlent (Leiris, dans Métraux, 1958 : 11 ; Corten, 2000 ; Métraux, 1958). Les divinités quant à elles, se dénomment loas [10]. Tout comme dans le catholicisme où chaque Saint a une signification symbolique, il en est de même dans le vaudou, chaque loa revêt une importance symbolique. Le vaudou comporte un discours sur Dieu, sur les Hommes et sur l'Univers. Une cérémonie vaudou s'organise à l'intérieur d'un temple communément appelé Houmfort ; et plusieurs couches de la population telles les intellectuels, les paysans, les entrepreneurs, entre autres ont l'habitude d'y participer. De ce fait, il est assez restrictif de penser le vaudou comme une croyance et pratique religieuse essentiellement paysanne.

Par rapport à son importance politique et socioculturelle, tout d'abord, il faut dire que le vaudou a joué, tout au long de la fin du XIXème siècle, un rôle dans la conscientisation des masses serviles de Saint-Domingue et a aidé à la réalisation de l'indépendance. La petite histoire, plus proche de nous, est riche de récits où le vaudou apparaît comme étant un élément qui [24] a facilité la désoccupation étasunienne du pays en 1934 [11]. Présentée comme la vraie religion nationale (Mars cité par Métraux, 1958) ou religion compagne de l'Haïtien (Lamartine, 1992), le vaudou façonne la vie de ses pratiquants et est utilisé comme ressource en vue de résoudre plusieurs types de problèmes dans leur vie quotidienne [12]. On recourt au vaudou pour le traitement des maladies physiques, psychologiques, mentales et psychosomatiques, pour trouver et/ou réussir une relation amoureuse, pour résoudre des difficultés familiales, économiques ; pour obtenir et/ou se maintenir à un poste politique, se protéger contre la zombification, etc..

En dépit des multiples fonctions sociales du vaudou, les responsables de la "puissance publique" ne lui ont jamais accordé un traitement similaire au catholicisme. Le vaudou, tout au long du XIXème siècle et jusqu'au début du XXèmc siècle a occupé le second rôle dans l'univers socioreligieux et politique du pays. Il était vu comme une hérésie et une pratique religieuse liée à la magie nègre. Mais, malgré tout, le vaudou était accepté, pratiqué secrètement et fonctionnait comme une religion de seconde zone. Quoique, à partir de 1860, avec la signature du Concordat, on assista à une nouvelle dynamique au niveau de la cohabitation des religions et cultes en Haïti, dynamique qui influença négativement la séparation État-Église, la liberté de conscience et le pluralisme religieux.

Le Concordat de 1860
et la laïcisation de la politique


Bien qu'Haïti, depuis 1804, ait acquis officiellement son indépendance grâce aux luttes de l'Armée indigène, jusqu'à la fin du XIXème siècle, le pays a été mis en quarantaine. Les grandes puissances internationales incluant le Vatican ne reconnurent pas cette indépendance. À l'échelle internationale, il y avait une idée qui se répandait et présentait le pays comme une nation où les adeptes du vaudou pratiquaient le cannibalisme, [25] la sorcellerie et la magie nègre. L'État haïtien gouverné par Fabre Geffrard, en vue d'obtenir la reconnaissance internationale de l'indépendance du pays, a régulé les relations diplomatiques avec le Vatican, en signant le 10 juin 1860 un accord avec le Saint-Siège, dirigé par le pape Pierre IX. Le gouvernement de Geffrard en signant cet accord prétendait redéfinir les relations entre l'État haïtien et l'Église catholique et stratégiquement lancé un message aux nations occidentales en leur disant que "les Haïtiens ne sont pas des sorciers, ne sont pas des Nègres d'Afrique [...], qu'ils sont culturellement civilisés au même titre que les peuples occidentaux" (Saint Paul, dans Ministère de la Culture, 2005 : 1). Le Concordat, comme nous venons de le décrire, peut se définir comme un accord international signé entre deux États. Dans le cas de Haïti, il réglemente la nomination des évêques et archevêques de l'Eglise catholique par le gouvernement haïtien. Ainsi, ce gouvernement promettait, en ce milieu du XIXème siècle, de maintenir avec ses fonds les ministres du catholicisme (Desmangles, 1992).

Sur la base du concordat, un ensemble de fonctions socioculturelles a été dévolu à l'Église catholique. Les Frères de l'instruction chrétienne, les Sœurs Saint Joseph de Cluny, les Pères du Saint Esprit, entre autres contrôlaient une grande partie des institutions éducatives. Ces religieux implicitement reçurent la mission d'ouvrir le pays à la modernité occidentale, de mettre fin à la superstition, à l'ignorance, à la "sauvagerie africaine" propulsée par les pratiques du vaudou : religion considérée comme inculte, irrationnelle et dangereuse pour toute "authentique civilisation" (Hurbon, 2004 ; Saint Paul, in Ministère de la Culture, 2005). En vue d'atteindre leurs missions, les religieux modifièrent les programmes éducatifs, introduisirent et firent du catéchisme une discipline scolaire obligatoire même dans les écoles non confessionnelles.

Donc, à partir de la signature du Concordat, les catholiques utilisèrent toutes les voies et moyens pour ancrer leur religion dans la mentalité et l'imaginaire des Haïtiens. Ils tentèrent de la faire passer comme 'source de la morale publique' au sens de Baubérot (2005 : 27-28). Avec la signature de cet accord, l'État haïtien est devenu complice des actions politiques des prélats catholiques, qui, à leur tour, ont su profiter de cette complicité pour persécuter les vaudouisants et leur refuser toute possibilité d'habiter l'espace socioreligieux du pays. Entre le XIXème et le XXème siècle, le vaudou était dénigré, présenté comme ennemi public et persécuté en toute [26] quiétude par les responsables catholiques. C'est ainsi que, sous le gouvernement de F. Geffrard (1859-1867), le Tribunal de Port-au-Prince condamnait à mort huit personnes qui, semble-t-il, ont pris part à une cérémonie vaudou et ont utilisé des pratiques anthropophagiques (Hurbon, 2004). Plus tard, le gouvernement de Tirésias Simon Sam (1896-1902) n'a rien fait pour protéger le vaudou contre les calomnies et persécutions des catholiques. Pendant l'occupation américaine, l'Église catholique a aidé les Marines états-uniens dans leur quête d'exterminer le vaudou (Hurbon, 2004 : 203).

Mais, il fallait attendre le gouvernement de Élie Lescot (1941-1946) pour assister aux véritables persécutions du vaudou, comme nous l'avions, un temps, mentionné dans l'introduction de cet article. Lescot nourrissait un certain dédain pour la culture populaire et le folklore. C'est ainsi qu'en 1942, il permit au clergé catholique de détruire les houmforts des vaudouisants sous prétexte de protéger la nation haïtienne contre la barbarie et d'extirper cette pratique de la culture haïtienne (Métraux, 1958 : 298 ; Nérestant, 1994 ; Gousse, in Ministère de la Culture, 2005 : 4). Cet épisode surnommé : campagne des rejetés ou campagne antisuperstitieuse est décrit par l'ethnologue français Alfred Métraux.

Sur la demande du clergé, le président Lescot ordonna à la garde d'aider les curés dans leur chasse aux objets du culte vaudou. Fort de l'appui plus ou moins déclaré du gouvernement, les curés fermèrent ou détruisirent les houmfò et brûlèrent des milliers d'objets sacrés dans de véritables autodafés [...] Pendant la campagne antisuperstitieuse, les curés brûlèrent sans scrupule toutes les images qu'ils trouvaient dans les sanctuaires familiaux, alors que ces mêmes images étaient offertes à la dévotion des fidèles dans les églises et les chapelles catholiques (Métraux, 1958 : 289, 304).

La campagne des rejetés démontre clairement l'incapacité des agents publics à : (i) créer un climat sociopolitique propice à l'expression et à la manifestation des pratiques religieuses plurielles en Haïti ; (ii) combattre l'intolérance religieuse, (iii) donner un traitement égalitaire aux manifestations culturelles et religieuses (iv) cimenter un ordre socioreligieux et travailler pour l'aménagement d'un climat de convivialité entre les différentes entités de la nation haïtienne.

Conclusion

Sans les croyances religieuses, le social, dans ses diverses dimensions perdrait de son essence et de ses significations. Car, la religion constitue une partie intégrante de toute vie mentale ou sociale. La religion permet de mieux comprendre la nature de la société, de l'économie et des agents [27] institutionnels. Partant de ces prémisses, il ne fait pas de doute que le thème retenu pour ce numéro : Pratiques religieuses dans la Caraïbe, Vaudou, Santeria, Candomblé, est d'une grande pertinence. S'il n'en demeure pas moins que les croyances religieuses ont un caractère privé, elles ont, toutefois, une expression sociale et façonnent quotidiennement le comportement des sujets-acteurs. Dans cet article, nous nous sommes évertués d'étudier les pratiques religieuses ainsi que les difficultés auxquelles les adeptes du vaudou font face dans leur quête d'habiter l'univers religieux haïtien. Nous avons principalement centré nos réflexions sur les relations entre religion et politique en Haïti en faisant de la laïcité la toile de fond de notre analyse.

Pour finir, nous croyons que la laïcisation serait favorable à une meilleure cohabitation du vaudou avec les autres religions. Tenant compte des caractéristiques culturelles de la société haïtienne, la laïcisation profiterait non seulement aux croyants en général entre eux, mais aussi au citoyen. Jusqu'ici, Haïti fonctionne comme un État concordataire. Les institutions étatiques ne sont pas sécularisées. Par exemple, dans un ensemble d'institutions publiques l'on constate la présence d'effigies de saints catholiques. Les membres du clergé catholique sont encore payés par l'État (Gousse, in Ministère de la Culture, 2005). Par conséquent, pour que les croyances religieuses soient pleinement respectées, il aurait fallu que l'État soit désacralisé, qu'il se sécularise et que la religion d'État qu'est le catholicisme soit remplacée par la religion civile (le culte aux héros nationaux). Cette stratégie permettrait un traitement équitable des cultes et religions en Haïti.

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* Cet article est la synthèse d'une recherche intitulée "Alcances y limites de ta laicización de la politica en Haiti, 1804-2005", qui apparaîtra sous la forme d'un chapitre dans un ouvrage collectif coordonné par Roberto Blancarte, Laicidad y Seculariiación en el mundo contemporáneo, Mexico, D. F., El Colegio de Mexico.

[1] Élie Lescot présida Haïti de 1941 à 1946, supprima les deux chambres législatives, censura les médias et réprima toutes manifestations populaires comme le carnaval, les danses raras et les cérémonies vaudou (Hurbon, 2004).

[2] En vue d'éviter toute confusion nous reportons le contenu des articles 30 à 30-2 de la Constitution de la République d'Haïti : "Toutes les religions et tous les cultes sont libres. Toute personne a le droit de professer sa religion et son culte, pourvu que l'exercice de droit ne trouble pas l'ordre et la paix publics. [...] Nul ne peut être contraint à faire partie d'une association ou à suivre un enseignement religieux contraire à ses convictions. [...] La loi établit les conditions de reconnaissance et de fonctionnement des religions et des cultes" (Urfié, 1991 : 28).

[3] Dobbelaere (K.), Secularización, un concepto multidimensional, Ire éd., Mexico, D. F., Universidad Iberoamericana (UIA)- 1994. Titre original : Secularization. A Multi-Dimensional Concept, Current Sociology, Vol. 29, No. 2, 1981, London, SAGE Publications (Traduit par Eduardo Sota). Tschannen (O.), "The Secularization Paradigme : A Systematization", Journal of the Scientific Study of Religion, 1991 30 (4 :) 395-415.

[4] Au niveau de la sociologie classique et contemporaine, la notion de 'conflit1 a été travaillée, à partir de perspectives complémentaires et, quelques fois, diamétralement opposées. Karl Marx, Friedrich Engels, Max Weber, Georg Simmel, Randall Collins, Ralf Dahrendorf, Lewis A. Coser entre autres, ont beaucoup réfléchi sur la question. Souvent, le conflit fut sociologiquement analysé comme quelque chose qui détruit l'ordre social. Ici, dans notre étude, nous utilisons le conflit au sens de Georg Simmel, puisque celui-ci l'analyse comme constituante de la vie sociale et permet la construction de l'individualité. Donc, dans une société laïque, bien qu'il n'y ait pas de société qui le soit totalement, on dénote un certain intérêt pour l'institutionnalisation du conflit. Pour ce, quand nous parlons "d'atténuer le conflit", nous n'avons pas en tête une connotation négative du conflit.

[5] Quand nous aborderons "Vaudou, État concordataire et laïcité", nous définirons le vaudou et analyserons le lieu qu'il a occupé dans l'univers socioreligieux haïtien.

[6] La littérature classique présente la "nation" comme un projet de convivialité (Ortega et Grasset cité par Basave Fernández del Valle, 1985) où l'on dénote une volonté de vivre ensemble entre les individus (E. Renan). L'existence de la nation est intimement liée à des critères subjectifs et objectifs tels : un idéal commun, un imaginaire national (B. Anderson), une représentation politique, une égalité devant ta loi. Le peuple, dans cette optique, apparaît comme la source originelle du pouvoir et, finalement, l'Eu théorisé comme une importante instance organisatrice des relations sociales (Magnette, 2001 ; Hobsbawn, 1991) ; Delinnoi, Taguieff, 1993 ; Renan, 1987 ; Basave, 1985).

[7] Ici, la notion de colonisé est utilisé au sens de Jürgen Habermas, puisque l'héritier de l'École Critique de Francfort, dans ses analyses du Système et du Monde Vécu, entend la 'colonisation' comme une interférence du système sur le monde vécu (voir : "Sistema y Mundo de la Vida", dans Habermas (J.), Teoria de la action comunicaliva, Tomo tt : critica de la razon fimcionatisla, Madrid, Taurus - 1987.

[8] La qualité du lait qui sort des mamelles de la vache.

[9] Le lecteur intéressé à une compréhension ethnologique et sociologique du vaudou haïtien peut consulter les ouvrages classiques de Jean-Price Mars, Ainsi Parla l'Oncle et d'Alfred Métraux, Le vaudou haïtien.

[10] La noción loa hace referencia a espiritus provenientes de África. Espiritus que bailaban en la cabeza de los antepasados desde la Alma Mater (África). El vocablo loa es una alteración de la palabra OLOUA que significa "maestro", "Señor" (Lamartine, 1992 : 133). Tradicionalmente en Haiti, dentro de las familias - sobre todo las campesinas - existe una tradición a 'servir genealógicamente a los loas'. Este servicio puede consistir en danzas y/o comidas. En el Sur del pais (Les Cayes), generalmente, los Jefes de familias suelen organizar una gran fiesta para los loas que incorpora un baile-danza denominado 'danse loa' y una comida que lleva en créole el nombre de djak marassa.

[11] Con el propósito de llevar a cabo su proyecto impérial que fue diseñado teóricamente desde el siglo XIX a través de la Doctrina Manrae "L'Amérique aux Américains", a partir de finales del siglo XIX y principios del XX, una parte de Centroamérica y sobre todo el Caribe fue considerada como la Mare Nostrum o patio trasero de los Estados Unidos de América. En efecto, los estadounidenses intervinieron militarmente en : México (1845), Panamá (1889), Cuba (1898), Colombia (1903), y Haiti (1915). En éste último país permanecieron teóricamente hasta 1934. Esta ocupación modificó por completo el cuadro politico del país en la medida en que se inauguró la era de la preponderancia politica abierta e incontestada de los Estados Unidos (Manigat en Grafenstein, 1989).

[12] La vida cotidiana tiene un doble carácter, público y privado ; es dinâmica, irreflexiva y proragonizada por los seres cognoscentes (Gonzalbo Aizpuru, 2004). Está hecha de relatos, actos, percepciones, relaciones, objetos, actividades y vivencias (Pichon-Rivière, 1985 citado por Alonso, 1998 : 52). Es privada en la medida en que afecta la vida especifíca de los sujetos ; no obstante, su carácter público viene de los principios normatives que moldean nuestras relaciones sociales y que se originan en los procesos de socialización [...] La vida cotidiana se refiere a la évolution de las formas culturales creadas por los hombres en sociedad para satisfacer sus necesidades materiales afectivas y espirituales. Su objeto de estudio son los procesos de creación y de desintegratión de hábitos, de adaptation a circunstancias cambiantes y de adecuación de prácticas y creencias. Y respecto a sus elementos integracionales, hay que decir que [...] una gran parte de las actividades cotidianas tiene lugar en la calle, en el trabajo, en los lugares de esparcimiento. Pueden integrar la historia de la vida cotidiana : las devociones, tanto comunitarias como privadas, las celebraciones, intimas o populosas, los regimenes religiosos o colegiates entre otros (Gonzalbo Aizpuru, 2004).



Retour au texte de l'auteur: Jean-Marc Fontan, sociologue, UQAM Dernière mise à jour de cette page le vendredi 9 février 2018 7:03
Par Jean-Marie Tremblay, sociologue
professeur associé, Université du Québec à Chicoutimi.
 



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